Lettre à Klaus 1

2 minutes de lecture

Prague, 5 avril 2021

Bonjour Klaus,

Cela fait des millions d'années que je ne t'ai pas donné signe de vie, mais au jour d'aujourd'hui je porte un autre regard sur le passé et j'ai enfin réussi à accepter l'idée que je ne te reverrai peut être plus jamais. J'ai même renoncé à essayer d'oublier ce qui ne peut être oublié. À plusieurs reprises j'avais essayé de t'écrire des lettres interminables, que je déchirais avant même qu'elles soient terminées. Je trouve incroyable qu'après tant d'années je continue à t'envoyer ce que les Italiens appellent un courrier escargot, tout simplement parce que tu n'as jamais su te servir d'un ordinateur, alors que tu es capable de retenir un livre par coeur, simplement en le lisant, et que tu peux apprendre une langue étrangère en un temps record. C'est tout simplement ahurissant! Je n'ai jamais osé raconter cela à qui que ce soit, parce que j'ai toujours eu l'impression que personne ne me croirait. Et pourtant j'ai évolué dans un milieu où les gens s'intéressent aux phénomènes extraordinaires. Et à propos de langues étrangères j'ai enfin réussi à apprendre le tchèque. Je ne le parle pas encore couramment bien sûr, puisque j'ai pris des cours accélérés pendant deux mois et que Je n'ai pas tes capacités. Mais j'ai tout de même beaucoup de cordes à mon arc, dont l'une pourrait bien te surprendre. Et c'est d'ailleurs grâce à cette corde que je t'écris de Prague. Tu n'as jamais su à quel point j'aime cette ville et c'est un immense bonheur d'avoir pu y revenir. D'ailleurs c'est assez amusant de penser qu'en ce moment même il n'y a qu'une seule frontière qui nous sépare, alors que je ne sais même pas si tu es mort ou vivant, ni même si tu pourras lire cette lettre. Depuis ce terrible jour où j'avais appris que tu t'étais évadé de l'hôpital sans aucun vêtement chaud, j'ai enfin pu reconstituer le puzzle de ton étrange parcours et j'ai enfin compris pourquoi le temps n'avait aucune emprise sur toi. Je ne connaissais pas du tout la gravité de ton état à l'époque et je ne comprenais pas pourquoi à chaque fois que je te parlais au téléphone après des mois, voire même des années de silence, tout était exactement comme si nous nous étions parlés la veille. J'étais très étonnée mais je n'avais trouvé aucune réponse à cette étrange situation, dont je ne pouvais parler à personne. Je n'aurais jamais pu imaginer alors que tu te retrouverais un jour aussi démuni après avoir été si brillant. Depuis que tu as disparu je t'ai imaginé bien des fois tel le marquis de Carabas et son chat botté en train de parcourir les routes à la recherche de tes illusions perdues...

Je continuerai cette lettre demain car j'ai envie de profiter un peu de ce beau jour d'avril et de respirer un petit peu, d'autant plus que c'est le 5 avril et que c'est un jour très particulier pour moi.

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