Tâtonnements

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19 Psychiatrie Sud-Ouest

Lorsque j’arrivai à l’hôpital, j’étais encore complètement défoncé à cause des médocs que j’avais absorbés. Il me fallut d’ailleurs trois jours pour que les effets des médicaments se dissipent complètement. On m’installa dans ma chambre, la seule qui avait quatre lits. On me posa quelques questions sur mon geste, les médocs que je prenais… puis on me laissa me reposer. À un certain moment, la porte s’ouvrit. Un garçon de mon âge entra. Il me regarda et me demanda mon nom. J’étais assez défoncé et visiblement je le regardais d’une drôle de façon. Je dus lui dire trois fois mon nom pour qu’il comprenne tellement j’avais la bouche pâteuse et que j’avais du mal à articuler.

Tout d’abord, Nico, c’était son nom, me prit pour un débile. Il sortit de la chambre. Plus tard, lui et moi, on devint comme les deux doigts de la main. Dans l’après-midi, ma mère, ainsi que mes grands-parents, arrivèrent m’apporter mes affaires. Puis, j’eus un entretien avec un des psys de l’unité, le docteur Cornélio, qui serait mon psy-référent durant mon séjour. À un certain moment, nous descendirent boire un verre à la cafétéria (qui était un vrai cafetard). Lorsque ma mère me ramena dans l’unité de soin, je vis que j’étais dans une unité psychiatrique, mais je n’étais pas fou ! J’étais en colère, je fis la remarque. L’équipe médicale m’expliqua que les unités psychiatriques étaient bien loin des stéréotypes qu’on voyait dans les films. Malgré leurs explications, j’étais extrêmement frustré.

Le soir, au moment du repas, je fis plus ample connaissance avec les autres patients. Lorsque je répondis pourquoi j’étais là, le réflexe de la plupart fut de me montrer leurs poignets. Il n’y avait cependant pas que des dépressifs en psychiatrie sud-ouest, il y avait aussi des anorexiques, des schizophrènes et des psychotiques. Dans un sens, je me sentais soulagé. Car je n’étais pas le seul à vivre ce genre de soucis. Mais hormis Nico, et plus tard Aurélia, je n’arrivais pas à me confier aux autres patients.

Ma mère vint me revoir le lendemain. Elle m’expliqua qu’elle avait téléphoné à la mère d’Isa, qu’elle lui avait annoncé ce qui s’était passé, et ce qu’Isabelle m’avait fait subir. La mère de cette dernière avoua à la mienne que ce n’était pas la première fois qu’Isa faisait croire qu’elle était enceinte. D’après ma mère, elle avoua aussi que sa fille était une véritable peste. Malgré cela, je l’avais toujours sur la patate. Chaque fois qu’on me parlait d’elle, je me sentais super mal après. Ce fut pire lorsqu’elle me téléphona. La première fois qu’elle le fit d’ailleurs, on s’engueula pendant près d’une demi-heure. Pour finir, les autres coups de téléphone de sa part s’avérèrent plus sereins, mais me rendaient beaucoup plus mal, me renforçaient dans ma dépression. Pour finir, elle arrêta de me téléphoner, une semaine ou deux après le début de mon hospitalisation.

Au fil des jours, je commençai à m’adapter à l’atmosphère de l’unité pour adolescents et jeunes adultes. Je dois dire que ce n’était pas trop compliqué : on ne foutait rien pendant toute la journée, entretien avec le psy deux fois un quart d’heure par semaine, et un entretien de famille une heure par semaine. Au fil des jours, je fis la connaissance de Nico. Il était très chouette, avait les mêmes tendances musicales que moi. Il jouait aussi de la guitare, et en plus chantait vachement bien. Finalement on me changea de chambre, et je me retrouvai dans la même que lui. Musique toute la journée, guitare toute la journée. Les murs de la chambre étaient couverts de posters de Jonathan Davis (Korn, je vais avoir le loisir d’en parler plus loin et plus longuement) et de Kurt Cobain. À partir de ce moment-là, Nico et moi on était devenus super potes, on faisait quasiment tout ensemble. Il était comme moi : dépressif et avait tout arrêté.

Un jour, ma mère eut une sale nouvelle à m’annoncer :

« Greg, j’ai été à la gendarmerie pour une convocation à ton nom.

— Comment cela ?

— Quelqu’un t’a dénoncé pour consommation et trafic de drogues. »

Je voulais savoir qui et comment, mais d’abord ma mère ne voulut pas me répondre. Elle le savait, car le gendarme lui avait lu la déclaration du mec. La seule chose que ma mère m’expliqua était la suite de la procédure. Je devais passer un interrogatoire, aller uriner plusieurs fois pour les flics, et ceux-ci allaient visiter ma chambre, en d’autres mots perquisitionner ! Si je n’avais rien, tant mieux, mais on pouvait réutiliser cela plus tard si je récidivais. Pour le reste, j’en savais trop rien. Ma mère ne voulait rien me dire de plus.

Finalement, quelques jours plus tard, sous mes instances, elle céda et m’avoua qui l’avait fait. C’était Alain, le mec avec qui on était en Italie, celui qui était au spectacle de ma mère, le fils du parrain de ma sœur. Il avait été raconter que je lui avais fourgué son premier joint à la maison des jeunes, ce qui était archi-faux. Ma mère put d’ailleurs très bien l’expliquer au gendarme, car la seule fois où j’y avais mis les pieds, je l’avais croisé à la sortie en m’en allant alors que lui venait d’arriver. Donc je n’aurais pas eu le temps de lui en filer ou en vendre, surtout que ma mère était là !

Quand j’appris cela, je rentrai dans une rage folle. J’étais prêt à faire n’importe quoi pour qu’il paye ce qu’il m’avait fait. J’étais prêt à téléphoner à des potes pour qu’ils lui cassent la figure. Mais je réfléchis et me dis que s’il lui arrivait quelque chose, bien que je sois à l’hôpital, cela me retomberait dessus. Alors, je ne fis rien, et fermai ma gueule une fois de plus.

Mon hospitalisation me permit de découvrir aussi les gens de ma classe. En effet, beaucoup vinrent me rendre visite. Bien sûr, les élèves n’étaient pas au courant que j’avais fait une tentative de suicide, mais j’en parlai avec plusieurs. En plus, Isabelle était au courant et en avait sûrement parlé à certaines personnes, mais ça je n’en suis pas certain. Bref, j’eus une totale surprise le premier week-end en recevant énormément de visites. D’ailleurs, Aurélia disait quand j’avais de la visite que je recevais mon fan club.

J’ai eu beaucoup de soutien, mais j’eus aussi une grosse trahison : celle d’Alex. Il m’avait déjà trompé avec Isabelle mais là, il m’enfonça encore plus. À cause des flics et étant positif, je lui avais téléphoné pour lui demander qu’il me rapporte un cachet qui faisait partir les traces de cannabis dans le sang. Il n’avait juste qu’à faire les démarches auprès d’un pote commun. Il m’avait promis de me donner des nouvelles, chose qu’il ne fit jamais. En parlant de cela à des camarades de classe, l’un d’entre eux me rapporta qu’elle avait épié une conversation entre lui et Isabelle où ils me descendaient littéralement tous les deux. La rage augmentait en moi. Celui que j’avais considéré comme un petit frère, que je défendais quand on se moquait de lui, me faisait lui-même des moqueries et sales coups dans le dos.

Le premier dimanche, je sortis avec une fille qui s’appelait Cécile. Notre « relation » dura deux ou trois jours. Ce n’était pas ça. Je pense que c’était juste parce que j’étais en manque d’affection. En plus, elle se confortait dans ses problèmes et faisait tout pour attirer l’attention des gens. Le dernier soir, elle était dans sa chambre et m’avait fait mander par une de ses camarades de chambrée. Je voyais que ça n’allait pas, et après lui avoir demandé ce qu’il se passait, elle me montra ses bras. Ils étaient taillés de haut en bas, comme si elle avait voulu s’ouvrir les veines. Les blessures étaient peu profondes, comme si elle voulait juste attirer l’attention. C’est à ce moment-là que je coupai les ponts. Je ne pouvais pas soutenir quelqu’un dans cet état-là. C’était au-dessus de mes forces.

Mais le lendemain, je sortis déjà avec une autre fille, Ikram. Une nouvelle venue qui squattait notre chambre. Elle aimait la même musique que Nico et moi, et chantait lorsqu’on faisait quelques trucs à la gratte. Le jour d’après, j’eus la visite d’Isabelle, qui accompagnait deux autres personnes de l’école. La visite me fit mal. Sa présence était néfaste, elle me faisait ressortir tous ces souvenirs qui m’avaient conduit jusque-là. Le soir, Ikram et moi on se retrouva dans les toilettes de ma chambre, où l’on fit l’amour sans protection. Je me rendis compte que j’avais fait une connerie, que je réalisais en fin de compte que je n’aimais pas cette femme (elle était plus âgée, vingt-deux ans à l’époque si je me souviens bien).

Toute la journée du lendemain, je réfléchis. Je ne savais pas quoi faire. Nico remarqua au soir que j’étais bien plus pensif que d’habitude et que j’avais évité Ikram toute la journée. Je lui racontai ce qu’il s’était passé la veille, et m’avoua que juste avant que l’on commence à sortir ensemble, il était aussi passé par les toilettes avec elle. On décida de couper les ponts. On se mit à penser qu’elle nous avait bien eus tous les deux, qu’elle nous avait bien baisés tous les deux, au sens propre comme au figuré.

20 La douce lumière d’Aurélia

Le lendemain de cette histoire, une nouvelle arriva en psychiatrie sud-ouest. C’était une nouvelle pour moi, mais en réalité elle avait déjà été hospitalisée une première fois et connaissait Nico. C’est grâce à lui que je fis sa connaissance, car elle vint lui dire bonjour dans notre chambre peu après son arrivée. Elle était très belle avec ses longs cheveux châtains, ses yeux bleus profonds comme l’océan. Ses sourires respiraient la gentillesse. J’eus comme une sorte de coup de foudre soudain. Mais je n’y croyais pas trop, je ne voulais plus y croire. Pourtant, le soir même, on se tenait la main, mais je pensais que c’était par jeu, et je ne pensais pas un minute que je sortirais avec elle. Je pensais qu’elle n’en avait rien à foutre de moi. Mais en fait ce fut le contraire qui se produisit.

Le mercredi matin, elle me dit qu’elle m’accompagnerait l’après-midi quand j’irais boire un verre. Début d’après-midi donc, et elle descendit quand j’allai prendre ma petite chope. On se donna la main pendant le temps qu’on était au café, et puis on sortit se promener un peu. On alla à l’étang qui se trouvait juste derrière l’hôpital. Là, assis sur un banc, elle me dit qu’elle avait froid et je la réchauffai un peu en la prenant dans les bras. Et puis, on s’embrassa. C’était magique. J’étais transporté. Mais je n’y croyais pas encore trop. Je me suis dit que ce n’était que pour une après-midi. On discuta, et on s’avoua nos sentiments. Elle avait flashé sur moi et consort et je lui disais que c’en était de même pour moi.

Mais, Lorsqu’on remonta dans l’unité, surprise ! Qui était dans ma chambre ? Daphnée ! Aurélia voyant ça, s’éclipsa. Surtout que Daphnée m’avait apporté une rose, qui trôna d’ailleurs pendant tout mon séjour sur ma table de nuit. On descendit au café, prendre un verre. Je me rappelle qu’elle n’a rien pris. Je voulais lui offrir un verre, mais elle n’a pas voulu. Je lui racontai que je venais de commencer une relation même pas une demi-heure plus tôt. Puis, avant de remonter, j’allai chez le fleuriste acheter deux, trois roses pour Aurélia. Quand Daphnée partit, elle alla la trouver avec moi et lui dit qu’elle avait bien de la chance de sortir avec moi. Et moi, je lui offris les roses. Aurélia m’annonça par la suite qu’elle croyait que je m’étais foutu d’elle, que je sortais réellement avec Daphnée, mais qu’elle changea d’avis lorsque j’arrivai avec les roses.

J’étais sur un petit nuage avec cette relation, même si j’avais encore de gros problèmes à résoudre. Surtout avec mes parents. Je voulais mon indépendance. Je ne voulais plus revenir à la maison et à nouveau subir les engueulades incessantes de mon père. Je l’envoyai péter plus d’une fois pendant mon hospitalisation, car il recommençait à nouveau : ses rares visites duraient à peine, se terminaient par des reproches. Et souvent, il attendait en bas, venant juste à l’heure pour les séances de thérapie familiale.

Les infirmières me parlèrent de ce qu’on appelle les appartements supervisés et me dirent que je pourrais voir une assistante sociale pour en parler. Mais je ne l’ai jamais vue. Et puis, mes parents refusèrent catégoriquement. J’appris plus tard que les appartements supervisés étaient faits pour des personnes ayant eu des problèmes psychologiques graves, qui avaient fait de longs séjour en clinique, pour se réinsérer et que c’était en majorité des gens plus âgés. Donc je n’ai rien raté. Puis, il fut question de mise en autonomisation. Ce fut Nico qui me parla de cela. Il allait peut-être en bénéficier. On peut avoir ce type de soutien grâce au Service d’Aide de la Jeunesse. Mais je ne l’ai pas fait non plus. Sur ce point-là, partir de la maison, je ne fis aucune démarche, même si le désir de partir était très fort.

J’eus une visite un peu particulière vers le milieu de mon hospitalisation : le chef pionnier de mon ancienne unité scoute vint me rendre visite. Il me proposa d’intégrer les pis et de venir en camp avec eux, que cela me ferait certainement du bien. Afin de me décider, l’équipe médicale accepta que je sorte une journée. J’allai participer à une réunion, pour voir. Ce fut difficile. Sortir déjà de ce cocon qu’était l’hôpital, me retrouver face à toutes ces anciennes têtes connues, relevait un peu du surnaturel. Et puis, il y avait M., qui était pionnière. Je ne sais plus si on parla beaucoup cette journée. Mais au final, je décidai de ne pas retourner dans le scoutisme. Je voulais avancer, couper court, c’était de l’histoire ancienne. Je dois dire que je fus soulagé de retourner le soir à l’hosto, je ne me sentais pas prêt.

Je commençais à me rendre compte que j’avais d’énormes problèmes de poids. De soixante-neuf kilos en janvier, je passais à un poids de quarante-cinq kilos en mars. Il est vrai, je ne mangeais plus correctement. Je n’arrivais pas. Je n’avais pas faim. À la fin du séjour je commençais à en reprendre un tout petit peu. Parfois, j’avais des faims subites, souvent après avoir pris mes médocs et je me goinfrais en sandwiches ou en crasses telles que chips, bonbons et consort. Mais j’avais toujours d’énormes problèmes de concentration depuis ma tentative d’octobre. Je ne savais plus plancher sur rien. Mes problèmes sur ce point-là ne se résolvaient pas. J’essayais de me forcer mais rien à faire après trente secondes je décrochais. Tout m’était devenu impossible. C’était l’enfer. Ces ennuis, je les ai encore eu pendant plus d’un an, et même encore en janvier 1999 même si je remontais la pente, j’avais encore de graves soucis sur ce point-là.

Les congés de Pâques approchèrent. Mes parents partaient en vacances, mais pour moi c’était hors de question. Je ne voulais pas du tout les accompagner. J’en avais marre des vacances avec les parents où on s’emmerde car on est tout seul, pas de jeunes de son âge, et faire des visites barbantes à tout casser. Mais ma mère ne voulait plus que je reste à l’hôpital, tellement elle trouvait l’endroit malsain. Surtout que je lui avais déballé ma petite aventure avec Ikram. Olivier, que j’eus au téléphone me proposa de venir chez lui pendant qu’ils étaient partis si j’étais sorti de l’hôpital. Justement le lendemain il y eut thérapie familiale, et mes parents s’énervèrent, déballant leur quatre vérités au médecin : qu’ils ne surveillaient pas assez les jeunes, qu’ils les laissaient faire n’importe quoi, etc. Alors, comme par magie, les médecins jugèrent que j’étais apte à sortir et mirent la date de sortie au samedi 4 avril qui était le début des vacances scolaires. J’étais content, en plus Aurélia sortait le jour juste avant moi !


La veille de mon départ, le 3 ce fut Aurélia qui sortit. J’avais peur de la quitter, car je ne voulais pas qu’une fois dehors elle m’oublie complètement. Mais il n’en fut rien. Elle me téléphona le soir-même, mais en pleurs. Les problèmes qu’elle avait à la maison recommençaient. Cette nouvelle me donna un peu le cafard, mais je fis tout ce qu’il m’était possible pour lui remonter le moral. Et on se promit de se voir dès le lundi.

À ma sortie, j’étais dans une phase euphorique, donc ça allait précéder une terrible phase dépressive. Amis lecteurs si vous connaissez un peu les dépressions, je dois vous dire que je ne suis pas maniaco-dépressif, mais j’ai longtemps pensé que ma maladie se déroulait un peu sous le même principe1. Enfin, je dois juste dire que je me sentais bien à ma sortie de l’hôpital.

21 Première sortie


Et voilà ! J’étais sorti de l’hôpital, donc j’étais guéri ! Mon père vint me chercher à 10 heures du matin. L’après-midi, une grande partie de la classe se retrouva au Bureau, un café de Wavre pour fêter cela. C’était cool, c’était chouette. Je retrouvai Marie qui venait me voir à la clinique et François. Une belle après-midi en perspective, pas d’emmerde, juste de l’amusement. En plus, l’ambiance à la maison était sereine. C’était bien. Je pensais que ce qui avait été dit en thérapie familiale porterait ses fruits, mais je désenchantai très vite. Ce n’était qu’illusoire, cela n’a été que deux ou trois semaines.

Le dimanche soir, j’allai chez mes grands-parents, car mes vieux partaient en pleine nuit et ne voulaient pas que je reste seul, ils avaient trop peur que je fasse une connerie. J’avais rendez-vous le lendemain matin avec Aurélia, et on passa la journée ensemble, car je ne devais aller chez Olivier qu’à 16 heures. Elle m’accompagna chez lui et passa la soirée avec nous. La semaine en elle-même se passa fort bien, et en plus, Nico sortait aussi pour une période de quelques jours. On passait presque toutes nos journées à trois. On sortait en ville, on allait chez Nico, et surtout Nico et moi faisions les disquaires, ce qui n’enchantait pas vraiment Aurélia, car on y restait parfois pendant plusieurs heures. On comparait les disques, on les critiquait…

Nico me fit découvrir de chouettes trucs, dont les Deftones et Truly. J’ai très vite adoré ces deux groupes. Surtout Deftones, qui est du même style que Korn. Groupe que j’aimais de plus en plus, et que je commençais à découvrir vraiment. Je me retrouvais énormément dans leurs textes. Le chanteur, Jonathan, était un mec qui avait énormément souffert durant son adolescence. On pouvait le ressentir dans ses textes et surtout sa voix. Il utilisait la musique comme exutoire, comme moi je le faisais avec mes poèmes.

Un après-midi, Olivier, qui est instituteur et qui donnait des cours de méthode de travail, essaya de me faire travailler, de me remettre dans le bain pour les études. Je n’y arrivais pas. Je n’arrivais toujours pas à me concentrer sur quoi que ce soit. C’était impossible de me mettre au travail. Je ne savais pas comment j’allais faire à l’école, comment j’allais faire pour étudier et j’avais peur d’y retourner. Je ne voulais pas retrouver l’étiquette que je portais, je ne voulais plus être rejeté par les autres. Mais d’un autre côté je me disais que ça allait mieux se passer, avec tout le soutien que j’avais reçu, je ne serai plus seul.

Le samedi soir de cette semaine chez Olivier, je dormis chez le père d’Aurélia. En effet, mon ami (que je considère d’ailleurs comme un des meilleurs amis qu’on puisse avoir) partait à la mer avec sa tendre moitié (ce terme vient de lui) et il y avait de fortes chances pour qu’il ne revienne pas. Je dois dire que j’avais un peu peur : je ne l’avais jamais rencontré, et je venais directement passer la nuit chez lui.

Une fois arrivé, je fis plus ample connaissance avec le frère d’Aurélia, que j’avais déjà vu une fois auparavant. Il s’appelait Alexis. Il était gravement malade, il avait une maladie qui s’attaque aux articulations, dont je ne me rappelle plus le nom. Aurélia me l’avait dit à plusieurs reprises, mais c’était tellement compliqué que je ne l’ai pas retenu. Il allait faire une chimiothérapie. Alexis était un gars très chouette, très gentil, et j’aimais bien rester en sa compagnie. J’avais, et j’ai toujours une immense admiration pour lui, pour son courage, son sourire malgré la douleur qu’il éprouvait. Il me fit vraiment réfléchir sur moi-même plus tard, vers la fin octobre de la même année. J’y reviendrai beaucoup plus longuement quand on arrivera à cette période.

Le lendemain, mes parents revenaient de vacances. On était à ce moment-là chez Nico et je téléphonai chez ma grand-mère pour savoir quand ma mère arriverait. Elle était déjà là depuis longtemps. Je me suis pris bien sûr un de ces savons. Pour le début de mon retour à la maison, c’était d’enfer. Je n’y pouvais rien, ce n’était pas de ma faute vu que je n’étais pas au courant. Ça recommençait. J’avais une énorme sensation dans le ventre. La même que lorsqu’on est stressé, mais en beaucoup plus grand, en pire, comme si mon bide était comprimé dans un étau. Depuis ma sortie d’Erasme, j’eus constamment cette sensation, elle s’appelle angoisse. À ce moment-ci, elle était encore légère mais au fur et à mesure que le temps passait, elle augmentait.

La semaine qui suivit mon retour à la maison fut assez pénible. Mon père reprenait ses vieilles habitudes. Il criait, me critiquait sans arrêt, disait que ce que je faisais c’était du show, pour ne pas devoir étudier. Et consort. C’était absolument faux. Je n’y pouvais rien, je me sentais mal. Mon hospitalisation ne m’avait pas aidé. Au contraire, elle n’avait fait qu’empirer les choses. Je m’enfermais de plus en plus dans ma chambre. Surtout le soir, quand mon père revenait du travail. Je ne descendais que pour manger. Je restais tout le temps seul, et je n’arrivais pas à dormir malgré mes deux somnifères et deux antidépresseurs/sédatifs. J’allai chercher la toute vieille télévision et le lecteur vidéo qui se trouvaient dans le grenier. Comme cela, j’avais une occupation en plus.

Durant cette semaine-là aussi, je téléphonai au magasin. En effet, mon contrat s’était terminé fin mars, et je voulais savoir s’ils comptaient me réengager même si je n’y croyais pas trop. Entre janvier et mars, il y eut une réorganisation dans la société et le magasin passa dans un autre district. Le nouveau manager, monsieur Mertens, avait eu une friction avec mon père quelques années plus tôt. En effet, le paternel avait renvoyé le beau-fils de ce dernier pour vol. Donc, Mertens me dit au téléphone que justement il n’y avait plus de place au magasin. Ce qui était faux : je le savais, car mon père s’occupait aussi du magasin pour le côté technique. Malheureusement, il ne put rien faire pour cela. Les absences et les embrouilles entre mon père et le district manager mirent donc un point final à ma carrière d’étudiant magasinier. Je me retrouvai donc sans plus un balle.

22 Retour à l’école

Mon super retour à l’école fut un véritable échec. Je n’y restai que deux jours. Je pensais que ça irait. Mais non. Déjà, rien que les cours étaient un véritable calvaire. En plus, la plupart des élèves m’avaient comme oublié. C’est comme si j’avais cessé d’exister. Lorsque je revis Alex, lui fit comme si rien ne s’était passé. Il essaya de me parler, je le regardai droit dans les yeux et m’en allai. Par la suite, il n’osa plus m’adresser la parole. Comme s’il avait compris que je ne voulais plus rien savoir à propos de lui, qu’il avait compris qu’il m’avait trop fait mal.

Je me retrouvai à nouveau tout seul, sauf au temps de midi, où j’étais avec Marie, François et la bande mais la plupart de ceux-là m’ignoraient. Tout comme Isabelle. Elle me disait à peine bonjour. Ce n’était pas grave, mais cela me fit encore réfléchir à son sujet, mais dans le mauvais sens. Plus j’y pensais, plus je me disais qu’elle n’en valait pas la peine. Surtout qu’elle était retournée avec son copain pendant que j’étais à l’hôpital, et elle voulait me le cacher à tout prix. J’ignore quelle en était la raison, mais je m’en foutais.

Le mercredi, donc deux jours après mon retour, après la deuxième heure de cours, je me sauvai de l’école. Je n’en pouvais plus. Je me sentais trop mal. J’avais rendez-vous à la gare du Midi à deux heures et demie avec Aurélia, qui pouvait sortir de son internat le mercredi après-midi. On alla voir Nico à l’hôpital. On y alla d’ailleurs presque tous les mercredis.

Ça marchait bien entre elle et moi. Son amour, son soutien me motivaient à me battre pour m’en sortir. Je me battais pour elle, pour que ça marche encore mieux entre nous. Quelques-fois, j’avais un peu du mal. Surtout lorsqu’on se téléphonait et qu’elle n’était pas bien. Cela me rendait encore plus mal, je me sentais impuissant, loin d’elle, sans pouvoir l’aider. Je le cachai la plupart du temps, car je ne voulais pas qu’elle en souffre.

Pendant une période d’une à deux semaines, j’hésitai sur mes sentiments. J’en ressentais encore quelques-uns pour Daphnée. Celle-ci le savait. Pour finir, je me dis que je devais être content de ce que j’avais, et je restai avec Aurélia. Je n’ai pas regretté mon choix. Je coupai les ponts avec Daphnée et elle resta pendant quelques mois sans nouvelles de ma part.

Enfin, lorsque je rentrais chez moi le soir de ce mercredi-là, j’eus une discussion avec mon père. Comme il voyait que je ne me sentais pas trop bien, il me dit qu’on verrait avec le médecin pour un certificat et voir comment la situation évoluerait. Il était d’accord pour que j’abandonne mes études cette année. Je ne compris pas comment il avait pu changer d’idées de manière si soudaine. Il disait qu’il préférait mon bien-être plutôt que je me sente mal à l’école et foire tout, que ce n’était qu’une année de perdue, mais que la santé comptait avant tout.

Le lendemain, j’allai chez mon médecin traitant. Je lui expliquai la sensation dans mon ventre qui m’empêchait de faire quoique ce soit, et que parfois c’était tellement violent que je me mettais à paniquer. Ce fut la première fois qu’on qualifia mon mal par le terme crise d’angoisses. Elle me fit un certificat de deux semaines et me donna un anxiolytique, un médicament appelé Xanax. Malheureusement, celui-ci ne faisait aucun effet. Il ne me soulageait pas du tout, comme si je prenais un bonbon au lieu d’un médicament.

Quelques jours plus tard, j’allai chez mon psychiatre et lui me dit que ce n’était plus là peine de retourner à l’école pour cette année. Il me dit d’arrêter le Xanax puisqu’il ne m’était d’aucune utilité, afin d’éviter une dépendance à ce médicament, faisant partie de la famille des benzodiazépines. En effet, ces médicaments provoquent des dépendances très fortes. Mon psychiatre voulait aussi que je parte loin de ma famille, me mettre au vert et ne plus penser à rien. Ne plus subir de pressions et de contraintes.

Je pensais directement à l’Abbaye de Clervaux. J’y connaissais certains moines, et je savais qu’ils ne me jugeraient pas. On fit les démarches. Seulement, ils ne furent pas d’accord. Ils avaient trop de travail et n’auraient pas pu être à mon écoute. Ils ne voulaient pas que j’y aille seul. Ils me donnèrent une adresse d’un centre tenu par deux dames qui s’occupaient de gens à problèmes, pour les aider à remonter la pente. On alla voir en fraude, mais cela ne me disait rien du tout. La journée, il fallait s’occuper des animaux de la ferme, et tous les travaux manuels s’y rapportant. Ce n’était franchement pas pour moi. Je n’aurais pas pu. C’était calme et tout, mais j’avais quand même besoin d’autre chose que cela. Je retentai une dernière fois l’Abbaye mais leur réponse ne changea pas d’un iota. Alors je restai à la maison.

23 Quelques mois à la maison

Le premier mai, je revins d’un week-end chez Aurélia. Je ne me sentais pas bien et je n’avais pas le courage d’attendre le bus à Leuven. Je téléphonai à la maison pour qu’un de mes parents vienne me chercher. Normalement, on recevait de la visite, des amis français que papa avait invités et qui passaient le week-end à la maison. Je demandais s’ils étaient là, et maman me répondit que non. Elle se mit en route pour me chercher. Après une demi-heure d’attente, je montai dans la voiture. C’est alors que maman m’annonça que mon père était reparti vivre avec sa compagne.

J’en avais marre. C’était la troisième fois qu’il jouait ce tour-là. J’étais hors de moi. J’en voulais aussi à maman, car je trouvais déjà qu’elle avait été trop bonne de le reprendre la fois d’avant. J’étais vraiment en colère. Je me rendais compte que mon père était un gros menteur, qu’il n’arrêtait pas de nous baratiner. Le soir, une copine qui habitait le village, Caro, vint me tenir compagnie et me remonter le moral. Je pouvais compter sur elle. Elle est resta toute la soirée, Aurélia me téléphona pour voir comment ça allait et Nico aussi. Il faut dire que leurs parents à tous les deux étaient aussi séparés. Mais malgré leurs mots, je n’arrivais pas à décolérer.

J’expliquai à mon psy ce qui s’était passé et qu’en plus, je n’avais rien trouvé pour me mettre au vert. Il me donna le numéro de l’assistant social du centre où il travaillait, afin de me donner des adresses.

Je pris rendez-vous chez lui. Mais ce qu’il me donna étaient des associations qui ne proposaient que des séjours d’une semaine. Il fallait que je parte plus longtemps. Pendant cet entretien, je relançai l’histoire de quitter la maison. Il me donna l’adresse du SAJ2 de Nivelles, dont je dépendais.

Lorsque je dis cela à ma mère, elle rentra dans une rage folle. Surtout que j’avais osé dire que je vivais un enfer à la maison. C’est vrai que la vie à la maison n’était pas facile, et j’en avais vraiment marre d’y vivre.

Après, la consultation, on alla chez mes grands-parents, j’y restai pendant que ma mère allait chez son avocat, pour préparer le divorce. Car elle ne voulait plus que le petit jeu de mon père recommence. Lorsqu’elle fut partie, mon grand-père commença à me traiter de toutes sortes de noms d’oiseaux. Crapule, vaurien, et ce ne sont que les mots les plus tendres. Je ne savais pas que mon grand-père que j’aimais plus que tout, que je considérais comme un second papa, pouvait être si méchant !

Je n’en pouvais plus, j’étais en pleurs et je me sauvai de chez eux. Je partis en ville, avec ma grand-mère à mes trousses. Heureusement que j’étais plus rapide, lorsqu’elle arriva au métro, trop tard, il était parti. Je restai environ une heure en ville, dans les endroits que je chérissais tant, les disquaires.

Lorsque je rentrai chez eux, ma mère n’était pas encore rentrée. Je l’attendis dehors. Je ne voulais pas les revoir, ils m’avaient trop blessé. J’attendis une demi-heure environ sur la rue et ma mère arriva. Je lui demandai de me ramener mon paquet de cigarettes que j’avais laissé là-bas. Ma mère me força à monter, et mes grands-parents essayèrent de se faire pardonner. Au départ, je ne voulais même pas qu’ils m’approchent, ce furent les yeux emplis de larmes de mon grand-père qui me firent changer d’avis. Pour finir, tout rentra dans l’ordre.

J’allai à nouveau de plus en plus mal, je n’arrivai pas à contenir ma douleur. Je commençai à prendre des médicaments dans la journée, pour être pété. Je me droguais à ces substances. Quatre, cinq Stilnocts et hop j’étais pété grave. La même chose quand j’allais me coucher, car je n’arrivais plus à dormir. Pourtant, je ne dormais pas la journée malgré tout ce que j’avalais ! Je ne faisais que ça de la journée, et répéter mes morceaux à la guitare dans l’espoir de monter un jour une formation avec Nico, mais j’avais de moins en moins de nouvelles de lui. Il était vrai que c’était chaque fois moi qui téléphonais, j’en avais marre, et commençai à espacer mes coups de fil. Mais on avait ça en projet, qu’un jour on monterait un groupe. Lui à la guitare et au chant, et moi guitare solo.

Aurélia partit mi-mai en Italie, à l’occasion de son voyage de rhétos. Ça me foutait les boules. J’étais tellement traumatisé par mes expériences précédentes avec Isabelle que je ne voulais pas qu’elle parte. J’avais trop peur qu’elle rencontre quelqu’un d’autre. Je sentais que quelque chose n’allait pas tourner rond pendant ce voyage.

J’écrivis un poème pendant qu’elle y était, lui demandant de ne pas m’oublier. Ce fut la première fois que j’écrivais depuis Isabelle. La première fois depuis novembre passé. Je n’en étais pas peu fier, car je pensais que je recommençais à retrouver mes moyens. Mais bon, ce fut toujours la même chose. Ce n’était qu’illusoire, car je n’y arrivai plus par la suite.

À son retour, comme bien souvent les mercredis, on alla voir Nico à l’hosto. Elle avait un drôle de regard. Je lui demandai ce qu’il se passait. Aurélia m’avoua en pleurs qu’elle avait embrassé un garçon de son école lors d’une soirée et s’en voulait énormément. Elle m’aimait toujours, elle s’était sentie seule, avait eu besoin de réconfort et était désolée. Je ne pouvais que lui pardonner, je l’aimais trop. Je lui dis que ce n’était qu’un bisou, que ce n’était pas trop grave.

Mais la confiance que j’avais réussie à mettre en elle, après deux mois de couple commença à vaciller. Je ne lui fis plus réellement confiance depuis ce jour-là. Chaque fois qu’elle allait quelque part ou sortait avec ses copines, je me sentais mal. J’avais peur. Qui me disait qu’elle ne le referait pas une deuxième fois ? Après qu’elle m’eut avoué cela, je pris peur : et si elle me quittait à cause de cette histoire ? Mais il n’en fut rien.

Le mardi 26 mai, je découvris autre chose : l’automutilation. J’avais trop mal. Mes angoisses empiraient. J’avais cette boule énorme dans le ventre qui me comprimait tout mon être. J’avais du mal à respirer et à tenir en place. Ces crises devenaient de plus en plus fréquentes. Le pire, lorsque ça commençait, que je n’arrivais pas à savoir pourquoi elles débarquaient, ça empirait de plus en plus. Je finissais généralement prostré en position fœtale, ne faisant plus rien. Je ne savais pas comment arrêter cette souffrance.

Je décidai de faire disparaître ma douleur mentale par la douleur physique. J’ingurgitai quelques médicaments, et pris mon cutter en main. Je commençai à l’enfoncer dans ma peau et je fis plusieurs lignes. Je repassais sans cesse le cutter dans mes plaies, ouvrant ma peau de plus en plus, car je trouvais que ce n’étaient que des éraflures.

J’arrêtai lorsque mes coupures eurent une largeur de cinq millimètres. Je ne l’avouais que le soir à ma mère qui m’emmena me faire recoudre. Huit points de suture et trois affreuses cicatrices. Je n’avais pas touché les veines, ce n’était pas mon but. Je ne voulais pas mourir. Je voulais vivre, me débarrasser de ma douleur, et pouvoir vivre comme quelqu’un de normal. Après que je fus recousu, on alla chercher mes sœurs qu’on avait laissées chez les parents d’Alain. Celui-ci sortit de sa tanière et vint timidement me parler. Je lui dis juste que je n’étais pas d’accord avec ce qu’il m’avait fait même si je la trouvais super mauvaise. Pour le reste je me taisais, car je laissais couver ma vengeance. Je voulais attendre le bon moment, le moment où il s’y attendrait le moins pour pouvoir me venger.


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