Chapitre 2
Qui je suis ? Je ne vous dirais pas mon nom. Il ne représente rien. Je ne l’ai pas choisi et on me l'a attribué avant même de me connaître. Il n’est rien, vous n’apprendrez rien en sachant comment les gens m’appellent. Et si mon nom n’est pas important, mon physique ne l’est pas non plus. La couleur de mes yeux vous éclairera sur ma personnalité ? Non. Ce sont juste des couleurs, des formes qui ne signifient rien. Je ne me reconnais pas dans un miroir alors n’espère pas me reconnaître si tu me croises.
Je suis dans mon petit une pièce. Certains l’appellent ma ‘grotte’ car il y fait sombre et je n’y laisse rentrer personne. En réalité, je veux naïvement protéger le peu d’intimité qu’il me reste. Ils se moquent qu’à mon âge, je vive encore dans un appartement minable. Mais ils ne comprennent pas que j’aime ce côté pathétique. Je n’ai pas besoin de plus.
Je me change. Encore un autre jour de travail. Je suis la personne que tu ne regardes et n’écoutes jamais. Je suis celle qui passe après tout le monde. Je travaille derrière un bureau le jour. J’appelle. Oui, je suis celle que tu insultes au téléphone. On appelle ce travail du marketing téléphonique. Ça ne m’amuse pas. Mais je touche ma somme à la fin du mois. Et cela ne suffit pas, même pour un une pièce. Le soir, je suis plongeuse dans un restaurant. Je nettoie. Et je ramasse les restes.
Certains diront que ma vie est pathétique, que je n’ai pas une maison secondaire dans le sud, que mes jobs sont de la merde, que ma chambre est celle d’une étudiante, que j’ai passé l’âge. Je leur répondrai que je n’ai pas demandé leurs avis. Bien sûr les vacances au bord de la piscine privée, un cocktail à la main, cela fait rêver. Mais je n’ai pas le temps de rêver. J’ai ma vie et pas une autre.
Je ne suis pas énervée contre le système. Ni même contre la reine. Je ne suis que ce que la société a fait de moi. Il faut des sous-fifres. Aurais-je préféré me tenir sur un trône ? Je ne pense pas. Je ne m’occupe que de moi. Immobile sur le passage piéton, les autres tournent tout autour de moi. Ils sont pressés. Ils ont un but. Mais ils ne voient rien. Les voitures me klaxonnent. Ils me disent de dégager.
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