Une âme inflexible

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Il n’était pas un justicier. Entre tout, il fallait s’en souvenir.
Il n’était même pas un très bon samouraï, même s’il faisait de son mieux. Il voyait bien les autres progresser et atteindre des niveaux d’expertises qu’il ne pourrait jamais espérer effleurer. A croire que son corps, malgré l’entrainement, n’avait pas cette forme d’intelligence qui rendait, pour certain, tout très simple.

Par contre, il savait être obéissant alors lui, Hachiro, le huitième fils, obéirait même s’il savait que l’ordre avait été donné négligemment, sans prendre en compte ses propres capacités et la difficulté de la tâche. Oui, il irait tuer ce renard fantomatique ou en tout cas, il essaierait quitte à en mourir.

Sa préparation finie, son arme prête et ses cheveux noués, il partit en direction de la petite forêt que son seigneur voulait qu’il nettoie. Ses amis l’observèrent tristement sans intervenir mais en acquiesçant devant l’honneur dont il faisait part en obéissant. C’était une bonne chose et ils se souviendraient de lui pour ça car il ne reviendrait pas. Ils le savaient tous. Et c’était vrai, plus jamais ils ne le revirent. Des années plus tard, ils en parlaient encore. Hachiro était parti la tête haute et puis, il s’était passé cette chose étrange. Il avait disparu. Oh bien-sûr ils s’attendaient à sa mort car il n’y avait que ça dans les bois, mais ils n’avaient pas retrouvé son corps. Plus étrange encore, les voyageurs et autres commerçants pouvaient de nouveau circuler en forêt sans être ennuyé. Quoiqu’il ait fait, Hachiro avait réussi. Mais comment ? Jamais ils ne le surent.

L’idée même que ses compagnons sachent un jour ce qui lui était arrivé l’aurait plongé dans une honte plus terrible encore. Ce jour-là, en partant, il pensait aller chercher la mort et son espoir était simple : faire assez de dégât pour affaiblir la créature ou bien, peut-être, laisser assez d’indices pour qu’un autre finalement ne réussisse là où il échouerait. Rien n’aurait pu le préparer à ce qu’il trouverait à l’ombre de cette forêt.

La marche fut rapide, en moins de deux heures, il l’avait atteinte. La majorité des chemins étaient connus pour être sûr, mais il finit par trouver la voie incriminée. Il y faisait un peu plus chaud et une douce senteur s’en élevait, promettant un joli chemin de forêt avec peut-être quelques buissons de fruits sauvages. Il n’y avait rien d’alarmant au contraire et c’était tout là le problème. La main sur son sabre, il avança prudemment sans savoir exactement à quoi s’attendre.

Cela commença sous la forme d’une caresse en travers de ses épaules. Il frissonna et se retourna mais il n’y avait rien. Cependant la caresse revint alors il se concentra dessus, ce n’était pas le vent, elle était trop précise. C’était une main. Il se retourna brusquement mais il n’y avait rien, encore une fois. Comment collecter ou laisser des indices sur un tel phénomène ?

- Pourquoi ne te montres-tu pas ?
- Pourquoi me montrerai-je ?

La voix tout contre son oreille le fit bondir sur le côté et dans le même geste il dégaina mais la pointe de son sabre, si elle atteint la zone où la voix avait retenti, ne toucha que le vide. Rien.

- Oh… Je devrais me montrer pour que tu puisses me percer de ton bout de ferraille ?

Hachiro frémit. Oui, c’était exactement ça. Il tenta de localiser la voix douce et mielleuse qui endormait ses sens, mais elle changeait toujours d’endroits et lorsqu’elle se taisait, il n’y avait que le bruit naturel de la forêt. Les arbres se balançaient doucement au rythme du vent et leurs feuillages chantaient. De temps à autres, un tronc grinçait sinistrement, mais rien de tout cela n’était anormal. Mais les oiseaux piaillaient, alors que sa seule présence aurait dû les faire taire. Depuis quand n’étaient-ils plus chassés ici ? Ils pouvaient chantonner et ils le savaient. Cette idée le frigorifia de l’intérieur plus que tout le reste. Ici, la seule proie immobile et silencieuse, le cœur battant la chamade, c’était lui. Juste lui.

- Tu commences à comprendre mon mignon ?
- Si tu ne crains pas mon sabre, montres-toi.

Et l’entité apparut d’abord sous la forme d’un renard fantomatique tel qu’il n’en avait jamais vu puis il mua en autre chose. Une jeune femme magnifique qui l’observa de ses yeux noirs avant de lui offrir un sourire amusé et de changer encore, tout en se retournant. C’était maintenant autre chose encore. Un jeune homme, un paysan à l’air timide et impressionné qui leva les mains vers lui en tremblant.

- Messire, votre lame… Je vous en prie… Rengainez-là.
- Est-ce là le visage de l’une de tes victimes, monstre ?
- Messire, je ne sais pas ce qui vous arrive, mais calmez-vous… Je vous en prie.

Hachiro n’hésita pas, refusant de se laisser duper et il s’élança pour trancher l’infâme entité. Il ne rencontra que du vide et l’apparition se déforma dans un nuage de vapeur étrange. Le paysan disparut.

- Tu n’es pas très gentil… Tant pis. Je vais être très gentil pour deux. Souffla la voix à son oreille.

L’instant d’après, il le sentit de partout sur son corps alors qu’il n’y avait rien de visible. L’entité l’entourait, il eut beau remuer, il était impossible de le chasser. Les contacts se firent plus affirmés sur son entre-jambe et ce fut comme si ses vêtements ne formaient plus une barrière protectrice. Les doigts se posèrent sur sa verge flasque et sur ses testicules venant les flatter en douceur. Il poussa un cri de rage et lui ordonna d’arrêter mais seul un petit rire lui répondit. Les caresses se poursuivirent jusqu’à le laisser haletant d’envies. Il avait fait l’amour à peine une semaine auparavant, avec une fille de petite vertu, mais son corps répondait avec force.

- Arrêtes !
- Alors que tu commences à peine de devenir dur ? Oh non… non mon beau samouraï.
- Je t’ordonne d’arrêter monstre infame ! hurla-t-il en tentant de se dégager, mais la force semblait coller à lui et il ne parvint pas un seul instant à regagner de la distance.

Le contact cessa brusquement et le silence se fit. Il était là, à moitié défroquer de s’être tant débattu, le torse se soulevant au rythme violent de ses respirations, les joues rougies par l’envie et le sexe droit, pulsant. Il ne savait pas du tout comment se sortir de ce mauvais pas et il devait trouver comment l’atteindre. Comment le blesser.

Le contact revient, de partout sur son corps, sans s’inquiéter de sa lame, et puis, il se passa la chose la plus étrange et la plus désagréable qu’il n’avait jamais connu. Le courant d’air sur sa peau rentra à l’intérieur. Il eut l’affreuse sensation d’être ouvert aux quatre vents et soudain, il ne le sentit plus. Il voulut bouger, regarder autour de lui, mais son corps ne lui obéissait plus.

- Voilà, c’est bien mieux.

C’était sa bouche qui avait parlé et sa voix qui avait retentit. Seulement, il n’avait pas voulu parler. Il tenta de lever ses mains à son cou mais elles ne lui obéirent pas. A la place, son corps marcha jusqu’au sous-bois et s’assit contre un arbre.

- Regardes comme nous sommes bien là… Tu vas même le dire. Continues. Encore. J’en veux plus.

Et ses doigts commencèrent à le déshabiller pour atteindre son sexe qui pulsait toujours et le caresser. Sans le vouloir, il se masturba, changeant régulièrement de rythme pour éviter de jouir. Il était là, à portée de vue de n’importe quel voyageur, à moitié nu, en train de se donner du plaisir. La honte le submergea, mais il ne contrôlait plus assez ses propres cordes vocales pour réussir à communiquer.

Ses traitres doigts descendirent sur son corps, allèrent toucher son intimité, appuyant dessus comme pour en tester l’élasticité. Ils en étaient simplement là quand la chaleur monta en lui sans qu’il n’y puisse rien et simplement comme ça il jouit. Le sperme s’étala sur ses doigts. Hachiro était prisonnier de son propre corps et ses doigts recommencèrent à le caresser lui donnant envie de pleurer.

- Oh, mais c’est qu’on est tout sensible maintenant.

Un rire étrange échappa de sa gorge et l’instant d’après, il était libre de ses mouvements, humilié, étourdit, mais libre. Les larmes lui échappèrent et il murmura.

- Alors c’est ça que tu fais ? Tu violes et puis tu… nous tues ?

Le rire se poursuivit, mais c’était une autre voix. Hors de lui. L’entité revint vers lui sous la forme d’un autre jeune homme, aux cheveux détachés et au corps nu.

- Pourquoi te tuer ? J’ai encore de quoi te déguster.

Il se lécha les lèvres et le frôla doucement.

- Les autres sont morts.
- Oui… Les humains… fragiles humains. Bouhouhou… Je suis tellement triste que tu m’ais fait ça. Bouhouhou… Je suis tellement triste que tu ne recommences pas.
- Tu es démoniaque.

Il éclata d’un rire encore plus fort.

- Oui, c’est exactement ça. Démoniaque. Et si je te goutais encore une fois ?
- Attends ! Attends ! Un instant. Juste un instant. Je vais me laisser faire d’accord ?

L’entité s’arrêta, le dardant d’un regard noir et le samouraï demanda :

- Pourquoi tu fais ça ?

Le monstre sourit, cruellement et répondit en bougeant d’une manière qui n’avait rien d’humaine malgré son apparence.

- Parce que ça m’amuse bien entendu.
- Et si je t’amuse assez longtemps que se passera-t-il ?
- Je m’amuserai beaucoup.

Il avança jusqu’à venir lécher sa gorge.

- Tu ne toucheras personne d’autre alors ?
- Tant que tu seras drôle.
- D’accord. Ne me tue pas, je vais… je vais t’amuser et tu ne t’en prendras à personne d’autres.

L’entité lui fit un immense sourire et vint l’embrasser comme pour sceller cet accord. Le samouraï le surprit en ouvrant la bouche et en venant mêler leurs langues. Son cœur battait encore la chamade et son sexe humide était encore sensible, mais peu importe. S’il pouvait concentrer l’entité démoniaque sur lui, alors il aurait rempli sa mission. Il était prêt à mourir pour elle… alors il devait être prêt pour ça. Ce n’était presque rien en comparaison.

- Je me lasse vite tu sais ?

Le samouraï se mordit la lèvre et lui fit un sourire étrange.

- Tu n’as jamais eu de jouets rien qu’à toi, n’est-ce pas ?
- Rien qu’à moi ?
- Oui, je t’appartiens maintenant. Alors profite.

Suite à cette seule et unique rencontre, le chemin redevient calme. On disait que parfois, là-bas, au fond des bois, là où les arbres sont si denses que le soleil ne parvint plus à toucher le sol, on entendait parfois des rires et des cris de pures luxures mais plus jamais personne ne disparut. Ses amis samouraïs vinrent, trois années de suite, le chercher puis ils abandonnèrent et le temps passa.

La forêt devint autre chose. Un bois d’amoureux où les courants de luxures embrasait le sens de tous les amants. Seuls d’autres entités pouvaient réellement les observer. Le samouraï était mort, de sa belle mort, depuis bien des siècles à présent mais son âme, elle, était toujours là, occupée à amuser son amant. Les autres aimaient les observer. Ils inventaient toujours de nouveaux jeux et ce jour-là, ils couraient entre les arbres, nus. Soudain le samouraï attrapa son amant, le plaqua au sol et vint chuchoter quelques mots à son oreille qui le firent gémir de pure luxure.

L’entité démoniaque n’y avait pas cru, mais alors que son amant s’enfonçait dans son corps tout en le pinçant de lui terrible des manières, il lui fit le plus grand des sourires. Le samouraï recula et revint plus fort en lui dans un contact d’âmes à âmes qui sonnait comme une promesse. Jamais il ne le laisserait se lasser de lui. Il mordit son cou et se régala de son goût. Oh qu’il l’aimait, son petit renard démoniaque. Et l’entité poussa un cri en retournant la situation pour le mordiller bien plus doucement.

- Vilain, vilain petit samouraï tout dévergondé ! Mais qu’est-ce que je vais faire de toi ?

Et puis, il se pencha pour l’embrasser et lui faire l’amour une nouvelle fois. Jamais ils ne s’arrêteraient.

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