Une faim dévorante

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*La fin du monde ! Une putain de fin du monde version zombie ! Franchement, s’il n’y avait pas plus ridicule que ça*, se répétait inlassablement le jeune homme qui courait inlassablement, jour après jour, pour sauver sa vie.

Il avait essayé le désespoir, lorsque ses proches s’étaient faits bouffés. Mais depuis que c’était eux qui tentaient de le dévorer, l’ironie et l’humour noir étaient tout ce qui le maintenait en vie. *Oh oui, parfait Thomas ! Vraiment parfait ! Va dans ce putain de cul de sac.* En même temps, il n’avait pas beaucoup de choix, ce n’était qu’avec cette apocalypse qu’il s’était rendu compte à quel point les humains étaient de partout ! Ça pullulait. Ouais, enfin bon, maintenant c’était de zombie que ça pullulait !

S’il y avait bien une chose à savoir sur les zombies, c’était qu’ils avaient faim. Ils dévoraient tout, absolument tout ce qu’ils trouvaient en commençant par la chaire humaine, mais ne croyait pas qu’ils vous laissaient bien gentiment une boite de conserve ! Non, leur plus grand jeu c’était vraiment de tout gober. Et d’ailleurs il savait que le poison ne les tuait pas depuis qu’il en avait observé un bouffé de la mort aux rats sans sourciller.

*Non ! Non ! Non ! Non ! Ouais… ok, tu savais que c’était un cul de sac. Et ben, ça en est un ! Bien joué mon gars.*

Thomas observa autour de lui. Il était coincé à l’arrière d’une boutique fermée, il avait cherché en vain une entrée car échapper aux zombies, c’était bien gentil, mais quand on crevait de faim, ça ne faisait clairement pas tout. La promesse d’un repas, même médiocre, lui avait fait commettre une grave imprudence. Il se retourna et observa les trois zombies qui s’approchaient. Autre chose à savoir sur les zombies, aux plus ils ont faims, au moins ils sont rapides. Ceux-là n’avaient pas dû manger depuis longtemps ce qui était plutôt une très bonne chose. Par contre, ils ne le laisseraient pas se faufiler entre eux pour autant.

Il avisa les poubelles, envisagea de les escalader un instant. *Oui, va te casser la jambe ! Parfait !* Il hésita et puis, tenta sa chance. Ce n’était qu’à mi-chemin, au-dessus des poubelles en train d’essayer de franchir le mur, haut qu’au moins quatre mètres, qu’il remarqua la petite fenêtre entrouverte, tout là-haut. Elle donnait à l’intérieur du magasin et même pas sur le vide ! Non, sur un petit couloir de service, à l’étage. Sans oser croire à cette chance improbable, il la passa et la referma doucement derrière lui. Les zombies l’avaient vu grimper, mais ils étaient sans doute trop faibles et malhabiles pour réussir l’ascension à leurs tours.

Il explora rapidement le couloir, vide, puis descendit le long de l’escalier en faisant attention à ne pas faire le moindre bruit. En se penchant vers l’avant, tout doucement, il put observer le haut des rayonnages. Il n’y avait pas le moindre bruit à l’intérieur, mais ce qu’il remarqua surtout c’étaient les boites de conserves : intactes. L’endroit était donc sûr ! Il retint son cri de joie et voulu dévaler la fin de l’escalier. Ce fut là qu’il le vit. Un zombie, presque immobile. Tentant de s’arrêter, il dérapa, glissa et tomba tout droit sur le monstre. *Ça y est ! T’es mort !* Leurs corps s’entrechoquèrent avec violence et presque aussitôt, il tenta de se relever et de fuir, mais déjà, le zombie l’avait attrapé, l’immobilisant. Sa bouche s’approcha de son cou et son nez le frôla, remontant vers la base de ses cheveux. Il hurla de toute ses forces en se débattant et un miracle se produisit. La main le lâcha et il put fuir.

*Cours ! Cours ! Cours ! Cours ! Ne t’arrêtes pas ! Allez… Oh merde. Mais pourquoi il ne m’a pas bouffé ? Non, pourquoi il n’a rien bouffé du tout ?*

Tous les rayonnages étaient pleins à craquer et du côté des produits frais, une mauvaise odeur régnait. Pire que ça, des souris, à moins que ce ne soit des rats, faisait leurs courses ici. Pourquoi le zombie n’avait rien mangé ? Il s’arrêta un instant. Il avait tellement faim et il y avait tellement de nourriture ici. En jetant un coup d’œil vers l’arrière, il remarqua que le zombie s’était déjà relevé et qu’il avançait bien plus vite qu’avant. Choqué, il toucha son cou à la recherche d’une blessure quelconque, mais il n’y avait rien. Il se remit à courir, tournant simplement dans un rayon tout en ouvrant son fidèle sac à dos pour y déverser quelques boites. Cassoulet, flageolet, haricot vert, lentille, ratatouille, … Autant de choses qu’il n’aurait jamais mangé avant et qu’il ne réfléchissait plus avant d’engloutir. Il se retourna et poussa un nouveau cri, le zombie avait encore pris de la vitesse. Ça n’avait aucun sens. Il se mit à courir plus vite pour lui échapper, il retourna au niveau des escaliers, passa devant la fenêtre sans l’enjamber et couru jusqu’au bureau suivant qui ouvrait sur une autre fenêtre similaire, de l’autre côté du mur. Il ferma la porte derrière lui, saisit le meuble le plus proche et barricada de son mieux la porte. Il n’y avait visiblement qu’un seul zombie bizarre ici, c’était vraiment mieux que tout ce qu’il pourrait trouver dehors.

Il fit néanmoins le tour de la pièce, rajouta une couche de barricade, vérifia la fenêtre. De ce côté-là, il n’y avait pas moins de neuf zombie, s’il avait réussi à passer le mur, il serait mort et idéalement, il ne vaudrait mieux pour sortir de ce côté-là. Il s’éloigna de la fenêtre pour ne pas les attirer davantage et observa la pièce sous un autre œil. Il y avait de la moquette au sol, de quoi passer une meilleure nuit que la précédente.

Thomas voyageait léger, pour pouvoir s’échapper plus facilement. Il n’avait si sac de couchage, ni matelas, ni quoique ce soit d’autres pour son confort. Il s’enroula un peu plus dans sa veste tout en se blottissant contre un mur. Lentement, le contenu du sac fut déversé au sol et il compta les boites avant de les ranger. Il n’avait pas de quoi faire du feu et dans tous les cas, ce serait bien trop dangereux.

*Si on t’avait dit un jour que tu te régalerais de cassoulet froid en boite, t’aurais bien rigolé hein ?* Il soupira et ouvrit la boite, plongeant directement les doigts dedans pour se nourrir. La texture n’était pas folle, le goût non plus d’ailleurs, mais son ventre était si creusé que le soulagement fut immédiat. Il s’endormit comme ça, épuisé au possible, recroquevillé dans sa veste, tenant encore sa boite vide.

Il se réveilla avec la lumière du soleil et mit un moment avant de comprendre où il était. Il revérifia machinalement sa pièce : tout allait bien. Ses barricades étaient en place. Lentement il se leva, s’étira et marcha jusqu’à la fenêtre. Il en compta neuf, encore une fois. Le fait que le nombre restait stable était plutôt rassurant à ses yeux, ça voulait dire qu’ils n’avaient pas couru après une proie et donc qu’ils ne s’étaient pas nourris. Affronter des zombies affamés était une chose, les affronter lorsqu’ils étaient rapides et agiles, c’était autre chose. C’était sa plus grande terreur également.

Il avala un peu d’eau. C’était dur de se rationner et ça lui provoquait des migraines, mais s’il voulait rester ici un moment -ce qui était sans doute le plus malin- il allait devoir se restreindre. Le zombie du magasin était bizarre, franchement bizarre, mais il était seul aussi. Alors dans quelques jours, lorsqu’il serait encore plus faible, Thomas reviendrait. Armé d’une chaise, il le repousserait et ferait de vraie course qu’il empilerait à nouveau dans cette pièce. Il vivrait là le temps de consommer le contenu du magasin, puis il faudrait en chercher un autre…

Il aurait aimé parler à voix haute, briser ce silence et se tenir compagnie à soi-même, mais il avait découvert depuis un certain temps déjà que ça attirait les zombies… Ceux qui survivaient étaient silencieux maintenant, tout simplement. Les animaux n’avaient pas été épargné non plus. Il passa la majorité de sa journée sur une chaise, à regarder par la fenêtre, prêt à se cacher si les zombies -ou autre chose d’ailleurs- le remarquait. Il passa une autre partie de son temps, l’oreille contre le mur, à tenter de distinguer les bruits de son zombie. En vain.

Le lendemain, sa bouche était sèche et sa langue lourde et pâteuse. L’eau était une denrée rare. Il avait deux choix : attendre de ne plus en avoir du tout et agir à ce moment-là en espérant que le temps ait changé l’état du zombie ou bien, agir maintenant, avec le risque que le zombie soit encore relativement en forme, mais avec plus de marge de manœuvre en cas de pépin. Il hésita un long moment avant de se décider. Il rangea tout ce qui devait l’être dans le sac : hors de question de s’en séparer, il n’était pas sûr de pouvoir revenir si ça se passait mal. Puis il commença à défaire très lentement sa barricade, le cœur battant la chamade. Il bougeait chaque élément en tentant de ne pas faire le moindre bruit. Agiter les zombies à l’extérieur n’était pas un souci, mais celui qui était dedans, ça posait quand même plus de problème.

La barricade retirée, il recula lentement et saisit une chaise en bois qui lui servirait de rempart. Il avait eu bien du temps pour décider des emplettes idéales à faire. Il lui fallait de l’eau en priorité, un bidon idéalement sinon des bouteilles. Peut-être du soda ou d’autres trucs sucrés en plus ? Coté nourriture solide, il n’était pas contre quelques biscottes mais c’était tellement du luxe qu’il n’osait pas vraiment l’envisager. S’il revenait juste avec de l’eau. Ce serait extrêmement bien !

En poussant lentement la porte, il fut choqué de tomber directement sur son zombie. Il était là, un peu étourdi, immobile, au sol. Il ne bloquait pas vraiment l’entrée et ses mouvements étaient bien lents, alors Thomas se glissa entre lui et le mur tout en jetant des coups d’œil frénétiques de partout et en brandissant la chaise comme une barrière. Le zombie bougea légèrement vers lui, mais il semblait totalement épuisé, comme la première fois où il l’avait vu.

*Ouais, enfin la première fois, il a fini par te courser hein…*

Il s’éloigna rapidement en jetant des coups d’œil frénétique autour de lui mais en dehors de son zombie, il n’y avait personne d’autre. Il se rendit très vite au rayon des boissons, avisa un pack de petites bouteilles d’eau minérale qu’il prit, puis il attrapa deux bouteilles de sodas et une bouteille d’eau gazeuse. Malheureusement, le poids limitait ses possibilités. Il s’arrêta un instant à côté d’un rayon et hésita sérieusement.

Le zombie était en haut, immobile. Si l’expérience lui avait apprise une chose, c’était de ne pas jouer avec les zombies. On n’essaie pas de les attraper, de les capturer, de les enfermer. Ça tourne mal. Il remonta doucement les escaliers et jeta un coup d’œil. Il n’avait pas bougé. Pour se faufiler de nouveau dans le bureau, il allait bien galérer. Il redescendit et fouilla davantage la zone. Il finit par trouver la porte de service qu’il ouvrit doucement, très inquiet à l’idée des rencontres qu’il pourrait y faire, mais très vite, il comprit que la pièce était vide, à l’exception d’un bureau un peu miteux et de rangées de colis étalés sur les étagères. Mieux encore, elle desservait plusieurs autres portes. La première donnée accès à une toute petite chambre : la salle de repos des employés, comprit-il. La seconde s’ouvrait sur l’entrepôt qui serait plus dur à fouiller en toute sécurité, mais elle possédait une clé, alors il la verrouilla simplement.

Il retourna à la chambre et observa le petit lit de camp désuet qui lui parut être semblable à un véritable palace. Il dormit là ce soir. Il rentra, ferma la porte et déposa une partie de ses vivres avant de ressortir en faisant toujours aussi attention. Il n’y avait personne. Faire les aller-retours pour garnir le bureau de provision lui prit un certain temps et il ne fit pas dans la dentelle. Les boites de conserves, c’était bien, mais avec des biscottes, ce serait mieux. Il s’offrit le luxe de prendre des céréales et autres produits sucrés qu’il n’avait pas pu consommer depuis longtemps. Plus rien n’était bon au rayon de produit frais, mais il trouva pleins de choses encore relativement bonne en dehors et puis, il se permit un autre luxe. Un luxe étrange. Il dévalisa le rayon des affaires de camping, très réduit malheureusement, prenant de quoi s’éclairer, un sac de couchage et des coussins en pagailles et il ramena tout pour se faire un petit nid réellement douillet.

Souriant devant la simple vue de lit de camp améliorés, Thomas se rendit compte de la pauvreté dans laquelle il avait vécu ces derniers mois. *Il en faut peu pour être heureux, hein ?* Il chassa ses pensées morbides, lui rappelant tout ceux qu’il avait perdu et reparti en quête de provision. Il avait de quoi tenir un siège mais peut-être qu’il n’aurait plus accès à rien du tout dès demain. Il hésita un moment. Ce n’était pas une bonne idée. *Ouais… mais en même temps… va chier avec tes principes de sécurité de merde ! Permet toi ce truc !* Il attrapa la bouilloire d’exposition et la ramena tout en se maudissant. Il fit en détour pour prendre de quoi se faire du chocolat chaud et chopa aussi des boites de thés et des rations de nouilles. *Très mauvaise idée !* Plus pour se donner bonne conscience qu’autre chose, il ressortit chercher des serviettes qu’il glisserait sous les portes pour limiter l’odeur, même si la nourriture avariée était bien assez traitre comme ça et il en profita pour saisir quelques produits de toilettes en plus. Il était en train de rentré avec ses derniers butins, lorsqu’il l’entendit. Il se retourna et tomba sur le zombie, debout. *T’as trop poussé ta chance mon pote !* pensa-t-il tout en dérapant vers l’arrière. Le zombie se fit rapide et l’instant d’après il était sur lui, Thomas hurla sans même pouvoir s’en empêcher et le zombie s’arrêta un instant avec de revenir frotter son visage contre lui. Thomas fit de son mieux pour s’arracher à sa prise, mais l’autre lui avait choppé le poignet et il ne pouvait pas s’en défaire. Au comble de la panique, il cria, d’une voix rendue roque par le manque d’utilisation :

- Lâche-moi !

L’instant d’après, il était libre. Il courut jusqu’au bureau, ferma la porte et la barricada en tremblant. Lorsqu’il s’arrêta il se rendit compte qu’il avait ramené les serviettes, la bouilloire et le reste. Rien ne manquait. Il s’inspecta minutieusement avant d’en arriver à la conclusion qu’il n’était pas blessé.

- Putain… Mais il a quoi ce zombie ?

Depuis le temps que le jeune homme errait dans ce monde dévasté, il n’avait jamais rien vu de tel. Les zombies mangeaient. Ceux qui venaient de manger allaient vites. Ceux qui avaient faim étaient lents. Ils ne pardonnaient pas la moindre erreur. En toucher un, c’était être mort. Fin de l’histoire. *Ouais, sauf que là, ça fait deux fois que t’es à moitié couché contre lui et t’es toujours vivant !* Il soupira. Que faire ? Bon, pour le moment, il pouvait survivre ici alors autant en profiter.

Et il profita.

***

La porte comportait une petite fenêtre -une faille de sécurité- qui lui permettait d’observer dans le magasin. Il pouvait donc regarder à loisir son zombie et très vite, il avait compris qu’il était vraiment différents des autres. Il semblait regagner en énergie dès qu’il restait assez longtemps à sa vue, mais il ne devenait pas violent et enragé. En faites, il faisait un truc bizarre qui faisait rougir Thomas jusqu’aux cheveux. Sa main pâle allait et venait sur son entre-jambe. Le zombie se branlait en le regardant. *Gênance / 1000.* Aucun zombie ne faisait ça, jamais !

Sans pouvoir s’en empêcher, Thomas allait le voir et il passait plusieurs heures par jour à l’observer. Il n’avait rien d’autres à faire et c’était ce qu’il avait de plus proche d’un contact social depuis des mois ! Ça ne pouvait pas ne pas compter. Même les zombies normaux, il prenait du temps pour les observer après tout. Là, il détournait simplement du regard lorsque les choses devenaient trop… intimes.

Son stock de provision descendait à une allure relativement modérée, tôt ou tard, il faudrait qu’il aille explorer l’entrepôt, mais il avait cru y entendre des bruits, alors il n’était vraiment pas pressé. Au cas où, il avait bien bloqué la porte et il avait glissé des serviettes en dessous pour que l’odeur passe le moins possible. Son odeur, bien-entendu, mais également l’odeur de tout ce qu’il faisait chauffer grâce à la bouilloire. Il ne rêvait que d’une chose : pouvoir retourner dans le magasin dévaliser le rayon des soupes, des nouilles et de tous ces plats qui pouvaient se faire juste en ajoutant un peu d’eau chaude ! Ou encore mieux… Aller chercher un micro-onde et manger tout chaud. Cela faisait si longtemps qu’il avait presque oublié le bonheur d’avoir véritablement chaud et ici, dans son sac de couchage avec un bol de thé entre les doigts, il s’en souvenait pleinement.

Un jour, alors qu’il était encore en train d’observer le zombie… -Oh maintenant il aurait pu le décrire les yeux fermés ! Il était plutôt grand, brun avec des cheveux hirsutes, des yeux verts et une peau mortellement blanche. Il montrait très peu de signe de dégradation, comme s’il avait toujours été plutôt bien nourrit, mais Thomas n’avait pas de théories bien précises là-dessus. Sa tenue lui avait indiqué le plus important : c’était un employé de la boutique.- Un jour donc, il tenta quelque chose d’absurde. A travers la petite vitre, il parla aussi distinctement que possible.

- Ça ne te dirait pas de reculer ? Je commence à être à sec et ça m’arrangerait bien si je pouvais sortir !

Ne serait-ce que pour vider les sacs de pots de chambre qu’il avait empilé dans un grand carton et qui embaumait tristement l’air. Mais son envie d’une nourriture chaude ne le lâchait pas également. Le zombie continua à se frotter lascivement en haletant. Cette vue excitait le vivant également. Après tout, depuis combien de temps n’avait-il pas touché à sa propre chaire ? Trop longtemps. Depuis quand n’avait-il vu un humain bien vivant, un partenaire sexuel potentiel ? Bien plus longtemps encore. En soupirant il se détourna, triste d’être tombé aussi bas.

Le lendemain, il remarqua bien que le zombie avait reculé, mais ce n’était peut-être qu’une coïncidence ? Il lui parla à nouveau et attendit, des heures entières, avant de le voir bouger. Il comprenait ! *Ce putain de mort-vivant me comprend !!!* Il en aurait crié de joie s’il n’avait pas eu aussi peur d’attirer le voisinage.

Bon, c’était super chouette mais également totalement inutilisable, parce que ce zombie bizarre allait peut-être tenter de le bouffer malgré tout la prochaine fois. Il ne fonctionnait pas comme les autres, certes, mais ça ne voulait pas non plus dire qu’il était sans danger ou qu’il pouvait… Quoi ? Lui faire confiance ? Ridicule.

***

*Mauvaise idée. Non, encore pire. Recule, recule, fais-toi tout petit, allez… on va y arriver. On va y arriver. Il est pas rapide. On va y arriver.*

Tasser derrière une palette, Thomas se maudissait. Il n’aurait vraiment pas dû tenter de visiter l’entrepôt. Le magasin était immense et il n’y avait qu’un seul employé. Bizarre non ? Ouais, vachement moins bizarre quand on découvrait qu’il avait dû enfermer tous les autres ici avant de finir de muter… Des employés et des clients. Sans doute uniquement des zombies de la première vague, du jour maudit où tout avait commencé. Ils avaient dévoré le contenu des palettes alimentaires, bien planquées, loin des portes, sans quoi il ne serait pas aller aussi loin. Depuis, ils n’avaient rien mangé car parmi les nombreuses règles étranges du monde des zombies : un zombie ne bouffe pas du zombie.

*Chut… Chut… Putain de cœur ! Arrête ! Calme-toi…*

Ils rampaient mais ils étaient de partout. Il jeta un coup d’œil à sa porte, ce qui était devenu son chez lui était juste là, à quelques mètres à peine. Il allait y arriver. Ce n’était pas grand-chose il pouvait le faire. Il fallait juste se lever et courir. Il aperçut la main du mort qui rampait vers lui s’approchait et se leva comme un ressort. Courant aussi vite que possible, il échappa à leurs doigts et se jeta sur la porte pour la refermer mais presque aussitôt, un poids important appuyait dessus. Les zombies l’avaient pris en chasse.

*Allez, vas-y, joue au bras de fer avec un zombie… Non ! Pas un ! Quinze ou vingt ! Tu crois quoi ? Tu ne pourras jamais tenir cette porte !*

Comme pour répondre à ses pensées, il entendit un bruit sinistre. La porte s’entrouvrait. Il avait beau se mettre en appui et pousser de toutes ses forces, rien n’y faisait. Il cria son désespoir et sa douleur, déjà présente dans ses muscles et dans ses bras. Il fallait qu’il fuit. Où ? Comment ? La porte du magasin était barricadée et ajouter encore plus de zombie n’aiderait pas. La porte de sa chambre était vraiment proche par contre, mais une fois dedans, il serait perdu. Il avait essayé de visiter le plafond, une fois, pour se rendre compte que ce n’était qu’une plaque de bêton, infranchissable. Ça lui avait paru bien alors, parce que ce qui était dehors ne pourrait pas rentrer par là… Seulement, il ne sortirait pas non plus. La porte bougea, le projetant en arrière et il s’engouffra dans la chambre qu’il ferma de son mieux avec le lit de camp.

Ensuite, il y eu vraiment beaucoup de bruits. Il pouvait imaginer que les zombies étaient tombés comme des dominos maladroits, les uns sur les autres, mais c’était toute sa barricade intérieure qui semblait s’effondrer et les bruits ne s’arrêtaient pas.

*Oh putain ! Ils bouffent les conserves ! Les cons ils m’ont oublié !*

Le raffut continua un long moment. Plusieurs chocs répétés arrivèrent sur la porte, le surprenant à chaque fois, mais soudain, tout s’arrêta. Un silence étrange s’installa. Il n’avait pas de fenêtre et rien qui lui permettait d’évaluer la situation, mais il savait reconnaitre une très mauvaise passe. Il avait encore une lampe de poche et son sac, bien-entendu, puisqu’il ne quittait jamais son dos. Il avait quelques repas, le quoi de tenir deux petits jours peut-être trois, difficilement plus, faute d’eau. Donc dans une semaine au mieux, il serait mort. *Top. Vraiment…*

***

La faim était de partout dans son corps. C’était elle qui faisait trembler ses mains, qui faisait mal à sa tête, qui tordait son ventre et rendait ses jambes faibles. La faim. Il avait mieux géré la soif que prévu ? Ou bien peut-être qu’il délirait.

*Ouais, je délire. Y’a que ça.* se dit-il en ouvrant la porte, s’offrant à la mort pour observer son zombie couché devant au milieu d’une scène de guerre. Tous les autres étaient étalés, découpés en morceaux si fins qu’ils ne bougeaient plus. Son zombie le regardait avec intérêt et avant même que le vivant n’ait pu comprendre, il était sur lui, encore une fois. Il l’embrassa dans le cou avec ses lèvres froides et caressa son ventre douloureux.

- Attend… Je dois boire… Attend…

Et comme par magie, il fut libéré, grand-bien lui fasse, après deux pas, il s’évanouit. Sur un *bien-joué* mental, sarcastique.

***

Il y avait de l’eau dans sa bouche. Il toussa. Il toussa encore avant d’en avaler un peu. Il s’étouffa à moitié. Il n’y avait pas que de l’eau. Il repoussa les mains qui s’approchaient de lui et tenta de reprendre contact avec le réel. Etrangement, il était encore vivant. Il saisit la bouteille d’eau la plus proche et la vida d’une traite avant de commencer à analyser ce qu’il y avait autour de lui. Son zombie était là, les mains écrasants une boite de conserve et une bouteille d’eau. Thomas était trempé de leurs contenus. *Génial.* Il avala encore un peu d’eau. Il était vivant. Ok. Mais pourquoi ? Son zombie semblait étrangement actif et les autres étaient clairement morts.

Vu l’état de l’endroit, c’était dangereux pour un humain d’y rester. La moindre petite coupure et il se ferait infecter. C’était presque miraculeux qu’il soit dans une zone relativement propre. Il regarda ses vêtements et soupira. Ok, pas miraculeux. Son zombie l’avait trainé. Il était trop faible pour réfléchir vraiment mais il fallait qu’il le fasse.

- Je dois me changer… Il me faut des habits… Et… Il faut que j’aille ailleurs.

Il regarda le magasin et puis les différentes portes ouvertes. Il frémit. Restait-il des zombies là-dedans ? Il fallait qu’il regagne le bureau en haut. Il hurla lorsque soudain, il fut soulevé de terre mais son zombie ne le relâcha pas, il le transporta comme ça jusqu’au rayon des vêtements où il le déposa au sol et s’immobilisa.

- Ok… Ok. Merci.

Thomas hésita, attrapa de quoi se changer et commença à se déshabiller lentement. A peine un carré de sa peau fut-il visiblement que le zombie vient le caresser avec une douceur étrange. Il était trop faible pour protester et une partie de lui commençait à en être sûr : il était mort. C’était la seule explication logique. Le zombie ne pouvait pas décemment être en train de lui embrasser le flanc de cette manière si douce et sensuelle. Il ne pouvait pas être l’auteur de ses caresses tendres. Non, c’était juste la solitude qui avait fini par le rendre totalement marteau ou alors il était mort et il était tombé dans un endroit super chelou entre l’enfer et le paradis. Le paradis car c’était bien trop bon sur son corps. L’enfer car c’était un zombie qui lui faisait vivre et ressentir ça. Il parvint néanmoins à s’habiller, chassant mollement les mains.

- Je deviens vraiment dingue mais si tu as envie de m’installer un lit dans le bureau du haut, je ne dirais pas non.

Le zombie s’éloigna et dieu que son pas était rapide. Thomas frémit. Ouais, il était sans doute mort. Fier de cette certitude, il se laissa aller à la douce inconscience qui ne pourrait pas lui faire de mal.

***

Ok, il n’était pas mort. Déjà, il avait encore faim. Et soif aussi. Et puis on le touchait doucement. Ce n’était qu’une caresse tendre le long de son bras. Il aimait bien. Combien de temps mit il avant de se rendre compte que c’était son zombie qui le touchait ? Peut-être quelques secondes ou peut-être quelques heures. Il était tellement perdu.

Le zombie l’avait installé sur un matelas, dans le bureau, avec un sac de couchage posé en travers de son corps. C’était perfectible mais c’était surtout inattendu. Ce zombie avait l’air de lui obéir. Les baisers dans le cou revinrent, le réveillant de partout à la fois, le faisant rougir comme jamais. Il ne se débattit pas, au contraire, il se laissa aller. Il avait envie de ça. Il avait envie qu’on le cajole, qu’on s’occupe de lui et qu’on l’aide aussi. Il avait envie de contact humain faute de chaleur humaine. Alors il resta passif sous ses caresses, attendant le moment où il se ferait dévorer et il crut bien que ça arrivait lorsque la bouche de son zombie fut sur son sexe, l’engloutissant tout entier. Il se raidit un moment avant que le plaisir ne vienne vraiment le prendre et l’emmener. Il jouit dans sa bouche, choqué. Puis, il passa plusieurs minutes à pleurer avant de s’endormir.

***

- Pourquoi t’es pas comme les autres hein ?

Le zombie ne répondit pas, il ne parlait jamais. Il ne semblait même pas vraiment concentré sur ce qu’il disait mais la preuve avait été faites qu’il comprenait parfaitement.

- Pourquoi tu ne me manges pas ?

Le regard du zombie se posa sur lui et comme pour lui répondre, il l’embrassa. Oui, dans un certain sens, son zombie le mangeait tous les jours il se repaissait de sa chaire.

- Ça ne compte pas ça… Non ? Ça compte ? Ok, ça compte pour toi. Alors je suis… une source d’alimentation quasi-illimitée. A condition de me maintenir en état bien-sûr. Ça veut dire que tu pourrais être encore plus fort, si…

Il hésita. Son zombie n’avait jamais été plus loin qu’une fellation et il semblait se restreindre à ça. Peut-être attendait-il son accord ? Thomas était avide de contact après une solitude bien trop longue, alors il se sentait capable d’aller jusque-là, mais une autre partie de lui, plus intéressée, lui soufflait autre chose. Son zombie pourrait être un véritable garde du corps. Il pourrait ne plus avoir à fuir, jamais. Il pourrait d’une caresse le rendre fort et d’un sourire, le rendre enragé. Il pourrait avoir une vie paisible… et peut-être même être aimé, au moins au sens charnel.

A titre d’essai, il tendit la main vers son compagnon et l’effleura, mais ce qu’il trouva, là, entre ses jambes, le surprit au plus haut point. La forme et la dureté ne correspondait pas à un pénis classique. D’ailleurs, son zombie semblait étrange, presque gêné ? Thomas baissa doucement son pantalon et eut un sourire triste en comprenant la faim toute particulière qui était née chez lui. Il portait une cage de chasteté et à en voir les marques, il avait tenté de l’enlever.

- On va faire un truc, mon pote, je vais t’enlever ça et te rendre fort. Et toi, tu vas me protéger. Ça te va ?

Le zombie ne répondit pas, comme d’habitude, mais il se laissa manipuler en douceur, sans jamais faire le moindre geste brusque, s’offrant totalement. Pour détacher les deux parties, il fallait au moins trois mains.

- Tu ne changeras pas d’idée sans ce truc, hein ? murmura-t-il en hésitant, mais il la lui retira, simplement pour cet avenir dont il rêvait, pour cette perspective simple et heureuse.

Dans l’instant, il eut sa réponse. Il se retrouva coucher sur le lit, la queue de son zombie frottant contre sa hanche et des baisers pleuvant dans son cou. Thomas éclata de rire et serra le mort contre lui, heureux. Ils firent l’amour en douceur, avec une tendresse à laquelle il ne s’attendait pas.

***

Thomas avait mis un long moment à se décider, mais il avait choisi leur maison. C’était une propriété à l’abandon, bien-entendu, avec un immense parc. Elle était très jolie mais surtout autonome en eau et en électricité grâce à ses panneaux solaires. Grillager correctement le parc pour qu’il ne soit pas rempli de zombie tous les quatre matins leur avait pris beaucoup de temps. Ratisser et vider les autres maisons et les centres-commerciaux des environs pour remplir la cave et le grenier n’avait rien eu d’évidents non plus.

Mais alors que la queue de son amant le ramonait, projetant son corps contre l’un des arbres du parc, Thomas trouvait que ça avait été une très bonne idée. A présent, il pouvait se concentrer sur donner du plaisir et en recevoir. Son zombie n’avait pas l’air d’être prêt à être rassasié, mais il était plus fort que jamais et s’il ne parlait toujours pas, il était toujours aussi attentif à chacune de ses demandes.

*Il t’aura fallu une apocalypse zombie pour trouver l’amour… Joli. Roh… foutue pensées parasites. Foutez-moi la paix que je puisse profiter. Hum…*

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