Chapitre 2

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Première règle de survie : ne jamais se retrouver face à un ange énervé.

Deuxième règle de survie : fuir en cas d'affront entre un ange et un démon.

Jamais de ma vie je n'ai senti autant de puissance dans une seule et même pièce. Et savoir qu'Elemiah, la douceur même, est à l'origine de ces tensions m'étonne grandement. Dès que Réyiel et moi avons franchi le pas de la porte, je me suis décalée dans un coin de mon appartement par réflexe de survie. Elemiah a accueilli notre visiteur d'une manière simple : en lui montrant ses ailes. Réyiel a répondu de la même manière. Et Balam se tient prêt au combat lui aussi. On aurait pu croire à une salutation entre anges, mais en réalité il s'agit plutôt d'un concours de qui a la plus grande. Comme les humains, les anges aiment bien savoir qu'ils en ont une plus grande que le voisin. Si ce n'est que les anges voient ça avec leurs ailes et non pas avec leurs engins. Ici, il semblerait que Réyiel ait la plus petite ce qui m'étonne que très peu. Ce dernier finit par ranger ses ailes et sortir une arme. Lui, qui tient toujours ma dague. Pourtant, au lieu d'attaquer, il pose son épée la pointe sur le sol en baissant la tête. Je lance un regard perplexe à Balam, de l'autre côté du salon, qui ne fait même pas attention à moi.

— Que viens-tu faire ici Réyiel ? demande durement la jeune femme.

Réyiel se redresse alors et range son arme d'un air vexé. Il finit par jeter la mienne sur la table basse nonchalamment, à l'opposé de là où je suis. Je ne peux retenir un soupir d'agacement, qui attire le regard furieux de Réyiel.

— Je viens de la part du Paradis, explique alors l'ange.

— Je le sais ! l'interromps Elemiah, mais que me veut le Paradis ?

J'aperçois Balam qui me fait signe de la main de venir le rejoindre. Je n'attends pas une seconde de plus et cours presque le rejoindre.

— Le Paradis réclame ta présence, insiste Réyiel, je ne peux pas en dire plus devant des damnés.

— Tu en diras plus ou tu reviendras au Paradis seul, déclare Elemiah.

Je ne peux m'empêcher de saisir la main de droite de Balam. Je sais que si un combat commence entre les deux anges, Balam me sortira d'ici en priorité.

— Les damnés ne doivent pas savoir ce qu'il...

— Cesse de les appeler les damnés ! l'interromps Elemiah, ils sont ici supérieurs à toi alors tu leur dois le respect.

Entendre ces mots ne semble pas plaire à Réyiel. Les anges sont rarement considérés comme inférieurs à une autre espèce dû au fait qu'ils sont les soldats de Dieu. Mais depuis que je la connais, Elemiah nous a toujours considérés comme égaux à elle, voir même supérieurs. Mais Réyiel, lui, n'est pas du même avis qu'Elemiah.

— Je me fiche de cela, le Paradis me demande de venir te chercher. Alors je le fais. J'obéis aux ordres du Paradis moi !

Cette dernière phrase sonnait comme un reproche. Un reproche qu'Elemiah ne prend pas mal. Tout le monde sait que l'ange ne croit plus au combat que mène le Paradis et qu'elle a quitté ce dernier pour la même raison.

— Je suis restée fidèle à moi-même, lui répond Elemiah, j'ai cessé de suivre le Paradis et son combat stupide.

Balam sourit fièrement. Comme à chaque fois qu'Elemiah affirme ses idées.

— Tu as surtout été corrompue par un démon ! Tu aurais dû être déchu comme Lucifer !

Suite à ces mots, je sens une force dans la pièce en plus. Une force qui m'effraie. Je sers un peu plus fort la main de Balama tandis qu'il me pousse légèrement vers l'arrière. Les deux anges se défient du regard. Elemiah a saisit son arme et semble prête à se battre tandis que Réyiel refuse de bouger.

— Si tu es venue ici m'injurier de la sorte, je te ferais regretter ta venue, menace Elemiah.

— Je suis venu avec une mission, insiste Réyiel.

— Je me fiche de ta mission !

Pendant ce temps, je sens un drôle de picotement le long de ma colonne vertébrale. L'énergie angélique qui court dans mon corps ? J'en doute fortement. Cette sensation agréable, je la ressens quand une force extérieur est présente. Cela pourrait être dû à la présence des deux anges dans la pièce ? Leur dispute continue mais je suis déjà ailleurs. À la recherche de la source de cette énergie. Mon regard se pose sur Réyiel. Il est plus faible qu'Elemiah. Ses ailes sont plus petites. Pourtant, je sens que l'énergie vient de lui. Cette force m'appelle et il en est la source.

— Réyiel, que viens-tu faire ici ? finit par intervenir Balam.

Balam qui n'a pas pris la parole depuis le début est plutôt calme vis-à-vis de la situation. Pour ma part, je reste stressée et effrayée, tellement que je n'ose pas dire le moindre mot.

— Réyiel, que se passe-t-il ? insiste Balam.

J'ai déjà entendu dire que Balam avait des contacts parmi les anges. Et, selon Elemiah, il est craint par certains au Paradis et respecté par d'autres.

— Cela concerne ta protégée, avoue finalement Réyiel.

Trois paires d'yeux se posent alors sur moi. Je peine à comprendre de quoi il parle. En quoi une affaire du Paradis me concernerait-elle ?

— Précise ! ordonne Elemiah.

Réyiel continue de me regarder. Un regard vide et inexpressif qui me met mal à l'aise. Il finit alors par déclare, sans me lâcher du regard :

— Une succube a été tuée !

Ses mots sonnent comme une massue. Une succube a été tuée ? Comment ? Et par qui ? Et puis, en quoi ça me concerne ? Je suis une succube oui. Mais je ne vois pas en quoi la mort d'une succube me concerne. Je ne connais presque aucune succube. A moins que le Paradis pense que je l'ai tuée ? Mais pourquoi aurais-je tué une des miennes ? Je ne les fréquente pas mais les respecte.

— Depuis quand le Paradis s'intéresse à la mort d'une succube ? demande alors Elemiah.

— Vous voulez vraiment en parler devant elle ? s'étonne Réyiel.

— Elle, rétorqué-je énervée, elle s'appelle Lila ! Et elle n'a pas 6 ans alors évitez de parler de moi comme si je n'étais pas là !

Un silence pesant prend place. Je me demande moi-même où j'ai trouvé la force de répondre d'une telle manière face à deux anges et un démon. Un seul d'entre eux peut me faire vivre les pires souffrances imaginables en claquant des doigts, et moi, je joue mes princesses. Pourtant, malgré ce à quoi je m'attendais, Réyiel reprend la parole non pas pour Elemiah ou pour Balam, mais pour moi en me regardant dans les yeux.

— Une succube a été tuée par une arme particulière.

Réyiel sort alors calmement de sous son manteau, une dague magnifique. Courte et arrondie, au manche apparemment étudié pour une bonne prise en main et avec quelques symboles gravés sur la lame. Certains me sont familiers mais pour les autres, je ne les ai jamais vus. Et soudain, en fixant cette arme magnifique, je comprends d'où vient l'énergie que je sens depuis un moment. Cette force bien plus puissante que celle d'un ange, vient de ce couteau ! La manière dont sont gravés les symboles ne peut que me fasciner. Et l'énergie qu'elle libère semble si apaisante. Comme si un simple contact avec cette lame pourrait me faire oublier toute ma vie. Je me sens comme attirée par cette arme. Comme si, elle m'appelait.

— Je suppose que vous la reconnaissez, lance alors Réyiel.

— Une dague de la famille Winker, murmure Elemiah.

— Où l'avez-vous trouvée ?! s'emporte Balam.

— Sur le corps de la succube, soupire Réyiel.

— Seul un Winker est censé pouvoir toucher un des ces armes, remarque Elemiah.

Réyiel semble alors comme abattu lorsqu'il s'assoit sur le canapé. Il finit par soupirer avant d'annoncer :

— Trois anges sont morts en tentant de récupérer cette lame.

— Comment peux-tu la toucher ? Si trois anges sont morts en la touchant ? m'étonné-je.

Réyiel sort alors un fourreau très particulier. Il est de la taille parfaite de l'arme dans un métal étrange.

— On a fait faire ce fourreau pour protéger la lame. Dans le même métal que les dagues angéliques, explique Réyiel.

— Le manche a été protégé par du sang d'ange, remarqué-je.

— La seule alternative trouvée, continue Réyiel, sinon elle me brûlerait au moindre contact.

C'est à ce moment là que je comprends que la situation est tendue. Vu le sentiment de supériorité des anges, j'ai du mal à me dire qu'ils ont accepté d'utiliser de leur sang si précieux pour le meurtre d'une simple succube.

— Mais alors qui s'est servi de la lame pour tuer la succube ? demande alors Elemiah.

Réyiel plonge son regard dans celui d'Elemiah. Je ne comprends pas ce silence soudain, jusqu'à ce que Balam s'emporte :

— A voix haute, Lila doit savoir ce qu'elle risque !

Ils étaient donc en train de parler spirituellement. Contrairement à moi, ils n'ont pas besoin de sang ou de sort pour communiquer par le voile. Ils ont suffisamment d'énergie pour le faire eux-même.

— J'étais en train de dire à Elemiah que la seule solution possible est qu'un Winker ait survécu et qu'il reprenne la chasse, répond Réyiel.

Un silence tombe alors dans l'appartement. J'ignore encore qui sont ces Winker, mais ils ne semblent pas commodes. Du moins, s'ils chassent, je ne veux pas me frotter à eux. Cela fait des siècles qu'il n'y a plus de chasseurs en service, mais je me souviens d'histoires que l'on raconte à leur sujet. Ils ne vivaient que pour tuer des créatures surnaturelles. Telles que les succubes...

— Impossible, refuse Elemiah, ils sont tous morts.

— En a-t-on la preuve ? suppose Réyiel.

— Réyiel, ne va pas sur ce terrain là, le prévient l'ange.

— A part les dires d'un démon, on a rien qui prouve que les Winker sont définitivement éteints ! On a même la preuve avec ce meurtre qu'il a menti !

La colère se fait ressentir dans la pièce. Mais pendant ce temps, je continue de fixer cette lame. Elle est si fascinante. Je n'ai jamais eu autant envie de toucher une arme qu'aujourd'hui. Pourtant, lorsque j'approche ma main, Balam me retient.

— Surtout pas Lila, m'interdit-il.

— Elle ne pourrait pas la toucher, le reprend Réyiel, elle aura l'impression que sa main brûle bien avant de pouvoir la toucher.

Balam reste perplexe et refuse de lâcher ma main. Il m'éloigne de la lame avant de reprendre :

— Où est le problème à ce qu'un Winker soit en vie ? Peut-être qu'il ne s'en prend qu'aux créatures qui vont trop loin ?

— Balam, le reprend Elemiah, il reste un Winker. Bien que tu es connu la famille, on doit rester méfiants envers ce chasseur.

— Et puis, c'est au Paradis de juger si une créature doit être éliminée, ajoute Réyiel, le fait qu'il agisse de lui-même le rend déjà dangereux.

— Et pourquoi ?! s'emporte Balam, parce qu'il n'obéit pas aux règles du Paradis ?!

— N'oublie pas la guerre qu'ils ont risqué de déclencher ! Les Winker ne respectaient rien ! Ils tuaient pour le plaisir de tuer ! Et nous avons éviter une guerre de justesse dû au fait qu'ils se permettaient de faire du favoritisme et de protéger des créatures damnées ! Bien heureusement, le Paradis n'a pas eu à intervenir ! Les autres chasseurs l'ont fait pour nous !

— Les Winker n'étaient pas des tueurs ! rétorque Balam, ils étaient justes et tuaient les créatures qui étaient dangereuses pour les Hommes !

— Ils ont signé leur arrêt de mort en protégeant un fugitif de l'Enfer ! Ils se sont condamnés à mourir en pensant que tu méritais de vivre ! Ton avis m'importe peu, démon ! Tu les protèges car tu as leur sang sur tes mains ! Mais ils n'en restes pas moins dangereux !

Cette fois, ce n'est pas Balam qui m'éloigne mais bien Elemiah. Elle m'a repoussée contre le mur avec force sans même bouger de là où elle était. Et je comprends pourquoi très rapidement. Le miroir qui était prêt de moi explose soudainement dans un éclat sourd. Malgré la distance qu'Elemiah a mit entre moi et le miroir, des bouts de verre viennent se poser à mes pieds. Je n'ose bouger d'un iota. Trop effrayée. Mon regard croise celui coupable de Balam. Sa colère a brisé le verre. Risquant de me blesser si Elemiah n'avait pas réagi.

— La discussion est finie, annonce Elemiah, Réyiel, je te rejoins plus tard. Je dois parler à Balam.

Elle lance alors pour Balam un regard très clair. Ce dernier vient vers moi pour me prendre dans ses bras.

— Je suis désolé Lila, murmure-t-il contre moi.

Je ne réponds pas et le sers contre moi. Je ne lui en veux pas. Mais je suis tellement effrayée. Toute cette discussion, je n'aurais pas dû y assister. Cette situation me dépasse. La seule chose que j'ai compris, c'est que nous somme en danger de mort et que le Paradis ne sait pas quoi faire. Rien que de savoir que le Paradis est perdu m'effraie.

— Tu devrais y aller, lui conseillé-je.

Balam s'éloigne un peu de moi avant de poser sa main sur ma joue pour que je le regarde dans les yeux avant de dire :

— Je reviens vite. Tu ne risques rien, Lila, je te le promets.

Il dépose ensuite un baiser sur mon front avant de tout simplement disparaître avec Elemiah. Me laissant seule avec Réyiel.

Je reprends mon souffle, me rendant compte que je suis sous apnée depuis un moment. Je dois me ressaisir. Alors, sans un mot pour l'ange, je quitte le salon en marchant de mes bottes sur les bouts de verres qui craquent sous mes pieds. Je rejoins ma salle de bain. Le reflet du miroir, non brisé, me renvoie l'image d'une fille en détresse. Des larmes ont coulé sur mes joues. Je ne transpire pas malgré la sensation de brasier en moi. L'énergie donnée par le baiser de Réyiel ? Ou les événements récents ? Je l'ignore, mais je me dépêche de retirer mon pull, me retrouvant en jean et soutiens-gorge. Je me passe de l'eau sur le visage et détache mes cheveux. Je me sens déjà plus apaisée. J'enfile rapidement un débardeur large avant de retirer mon jean pour mettre un short. Oui, je meurs de chaud. Je reviens finalement dans mon salon après avoir échangé mes bottes contre une paire de basket pour ramasser les bout de verre. Mais je me rends compte que Réyiel s'est déjà occupé du miroir. Il est de nouveau intact. Et Réyiel, debout devant ce dernier, ne semble pas prêt à partir. Il a retiré sa veste qu'il a laissé sur le canapé, pliée parfaitement. La soirée promet d'être plus éprouvante qu'elle ne l'a été si je dois encore supporter la présence de cet ange...

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