- CHAP†TRE SECOND -

8 minutes de lecture

Année 3901 ~ Plages du Nord ~ Nation Blanche

« Suivre uniquement par foi, c’est suivre aveuglement. »

— Benjamin Franklin

  Nives marchait le long de la plage, elle regardait le large, se disant qu’un jour elle serait tout là-bas, encore plus loin que le bout du monde. 18 ans étaient passé depuis la mort de sa famille et la douleur était comme au premier jour. Elle en faisait encore des cauchemars, parfois même la jeune femme refusait de dormir de peur de revivre encore une fois ce jour maudit. Elle avait fait la rencontre de Draem, un démon. Draem était né de la main d’un chaman, il y a 659 ans. Il errait sur Terre à la recherche de guerres, de sang et d’âmes jusqu’à cette fameuse soirée. Il avait vu Nives tomber de la falaise puis s’envoler, il avait reconnu la marque des anges, et intrigué, l’avait suivi. Il avait assisté au massacre familial, à la fuite, et… comme si les dieux en avaient voulu ainsi, Nives s’était réfugié dans la grotte où Draem se trouvait depuis plusieurs jours. La rencontre fut particulière, féroce même. Nives s’était réveillée en sursaut et quand elle avait reconnu le symbole des démons s’était jetée sur lui. Il n’avait pas riposté. Une bataille où la petite fille frappait seule et se défoulait plus qu’elle ne voulait blesser. Et ça, Draem le savait. Il connaissait la souffrance, les pertes, les déceptions. Alors il l’avait laissé faire, jusqu’à ce qu’elle en tombe d’épuisement et ce fut à ce moment là qu’ils purent enfin parler. Nives se souvenait de tout, chaque détail, chaque mot. Elle se rappelait la moindre petite chose, même le plus insignifiant. C’était important. Il lui avait expliqué sa naissance, montré son visage, ces pouvoirs, ces connaissances et il avait écouté. Elle, elle avait parlé. Cela faisait 659 ans que Draem déambulait ci et là. 659 ans à apprendre, à comprendre et connaitre. Il était une encyclopédie vivante. Le moindre doute que Nives pouvait avoir sur la nature, il venait le lever. La moindre question au sujet d’un animal, il y répondait. La moindre blessure qu’elle avait, il la soignait. Nives grandi alors avec lui, restant dans cette grotte, à avaler goulument le savoir de Draem. Celui-ci trouvait l’expérience bonne à prendre. Pour lui, il s’agissait d’une orpheline, sans toit ni quoi que ce soit, et lui était seul avec tout cela. Il avait vu évoluer Nives, l’avait entrainé à différents types de combat. Et lui avait transmis tout ce qu’il savait sur la magie. Pourtant il restait méfiant. Car le démon savait quelque chose que la jeune femme ignorait. Il avait entendu les derniers mots de sa mère et avait comprit en la voyant utiliser la magie. Nives était bien plus que la descente d’un peuple disparu.

  Au bout de plusieurs années à passer l’un avec l’autre, une sorte de relation avait débuté. Draem était un démon passionné et Nives, l’ange déchiré.

  • La nuit va bientôt tomber, on devrait y aller.

  Nives se retourna et vit Draem, dans sa forme humaine debout face à l’océan. Il portait son long manteau blanc orné d’un liseré or. Le col remontant jusqu’aux joues il était impossible de voir les traits fins de son visage. Ses yeux ébènes vibraient au rythme des vagues et ses cheveux gris en bataille dansaient avec la brise. Nives ne pu s’empêcher de sourire en le voyant, son seul ami.

  La jeune femme s’approcha et lui toucha l’épaule et le démon se transforma en corbeau aux reflets bleutés. Le bras tendu, Nives le regarda se poser sur ses doigts fins avant de prendre son envol vers le haut de la falaise. L’ange déchiré le suivait de près, le dépassa et lorsque tous deux furent en haut, ils continuèrent en longeant le bord. Nives n’avait pas perdu son amour pour les nuages. Cette sensation de bien être, elle l’avait gardé. Il n’y avait qu’à cet instant précis où elle pourfendait l’air comme une flèche que ces pensées s’adoucissaient. Presque une heure venait de s’écouler. Draem commençait à fatiguer, Nives le savait, il n’était pas fait pour voler sur de si longues distances. Elle passa au dessus de lui et lui effleura les plumes qui troquèrent le noir pour une teinte reconnaissable entre milles : le corbeau avait échappé ses plumes pour une pygargue à tête blanche. Plus vif Draem reprit un peu de vitesse.

  On commençait enfin à voir la ville quand les deux être se posèrent. Draem retrouva son corps et soupira de plaisir en posant les pieds au sol. Pourtant comme à chaque fois qu’il entrait en contact avec la magie noire, il retrouvait sa véritable forme, celle d’un être sans visage précis. Son corps entier était recouvert de bandelettes noires à l’odeur de cendre chaudes. Ses yeux noirs étaient devenus d’un violet sombre et avait aux poignets le reste de chaines brisées. Nives n’avait jamais osé poser la question d’où elles provenaient.

  Après une brève prière Draem était redevenu le charmant jeune homme aux cheveux gris. Nives se passa une main dans les cheveux et une capuche blanche se forma autour de son visage. Elle troqua ses ailes pour une cape reliée au capuchon. Elle semblait humaine, normale, banale. Les deux créatures s’avançaient à présent vers les portes de la ville de Némésis. Nives n’aimait pas y aller. Mais elle n’en avait pas le choix. La grande place du marché était entièrement décorée par des fanions rouges et blancs, des rubans de même coloris partaient d’un immense poteau et venaient s’accrocher aux balcons des maisons. Un groupe itinérant jouait des musiques à l’air entrainant, les enfants couraient et jouaient, les gens souriaient. Draem s’arrêta devant un chien errant. Il se reconnaissait en eux, entouré de tant de gens et pourtant toujours si profondément seul. Nives, elle, s’avançait vers une roulotte où un homme vendait toutes sortes d’armes soit disant « antiques ». Lorsqu’il la reconnu il fit un pas en arrière avant de faire son plus faux sourire.

  • Quel plaisir de te revoir la miss !
  • Garde ta fausse bonne humeur pour d’autres Bronislav.

  L’intéressé haussa les épaules, avant de reprendre : Tu viens me vendre quoi aujourd’hui ?

Draem les avait rejoint et Bronislav avait tiré la grimace en le voyant. Quelque chose le dérangeait. Il ne saurait l’expliquer mais chaque fois qu’il les voyait il n’avait qu’une envie, c’était de fuir le plus loin possible. Il ne connaissait que trop bien la tristesse et pouvait la renifler à des kilomètres à la ronde. Et ces deux la… Ils dégoulinaient de noirceur et de solitude. Bronislav n’arrivait pas à faire un choix, entre terrifiant et merveilleux. Il y avait quelque chose de rassurant chez les deux créatures qui était tout aussi horrifique.

  Quand Bronislav baissa enfin les yeux vers ce que lui tendait la jeune femme il entrouvrit la bouche de stupeur. Il s’agissait d’une lame du peuple oublié des var-loups. La lame était en parfait état, avec son fourreau comme si le créateur de la lame venait tout juste de la terminer. Une pure oeuvre d’art. Pourtant le vendeur eu un mouvement de recul, horrifié.

  • Tout vas bien ?
  • Où as tu trouvé cette épée ?
  • Près de la falaise à la plage du Nord. L’océan me l’a apporté, si je puis dire.
  • Y avait-il quelque chose avec ? Quelqu’un, ou autre ?
  • Non.

  Bronislav l’avait reconnu. Il savait que seul des créatures mystiques puissantes pouvaient la soulever. Pourtant ces êtres avaient presque tous disparus après la grande guerre. Il releva la tête vers la jeune femme et la dévisagea. Comment pouvait-elle ? Est-ce que…? Non ça ne pouvait pas être possible. Bronislav secoua la tête vivement, pour chasser cette pensée douteuse, et avança sa main vers l’épée. Draem l’attrapa vivement et la mise dans son dos. Deuxième mouvement de recul. Lui aussi ?!

  • Tu la prends ou pas ?

  N’ayant aucunes réponses de l’acheteur Draem souffla d’ennui. Il n’était définitivement pas patient. Nives prit l’arme délicatement et la reposa sur l’établi. Elle sourit chaleureusement à Bronislav avant de reprendre, plus doucement :

  • Tu semble savoir d’où elle vient, pourrais-tu nous en dire plus ?
  • Vous ne le savez pas ? Réussit à dire l’homme brun. Il s’agit d’une épée créée lors de la grande guerre pour le peuple des var-loups. La légende raconte qu’un dieu serait descendu sur terre pour l’offrir au plus valeureux des soldats de ce peuple. C’est presque incroyable que vous soyez tombé sur ce trésor par hasard! Combien en voulez-vous ?
  • 3 000 zerty.
  • Je prends.

  Nives et Draem se regardèrent perturbés. Tous deux savaient que cette somme était énorme et Draem avait sorti ce nombre en sachant pertinemment que ce prix était trop élevé pour un vendeur d’objet en tout genre sur un marché nocturne.

  Draem en savait peu sur les var-loups. Il savait que ce peuple s’était battu au côtés des anges, des démons et des dragons lors de la grande guerre mais très peu de choses avaient survécu de cette civilisation d’êtres mi-homme mi-loup. Une population qui ne retranscrivait leurs savoir que par la parole était compliqué à étudier sachant que ce peuple n’existait plus.

Bronislav se retourna, tremblant, entra dans sa roulotte, et ressorti quelques instants plus tard avec deux grosses bourses, pleines à craquer. Draem les attrapa, un grand sourire aux lèvres et fut surprit d’y voir de l’or à l’intérieur.

  • Voila 3150 zerty. Gardez le tout.
  • Tu viens de faire deux heureux l’ami ! On te revaudra ça ! C’est promis ! Chantonna le démon.

  Bronislav leur fit un signe de la main avant de reporter son attention à l’épée. Il n’osait pas la toucher. Serait-il assez fort ? Et si jamais quelqu’un reconnaissait l’arme et comprenait ? Une part de lui lui hurlait de ne pas s’en approcher et une autre part lui susurrait de la soulever, de prendre le risque, ce qu’il fit. Bronislav la tenait devant lui, elle était si légère, si belle. Pourtant le jeune homme n’était qu’un descendant du peuple des var-loups. Il n’était certainement pas le descendant d’un grand chef ni même de la famille royal, pourtant il arrivait à tenir l’épée. Une sueur froide coula le long de son dos. Bronislav se retourna brusquement et vit Nives à l’autre bout de la place. Dans l’obscurité de la nuit il savait que c’était elle qui le fixait. Elle ne bougeait pas, et ressemblait presque aux statues des anges oubliée dans le désert d’Arcanaha. Savait-elle qui il était ? Connaissait-elle la légende ? N’arrivant pas à détourner le regard de la silhouette il en oublia une cliente qui attendait devant son établi.

  • Monsieur ? Combien pour ces deux poignards ? Monsieur ?
  • 150 zerty…
  • Bonne journée à vous !

  Avant même de pouvoir regarder la personne qui se tenait là, cette dernière avait disparue dans la nuit. Il y avait deux bourses en cuir posée devant lui. Il en attrapa une et trouva un mot à l’intérieur en langue morte :

Bronislav, l’épée te revient de droit, voici tes 3150 zerty. Retrouvez-moi à l’entrée du village de Criskal demain matin à l’aube. -Nives

  Le brun manqua de s’étouffer avec sa propre salive. Elle savait. Des centaines de questions martelaient son esprit mais aucunes réponses. Quand il releva la tête vers l’endroit où il l’avait vu, elle n’y était plus. Il la chercha du regard un instant sans succès. S’il voulait des réponses il devait se rendre au point de rendez-vous comme demandé. Et s’il devait se battre au moins il aurait l’épée pensait-il.

  • Tu crois qu’il viendra ? Demanda Draem soucieux.
  • Je l’espère…

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