- CHAP†TRE TRO†S -

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Village de Criskal ~ Nation Blanche

« La raison n’est pas automatique. Elle ne peut conquérir ceux qui la nient.»

— Ayn Rand

  Les premières lueurs du jour n’allaient pas tarder à se montrer pendant que Nives et Draem attendaient patiemment sur un muret en pierre à l’entrée du village de Criskal. Nives regardait les champs que le village surplombait. Elle observait les paysans débuter leur danse matinale. La jeune femme détaillait leurs mouvements. Ils faisant tournoyer leurs outils au dessus de leur tête, avançaient sur un rythme très précis. Draem, lui, soufflait. La buée qui s’échappait de ses lèvres l’amusait et le démon prenait plaisir à répéter cette action, cherchant le fonctionnement respiratoire des êtres vivants.

  Au loin un être à cheval s’avançait à travers champs.

  • C’est lui.

  Les deux êtres se redressèrent dans le même mouvement. Bronislav arrivait enfin au point de rendez-vous. Quand le cheval s’arrêta Nives lui fit un signe de tête pour dire bonjour.

  • Nous avions eu peur que mon message ne te soit pas parvenu. La route n’a pas été trop longue ?
  • Non ça a été merci. J’ai l’habitude d’être sur les routes.
  • Parfait. Un verre te tenterait ? Je ne pense pas que ce pont soit le mieux approprié pour discuter.

  Bronislav se relâcha un peu. Il se sentirait surement moins en danger si il y avait du monde autour d’eux. Et puis prendre un petit déjeuner n’était pas de refus. Le jeune homme hocha la tête en guise de simple réponse. Il attacha son cheval et le trio s’avança dans les rues de Criskal. Le monde commençait à émerger doucement. On n’entendait pas encore le brouhaha de la foule qui s’active, on ne sentait pas les odeurs des égouts que la chaleur fait remonter, et on ne voyait que quelques lève-tôt se rendant aux champs où à d’autres travaux tout aussi épuisants.

  Le pub devant lequel le petit groupe s’arrêta ressemblait à une de ses vieilles auberges d’ivrognes où l’on se rend pour oublier la vie. Draem pointa une table au fond de la salle miteuse et alla s’y asseoir suivi des deux autres.

  • Bon… Je pense que tu as compris que nous savons qui tu es Bronislav du peuple des var-loups.

  En entendant le nom de son peuple le jeune homme eu une sueur froide. Personne n’avait prononcé ce nom à voit haute depuis des années.

  • Et si tel était le cas, vous…Qui êtes vous ?
  • Je suis Nives, dernière ange des 5 royaumes.
  • Et moi c’est Draem, un…démon.

  Le silence qui régna soudainement était lourd et ramassé sur lui-même. On aurait dit une vague brutale qui avale tout et éventre les vaisseaux. Nives regardait Bronislav l’air doux, Draem était plus dur de visage. Et pourtant ce n’était pas lui qui semblait le plus souffrir. Et Bronislav avait comprit ce qui l’attirait tant chez la jeune femme, sa tristesse. Même le plus fou des fous ne pouvait nier la déchirure de cette femme. Le monde l’avait écrasé, encerclé de ses grands bras pour la serrer fort contre lui mais il avait oublié de r’ouvrir ses bras. Et l’on pouvait penser que le monde l’avait oublié là, au creux de ses immenses serres. Entre terreur et désespoir Nives gardait la tête haute. Bronislav l’observait comme s’il espérait pouvoir rentrer dans les tréfonds de son âme pour comprendre. Elle semblait si douce et chaleureuse, et en même temps si froide et horrible. Il avait entendu de nombreuses histoires sur la dernière bataille entre les êtres mystiques et les humains. Et, travaillant sur les marchés, Bronislav en entendait toujours pleins, plus farfelues les unes des autres. Pourtant il était persuadé que tous les anges avaient péris et que les démons s’étaient retournés en enfer. Là, se tenait alors devant lui les deux derniers êtres de leur peuple. Les dépositaires de tout héritage, de tout savoir, ils n’étaient plus que tous les deux.

  Le jeune homme eu une vague de pitié en les regardant un instant avant de revenir à la réalité lorsqu’une très grande femme se présenta à eux. Elle était aussi large que haute, mal maquillée, les cheveux presque gras et une robe pourpre qui semblait avoir été chiffonnée et frottée dans la boue.

  • Qu’est-ce que j’vous sers ?
  • Une choppe de ta meilleure bière ! Ma compagne prendra la même chose et toi gars ? Tu veux quoi ?
  • La même chose qu’eux… Merci…

  Nives regardait la vieille femme à la voix en dent de scie s’éloigner quand un homme déjà bien trop ivre s’approcha de la serveuse pour l’inviter à « danser ». Draem face à la scène grogna dans sa barbe et Bronislav se retourna. La vielle femme semblait ne plus savoir où se mettre et cherchait de l’aide du regard. Nives posa ses mains sur la table et murmura une prière. La porte de l’auberge s’ouvrit dans un claquement brutal qui fit sursauter l’assemblée. Un vent glacial à en faire frissonner les dieux entra et ravagea la table de l’ivrogne. La bourrasque le frappa tellement de plein fouet qu’il s’étala de tout son long par terre, le nez dans la boue froide du matin. Une partie des gens présents se mit à rire, l’autre partie resta septique. L’ivrogne se releva, désabusé, humilié, et sorti de l’auberge en hurlant que celle ci était maudite. Bronislav resta muet, et ce ne fut que quand il se retourna vers le couple qu’il comprit que Nives était à l’origine de tout ça. Plus efficace qu’une gifle se dit-il, mais beaucoup plus dangereux…

  Draem et sa compagne avaient déjà reportés leur attention sur le jeune qui ne savait plus où se mettre.

  • Alors… Tu te doute bien que si nous t’avons donné rendez-vous ici ce n’était pas pour te faire une petite démonstration de ce que nous sommes. Nous sommes face à toi parce qu’il y à une histoire dont tu dois être au courant. Il y a de ça 18ans, une petite famille vivait dans la foret interdite, loin de la cruauté du monde extérieur. Un père magicien, une mère angélique des terres gelées de Frillonne, une jeune fille de 10 ans, et un nourrisson de quelques jours. Une vie calme et heureuse en tous points. Pourtant, il y a 18ans, cette famille disparue en une nuit. Le père fut assassiné, la mère eu les ailes arrachées, le nourrisson fut brulé vif dans le berceau qui l’avait vu naître. Seule la jeune fille réussi à s’enfuir cette nuit là.
  • J’entends bien… Draem… Mais pourquoi me dis-tu ça ?
  • C’est simple mon garçon, l’enfant c’est Nives qui assise face à toi. Et ça fait 18ans qu’on prépare une très gros massacre.

  Bronislav sursauta à cette annonce. C’était donc ça ! Voila d’où venait tout ce noir qui planait autour de la jeune femme !

  • Je suis désolé pour ta famille. Finit-il par dire. Mais je ne vois toujours pas en quoi j’entre en jeux ! Je suis un simple commerçant, je n’ai rien à avoir dans cette sombre histoire !
  • Si, tu as une place dans tout ça. J’ai passé des années à rechercher les secrets des 5 royaumes pour comprendre. J’ai payé des mercenaires pour retrouver la trace de ceux qui étaient à l’origine du massacre de ma famille. J’ai retrouvé deux des hommes qui étaient là et qui m’ont dit qu’ils n’avaient fait que suivre les ordres. Draem les a interrogé pendant plusieurs jours, mais nous n’avons rien pu en tirer mis à part la moitié d’un parchemin avec une sorte de « prophétie » mais ni Draem ni moi ne savons lire cette langue.
  • Du coup nous avons cherché à comprendre mais ton peuple n’est pas connu pour retranscrire ses savoirs. Donc compliqué ! Alors, avec Nives nous nous sommes dit « qui pourrait nous traduire une telle chose ? » Toi.
  • Moi ?
  • Toi.
  • Mais comment ? Je ne sais pas grand chose de mon peuple ! Et encore moins la langue !
  • Au court de mes nombreux voyages j'ai rencontré des êtres qui connaissaient de près ou de loin ton peuple et grâce à ça je sais de source sûre qu'un var-loup sait, de naissance, lire et parler leur langue.
  • Comment ça ?

  Nives fit un signe de tête au démon qui sortit un parchemin de sa poche. Bronislav le regarda une seconde avant de pâlir. Il s’agissait d’une affiche avec le visage d’un homme recherché. Il reconnu immédiatement son père disparu trois ans plus tôt.

  • Comment…?
  • Au court de nos différentes recherches nous nous sommes rendus compte que les mercenaires de mon enfance faisaient partis d’un plus grand mouvement. Dans les 5 royaumes, à différentes époques, il y à eu des cas de disparition suspectes, des massacres, des tueries déguisées en attentat. Et ce que nous avons remarqué en creusant un peu plus c’est qu’à chaque fois il s’agissait de près ou de loin de familles de l’ancien temps. Près des terres de Frillonne, une petite fille du nom de Sora à disparu il y a 10 ans. Particularité ? Elle fait, ou faisait, parti d’un peuple sous-marin qui fut détruit lors de la grande guerre. Il y a 5ans une famille entière fut tué dans un soit disant attentat aux portes de Léniria. Il y a trois ans… Ton père, Bronislav, ton père à disparu sans laissé de traces.
  • Et du coup vous pensez que tout est relié ? Que ton histoire, Nives, et que la mienne sont des pièces de puzzle ?
  • Des pièces de puzzle qui ne demandent qu’à se regrouper oui.
  • Par les 7 lunes…

  Le silence s’était installé sur le petit groupe. Même le brouhaha autour d’eux dans l’auberge n’arrivait pas à venir jusqu’à eux. C’était comme s’il y avait un grand mur qui les séparait du reste du monde. Bronislav avait tant cherché son père. Il n’était tombé sur aucun indice, aucune piste, rien. Il avait même fini par perdre espoir qu’un jour il le retrouverai, mort ou vif.

  Draem d’une main lente poussa un autre parchemin vers Bronislav. Il était arraché d’une part et le texte semblait être si vieux qu’il commençait à s’estomper. Le jeune homme fronça les sourcils avant de relever la tête vers les deux amants.

  • Vous avez raison… Les mots se traduisent automatiquement, je les vois bouger sous mes yeux.
  • Qu'est ce que ça dit ?
  • " Lorsque l’ange fond sur l’océan le temps se retire et offre ses secrets. Le loup garde la grotte quand l’ombre avance. Le sacrifice des chaines brisées renversera la nuit. Le sabre tranchera, la flèche tuera, et les soeurs ennemies combattront. Le sort du monde dépendra de celle qui saura manier les secrets enfouis de l’Entre-Monde " Je ne comprends pas…

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