7.

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Maude, absorbée par le récit d’Etienne, avait bien failli ne pas entendre toquer à la vitre. Erick eut beau presser Étienne de rentrer à la Créole, l’enfant insistait pour rester avec elle, désireux de lui révéler tout ce que Pauline, « son amôreuse de la forêt » comme il l’appelait, lui avait confié. Les mots avaient jailli de sa bouche sans que Maude eût besoin de le questionner. Étienne leva des yeux implorants, le visage en proie à une immense fatigue comme s’il venait de se délester d’un lourd fardeau. Erick, agacé, frappait toujours quand elle ouvrit la portière, embrassa Étienne sur la joue en lui promettant de revenir le voir le lendemain.

« Écoutez, Madame Tirbois, si vous voulez parler à notre fils, faites-le en notre présence », lança Erick d’un ton réprobateur.

Maude se contenta de hocher la tête.

Elle avait relevé plusieurs détails dans les propos d’Étienne, des éléments qui lui donnaient des soupçons. Maude paraissait désorientée. La disparition de Pauline ne reflétait nullement la terrifiante histoire racontée par Erick et Monsieur Tach. C’était sans compter les prénoms des parents de l’adolescente similaires à ceux de la famille Grenereau. Était-ce une piste, une simple coïncidence ou bien l’enfant mêlait son environnement à un monde irréel ? N’était-il pas étrange que vingt-huit ans plus tôt, sur la table découverte par Myriam, près du puits, le visage d’une Vierge s’y fût manifesté ? Elle décocha un regard en direction de la rotonde et se rappela le portrait de la Sainte au teint jauni et au brillant effacé par les années. Elle attrapa son carnet et prit des notes.

En 1994, les parents ont déclaré que leur fille n’était pas rentrée à la Bruyère. Malgré l’enquête, aucun témoin hormis Monsieur Tach n’a apporté la moindre piste sur sa disparition. Étienne rapporte la présence de papier peint recouvrant l’armoire, la fenêtre de la chambre avec les carreaux brisés. À vérifier.

Maude éprouva le besoin impérieux de jeter un coup d’œil vers la croix. Comme si elle guettait l’arrivée du vieux bonhomme, elle se demanda s’il cachait un secret ou quelque chose de plus sordide et d’inavouable. Elle prit une profonde inspiration puis soupira. Non, c’est un sentiment absurde, murmura-t-elle, l’enquête n’a rien donné de ce côté-là.

En rentrant à Arcachon, Maude, perdue dans ses pensées, traversa un peu distraite le quartier de la gare, se trompa de route et dû opérer un drôle de détour pour regagner sa belle demeure entièrement rénovée. Elle claqua la portière, se recoiffa à la va-vite et s’engouffra dans la bâtisse. Maude posa ses clés sur le guéridon et constata avec satisfaction que Seeker lui avait laissé un mot dans lequel il lui écrivait l’aimer. Elle parcourut la lettre, l’embrassa et le simple contact de ses lèvres avec le papier lui arracha un sourire. Maude appuya sur l’interrupteur. La fraîcheur de la maison la fit frissonner, mais l’ampoule qui se mit à grésiller avant de s’éteindre l’intrigua bien plus. De manière hésitante, elle répéta son geste. La pièce demeura dans la pénombre. Le bruit d’un claquement lui parvint de l’étage. Elle eut la sensation inexplicable d’une présence.

« Seeker, c’est toi ? Tu es rentré de Toulouse ? »

La bâtisse demeura silencieuse.

Maude scruta attentivement l’escalier, décocha un regard vers la porte du bureau entrouverte, et sentit une inquiétude monter. Elle s’approcha, la poussa lentement, certaine, de l’avoir laissée close à son départ. Calme-toi, Maude, calme-toi, se dit-elle. La pièce était déserte. Elle rebroussa chemin et arrivant au bas des marches, le grincement de gonds reprit, comme le crissement d’une huisserie qui se refermait. Un frisson lui parcourut le dos. Maude recula d’un pas. Des bruits de pas attirèrent son attention vers l’entrée. Elle hurla portant les mains au visage quand la porte s’ouvrit brusquement. Découvrant Seeker sur le seuil, elle explosa de joie pour se ruer dans ses bras.

« Mon amour, je suis si heureuse !

— Salut, chérie, dit-il en lui posant un baiser sur les lèvres.

— On dirait qu’il y a quelqu’un en haut !

— À mon avis, il n’y a personne, reste ici », dit-il en l’écartant doucement tandis qu’elle s’accrochait à son cou.

Elle le suivit des yeux. L’air soucieux, elle le vit disparaître du palier.

« Seeker ? »

Sa robe cintrée l’oppressait et ses épaules nues étaient moites. Maude crut entendre un corps qui trébuchait et s’écroulait.

« Seeker ? »

Maude sentit son ventre se nouer. Elle ne quittait pas l'étage des yeux. Avant qu’elle puisse ouvrir la bouche, Seeker apparut et se dépêcha de la rejoindre.

« Ce n’était que la fenêtre de la chambre qui est restée grande ouverte.

— Ce n’était pas le cas quand je suis partie ce matin, répondit aussitôt Maude.

— Sûrement que j’ai oublié de la refermer avant de m’éclipser.

— Peux-tu remplacer l’ampoule de l’entrée, elle doit être grillée », dit-elle en entrant dans le bureau.

Seeker glissa le doigt sur l’interrupteur et appuya dessus.

« Je n’ai pas grand-chose à faire, ça marche très bien ! », lança-t-il en observant le hall s’illuminer.

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