Scène 19

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Scène 19

MARIANNE, JULIETTE

La pluie s'est mise à tomber sur la maisonnette, le son des gouttes qui s'écrasent contre le toit fait comme un écho aux oreilles de la Jeunesse. Marianne, qui avait perdu sa joie après le départ de Neo, reprit un certain sourire en se penchant à la fenêtre pour sentir l'eau naturelle contre sa peau. Juliette rentre sans frapper dans la chambre et trouve la Jeunesse contre la fenêtre.

JULIETTE - Tu fais peine à voir, je te croyais plus vaillante que ça Marianne.

MARIANNE sarcastique - Tu arrives encore à voir avec ce qui te sert de yeux ?

JULIETTE - Ne sois pas susceptible pour si peu, les humains font bien pire entre eux. Je ne viens pas te voir pour lancer une querelle. Je voulais savoir si tu voulais un peu discuter de ce qui a pu se passer tout à l'heure.

MARIANNE sérieuse - Qui t'as dit que j'avais envier d'en parler ? Surtout avec toi.

JULIETTE - Tu n'as pas grand monde avec qui discuter. Tu pourrais bien essayer avec Neo, mais je ne pense guère qu'il le veuille. Il ne te reste plus que moi. Je sais que nous ne sommes pas de très grandes amies, on en est très loin toutes les deux...Mais nous avons toutes les deux le même objectif.

MARIANNE - Qui est ?

JULIETTE - Répondre aux attentes de Mère.

Marianne ne rajoute rien mais se décale pour lui laisser de la place. La Vieillesse se rapproche et se penche à la fenêtre pour bien voir l'extérieur.

JULIETTE - Comment vas-tu ?

MARIANNE - Comme à chaque fois que Neo s'énerve contre moi...J'ai l'impression de ne jamais réussir à la satisfaire. Malgré mes efforts, mon entraînement et ma volonté de bien faire, il se montre toujours désagréable avec moi.

JULIETTE - Tu sais qu'il a toujours agis ainsi. Au final tout ce qu'il recherche, c'est d'accomplir la mission qu'il lui a été donnée.

MARIANNE contrariée - Mais est-ce vraiment trop de demander de recevoir de simples félicitations ? Je n'ai pas besoin de grands gestes, que mon nom soit cité haut et fort. Juste...

JULIETTE - Juste un véritable regard de sa part.

La Jeunesse tourne son visage vers elle, fronçant les sourcils.

MARIANNE - Euh...Non.

Un silence s'installe dans la conversation, Juliette regarde la fine pluie qui commence à se transformer en averse.

JULIETTE curieuse - Tu n'as vraiment pas parlé à cet humain ?

MARIANNE - Qu'est-ce que ça peut bien te faire ?

JULIETTE - Eh bien c'est que je me demande plusieurs choses. Tout d'abord, qu'est-ce que ça a pu te faire de parler avec un humain, qu'est-ce que tu as ressenti en étant face à lui ? Puis si tu as menti à Neo, c'est que cet humain devait en valoir la peine.

MARIANNE - Valoir la peine je ne sais pas, il n'était pas si exceptionnel que ça...

JULIETTE ironique - Oh, en plus il n'était pas si impressionnant ? Tu aurais pu choisir un meilleur humain.

Marianne remarque son erreur et plaque ses mains contre sa bouche. Elle s'éloigne de la fenêtre pour s'asseoir sur le bord du lit, contrariée.

JULIETTE - Allons allons, nous savons bien avec Neo que tu lui as adressé la parole. Nous ne sommes pas dupes à ce point.

MARIANNE en colère - Mais c'est lui qui est venu me voir ! Je dansais réellement pour m'entraîner, je ne cherchais pas à rencontrer d'humain, je n'avais même pas remarqué sa présence pendant mon entraînement. Je ne pouvais pas disparaître devant lui ! Qu'auriez-vous fait à ma place ?

JULIETTE - Je ne peux te dire, je n'ai encore jamais vu d'humain. Je veux simplement te faire comprendre que le mensonge ne sert à rien face à Neo. Tu aurais pu lui expliquer que tout ceci n'était qu'une erreur et que tu t'en excusais. Ton mensonge n'a fait qu'empirer la situation, tu l'as bien vu. Neo n'aime pas qu'on lui mente.

MARIANNE - Il ne m'aurait pas cru ! Vous deux vous ne me faîtes jamais confiance. La vérité peut sortir de ma bouche, mais vous choisirez de l'ignorer. Il ne me reste plus que le mensonge pour m'exprimer. Vous ne pouvez pas savoir à quel point cela peut être rabaissant de n'être que celle qu'on évite les paroles.

Juliette l'observe, prend sa pipe pour l'allumer et tirer dessus.

JULIETTE - Il est normal que tes paroles passent pour des chimères quand on voit à quel point tu n'en fais qu'à ta tête. Neo deviendrait fou avec toi s'il te donnait son entière confiance. Si cette situation te déplaît tant que ça, tu n'as qu'à lui prouver que la vérité est désormais de ton côté.

MARIANNE exaspérée - Et comment je dois faire ça ?

JULIETTE - Fait tout ce qu'il te demande sans poser la moindre question. Lui obéir est le meilleur moyen d'être considérée par lui. Crois-moi, je suis la mieux placée pour dire ça.

Marianne lâche enfin énorme rire, son regard est devenu soudainement condescendant.

MARIANNE - Je comprends mieux pourquoi tu es venue me voir. La Vieillesse essaie de m'influencer pour que je sois aussi pitoyable qu'elle. Ce que tu n'as pas l'air d'accepter, Juliette, c'est que malgré tous tes efforts pour attirer son attention, Neo ne fera jamais attention à toi. Tu n'es qu'une nuisance, il serait temps que tu l'acceptes.

JULIETTE nonchalante - Tu peux penser ce que tu veux ma chère, mais je reste celle dans les bonnes grâces de Neo. Tu as fait ton choix.

La Vieillesse lui tourne le dos et referme la porte derrière-elle. Marianne tire la langue puis se dirige de nouveau à la fenêtre. L'orage est là, des éclairs fusent dans le ciel. La Jeunesse regarde l'extérieur avec admiration et passe sa jambe par la fenêtre. Elle se jette à l'extérieur pour se retrouver sous la pluie. La Jeunesse se met à danser sous la pluie, à lâcher des cries pour aucune raison.

MARIANNE hurle - Que la pluie est dévastatrice, que la pluie est chargée de fureur ! Je la sens s'écouler sur mon enveloppe charnelle, sur ce corps que l'on m'a offert.

Le vent chasse les nuages et emporte au loin la pluie avec elle. Marianne avec ses vêtements et cheveux mouillés, se retourne vers le public, le sourire aux lèvres.

MARIANNE (au public) - Je suis la Jeunesse, Marianne, je n'ai pas à changer pour qui que ce soit.

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