Partie I

7 minutes de lecture

✉ Matthieu :

Toujours dans tes révisions ?

✉ Andréa :

Ouaip. Procédure civile. C'est intéressant mais qu'est-ce que c'est loooooong :/

✉ Matthieu :

Pense à faire des pauses quand même.

✉ Andréa :

Je suis allée aux wc à quatre heures, ça compte ?

✉ Matthieu :

Il est presque vingt heures quand même...

✉ Andréa :

Bah... Tu vas bientôt prendre ton service, non ?

✉ Matthieu :

Change pas de sujet :p

✉ Andréa :

Je change pas de sujet, je me renseigne. C'est ce soir ton dîner d'entraînement, c'est ça ?

✉ Matthieu :

Oui, d'ici une demi-heure. Tout est prêt, on a plus qu'à attendre qu'ils finissent l'apéritif et ce sera parti pour le marathon de l'enfer. Je crois que je vais mourir lol.

✉ Andréa :

Contente de t'avoir connu.

✉ Matthieu :

Pense à manger, quand même.

✉ Andréa :

Je suis en train de me préparer quelque chose, là, tkt

✉ Matthieu :

Pas de cochonneries, hein ?

✉ Andréa :

Pas du tout. Je me concocte un petit plat à base d'une spécialité de blé originaire du fleuve Jaune accompagnée de ses petits légumes croquants et de son bouillon savoureux.

✉ Matthieu :

Tu te fais des pâtes en sachet, c'est ça ?

✉ Andréa :

Saveur poulet Teriyaki.

✉ Matthieu :

Il faut vraiment que tu arrêtes d'ingurgiter ces trucs et que tu commences à te faire de la vraie nourriture, tu sais ?

✉ Andréa :

Scuse-moi, tout le monde a pas la chance d'avoir un grand chef étoilé comme prof. T'as qu'à venir me faire la cuisine, toi :p

✉ Matthieu :

Je le ferais avec plaisir si je pouvais, crois-moi. Je serais aux fourneaux matin midi et soir

✉ Andréa :

C'est ça. Va bosser plutôt que de raconter des âneries.

✉ Matthieu :

Ouais, je vais pas tarder. Bonnes révisions.

Andréa reposa son téléphone sur le plan de travail et s'étira. Elle avait profité de cette journée de repos pour rattraper son retard sur les matières qu'elle maîtrisait le moins, et elle était contente d'arriver presque à la fin. Encore une heure ou deux de relecture et elle aurait tout consigné sur ses fiches bristol, pour ensuite les ranger et ne plus y repenser jusqu'à la saison des partiels.

Elle regarda la pile de papiers et de manuels entassés sur sa petite table de travail, et choisit finalement de s'asseoir sur le clic-clac, son bol de nouilles à la main. Elle saisit la télécommande et alluma la télévision. Juste le temps de faire une pause, se dit-elle. J'aurais tout le temps de m'y remettre plus tard. Après tout, si même Matthieu lui conseillait de faire une pause, elle avait toutes les raisons de l'écouter. Elle regarda d'un œil les titres du JT de vingt heures, en engloutissant à grands coups de fourchette les nouilles brûlantes.

Elle changea de chaîne quand un reportage sur le deuxième meurtre de jeune fille aux environs de Paris commença. Elle n'avait pas envie de se couper l'appétit avec ces horreurs. Elle zappa jusqu'à tomber sur une télé-réalité insipide et finit son banquet en suivant les pérégrinations d'un groupe d'idiots dans un lieu exotique quelconque. Une heure suivit l'autre, et, quand Andréa s'endormit, trois heures plus tard, elle n'avait pas écrit un mot de plus.

Elle fut réveillée le lendemain matin par la douce et chaleureuse caresse de la lumière du soleil qui se déversait par son Velux. Elle ouvrit doucement un œil, espérant que cela serait suffisant pour apercevoir l'heure sur son radio-réveil. Elle bondit quand elle parvint enfin à déchiffrer les nombres rouges malgré sa myopie. Il était déjà neuf heures et quart. Elle aurait dû être en cours depuis plus d'une heure.

— Merde, merde, merde... Merde !

Elle s'habilla rapidement, avec les mêmes vêtements que la veille, mit ses lunettes sur son nez, et noua ses cheveux en queue de cheval pour s'économiser le temps de les coiffer. Heureusement, elle habitait à cinq minutes à peine du campus, elle serait sans doute à l'heure pour le cours suivant. C'était d'ailleurs la principale raison qui l'avait conduite à choisir ce minuscule appartement plutôt qu'un autre, qui aurait été plus vaste mais aussi plus éloigné.

Elle arriva au pas de course dans le bon bâtiment alors que les autres étaient déjà installés. Heureusement pour elle, le professeur n'était pas encore là, ce qui était le premier bon point de la journée. En entrant dans la salle, elle vit son amie Élodie lui faire signe. La place à côté d'elle était déjà occupée par Elsa, une amie commune, mais il en restait une juste devant elles, à côté d'un élève auquel elle avait rarement parlé au cours de leurs trois ans de cours communs. Il était tellement discret qu'elle ne se souvenait même pas de son prénom. Elle savait simplement que c'était quelque chose de traditionnel, comme Édouard ou Henri. Elle lui sourit poliment en s'asseyant et se tourna immédiatement vers ses deux amies en déballant ses affaires.

— Alors comme ça, on sèche les CM maintenant ? demanda Elsa d'un ton faussement accusateur. Dire que tu étais le dernier espoir de sérieux de ce groupe...

— J'ai oublié de me réveiller, c'est tout.

— On a fait des folies hier soir, c'est ça ? dit Elodie, quittant un instant son pc des yeux. Y aurait-il un garçon dans cette histoire ? S'il y a bien un garçon dans cette histoire, j'exige d'avoir tous les détails.

— Même pas. Je me suis endormie devant une émission débile et j'avais pas pensé à mettre mon réveil avant. Par contre, j'ai quelque chose à vous montrer.

Sur ces mots, elle sortit son téléphone de sa poche et montra à ses amies les messages qu'elle avait échangés avec Matthieu la veille. Les deux étudiantes se jetèrent sur le téléphone comme deux hyènes sur un morceau de viande.

— Oh là là, mais ça flirte dur à ce que je vois ! s'exclama Elsa. Tu vas bientôt avoir ton cuisinier personnel à ce rythme-là. Vous vous revoyez quand ?

— Aucune idée. Il termine son semestre dans un mois et demi, et on sera en pleine période de partiel. Donc, ce sera certainement après. Quoique, on va bien se trouver un jour férié ou un dimanche où on pourra se libérer tous les deux. En tout cas, il a dit qu'il voulait qu'on se fasse quelque chose un de ces quatre. En attendant, on parle par textos, c'est déjà ça.

Elsa lui rendit son téléphone après avoir laissé Élodie lire la conversation une nouvelle fois.

— Franchement, celui-là, il faudra me dire où tu l'as dégotté et combien tu as payé pour l'avoir. Il est beau, il est sympa comme tout, c'est un des premiers de sa classe et en plus, il cuisine comme un dieu. Il en faudrait des milliers, des comme ça, la vie serait tellement plus belle !

— C'est clair ! Mais celui-là, c'est le mien, pas toucher !

Elles discutèrent encore jusqu'au début du cours. Puis vint le moment de se mettre au travail, et Andréa dut se retourner pour faire face au tableau. Le cours durait trois heures en tout, et elles allaient être longues. Déjà qu'elle n'était pas douée en anglais d'avance, alors s'ils essayaient d'y incorporer du jargon juridique, rien n'irait plus. À vrai dire, rien n'allait déjà plus. Elle avait beau regarder à la pelle des séries en version originale, tout s'évaporait dès qu'elle passait la porte de la classe.

Finalement, ce fut terminé plus rapidement qu'elle ne l'aurait cru. Après avoir bien avancé dans le travail de groupe avec son voisin de table, elle ramassa ses affaires et entreprit de sortir le plus rapidement de cet enfer dans lequel une trentaine d'étudiants avaient transpiré pendant de longues heures. Cette chaleur moite et désagréable commençait à lui faire tourner la tête.

Alors qu'Andréa attendait dans le couloir que ses amies daignent enfin sortir à leur tour, son voisin de table la rejoignit.

— Donc... donc... bafouilla-t-il. Il faudrait qu'on termine ce devoir... et...

— On aura qu'à le faire sur facebook, j'ai pas forcément envie d'y passer des heures non plus.

Andréa se rendit compte trop tard que le ton de sa voix était peut-être plus abrupt qu'elle l'aurait voulu. Il fallait dire que la chaleur n'arrangeait pas son humeur déjà rendue maussade par la fatigue et le réveil en trombe. Le pauvre garçon ne méritait sans doute pas ça. Il lui faisait un peu pitié, avec son dos légèrement voûté et son regard fuyant. Pourtant, elle remarqua qu'il n'était pas si laid qu'elle l'avait d'abord pensé ; d'ailleurs, avec simplement une meilleure posture et peut-être une nouvelle coiffure, il ne serait pas des plus désagréables à regarder.

— Oui... oui, sans doute que c'est une bonne idée.

— T'inquiètes, je t'ajouterai ce soir, reprit-elle d'une voix qu'elle s'efforçait de garder enjouée. On fera ça vite, histoire que ça ne nous prenne pas du temps sur les autres révisions. C'est comment ton nom déjà ?

— Charles.

— Ah, non, je voulais dire, ton nom de famille...

— Duval.

Cette réponse rapide soulagea Andréa. Pour une fois que ce bon vieux truc marchait, c'était pile au bon moment. Il était suffisamment seul comme ça, pas besoin de lui faire encore plus de peine en avouant qu'elle ne connaissait même pas son prénom après trois ans. Heureusement, elle fut sauvée par Elsa et Élodie, qui la rejoignirent enfin. Elle s'éloigna rapidement et, après quelques heures, finit par ne plus y penser.

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