Chapitre 4

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 Le soleil levant me masse le visage. Je me donne à lui, assise sur un banc, les yeux fermés. Je me concentre sur les bruits des moteurs, sur les odeurs des pots d’échappements. J’essaie de mettre une couleur sur chaque son. Le gris me semble adapté. Peut-être le rouge. Le banc frétille : quelqu’un vient de s’asseoir. Mais ce n’est pas la personne que j’attends.

 J’ouvre les yeux et le regarde du coin de l’œil. C’est un enfant. Qui me regarde sans aucune gêne. Je ne veux pas d’enfant. Il sait que je suis là. Je ne souris pas. Lui non plus. Mais il ne part pas. Puis enfin, il se retourne à l’appel d’un prénom et s’en va. Je ferme les yeux à nouveau et écoute.

 Cette fois, c’est elle. Elle est mon amie depuis… je ne sais pas depuis quand. Elle s’était assise, un jour, à côté de moi, et voilà. Depuis, tous les matins, je l’attends sur ce banc et elle s’y asseoit pendant un instant. On ne parle pas, je ne connais rien d’elle. Mais ça me suffit. Beaucoup parlent pour ne rien dire. Si je l’attends, c’est parce qu’elle m’apaise.

 Je ne vous la décrirai pas. Simplement parce que je ne l’ai jamais vue. Oui, je n’ai jamais ouvert les yeux. Comment je sais que c’est bien elle ? Son odeur et le bruit de sa respiration. Peut-être l’ai-je déjà croisée sans le savoir ? Je ne sais pas. Et je n’ai pas envie de savoir. L’entendre respirer me suffit amplement…dommage qu’elle parte si vite. La place est déjà vide. Le froid m’enveloppe. Mon cœur se serre, et le lendemain me paraît bien loin.

 Je me lève, marche sans but. Le travail commence dans deux heures. Ils sont tous pressés. Ils ne s’arrêtent jamais. Ils courent et courent. Après quoi ? Après les vacances au bord de la piscine privée et du cocktail dans la main. Il faut gagner de l’argent pour étancher nos désirs. Et si je n’avais pas de désirs... cependant, tous le monde a des désirs. Et je n’y échappe pas. Je suis comme tout le monde. Sans m’en rendre compte, je cours moi aussi. Mais je suis à bout de souffle. Pauvres asthmatiques.

 Je m’assoie devant l’ordinateur, et décroche le téléphone. Mon patron me regarde. Il me regarde toujours. Il ressemble à une camera mal dissimulée dans une salle de bain. Et la journée passe avec ses injures au téléphone et ce regard lancinant.

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