03. Traverser la rue pour travailler

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Théo

Je regarde Priscillia descendre les escaliers. Elle sort tout juste de la salle de bain vêtue d’une simple serviette et se dirige vers le canapé où elle a effectivement passé la nuit. J’admire ses belles jambes musclées et surtout sa poitrine qui fait un joli renflement sous le tissu. Je ne sais pas si elle se rend compte de l’effet qu’elle provoque chez moi, mais j’ai vraiment du mal à résister à la tentation de lui sauter dessus, surtout quand je la vois se baisser pour ramasser ses affaires et m’offrir une vue imprenable sur son décolleté alors qu’elle se penche. J’ai bien fait de m’installer sur ce bout du canapé en attendant qu’elle finisse de se préparer.

— Eh bien, dis-je en sentant le rouge me monter aux joues, il n’y a pas à dire, je crois que je te préfère en repos qu’au travail ! La vue n’est pas la même !

— Je compte sur toi pour garder ça pour toi, hein ? Si quelqu’un apprend qu’on a couché ensemble, je perds mon job et tu te retrouves avec le vieux Henry. Crois-moi, tu n’apprécieras pas la vue, dit-elle en enfilant sa culotte.

C’est clair que non seulement la vue ne sera pas la même, mais la nuit non plus. Je ne sais pas qui a vraiment lancé les hostilités, mais toujours est-il que je n’ai finalement jamais remonté les escaliers après la première visite de découverte. Alors que j’allais la laisser pour monter me coucher, elle m’a arrêté d’un regard auquel je n’ai pas su résister. En un rien de temps, je l’ai débarassée de son petit shorty et de son tee-shirt et j’ai pu redécouvrir ce que ça faisait de tenir une femme dans mes bras. Franchement, ça n’a rien à voir avec ma main pendant le confinement !

— Tu regrettes ? demandé-je en l’attirant à nouveau sur mes jambes avant de m’emparer d’un de ses seins entre mes lèvres.

— Non, bien sûr que non, mais… Arrête, tu me déconcentres, rit-elle en me repoussant. Il faut que je reparte, Théo, et tu vas être en retard pour ta première journée.

C’est fou comme j’avais oublié à quel point le corps d’une femme pouvait être réactif à des caresses, et là, j’en ai vraiment pour mon compte. C’est tellement excitant de sentir la pointe de son sein durcir sous ma langue et de voir son téton durcir comme ça alors que je n’ai fait que le lécher un peu.

— Tu vas vraiment me laisser comme ça ? demandé-je en montrant l’érection qui déforme mon boxer.

— Tu cherches à m’amadouer, vraiment ? Ça ne marche pas, Théo, rit-elle en se levant. Les obligations avant tout. Je dois rentrer à Paris, et toi prendre une douche froide avant d’aller bosser.

— Je vois ça, tu es insensible à mes charmes… Il faut croire que les “encore” de la nuit n'étaient que des mots, rien de plus. Tu reviendras vite quand même ? Ou alors, tu ne préfères pas au vu des circonstances ?

— Serais-tu un peu vexé ? me demande-t-elle après avoir enfilé son pull. Je t’ai dit que je passerai toutes les semaines, je le ferai.

— Et tu passeras la nuit ou juste vérifier que je vais bien ? Parce que j’avoue que ça m’a fait un bien fou de t’entendre gémir comme ça… J’avais oublié à quel point c’est excitant d’avoir une jolie femme dans les bras.

— Théo, soupire-t-elle en s’asseyant devant moi sur la table basse, tu sais que… Disons que je ne regrette pas, que j’ai apprécié ce moment, d’accord ? Mais tu sais très bien que ça ne peut pas se reproduire. Enfin… On ne devrait pas sortir du cadre de base, tu vois ? C’est normal que tu apprécies ça, et je suis une personne repère dans tout ce qui t’arrive, donc… Les émotions sont exacerbées, dans ces moments-là.

— Tu as raison, Priscillia, enfin, c’est ce que me dit mon cerveau, mais pas le reste de mon corps… Bref, merci de m’avoir offert ce petit interlude. Après tant d’abstinence, ça soulage les hormones, au moins.

— Merci à toi, c’était vraiment très sympa, sourit-elle avant de se pencher pour embrasser sur ma joue barbue. A très vite, alors ? Je t’envoie un message pour te prévenir de ma venue.

— Quand tu veux, je ne bouge pas de toute façon. Si je ne suis pas ici, je serai en face, indiqué-je en montrant la direction de la mairie.

Elle se relève et récupère son sac avant de s’éclipser, rapide comme l’éclair. J’ai un peu l’impression d’avoir rêvé la nuit, d’avoir fantasmé cette étreinte avec elle, mais le petit morceau de plastique que je vois dans la poubelle alors que je me prépare un café me convainc de la réalité de cette baise torride qu’on a partagée cette nuit. Une fois et trois orgasmes pour elle, c’est déjà pas mal pour un retour à la liberté, non ?

Une vingtaine de minutes plus tard et un nouvel orgasme au compteur sous la douche en solo, je sors de chez moi et traverse la rue pour aller à mon rendez-vous à la mairie. L’avantage, c’est qu’on ne peut pas rêver mieux comme distance entre mon domicile et mon travail. Nombre de parisiens paieraient une fortune pour un luxe comme celui-là ! Je franchis la porte et suis accueilli par une petite dame de type asiatique qui me dévisage des pieds à la tête avant de m’adresser un bonjour un peu coincé et surtout très froid.

— Bonjour Madame. Je m’appelle Théo S... Théo Masquette, dis-je en me souvenant du nom que je dois utiliser désormais. J’ai rendez-vous pour un entretien à neuf heures.

— Ah, bonjour ! On vous attendait avec impatience. C’est un peu le bazar ici. Quelle idée ils ont eu de vouloir rassembler des communes pour en faire une seule, c’est pas possible ! Suivez-moi, dit-elle en regardant sa montre. Vous auriez pu arriver un peu en avance, quand même, Monsieur Masquette.

— Je suis ponctuel, c’est ce qu’il faut, non ? Et on va où comme ça ?

— Voir le maire. Enfin, le maire délégué, me répond-elle en me faisant signe de la suivre dans les escaliers. Dépêchez-vous, il rencontre un journaliste du Paris-Normandie dans quinze minutes.

— C’est quoi un maire délégué ? demandé-je intrigué.

— Vous n’avez pas d’expérience dans le domaine ? me demande-t-elle en s’arrêtant brusquement devant moi.

— Dans quel domaine ? On m’a juste dit de me présenter à neuf heures pour un entretien, expliqué-je sincèrement.

— C’est pas possible, marmonne-t-elle. On nous a envoyé un novice, quel bonheur ! Plusieurs petits villages alentours ont été regroupés pour former ce qu’on appelle une commune nouvelle. Il y a un président de ce regroupement et des maires délégués pour chaque village qui en fait partie.

— Ah, je vois. Et je vais devoir faire quoi, moi, avec ce maire délégué ?

— Vous postulez ou vous comptez faire la plante verte dans l’entrée ? On cherche un agent pour l’accueil de la mairie, vous savez ?

— Ah d’accord, je vois.

Je n’ose pas dire que je ne savais pas, j’ai déjà l’air assez bête et perdu comme ça. C’est fou le peu d’informations que j’ai, mais bon, ce travail devrait être à ma portée après tout ce que je gérais avant le grand bouleversement de ma vie.

— Donc… Vous êtes intéressé ou j’évite de faire perdre son temps à Monsieur Paveau ?

— Bien sûr que je suis intéressé. Je signe où ? demandé-je en lui faisant un clin d'œil auquel elle ne répond que par un haussement de sourcil.

— Je sens que vous n’allez pas faire long feu ici, soupire-t-elle en reprenant son ascension avant de frapper à la première porte et d’entrer. Monsieur Paveau, je vous présente notre nouvel agent d’accueil, Monsieur…

— Oui, Monsieur Marquette, je sais. Entrez donc, je vous attendais. Vous pouvez nous laisser, Roselyne.

Vu le regard qu’elle me lance quand elle ressort du bureau du maire, je crois que je me suis déjà fait une ennemie dans la place. Ça promet. Je me tourne vers l’édile qui est assis derrière son bureau et n’a pas pris la peine de se lever pour me saluer. Il n’a pas l’air bien grand et ce qui frappe avant tout, c’est sa petite moustache grise qui lui donne l’air d’être un général en retraite.

— C’est Masquette, Monsieur le Maire, le corrigé-je en restant planté debout devant son bureau.

— Pardon, je suis… overbooké, grogne-t-il en me faisant signe de m’asseoir. L’agence vous a recommandé, nous disant que vous aviez une bonne capacité d’adaptation. Je vais demander à Roselyne de vous former aux bases de l’accueil. Ici, on reçoit souvent des personnes âgées, vous savez. C’est un village à la fois vieillissant et… Enfin… Nous avons pas mal de logements sociaux, si vous voyez ce que je veux dire.

— Je vois, Monsieur le Maire. Et vous souhaitez que je les accueille comment alors ? Plutôt du mieux que je peux pour qu’ils reviennent ou l’inverse ?

— Il faut recueillir les demandes, toujours avec le sourire, avec politesse et empathie. Et faire remonter au service concerné. Et, selon les demandes, me les faire remonter. Je vous demanderai aussi d’organiser les réunions, de prévenir les personnes invitées. De relayer les informations sur le Facebook du village et le site internet.

Tout ça ne m’a pas l’air bien compliqué et je me demande pourquoi l’agence m’a envoyé vers un tel boulot alors que je suis en capacité d’en faire beaucoup plus.

— Très bien. Et Roselyne, c’est ma cheffe ? Elle ne s’est pas présentée et je ne sais pas ce qu’elle a le droit de me demander ou pas.

— Non, Roselyne est votre collègue. Elle vous formera avant son départ. Elle démissionne, en vérité. Ça va aller ?

Je sais bien qu’il faut que je réapprenne à faire un peu confiance aux gens qui m’entourent, mais je suis troublé par cette information. Si elle démissionne, et vu la façon dont c’est dit, c’est qu’il doit avoir anguille sous roche.

— Oui, ça va aller, affirmé-je avec aplomb. Si j’ai un souci, je reviendrai vers vous.

— Bien. Voyez avec Roselyne pour qu’elle vous forme en priorité sur nos outils. J’ai besoin que vous connaissiez mon emploi du temps sur le bout des doigts et que vous puissiez rapidement être efficace sur les requêtes de nos petits vieux. Enfin… de nos retraités.

— Bien, il y a des choses particulières que je dois savoir ?

— Non, vous avez le principal, me répond-il en faisant glisser une enveloppe devant moi. Votre contrat. On part sur une période d’essai d’une semaine, je vous dis déjà qu’elle sera renouvelée, Monsieur Marq… Masquette, pardon.

— Je commence quand ? demandé-je en ouvrant l’enveloppe, prêt à signer le contrat, quel qu’il soit.

— Maintenant, mon bon Monsieur ! Allez, oust, dit-il alors qu’on frappe déjà à la porte.

Je me lève et sors du bureau alors que le Maire se redresse à son tour et vient accueillir le gros rougeaud qui vient de frapper. Alors qu’il salue son bon ami le journaliste, je m’éclipse discrètement afin de commencer ma première journée de travail. Je me demande si je vais vraiment m’épanouir dans ce travail et surtout si je vais réussir à ne pas faire d’impair, ce qui signifierait clairement mon renvoi. Et ça, je ne peux pas me le permettre dans les circonstances actuelles.

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