11.

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Lorsque Maude arriva en haut des marches, elle resta un moment immobile sur le palier sans savoir où se diriger. Quelques enjambées lui suffirent pour atteindre le guéridon sur lequel reposait la photo d’école. Il devint évident que les deux gamines qui entouraient Étienne, l’une à la superbe chevelure blonde, l’autre aux gambettes longues et fines étaient Maxine et Pauline, ses deux amies de classe. Elle remarqua que la porte au fond du couloir était entrebâillée et eut l’intuition qu’Étienne s’y trouvait. Elle entendit le parquet qui craquait puis le claquement d’une fenêtre qu’on ouvrait. Maude en était presque sûre, quelqu’un marchait dans la chambre. Elle s’approcha, toqua, mais n’obtint pas de réponse.

Maude poussa légèrement la porte. Un silence total régnait dans la pièce. Elle ressentit un certain soulagement en apercevant Étienne de dos posté devant la fenêtre. Il serrait la peluche contre lui de toutes ses forces.

La chambre, proprette, était peinte en blanc, un plancher lisse et ciré. Dans le coin, des vêtements sales dépassaient d’une corbeille en osier.

Maude préféra s’asseoir sur le lit. Le temps était changeant et le soleil inondait maintenant la pièce de sa chaleur. Étienne continuait à regarder par la fenêtre le vert luxuriant de la forêt quand brusquement il leva la main et l’agita pour saluer. Il sursautait d’excitation.

« Salut, Étienne, lui fit-elle, à qui fais-tu un signe ? À maman qui étend le linge ?

— Ben non, à Pauline, répondit-il, elle m’a promis de revenir. »

Maude tressaillit.

« Pauline, ta copine avec qui tu joues à la marelle pendant la récréation ?

— Pfff ! Tu comprends rien, je te l’ai déjà dit, mon amôreuse de la forêt, je ne veux pas qu’elle parte sans moi ! » s’écria-t-il l’air tristounet.

Les yeux écarquillés, Maude se redressa d’un bond et s’empressa de le rejoindre. Lorsqu’elle reporta son regard sur l’orée des bois, elle vit la jeune fille brune vêtue de son pull-over bleu qui s’enfonçait en direction du marais. Maude recula d’un pas, rentra la tête dans les épaules, les mains posées sur la bouche. Elle contempla Étienne qui la dévisageait en souriant.

« Toi aussi, elle te parle ? »

Les mains froides et tremblantes, Maude ne lui répondit pas et ne parvenait plus à respirer normalement. Tout ce qu’elle sentait, entendait, voyait lui paraissait irréel. C’est impossible, se répétait-elle. Étienne lui effleura le poignet puis le serra très fort.

« Elle n’aime pas qu’on la touche, dit-il.

— Oui, je comprends Étienne, elle veut qu’on la laisse tranquille, n’est-ce pas ? reprit-elle tandis qu’elle tentait de calmer l’inquiétude dans le ton de sa voix.

— Elle est seule dans le marais, dit-il en glissant les mains entre les cuisses avec une furieuse envie de se rendre aux toilettes.

— Qu’est-ce qu’elle t’a raconté d’autre ? »

Étienne dodelinait sur place, trépignait d’impatience.

« C’est un secret ! J’ai pas le droit de le dire ! »

Maude s’accroupit à sa hauteur.

« Mais tu la vois tous les jours ?

— Ben oui, elle m’a dit qu’elle était morte », lâcha-t-il avec sa frimousse aux taches de rousseur qui troquait son masque d’innocence pour des traits plus graves.

Soudain, il poussa un hurlement aussi fort que celui d’un animal prêt à mordre. Puis, les mâchoires si serrées qu’il écorchait les mots, Étienne l’attrapa par les cheveux, et la secoua violemment, lui enfonça le poing dans l’abdomen tandis qu’elle échappait un cri. Elle tomba à la renverse.

« Elle est morte ! Elle est morte ! » gueulait-il.

Des bruits de pas retentirent sur le palier.

« Qu’est-ce qui se passe ici ? » tonna Erick.

Maude se releva.

« Non, ce n’est rien, j’ai glissé sur le parquet », rétorqua Maude encore choquée reprenant son souffle.

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