- CHAP†TRE PREM†ER -

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Année 3883 ~ Foret Interdite ~ Nation Blanche

« S’il n’y avait pas d’enfer nous serions comme des animaux. Pas d’enfer, pas de dignité »

— Flannery O’Connor

  Le vent d’hiver souffle, et la nuit est froide. Des gémissements sortent des tilleuls ; les squelettes, blanchis par la lumière fébrile de la lune, vont à travers la terreur de l’obscurité, courant et sautant sous leurs grands suaires. L’air gelé faisait trembler leur caresse et leurs cottes. Il n’y a pas de son en cette profonde nébulosité qui laisse planer un mystérieux doute. Et de cette sournoise nuit né un chaos total dans les esprits des créatures de la foret interdite. Les douze squelettes traversent une maigre gave aux eaux plus glacées encore que le froid dévorant de l’espace. Le liquide transparent leur arrive au niveau de la rotule. Bien que défunts les ossements de nouveau vivants souffre de ce froid mordant. Leurs carcasses deviennent lourdes et, sous la pression du mistral, tintent. Leurs mâchoires étaient douloureuses et craquantes. Mais euphoriques à rendre malade le banqueroutier mal luné.

« La nature à des perfections pour montrer qu’elle est l’image de Dieu, et des défauts pour montrer qu’elle n’est que l’image. »

— Blaise Pascal

  Plus loin encore dans la foret interdite, une enfant grandissait. Elle apprenait les langues, l’histoire, les sciences, la magie. Du haut de ses 10 ans, la petite parlait déjà les langues des sept royaumes, ainsi que celles de certains peuples de la foret interdite. Le matin sa mère lui apprenait la diplomatie, l’après-midi son père lui enseignait la sorcellerie. Nives grandissait dans un monde reculé, loin de tout. Souvent elle avait demandé à sa mère pour quelles raisons devaient-ils vivre à l’écart du monde. Et souvent sa mère lui répondait « Tu sais Nives, le monde est cruel. Tu es la dernière de la lignée, il faut te préserver. »

  Nives savait que sa mère était une ange des terres gelées au Nord de Frillonne. Et tout le monde connaissait la triste histoire de ce peuple. La fin de la grande guerre leur fut radicale. Le grand combat entre les hommes et les créatures décima la quasi totalité du peuple des var-loups, celui des dragons ainsi que celui des anges. Les derniers êtres de ces différents peuples s’étaient reculés, cherchant à échapper à la mort, loin du reste du monde. Nives savait que de par sa nature de mi-ange mi-homme, sa vie en serait d’autant plus compliqué. Elle devait redoubler d’efforts et de courage si elle voulait pouvoir un jour s’en sortir.

  Enfin un moment de repos. Le soleil se couchait doucement sur la foret. Elle entendait son petit frère Chemi qui riait. Ce son résonnait aux oreilles de la jeune fille comme une douce mélodie. Chemi était l’amour de sa vie. Cela faisait quelques semaines qu’il avait vu le jour et pourtant elle semblait le connaitre depuis la nuit des temps. Lui aussi aurait une vie compliqué se dit elle. Mais ce n’était pas le moment d’avoir de triste pensées. C’était le moment de lécher les nuages. Nives connaissait les règles : elle pouvait voler, quand le ciel se couvre de la parure des dieux avec sa cape aux milles étoiles, et pas au dessus des arbres de la foret. Cette dernière règle n’était pas des plus respecté… Nives adorait voler, sentir l’air frais du soir lécher les plumes de ses ailes, frapper l’air toujours plus fort et toujours plus vite, grimper toujours plus haut. C’était le seul moment où elle se sentait vraiment libre, où tous les problèmes quotidien, où toutes les règles sont loins.

  La petite aux cheveux gris marchait à présent le long d’un sentier, ses ailes trainant derrière elle. Le calme de la foret lui rappelait à chaque fois à quel point elle aimait cet endroit. Les pieds nus, elle commença à trottiner puis très vite, à courir. Elle cavalait sur ce sentier qui s’élargissait jusqu’à une falaise. Nives ne ralenti pas, bien au contraire. 10 mètres avant le vide, 5 mètres, arrivée. L’enfant sauta. Les ailes toujours closes Nives fondait sur l’océan. Elle allait plus vite encore que le vent. 200 mètres avant l’impact. 100 mètres, 50. Nives adorait cette adrénaline, ce sentiment de liberté. Soudain tout son être vibra, les poils de sa nuque se dressèrent et dans un bruit sourd, elle déploya ses ailes. La petite filait vers le large, regardant son reflet dans le miroir sombre de l’eau qui respire. Chaque plume était caressée par la brise du soir.

  Un battement d’aile, Nives prit tout de suite de la hauteur. Un deuxième battement, plus de hauteur. À chaque fois que ses ailes se rabattaient, on voyait l’air se pousser. La petite fille remontait la falaise à toute allure. Presque plus vite que sa chute. Une fois en haut, elle resta quelques seconde en vol stationnaire, face à l’océan et à cet inconnu avant de poser pied à terre. Ses ailes devaient bien faire au moins deux fois sa taille. Quand elle était au sol on pourrait penser qu’il s’agissait d’une longue cape qui trainant derrière elle. Nives s’assit les pieds dans le vide, jouant un peut avec ses pouvoirs avant de rentrer.

  C’est alors qu’elle entendit un hurlement, Chemi. Sans réfléchir Nives repris son envol, mais cette fois en direction de la maison. Elle zigzaguait entre les arbres à toute allure et accélérait tant qu’elle pouvait. La nuit étant enfin tombée, le noir devenait maitre. Les pleurs de son petit frère comme adrénaline et elle ne faisait pas attention aux ronces qui la griffaient. Il fallait qu’elle avance.

  Quand Nives arriva à la cabane, tout était en flamme. Une dizaine d’hommes entourait la bâtisse des armes à la main. Elle les reconnu tout de suite : la garde royale de Némésis. L’enfant se tenait sur une branche en hauteur, et profitait de sa discrétion pour essayer de repérer son frère et ses parents. Un autre cris. Sa mère…

  Nives sursauta en voyant une boule de lumière s’écrouler au pied de l’arbre où elle était. Elle descendit, vit sa mère et se jeta à genoux auprès d’elle. Sa génitrice saignait, une de ses ailes était lacéré. Impossible de s’envoler.

  • Nives… Vas… Vas t’en…
  • Non maman !
  • C’est… toi qu’ils veulent… Fuis…
  • Pourquoi ! Maman non !
  • Tu es… la…
  • Maman ? Maman !

  Nives hurla. Toute la foret interdite se recula brusquement. Comme si le monde entier avait ressenti sa tristesse et ne voulait s’opposer à elle. La petite fille tourna la tête et vis son père au sol, une lance dans le torse. Pire encore, elle réussit à voir son petit frère… Il était en train de bruler vif avec la cabane où elle avait grandit.

  • Non, non, non, non…

  Nives s’envola et fondit sur les flammes, les mains devant son visage et s’enfonça dans la fumée. Mais quand elle arriva à son frère il était trop tard. Il était mort à l’endroit même où il était venu au jour. Presque dans la même position.

  • Elle est là ! Cria un homme.
  • Le roi la veut vivante ! Éteignez moi ces flammes ! Aboya un autre.

  Nives comprit qu’il fallait partir. L’enfant couru jusqu’à une porte en bois, l’ouvrit, descendit les escaliers quatre à quatre et s’enfonça dans la cave. On entendait déjà la garde entrer dans la maison. La petite attrapa une fiole sur l’étagère près d’elle et la lança au sol en récitant une prière. Un portail apparu, donnant à la falaise. Nives ne réfléchi pas, elle sauta. Dans sa chute, elle entendit des hurlements, la garde royale avait surement dû la suivre par le portail. Ils feraient une chute de plusieurs centaines de mètres avant d’aller s’écraser sur les rochers. Nives le savait. La jeune fille déploya ses ailes et stoppa sa descente pendant que quatre gardes terminaient leur course folle.

  Où étaient les autres ?

  Pas le temps de penser. Nives chassa les images des flammes de son esprit et remonta doucement la paroi. Elle savait qu’il y avait une grotte dans la falaise, elle s’y cacherai le temps de réfléchir un peu. Trouvée. Nives se posa, et tomba à genoux. Elle pleura pendant des heures, et ne réussi à s’endormir qu’à l’aube.

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