LE PERCEPTEUR ou la descente aux enfers... (9)

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Où l’on pourrait croire qu’à chaque pas vers le bas, on touche le fond.

Il ne comprit pas le changement. Virginie ne parlait pas, comme d’habitude, mais elle faisait semblant de ne pas le voir, pourtant ça, c’était nouveau. Paulette avait perdu ses belles couleurs de fille des champs, halée par le vent de la mer qui vous sale la peau et la creuse sans espoir de rajeunissement. Elle non plus ne parlait plus que pour le service. Elle avait l’air continuellement gêné. Il crut pendant quelques jours qu’elle couvait une maladie. « Ça va pas Paulette ? » « Si Monsieur Lamotte. » Il ne put rien tirer d’autre. Le soleil qui remontait dans le ciel n’apportait pas, non plus la gaieté dans le bureau. Alors que chaque année, à la même époque l’atmosphère se détendait, les filles riaient pour un rien, cette fois on se serait cru en novembre. Les clients entraient et sortaient comme des zombies, les réclamations étaient traitées sans bruit, sans éclats de voix. Les êtres humains qui formaient l’entourage vivant de Guy Lamotte, chantaient, tel un chœur antique, une musique sourde et sinistre. Notre héros ne perçut pas non plus le changement chez son épouse, de plus en plus muette. Thérèse l’évitait avec une insistance qu’il fut bien obligé de remarquer, mais qu’il mit sur le compte de son intrusion dans la chambre la fameuse fin d’après midi où il les avait vus, elle et Maryse enlacées sur le lit. Cette scène lui revenait en boucle quand il était seul dans son bureau. Il finissait toujours par prétexter une course, et se précipitait chez Loulou.

Un jour, il avait craqué. « Maryse, il faut qu’on parle de Thérèse. » « Pour en dire quoi ? Qu’on se l’envoi tous les deux ? » Que dire de plus, Thérèse il l’avait tripoté, sans plus. Soutenir le contraire ne servirait à rien. Que Maryse soit une gouine, il n’arrivait pas à le croire. Comment ça lui avait pris. Jamais il ne s’en serait douté, s’il ne l’avait pas vue, de ses yeux vus. Ce n’était peut être qu’un moment d’égarement. Thérèse était quand même une fieffée salope.

Il était sûr, au fond de lui qu’elle avait entraîné Maryse qui s’était laissé faire, en toute innocence. Maryse n’était pas une femme d’intérieur, elle préférait les bavardages aux joies de la cuisine et du ménage. Mais justement il y avait Thérèse. Alors, où était le problème ? Passer l’éponge, c’est ça, on fait un trait dessus et on n’y pense plus. « On n’y pense plus ? Tu t’envoies Paulette, peut être Virginie, Thérèse, ça j’en suis sûre, elle me l’a dit. Tu te saoule chez Loulou, c’est trop. T’as dépassé la dose, il faut que ça éclate. Guy Lamotte, c’est fini. F.I.N.I. » Quand elle l’appelait Guy Lamotte, c’est que ça bardait. La dernière fois c’est quand il l’avait mise enceinte de la cadette. Elle ne voulait qu’un seul enfant. Juste pour ne pas avoir de reproche de la part de la famille. Pas deux. Ça avait été neuf mois d’enfer.

Il s’était sentit comme en apesanteur. L’appartement s’était fondu dans un brouillard étouffant.

Mais rien n’était fini entre Maryse et lui. La vie avait continué, juste avec moins de sexe. Il ne s’était pas demandé pourquoi. A ce jour il ignorait que l’enfer allait refaire son apparition. Mais l’enfer, le vrai, n’était pas ce qu’il croyait. Ce n’était pas une souffrance, c’était la négation de la vie. Pas son absence. Il allait devenir un "non être" au milieu des autres, des vivants. Mais il ne pouvait pas le deviner. On n’imagine pas l’inconnu. Tout intelligent que l’on soit. Sa conscience masquait le changement d’atmosphère. Il ne voyait rien parce qu’il refusait l’évidence. Puisqu’il ne comprenait pas ce qu’il se passait, c’est qu’il ne se passait RIEN.

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