La blanche innocence

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Dorian soupira en passant et en repassant devant les quelques esclaves disponibles. Il avait fait passer le mot à tous les fournisseurs de l’armées et beaucoup avait accepté de participer à sa recherche. Et aujourd’hui, toutes les solutions s’étalaient devant ses yeux et elles étaient toutes médiocres. Des corps fins, abimés, fatigués, démusclés…

Depuis son retour du front, son ami, le héros de guerre Caelgar, était différent. Il n’avait pas été blessé physiquement, ou si peu que c’était anecdotique sur son corps déjà couvert de cicatrices, mais il avait assisté à des choses qui l’avait profondément marqué. Il se réveillait chaque nuit en tremblant et peinait à revenir à la réalité. Il refusait totalement de sortir de ses quartiers, l’extérieur semblait l’agresser. Et puis il avait commencé à lui dire que la guerre était son monde maintenant et qu’à part y retourner, rien ne pourrait être fait pour lui. A deux-cent treize ans, ce jeune elfe noir, voyait déjà sa vie terminée.

- Ça ne va pas, j’ai besoin… Non, il a besoin de quelques choses de plus solide.

L’un des marchands marmonna que c’était ce qu’ils avaient de plus costauds en stock, la majorité des esclaves de force ayant été recruté pour la guerre. Ils participaient au transport des marchandises comme bête de sommes. Néanmoins l’un d’entre eux, demanda tout haut :

- Et Dirias, tu n’avais pas un dur à cuir ?

Ils se tournèrent tous vers le marchand en question qui se gratta la tête faisant bouger ses longs cheveux blancs tressés à la va-vite.

- Il ne correspond pas aux autres critères.
- Pourquoi ? demanda Dorian.
- C’est un déserteur.
- De chez nous ?
- Non. Un elfe blanc. Il a été interrogé durant des mois, mais nos forces armées n’en ont rien tirés et il prenait de la place.
- Pourquoi n’a-t-il pas été exécuté ? demanda Dorian, surpris.
- Il n’a jamais tué personne, c’est un anti-guerre. On m’a demandé de le garder parce que j’avais un peu de place et de le vendre sous contrat afin que l’armée puisse revenir l’interroger si besoin.

Dorian remua sur ses pieds, mal à l’aise. Un elfe blanc anti-guerre, quelle blague ! Ce peuple de criminel et de meurtrier ne méritait rien de plus que la mort… Il observa les esclaves autour de lui, si fin que son ami pourrait bien les tuer d’une gifle. Un esclave mort ne l’aiderait pas.

- Amène-moi ton elfe blanc.
- Vous ne comprenez pas. Il n’obéit pas. Il cherche à fuir. Il ne correspond vraiment pas.
- Et bien dresse-le et ramène-le-moi. Je payerais le dressage.

Dirias hésita un instant avant de baisser la tête dans un geste de consentement en direction du haut gradé.

***

Les tremblements de ses mains n’arrêtaient plus. Il fixait le vide et attendait, vacillant, d’entendre les pieds des gardes qui revenaient. Les histoires d’horreurs de son enfance lui revenaient, racontées à l’époque par ses frères et sœurs. Elles dépeignaient les elfes noirs comme des monstres tueurs d’enfants qui pouvaient venir aux creux des nuits les plus noires, en laissant derrière eux le simple scintillement de leurs chevelures argentées et c’était vrai. Tout était vrai. La cruauté était inscrite en eux. Pendant longtemps, il n’y avait pas cru. Qu’il avait été bête ! Croire qu’un elfe noir pouvait ne pas être si différent d’eux, civilisés, intelligents, capable d’empathie et de curiosité. Il avait tellement essayé de le prouver qu’il s’était aventuré loin derrière les lignes ennemis comme si ce n’était rien.

On l’avait torturé pour ça, durant des lunes ou peut-être plus. Il n’arrivait plus à fermer les yeux, trop inquiet à l’idée de ne pas les voir arriver, de ne pas voir ce qu’ils tenaient et de se faire surprendre encore une fois.

Un bruit discret apparut, le faisant trembler un peu plus fort et il se rapprocha, le terrorisant totalement. Il n’avait plus rien sous lequel se cacher, on lui avait retiré sa couverture moisie depuis un long moment déjà, alors il se plaqua de son mieux contre les pierres en tentant de disparaître dedans. La torche approcha de sa position et il retint sa respiration pour ne pas se faire remarquer, en vain. Ils s’arrêtèrent devant sa cellule qui était de toute manière trop petite pour lui permettre de s’éloigner et sortirent un jeu de clé. Ils étaient trois. Trois soldats, mais y avait-il quoique ce soit d’autres dans cette fichue contrée ? C’était tous des guerriers et des bourreaux en puissance !

- Passe tes mains à travers les barreaux, ordonna le plus jeune dans ce dialecte qu’il peinait encore un peu à comprendre.

L’elfe devait le savoir car il répéta méchamment :

- MAINS ! BARREAUX !

Il alla jusqu’à lui montrer ce qu’il était censé faire, mais l’elfe blanc resta prostré tremblant et cherchant à reculer, en vain. Ses mains couvertes de brulures superficielles montraient bien ce qu’il craignait. Un coup de torche était rapide à donner et les collègues ne s’étaient visiblement pas privés, à moins que ce soit arrivé au cours des interrogatoires ? Peu importe. Il allait obéir, de grès ou de force.

Lorsqu’ils le saisirent, l’elfe blanc hurla, il se débattit comme un damné, sans la moindre efficacité et il fallut le traîner pour qu’il les suive. Ruant contre leurs poignes, se débattant de toutes ses forces, suppliant parfois, il tentait par tous les moyens de ne pas y retourner. Terrorisé.

***

Dirias se tenait dans l’un des salons, la mine sombre, attendant que le haut-gradé qui l’avait fait demander n’apparaisse. Dorian finit par se montrer avec une seule question au bout des lèvres.

- Est-il prêt ?
- Non.
- Quand alors ?
- Dans trois pleines lunes … peut-être.
- Trois ?! Non. Amène-le. Je veux voir ça.

Il fallut quelques heures pour faire transporter l’elfe blanc mais en le voyant apparaître, Dorian comprit immédiatement le problème. Son corps était solide, oui. Il était plutôt grand, oui. Ses muscles avaient dû fondre ou ne jamais exister, mais il n’était pas fragile. Par contre, il était dans un état de panique assez avancé et blessé. Sans hésiter, Dorian marcha vers lui et saisit l’un de ses poignets pour observer sa main. L’elfe poussa un cri sourd, très faible, pleins d’angoisses. Il se révulsa contre lui et écarquilla les yeux démesurément. La claque qui le balaya ne parvint pas à le calmer et les ordres ne furent pas écoutés alors Dorian le frappa encore jusqu’à ce qu’il s’immobilise. Il eut beau le secouer, il ne parvient pas à le faire obéir, mais ce qu’il vit, ce fut surtout de la peur. Il le rejeta dans les bras de Dirias qui l’attrapa par le cou, le bloquant au sol pour éviter qu’il ne s’éloigne.

- Bien, je te donne une lune. Eduque-le au plaisir. Juste au plaisir. Utilises tout ce que tu veux.

***

Enfermé dans un recoin de sa chambre, Caelgar observait le lit, les peaux accumulées dessus et tous ses meubles collés contre la porte. Pourquoi avait-il fait ça ? Il n’en savait rien mais il sursauta et se mit en position de combat, ses poings fermement serrés, en entendant un coup donné dans le battant de bois.

- Caelgar ?

Il grogna, fixa les murs à la recherche d’une sortie : il n’y en avait pas. Il se raidit un peu plus encore.

- Caelgar ? Tu ne risques rien ! C’est moi ! C’est Dorian. Tu m’entends ? Je vais rentrer.

Il eut beau faire le plus doucement possible, il se retrouva néanmoins face à ses poings et le calmer fut excessivement difficile. Ça n’aurait pas été si grave, si Caelgar n’avait pas été si doué même sans ses lames. Dorian ne pouvait pas le toucher, mais il parvient à lui parler en restant accroupi face à lui. Petit à petit, il se calma et finit par se laisser tomber dans un coin. Tremblant, il fixait ses propres mains, choqué. Il avait failli tuer son ami d’enfance. Il était devenu vraiment trop dangereux.

- Je dois y retourner. Je ne suis pas… Je ne peux pas…
- Caelgar ? Ecoutes-moi. J’ai un cadeau pour toi.
- Quoi ?
- J’ai un cadeau pour toi. Tu pourras en faire ce que tu veux. Même si tu le tues, ça ne sera pas grave.

Il l’observa sans comprendre. Un cadeau ? Il ne méritait rien.

***

La peau de l’elfe était blanche. Caelgar tremblait. La peau de l’elfe était blanche. C’était son ennemi. Il devait donc le tuer.

Le mâle à la peau pâle recula un peu plus dans l’angle, terrorisé, les bras fermement enroulés autour de la tête dans un geste de défense pathétique. Il n’avait pas le corps d’un combattant. Les marques sombres de partout le long de ses flancs montraient les blessures profondes qu’il avait reçu. Ce n’était pas non plus des blessures de combattants, s’il attrapait ses poings il ne trouverait pas la moindre cicatrice sur ses articulations et les contusions semblaient défensives. C’était un civil. Non, Dorian avait dit autre chose. Il était venu chez eux de lui-même, donc ce n’était pas un civil. C’était un espion ou peut-être un assassin. Il ne tuait pas les civils, mais s’il était autre chose alors il devait le tuer. Non, il pouvait. Enfin, Dorian avait dit quelque chose d’étrange, il avait dit qu’il était un cadeau.

Il avança sur lui, menaçant, et observa, froidement, ses réactions de pures paniques avant de saisir ses poignets pour l’immobiliser. Entre ses doigts, le corps tremblait comme une feuille. Il le tira un peu vers l’avant, juste pour voir ce qu’il allait faire, pour vérifier s’il allait se défendre et c’est là qu’il le vit.

L’elfe portait un tatouage de plaisir fait à l’encre grise. Sur une peau d’elfe noire le résultat était toujours somptueux. Ici, il était plutôt discret mais pour qui savait où regarder : il était là, le long de son ventre, une ligne se glissant dans son nombril, deux autres lignes le contournant et arrivant plus bas. L’elfe lui avait été livré nu et il avait pensé immédiatement que c’était pour qu’il ne puisse pas cacher d’armes, mais ce n’était pas ça. C’était pour qu’il voit ce tatouage, qu’il comprenne que son ami lui avait offert un esclave de plaisir et pour laisser une chance de survie à l’elfe terrorisé.

Caelgar l’observa d’un nouvel œil. Les brulures sur ses mains, les bleus profonds, son regard perdu… Il avait été torturé. Rien de moins que ce que tout elfe blanc de leur côté de la frontière ne pouvait mériter. Sans sourciller, il lâcha l’un de ses poignets pour saisir sa cheville provoquant un nouveau cri muet, horrible à entendre, mais il ne se laissa pas attendrir et souleva son pied, sans s’inquiéter de dévoiler en même temps les zones les plus intimes de son corps. L’elfe remua d’une manière pathétique qui acheva de lui montrer à quel point ce n’était pas un guerrier. Sous sa voute plantaire plusieurs marques profondes confirmèrent rapidement ce qu’il avait deviné. Rien qu’avec ces traces variées il pouvait retracer son parcours.

Il avait été capturé, brutalement. La très longue plaie cicatrisée mais encore rose, dans son dos, devait venir de là. Le soldat ne s’était pas embarrassé de l’état dans lequel il le laisserait. L’objectif était de l’immobiliser et c’était ce qu’il avait fait, point final. Puis il avait été conduit à l’un des forts armés où il avait été torturé mais ça n’avait rien donné, sinon, on ne l’aurait pas oublié dans un coin. Ils avaient donc dû penser que c’était sans doute un vulgaire civil, trop débile pour respecter une frontière en pleine période de guerre. Puis, faute de place il avait été transféré, sans doute à un marchand d’esclave qui avait tenté un dressage classique, en vain… et c’était surement Dorian qui avait exigé un dressage sexuel, le connaissant, une éducation au plaisir.

Lâchant sa cheville, il glissa sa main jusqu’au ventre trop pâle et sans l’ombre d’une hésitation, il la posa là où le tatouage formait un motif complexe. Le mâle haleta, s’immobilisa et commença à pousser une série de halètement choqué. Entre ses cuisses son pénis enfla. Oui, les dresseurs avaient trouvé le point secret de son corps.

- Ça suffit ! chuchota l’elfe, le surprenant.

Ses joues rougies et son ton, plaintif, tranchait quelque peu avec ses mots, mais le mâle était un étranger et sans doute ne connaissait-il pas beaucoup de vocabulaire.

- Recule, salope !

Il s’arrêta, choqué et l’observa à la recherche du moindre indice montrant qu’il comprenait vraiment ce qu’il disait. L’elfe tremblait toujours et cherchait à se fondre dans le mur en vain. Tranquillement, il demanda, dans sa langue d’elfe blanc qui semblait toujours lui bruler un peu la gorge :

- Salope, vraiment ?

Et il put admirer le mâle haleter, choqué et faire « non » du visage avant de chuchoter.

- Pitié, pitié… Ne me faites pas mal…
- Mal ? Hum. Non. Après tout, tu es là pour le plaisir.

Et aussi simplement que ça Caelgar se redressa, s’éloignant de lui, l’abandonnant dans un angle de la pièce sans plus de considération.

***

L’odeur de la nourriture était une torture. Il avait tellement faim et tellement soif aussi. Il aurait pu faire n’importe quoi pour une petite portion et en observant l’elfe sombre cruel avec qui il avait été enfermé, il finit par comprendre qu’il allait peut-être devoir faire n’importe quoi.

Les autres aussi l’avaient affamé. Ils l’avaient forcé à faire des choses étranges pour avoir de la nourriture. Des choses qui n’avaient pas le moindre sens et il avait fini par découvrir qu’une fois sur deux, en tentant de reproduire les gestes, il se faisait battre. Son corps était encore tellement douloureux… La perceptive d’attendre plusieurs heures avant d’essayer d’obtenir à manger le blessa, quelque part dans son ventre et à un autre endroit, dans son esprit. Il voulut se recroqueviller sur lui-même, mais il ne supportait plus de toucher sa propre peau. Le tatouage avait réveillé tous ses endroits les plus érogènes et son propre contact l’électrisait totalement à présent. Il essuya vivement la larme de panique qui glissa le long de sa joue et rampa jusqu’au monstre. C’était un guerrier, c’était évident, mais la manière dont il se tenait annonçait aussi qu’il était plus, bien plus que cela. Sans doute un haut gradé. Mais que faisait un haut-gradé enfermé dans une chambre ? Il n’y comprenait rien.

Doucement, il rampa jusqu’à lui, il avait de toute manière trop mal pour se redresser. Les autres y avaient veillé en torturant ses pieds, ses pauvres pieds… Courageusement, se concentrant uniquement sur son but, il se mit à genou et leva un bras en inclinant la main pour qu’elle forme un plateau et attendit. Il avait déjà eu de la nourriture comme ça, avec les dresseurs. Il s’était également déjà pris un bon nombre de coup.

Caelgar continua de manger tranquillement, machant avec application son plat, un met traditionnel qu’il était presque impossible d’avoir sur le front de combat et qu’il appréciait tout particulièrement. Du coin de l’œil, il observait l’esclave. Il prit son verre d’eau, le porta à ses lèvres et avala, tout en écoutant l’elfe blanc haleter en vacillant sans pour autant quitter sa position ridicule. Vers la fin du repas, il lui demanda dans cette langue qu’il détestait :

- Es-tu idiot ?
- Non… répondit-il dans un chuchotement.
- Alors que fais-tu ?

L’elfe hésita un instant avant de murmurer tout doucement comme s’il peinait vraiment à l’admettre.

- J’essaie de vous plaire.
- Tu essaies de me plaire en me demandant de porter mon manteau … alors que je n’en ai pas ?

L’elfe sembla se troubler et baissa lentement la main, hésitant avant de changer de position, rendant hommage à sa noblesse. Une position de respect envers un aristocrate. Une insulte pour un guerrier tel que lui. Il se leva d’un bond et d’un très violent coup de pied en plein torse, le jeta en arrière. L’elfe blanc cria sous l’impact et produisit de grands bruits en cherchant son air. Il ne tressaillit même pas quand il poussa sur ses pieds et sur ses mains brulées, réveillant des douleurs terribles, trop terrorisé pour que l’information de souffrance ne lui parvienne réellement. Caelgar observa sa fuite, satisfait. Il ne se laisserait pas insulter par un petit elfe blanc, aussi pathétique soit-il. Le mâle se réfugia derrière le lit, se tapissant pour disparaître presque entièrement. Et l’elfe noir reprit son repas sans être de nouveau dérangé.

***

Dorian était venu leur rendre visite. Depuis qu’il avait fait livrer l’esclave -même s’il n’était techniquement pas prêt à servir qui que ce soit-, la porte ne s’était plus retrouvée bloquée. Et leur ennemi avait survécu. Il n’était vraiment pas sûr de ne pas devoir faire évacuer un cadavre et à chaque fois qu’il entrait, il s’attendait à retrouver son corps mutilé dans un coin. Mais non, il se tenait simplement au sol, toujours aussi terrorisé mais rien ne prouvait que son ami ne l’ait utilisé ne serait-ce qu’une fois. Il nota néanmoins, distraitement, la présence d’un nouvel hématome de grande taille sur son torse. Bien au moins, il en faisait quelque chose.

- Caelgar ? appela-t-il doucement provoquant un sursaut de la part de son ami.
- Oh, c’est toi.
- Oui… Je suis venu voir si je pouvais te ramener quelque chose, enfin, quelque chose d’autre.
- Reprend ton cadeau, je n’en veux pas.

Dorian se figea surprit et jeta un coup d’œil à l’esclave qui avait visiblement réussi à l’importuner.

- Oui, je sais… Il est très mal dressé. Il ne comprend vraiment pas grand-chose.
- Il ne parle presque pas notre langue et tu le sais.
- Oui.
- Alors qu’est-ce que tu espérais que les dresseurs fassent au juste ?
- Et bien disons… un meilleur travail ?

Il soupira dramatiquement en s’asseyant, peu disposé à dire à son ami « écoutes, il a l’air de te faire du bien malgré tout, alors tu le gardes et tu continues de guérir ! ». Caelgar eut néanmoins l’air de comprendre parce qu’il affirma :

- Tu ne vas pas le reprendre, hein ?
- Non.
- Tu sais que je peux le mettre à la porte ?
- Oh oui… Après tout, il suffit de l’ouvrir.

Il s’en voulu immédiatement en le voyant reculer comme s’il l’avait giflé. Caelgar avait beau parler de repartir sur le front, il n’arrivait plus à ouvrir cette porte. Une terreur sourde le tenaillait dès qu’il s’en approchait, soudainement persuadé que des ennemis en surnombre se trouvaient juste derrière ou peut-être juste des elfes noirs, des compatriotes innocents, qu’il pourrait tout aussi bien trucider dans un élan de folie. Non, s’approcher de cette porte n’était vraiment pas une bonne idée.

- Ecoutes… S’il-te-plait. C’est un esclave de plaisir, je l’ai fait moi-même tatoué. Utilises-le d’accord ? ou oublie le dans un coin pour que ça change, mais garde-le.
- Toi et ton esprit retord.
- Oui, oui, je suis terrifiant. Un vrai loup.

Il se mit à sourire, dévoilant des crocs plutôt impressionnant pour un elfe noir, rappelant le surnom qu’on lui avait donné sur le champ de bataille. Caelgar lui fit la bonne grâce d’un petit rire tout en secouant la tête alors que Dorian s’exclamait joyeusement qu’ils pourraient essayer de dresser l’esclave comme s’il ne s’agissait que d’un jeu.

Pourtant voir sa peau blanche frémir et son corps se plaquer au sol pour échapper aux mains de son ami ne lui plu pas. Dorian insista sur les lignes de tatouages, réveillant les pulsions de son corps et amenant l’elfe à haleter, les yeux voilés par le plaisir alors que les larmes, malgré tout, s’y accumulaient.

Comme s’il jouait d’un instrument, il s’amusait de sa chair et se plaisait à voir son sexe prendre une toute nouvelle proportion. L’esclave avait visiblement été gâté par la nature. Caelgar l’observa froidement, prendre la plus jolie des érections avant d’être sévèrement restreint par Dorian, jusqu’à retomber mollement. Dorian recommença, bien décidé à le rendre fou de désir. On pouvait briser les esclaves les plus récalcitrants ainsi et les larmes qui s’écoulaient maintenant librement de ses yeux étaient la preuve qu’il allait réussir.

- Encore un peu et il t’offrira son cul juste pour avoir le droit de jouir. marmonna son ami.

Caelgar se renfrogna davantage. Il n’avait pas envie d’avoir son cul ou en tout cas, pas comme ça. Il allait intervenir quand le mâle les surprit en rampant soudainement jusqu’à ses pieds, attrapant l’une de ses chevilles. Il ne prononça pas le moindre mot, se blottissant juste. Caelgar finit par le repousser d’un coup de pied délicat, puis, prit par une pulsion étrange il le saisit par les cheveux, ces foutus cheveux blond foncé, et le traîna plus qu’autre chose jusqu’à la cachette qu’il utilisait le plus souvent derrière le lit. Il le poussa pour le tasser dans l’angle et repartit, satisfait de l’avoir éloigné de Dorian.

- Tu sais, une fois perdu dans le plaisir, il serait bien plus heureux… C’est le meilleur cadeau que tu puisses faire à cet esclave.
- Qui a dit que je voulais lui faire un cadeau ?

Dorian hésita, mais changea de sujets et attendit le dernier moment avant de passer le pas de la porte pour glisser un petit mot inquiet.

- Oh et ton esclave ?
- Quoi mon esclave ?
- … il est vivant.
- Oui et ?
- Tu peux cogner dessus dans la limite du raisonnable. Tu peux le baiser dans tous les sens. Par contre, si tu veux le tuer, est-ce que tu es sûr que la soif soit la meilleure méthode ?

Dorian partit sans lui laisser le temps de répondre et en posant les yeux sur l’esclave, il comprit à quel point il pouvait l’avoir négligé sans même le vouloir. On ne lui avait pas juste offert un esclave, il avait un être vivant à sa charge alors qu’il était déjà incapable de s’occuper de lui-même.

- Merde !

Renfrogné au possible, il remplit un verre et le déposa un sol, près de l’esclave qui se jeta dessus.

***

Enroulé sur lui-même en tremblotant sur le sol dur, il faisait de son mieux pour s’endormir. Sa hanche lui faisait mal mais il n’osait pas changer de place. Il avait serré fermement les mâchoires pour éviter de laisser entendre ses dents qui claquaient. Dehors, quelque part, le soleil était levé… Et il ne pensait qu’à ça, à la douce caresse de l’astre céleste sur sa peau, à combien sa chaleur pourrait le consoler et l’apaiser. Les elfes blancs vivaient au rythme du jour. Les elfes noirs préféraient la lueur de la lune.

Peuple de rats immondes !

C’était ça qu’on lui avait appris… et pour la première fois de sa vie, il le pensait réellement. L’elfe qui vivait là n’ouvrait jamais sa fenêtre, ni sa porte d’ailleurs. Pas la moindre lueur ne les atteignait et il le haïssait pour ça. Tout à sa colère, venue plus de désespoir et de l’épuisement qu’autre chose, il fit moins attention aux bruits qu’il faisait. Il avait toujours peur que l’autre s’énerve parce qu’il tapait fort et sans sommation, mais jamais il ne se serait attendu à ce qu’il lui saute littéralement dessus ! Il poussa un grand cri alors que des mains se refermaient sur sa gorge, empêchant l’air de passer. Il fit de son mieux pour saisir ces poignets trop forts qui allaient lui broyer le cou mais il n’arriva pas à le faire lâcher prise et cela sembla enrager d’autant plus l’elfe noir qui le souleva de terre pour le balancer contre le mur sans jamais le lâcher. Un pauvre râle passait à peine entre ses lèvres, gonflant avec difficulté ses poumons. Les yeux écarquillés de terreur, il ne distinguait presque rien, rendu aveugle par la pénombre. Seul l’éclat argenté des cheveux de l’assaillant lui parvenait parfois. Ce fut cette vision qui acheva de le terroriser, il allait mourir sous les doigts d’un de ces animaux. Lui qui avait toujours cru que la guerre était une erreur et qu’ils pouvaient trouver un moyen de s’entendre, il allait mourir là, dans une longue agonie. Son cœur battait si fort contre ses tempes qu’il n’entendait plus rien d’autres. A un moment donné une chaleur étrange se répandit sous lui. Les chocs se répétaient contre le mur, l’assommant à moitié. Se tordant dans la prise dans un sursaut de vivacité angoissé, il plaqua ses jambes entre eux et poussa de toute ses forces. La prise se rompit une seconde, lui permettant de trouver de l’air qu’il aspira à grand bruit, et l’instant d’après, un poing venait s’abattre sur lui. S’enroulant sur lui-même, plaquant ses bras autour de sa tête, il fit de son mieux pour rester conscient.

Soudain, la porte s’ouvrit éclairant la scène d’un filet de lumière doux. Le garde observa son supérieur, en position de combat sur son esclave, le poing encore levé. Sur ce poing dressé, il y avait le sang de sa victime. Le guerrier respirait fortement, le regard fou. Sous lui, l’esclave était à moitié conscient et il tentait de ramper, mais il était si faible qu’il ne parvenait pas à s’éloigner.

- J’ai entendu du bruit. Je n’aurais pas dû vous déranger. Je vous prie d’accepter mes excuses.

Doucement, le garde referma la porte, clairement inquiet. Si ce guerrier décidait de se retourner contre lui, il ne pourrait pas l’en empêcher et rien de ce qu’il connaissait ne suffirait à le défendre. Tout immobile dans la pièce, Caelgar observait la porte avec angoisse. Rien n’était rentré. Il se redressa et alluma rapidement une bougie pour faire le tour de la chambre. Rien. Il se pencha et vérifia sous le lit. Rien. Il ouvrit l’armoire, poussa les vêtements. Rien.

Il était pourtant sûr qu’un instant avant il se battait contre cinq guerriers elfes blancs qui n’avaient qu’un désir, lui trancher la gorge. Il passa la main sur son cou, la plaie semblait déjà refermée. Traversant la pièce au pas de course, il se retrouva devant le miroir et put observer à loisir la cicatrice. Lentement, l’affrontement lui revint. Le feu de camp était beau. La zone avait été nettoyée une semaine avant et ils se croyaient en sécurité. Ses compagnons d’armes bavassaient joyeusement quelques heures auparavant et soudain, l’attaque éclair au profit du lever du soleil les avaient surpris. Les lames effilées avaient couru sur leurs gorges et seul un réflexe étonnant lui avait sauvé la vie en limitant la profondeur de la plaie.

Si ce n’était qu’un souvenir, alors d’où venait le sang ? Il observa ses poings, les frotta contre sa chemise et ne vit pas la moindre plaie. Non, il n’avait pas tapé dans les murs. Il soupira de soulagement en comprenant qu’il n’en était pas encore là, puis il chercha à comprendre et vit l’esclave ensanglanté dans la pièce. Il l’avait littéralement démoli. Si le garde n’était pas rentré, il l’aurait tué se dit-il en s’approchant et observant les marques sur son corps. L’elfe tentait de le fuir, mais il n’avait plus assez de forces. Caelgar l’observa froidement pendant un long moment comme si ses gémissements ne l’atteignaient pas, et peut-être était-ce le cas ? Puis il se renfrogna tout à fait. L’esclave s’était pissé dessus. L’urine et le sang se mélangeaient au sol répandant une odeur étrange.

Le petit espace de salle d’eau dans l’un des angles de la pièce ne suffirait pas à nettoyer ce carnage. Il observa la porte en silence. S’il voulait faire venir l’un des serviteurs, il allait devoir l’ouvrir.

Rampant dans son propre sang, l’elfe blanc n’avait plus conscience de grand-chose. La douleur était de partout et nulle part à la fois. Son esprit ne parvenait pas à se concentrer sur le moindre élément précis, mais il se souvenait des va-et-vient de son maître. Il avait perdu connaissance plusieurs fois.

Lors d’une de ses prises de conscience, il se souvenait du gant sur son corps qui le nettoyait sommairement. Lors de la suivante, on le secouait salement, assez pour que ses dents s’entrechoquent.

- Allez ! Ouvre les yeux !

Il obéit péniblement à l’ordre qui était formulé dans sa langue natale. Il vit l’elfe terrifiant qui avait essayé de le tuer l’observer froidement avant de dire :

- Répète après moi : « Mon maître demande Dorian ».

Les mots en elfique noir étaient étranges, mais il tenta d’obéir, aux portes de l’inconscience. Il allait y retourner tout à fait lorsqu’une claque chassa son visage sur le côté, lui offrant un soubresaut de conscience.

- Répète !

Et il le fit, péniblement, en toussant parfois, la gorge en feu, mais il le fit. Encore et encore. Puis soudain, visiblement satisfait, Caelgar entrouvrit la porte et le jeta dehors avant de crier depuis l’intérieur de la pièce :

- Répète encore !

***

Dorian savait pertinemment, depuis le premier jour, que ce genre d’accidents pourrait arriver. Il avait demandé l’esclave le plus solide qu’ils puissent trouver exactement pour ça et le choix était visiblement payant. L’elfe avait survécu. Son corps était profondément marqué, certes, et il faudrait bien des jours de repos pour que l’incident s’efface. D’ailleurs il ne le ferait jamais totalement : des cicatrices resteraient.

- Qu’est-ce qu’il fait là ?
- Hum, et bien, je dirais qu’il va surtout dormir.
- Dorian, la prochaine fois, je vais le tuer et tu le sais.
- Et alors ? C’est ton esclave, tu en fais ce que tu veux. Personnellement je te conseillerai plutôt de le faire gémir de plaisir, mais si ce que tu veux, c’est l’entendre pleurer… libre à toi.

Caelgar recula et son visage se déforma en une grimace si rapide que son ami cru l’avoir rêvé.

- Tu sais que ce n’est pas ce que je veux. Ça va juste arriver. Alors tu le prends et tu l’emmènes loin de moi !
- Non.
- Non ? Pourquoi non ?
- Ça fait un mois qu’il était là et c’était la première fois que tu basculais. Avant, ça arrivait toutes les semaines ! Putain Caelgar, regarde-toi ! Tu vas mieux.

Mieux… Il soupira. Il ne l’avait même pas remarqué.

- A quel prix ?
- Au prix d’un esclave inutile qui ne sait pas obéir. Je dirais que ce n’est vraiment pas cher payé. Et je suis sérieux, je ne l’ai pas fait tatouer parce que c’est joli.

Dorian repartit étrangement furieux. Il avait tellement envie que son ami s’en sorte. Il avait tellement envie de le voir se battre réellement contre son état. Et rien… Vraiment rien, il ne le faisait pas.

***

Son maître dormait à moitié sur le fauteuil et lui, il attendait, le cœur battant au rythme de sa frayeur dans le lit. Cela faisait trois nuits maintenant depuis le passage à tabac et il avait toujours aussi peur. Il avait toujours cru qu’il pourrait au moins se défendre en cas de problème mais il venait de découvrir que ce n’était pas le cas. Son maître était simplement trop fort pour lui. Ce n’était pas comme avec ceux qui venait à plusieurs pour l’immobiliser et finalement le blesser. Ce n’était pas comme avec ceux qui l’enchaînait avant de le blesser. Son maître n’avait besoin d’aucun artifice et même pas d’être réellement réveillé pour pouvoir le tuer. Il ne s’y trompait pas, il n’avait survécu que grâce à une chance terrible.

Comme souvent, Caelgar se réveilla en sursaut, regarda autour de lui et fut rapidement attiré par les gémissements de pures angoisses de son esclave. Tout allait bien. S’il était là, ça voulait dire qu’ils étaient dans sa chambre, dans ses quartiers, dans une zone parfaitement sécurisée. Autrement dit tout allait réellement bien. Il souffla doucement pour chasser les tremblements de ses mains et marmonna dans cette langue immonde :

- C’est ok…

Comme l’esclave tremblait toujours, il finit par se lever en soupirant afin de s’approcher de lui et il se répéta tout en posant une caresse dans ses cheveux.

- Tu ne risques rien.

L’elfe tremblotait toujours lorsqu’il décida de s’installer à côté de lui. Ce n’était pas gentil. Le seul véritable acte de gentillesse qu’il pourrait faire serait de sortir de la chambre… et ça clairement, ce n’était pas possible. A la place, il le tira contre lui et caressa ses bras. Il était sûr qu’il n’arriverait pas à le calmer et pourtant au bout d’un long moment, les tremblements s’espacèrent et finalement, il s’endormit. Avoir un elfe ennemi en train de se reposer entre ses bras était vraiment inapproprié et plusieurs fois, il eut envie de se lever et de le chasser. Il ne le fit pas. A la place, il l’observa tranquillement et savoura l’idée de ce poids chaud contre lui.

Sans y prêter attention, il se mit à laisser sa main courir le long de son bras, le caressant tendrement. Lorsqu’il en prit conscience cela le troubla énormément et l’érection qu’il présentait alors finie de le perturber. Il tenta de se rassurer. Depuis quand n’avait-il pas fait l’amour après tout ? La dernière fois, c’était une baise rapide avec un autre guerrier, dans un tas de foin d’une grange abandonnée. Cela faisait plusieurs pleines lunes. Avant ça, c’était un autre guerrier et avant encore un autre. Oui, c’était sans doute dans l’ordre naturel des choses d’éprouver ce genre d’envies maintenant. Et c’était sans doute même une bonne chose, montrant que son corps commençait à refonctionner normalement. Et puis Dorian serait ravi s’il commençait à utiliser concrètement son cadeau, mais pouvait-il faire ça ?

***

L’elfe blanc se tenait totalement immobile. Son corps était toujours recouvert de plaies et il ne se sentait pas vraiment mieux, mais il était arrivé à une triste conclusion. Tôt ou tard, Dorian allait revenir et le toucher. Les lignes de tatouages hyper sensibles assuraient de son rôle, il avait été offert comme esclave sexuel. Il n’échapperait pas à tout ça et il avait besoin de quelque chose de précis. Son maître avait fini par lui fournir à boire et à manger, mais ce dont il avait besoin été autrement plus précieux et difficile d’accès que ça. Il lui fallait trouver la sécurité.

Pour obtenir cette fameuse sécurité, il s’était convaincu de se rapprocher de son maître, physiquement. Il venait de frôler son bras et attendait de voir s’il allait lui répondre avec violence ou pas. Mais Caelgar s’était juste figé et il semblait attendre de voir la suite.

Lentement, lui permettant de l’arrêter à tout instant, l’esclave s’était fait caressant. Du bout des doigts, il touchait son bras, remontant vers son coude et redescendant lentement vers son poignet. Voyant qu’il ne remuait pas, il approcha son visage et le posa sur son torse, écoutant son cœur. Le rythme était lent, tranquille, le rassurant vraiment et l’aidant à faire davantage.

Ce n’était qu’une invitation douce, mais Caelgar restait immobile comme s’il était en train de faire la chose la plus étrange au monde. Finalement l’elfe noir demanda :

- Pourquoi ?

La réponse n’était pas évidente, mais il fit de son mieux pour formuler, dans sa langue natale, de quoi il en retournait.

- Je préfère… servir à ça, qu’à autre chose. Je voudrais que vous vous sentiez bien avec moi.
- Si tu n’as pas envie. Ne le fais pas. Je ne te battrais pas.
- Et si j’ai envie ?

Caelgar attendit, frémissant sous les caresses et finalement, il n’y tint plus. Ses doigts allèrent au contact de son ventre nu, touchant directement l’une des lignes de tatouages. Le mâle répondit immédiatement au contact en se cambrant et en gémissant. Les tatoueurs avaient visiblement fait de l’excellent travail.

Comme avec Dorian, très vite il haleta mais cette fois-ci il semblait beaucoup plus volontaire. Il n’hésita pas à écarter les cuisses et à gémir contre ses doigts dans une invitation qui n’avait rien de discrète. Caelgar fit attention à contourner les meurtrissures pour rester uniquement dans le registre du plaisir. Voir son esclave se tordre de désir lui plaisait vraiment beaucoup, alors il insista. L’elfe remuait franchement à présent, venant au contact de ses doigts pour en obtenir plus. Ce n’était pas difficile, il était délicieusement sensible, même en dehors des zones tatouées.

Tout en le tenant fermement contre lui, il intensifia les caresses, l’observa durcir, le masturba tranquillement sans exprimer la moindre émotion et sourit intérieurement lorsqu’il se mit à jouir avec abondance dans sa main. Il la mit de manière à ne rien salir d’autres et lorsque l’elfe revint à peu à lui, ce fut pour entendre un seul mot qui le fit rougir intensément.

- Lèche.

Caelgar lui montrait sa main souillée attendant qu’il le nettoie. L’esclave hésita un très court instant avec de s’exécuter. Le goût, l’humiliation, ce n’était rien comparé aux risques s’il s’énervait… mais ce n’était rien non plus comparé au plaisir qu’il venait de ressentir.

***

Il observait froidement la porte. Ce n’était qu’un vulgaire panneau de bois. De l’autre côté se trouvait un garde ridiculement faiblard et dans tout le bâtiment, pas un elfe ne pourrait sans doute l’égaler. Ce n’était pas simplement sa force physique ou son habileté. L’expérience lui avait conféré des réflexes impressionnants. Il n’y avait rien qu’il ne puisse affronter là-derrière et pourtant une sourde angoisse le prenait.

S’il venait à déraper, s’il venait à prendre ses amis pour des ennemis, il n’y aurait que Dorian pour l’arrêter et même lui pouvait être blessé gravement dans le duel. Baissant la tête, amer, il se flagella mentalement. Il était foutu. Cassé. Il en avait vu d’autres avant lui mais jamais il n’aurait cru que ça l’atteindrait.

Un contact léger s’appuya sur son mollet avant de repartir. Son esclave était à genoux à côté de lui et il ne pouvait pas s’empêcher de remuer. Le jouet que son maître avait inséré dans son corps frottait plusieurs points sensibles et à la sortie, il venait à la rencontre d’une ligne de tatouage, provoquant une excitation purement incontrôlable. Caelgar avait tenu à le faire s’habiller, mais les vêtements osés ne cachaient rien de son corps. C’était presque pire que la nudité. Presque seulement.

Par ce seul regard, l’elfe avait chassé tous ses doutes. Du bout du pied, il poussa le jouet faisant sursauter et couiner son esclave qui revient contre sa jambe. C’était une facette qu’il commençait tout juste à découvrir. L’elfe blanc était câlin. C’était étrange, parfois un peu bizarre et dérangeant, mais surtout inattendu.

- Allez, suis-moi. Au pied.

L’elfe frémit et fit de son mieux pour obéir en se collant à lui alors qu’ils avançaient jusqu’à la porte. Caelgar saisit la poignée, trembla un instant, baissa les yeux sur son soumis à quatre pattes, admirant les doux mouvements de son dos et l’actionna. Il n’y avait rien de l’autre côté. Il ne savait pas trop ce qui l’avait angoissé. Ce n’était qu’un couloir vide faiblement éclairé par quelques torches.

Le garde se tenait un peu plus loin, il sembla surpris de le voir et il recula légèrement, comme s’il avait peur d’un dérapage. Vu ce qu’il avait surpris la dernière fois ce n’était pas surprenant en soit. Mais cette fois-ci, il put juste observer le binôme passer. Caelgar était un grand guerrier, même en habit de ville, dans un pantalon et un gilet de cuir, il était impressionnant. Son port altier, ses cheveux finement tressés pour ne pas gêné ses mouvements en cas de combat, … Tout, absolument tout, semblait lui dire « danger ». L’esclave qui rampait contre lui de son côté ne transpirait que de sensualité. Deux profils terriblement différents.

Le duo s’éloigna lentement, au rythme de l’elfe blanc, ils continuèrent. Au fur et à mesure, Caelgar sentit l’angoisse remonter alors il les fit s’arrêter sur le premier balcon venu. De là, il put admirer pour la première fois depuis longtemps la lune. Elle n’était pas pleine, mais purement magnifique. Les rayons sur sa peau lui firent du bien. Il s’installa contre le mur, derrière lui, oubliant son esclave un instant pour profiter de ce moment.

Lorsqu’il revint à lui, l’elfe blanc tremblait de désir, le jouet toujours profondément enfoui remuant au rythme de ses mouvements. Il le touchait délicatement du bout de l’épaule, refusant de faire cesser le contact.

- Et bien alors ? Une petite envie ?

L’elfe n’avait pas compris les mots mais un gémissement de pure luxure lui échappa. Caelgar tendit le bout de sa botte pour venir entrechoquer sa verge humide.

- Frotte-toi. ordonna-t-il dans sa langue.

Sur cette simple demande, l’elfe blanc obéit. Il se pencha, blottissant sa tête contre son genou et basculant ses hanches pour venir se soulager contre son pied. Malheureusement, à chaque mouvement, le jouet pivotait partiellement en lui, appuyant sur ses chairs intimes. La jouissance fut rapide, amusant son maître qui lui ordonna tranquillement de nettoyer en souriant.

***

Dans le lit, enfouie sous les couvertures épaisses, l’esclave dormait sur le torse de son maître. Il était profondément endormi lorsque ça arriva. Il fut soudain projeté loin de sa chaleur dans un mouvement sec. Retombant au sol au milieu des couvertures, il chercha immédiatement à se rouler bouler en boule, le souffle court. Il ne fallut pas attendre plus de trois secondes avant que Caelgar lui tombe dessus, le frappant dans un grand coup de poing.

- Maître ! cria-t-il. Maître ! Pitié ! C’est moi ! Maître !

Un second coup le frappa, lui tirant un cri supplémentaire. Caelgar l’enjamba, l’attrapant par les cheveux pour le cogner encore. Dans un élan paniqué, l’elfe blanc leva le bras, mais pas pour le mettre en opposition et se défendre puisque ça ne servirait à rien. Au contraire, il chercha à aller caresser son maître et glissa sur ses endroits les plus intimes.

- Maître… s’il-vous-plait.

Caelgar grogna, l’observa un moment puis s’effondra sur lui. Il avait recommencé. Par tous les dieux, il avait recommencé ! Son esclave continua à le cajoler jusqu’à faire naître une excitation réelle. De caresses en caresses, il demanda et obtint l’accès à son corps. L’elfe remonta une jambe pour lui permettre d’aller chercher les lignes les plus discrètes du tatouage et gémit de plaisir lorsqu’il fut caressé. La préparation rapide le détendit assez pour ne pas ressentir de grandes douleurs lorsque son maître le pénétra.

Sa verge était dure et imposante, mais le plus important était les douces caresses qu’elle venait apposer à l’intérieur de lui, le faisant rougir et chouiner, pour en avoir plus. Jamais Caelgar n’accepta d’augmenter le rythme, le torturant par cette approche douce qui venait contrebalancer la violence première. Ils firent l’amour lentement avec une tendresse que jamais l’esclave n’aurait cru trouver entre ses murs. Son maître fit de son mieux pour se retenir jusqu’à ce que les prémisses de l’orgasme n’arrivent afin de se coordonner avec lui. Ils vinrent ensemble dans un mélange de cris et de halètements délicieux.

***

- Tu n’aurais pas dû l’emmener. Chuchota Dorian en fronçant les sourcils.

L’esclave était bien plus présentable que lorsqu’il l’avait fait livrer la première fois. L’immense majorité de ses blessures avaient cicatrisées et une bonne partie avait eu le temps de disparaitre. Néanmoins, de nouveaux bleus fleurissaient régulièrement sur son corps. Rien d’aussi grave que la première fois où Caelgar l’avait battu, mais ça arrivait encore.

Emmener un esclave de plaisir à une réunion tactique ne faisait pas vraiment, mais ça, on pourrait le lui pardonner aisément. Après tout, que ne pardonne-t-on pas aux héros de guerre ? Par contre, emmener un elfe blanc, voilà qui serait bien plus difficile à faire admettre, même s’il portait effectivement peu de vêtement, des pinces légères aux tétons, un collier lourd rappelant son statut et un jouet, profondément enfouie dans son rectum.

- Il sera délicieux à observer.
- Tu vas en faire un espion pour sa cause ? Juste parce qu’il a un beau cul ? Sois sérieux, Caelgar. Fais le raccompagner dans vos quartiers.
- Non. Je le garde.

Il ne parvient pas à verbaliser l’explication. Les mots auraient pu être « Tu n’as pas envie de me voir déraper, je n’ai pas envie de déraper… et quand il est là, tout va bien. Et puis si ça arrive malgré tout, il sera la seule assurance que je ne touche à personne. ». Il aurait pu réellement justifier son choix, mais il ne le fit pas, observant simplement son ami. Dorian hésita un moment, souffla, se détourna, fit quelques pas et revient avec un air assez terrible.

- Très bien ! Tu veux l’emmener au conseil de guerre ? Il vient. Fais lui porter un masque intégral ou vous repartez tous les deux.

Caelgar frémit, mais ce n’était ni de la peur, ni de la colère, ni une forme d’outrage. Oui, il était le supérieur de Dorian, mais aussi son ami et son idée était sommes toute acceptable. Non, s’il frémit ce fut d’excitation.

La cagoule ne fut pas difficile à installer, mais il fallut un peu de temps pour prévoir les choses correctement. Son maître commença par bander ses yeux avec un tissu épais qui l’empêcha immédiatement de capter la moindre lumière. Puis, deux petits bouchons s’insinuèrent dans ses oreilles, le coupant du bruit avec une efficacité remarquable, faisant aussitôt grimper l’angoisse. Il tâtonna un instant et s’accrocha avec force au pantalon de son maître. Pour cet acte, il reçut une caresse sur le crâne. La cagoule vient ensuite l’enserrer, rendant sa respiration chaude et pénible. Il ne voyait plus rien. Il n’entendait plus rien. Les caresses reprirent, directement sur l’objet, le calmant. Le plus important était de plaire à son maître alors il fit de son mieux pour se déplacer comme il le demandait et pour rester sagement à ses pieds lorsqu’il s’installa.

Là, perdu dans ce silence profond, il fit un point étrange sur sa vie. Esclave de plaisir pour un guerrier elfe noir. Cela sonnait si mal, comme si c’était une mauvaise chose. Pourtant, il n’en était rien. Son maître avait besoin de lui. Il avait besoin de poser ses yeux sur sa peau pour s’ancrer au moment présent. Il avait besoin de le toucher pour sortir de ses cauchemars éveillés. Il avait besoin de l’observer jouir pour ressentir du bonheur. Alors oui, il était un esclave. Lui qui avait toujours voulu arrêter la guerre, avoir un rôle dans l’histoire, se retrouvait plus bas que terre. Il n’avait même plus d’identité propre, il était simplement l’esclave de plaisir de Caelgar.

Un gémissement sourd lui échappa. Le long de son téton une caresse venait d’être posée. Son maître aimait le voir toujours entre deux états de plaisirs et la séance, aussi obscure soit-elle, allait le faire vaciller aux portes du bonheur. Il ne reverrait sans doute jamais le soleil, mais le centre de son monde avait changé à présent et tout était pour le mieux.

Caressant son esclave brisé, Caelgar se sentit pleinement satisfait. La réunion serait longue, les décisions tactiques nombreuses et durant tout ce temps son petit elfe aurait son sexe dressé et peut-être que dans l’intimité de leurs chambres, après des heures et des heures de frustration, il lui permettrait de nouveau de jouir.

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