Chapitre 16 :

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Iris n’aimait pas le sport. Elle n’avait jamais aimé faire du sport. C’était, l’équivalent pour elle, à de la torture. C’était aussi sûrement dû au fait qu’elle était flemmarde. La jeune fille pouvait sortir de chez elle, marcher et courir un peu pour rejoindre ses amis, mais lorsque tout cela prenait le nom de sport, il ne fallait plus compter sur elle. Lorsque Samuel lui avait dit qu’elle et Peter allaient, eux aussi, devoir suivre des cours de combat supervisés par Marianne, elle avait vraiment déchanté. Après avoir reconsidéré les choses, Iris avait remarqué une chose : elle pratiquait quelque chose qu’elle n’aimait pas, sous l’ordre d’une personne qu’elle n’appréciait guère plus. La jeune fille ne savait même plus si elle avait juré entre ses dents lorsqu’elle avait vu Marianne rentrer, un sourire au coin, leur informant qu’elle les entraînerait jusqu’à leur mission. Samuel avait raison : elle allait devoir finir par parler à Marianne et s’expliquer une fois pour toutes alors qu’elle n’avait pas de réelle raison de la détester.

Au bout de quelques jours, Iris fut déjà épuisée. Mais ce n’était rien par rapport à Peter. L’état du jeune homme semblait se détériorer de plus en plus, mentalement et physiquement. Pourtant, il tenait le coup lors des entraînements même s’il sortait rapidement de la salle pour s’effondrer ensuite. Iris, quant à elle, était rongée par la culpabilité de ne rien dire à Samuel. Amanda lui avait dit de ne rien dire, mais elle ne savait pas si c’était la bonne solution. Sauf que la jeune fille savait aussi que Peter ne lui pardonnerait jamais si elle en parlait à son meilleur ami. Marianne avait tout de même dû en parler à ses supérieurs quand elle l’a vu une fois, totalement épuisé. Iris voyait bien que Samuel se faisait de plus en plus inquiet, il observait bien que Peter n’était pas à son meilleur de sa forme, mais il ne disait rien. Iris ne trouvait pas le courage de lui dire, et son cœur se fissurait un peu plus lorsqu’il lui confiait ce qu’il redoutait sur Peter. Ses peurs étaient fondées, et Iris le savait bien. La jeune fille sentait l’oppression l’atteindre de plus en plus. Le fait de voir Peter aussi mal… Le médecin avait été obligé de le voir, et il lui avait dit d’arrêter les entraînements pour qu’il se repose. Le jeune homme ne faisait plus partie de la mission, et Samuel restait longtemps avec lui. Iris aurait dû lui dire depuis un moment que son ami ne pensait plus vivre, pour le préparer. Mais elle n’avait rien fait.

Iris rouvrit les yeux, la tête contre le torse de Samuel. Ils étaient allongés sur le lit depuis une bonne heure. C’était l’après-midi et ils devaient bientôt rejoindre le chef du QG qui devait leur exposer la leçon. Iris n’avait toujours pas clarifié sa relation avec Marianne, cela lui était égal. Elle sentait que Samuel enroulait des mèches de ses cheveux autour de ses doigts. Elle sourit. On ne pouvait pas faire plus craquant que ce jeune homme.

— Tu aimes bien mes cheveux, le taquina-t-elle avant de relever la tête pour regarder le jeune homme avec le sourire.

— Leur couleur est rare, susurra Samuel.

Iris rit, on lui avait souvent cette remarque. Le roux était déjà rare, mais l’auburn encore plus.

— Tu crois qu’un jour on retrouvera une situation plus paisible dans notre pays et dans le monde ?

— Je ne sais pas… Je l’espère, la guerre dure depuis trop longtemps. Plus d’un siècle il me semble.

L’adolescent leva son bras et le plia pour pouvoir consulter sa montre et grogna. Iris l’embrassa puis se redressa. Sautant du lit.

— Je te rejoins dans la salle plus tard, je vais aller chercher Peter, il est sûrement au salon, déclara Samuel.

Iris hocha la tête et le regarda sortir de sa chambre. La jeune fille secoua la tête avant de sortir à son tour. Elle commença à marcher dans les couloirs pour rejoindre le bureau du chef de ce QG.

— Iris !

C’était Peter qui l’interpellait. La jeune fille se retourna en sursautant alors que le jeune homme fit quelques pas pour s’approcher d’elle. Peter semblait avoir une meilleure mine que d’habitude même si elle apercevait quelques perles d’eaux sur son front.

— Samuel te cherche dans le grand salon, informa-t-elle.

— D’accord, je vais aller le chercher, mais avant, j’ai un truc à te donner…

— Encore !

Iris fronça les sourcils en regardant le jeune homme farfouiller dans les profondeurs de ses poches qui paraissaient sans fin. Le jeune homme en ressortit une enveloppe blanche, sans inscription dessus. Il la retourna pour bien la regarder, toujours sous le regard inquisiteur d’Iris qui commençait à se demander ce que Peter traficotait d’autre. Deux objets donnés en quelques jours, Iris n’avait pas l’habitude de cela. Même avec les personnes qu’elle connaissait très bien, mais à vrai dire, Peter et elle s’estimaient vraiment comme des amis désormais. Avant, Iris pensait qu’il resterait « le meilleur ami de Samuel » pour elle, plus maintenant. Il lui tendit l’enveloppe et elle la prise sans même une hésitation. N’était-ce pas un nouveau cadeau empoisonné ?

— C’est encore pour Samuel ? Tu veux que je le rajoute dans la boîte ?

— Non, c’est pour toi celui-là.

— Pour moi ? Qu’est-ce que c’est ?

— Iris ! Ce n’est pas moi le surdoué entre nous ! Et ici en général d’ailleurs, y a Samuel…

— C’est en quel honneur ?

— Tu es là pour moi, je sais que je peux te faire confiance, et tu m’as soutenue. Tu ne dis rien à Samuel alors que les occasions ne manquent pas. Et je sais que tu seras toujours là pour lui, comme il l’a été pour toi. Vous formez un bon duo, tous les deux.

Iris tangua. Tout s’accélérait trop vite, beaucoup trop vite à son goût. La jeune fille faillit agripper les manches de son ami mais se retient au dernier moment. Elle ne voulait pas vraiment paraître trop brusque ou violente.

— Peter… Tu sais qu’on est là.

— Bien sûr que je le sais ! Sinon je retrouverais mon meilleur ami, qui est en fait un fantôme depuis tout ce temps. Quelle découverte !

— Sam s’inquiète pour toi.

— Et je vais venir le rassurer et lui ôter ses inquiétudes de la tête ! À tout à l’heure Iris.

Il lui fit un clin d’œil et repartit. Iris le regarda avant de reprendre son chemin dans la même direction. La surdouée ne jeta pas un seul regard dans le grand salon et traça d’un pas rapide. La jeune fille n’avait jamais bien visité ce QG, et elle pouvait se perdre à un peu près quatre-vingt-dix-neuf pourcents, mais par chance, elle était déjà rentrée dans le bureau du dirigeant de cette partie, donc elle s’en souvenait. Alors qu’elle traversait une intersection, on l’attrapa soudainement par le bras pour la tirer sur le côté, dans un couloir parallèle en passant par le perpendiculaire. Iris se sentit heurter le mur et serra les dents lorsqu’elle vit Marianne face à elle. Elle aurait dû identifier sa poigne plus vite. L’adolescente releva le regard et ne se frotta pas le bras, encore imprégner de la main de la blonde. Pourquoi lui montrerait-elle qu’elle lui avait faits mal ?

— Marianne, constata-t-elle d’une voix traînante. Que me veux-tu ?

— Eh bien, te parler. Cela me paraît plutôt évident.

— Tu n’aurais pas plus y aller plus doucement ?

— Je ne connais pas la douceur.

Iris réprima un grognement. Cela, elle l’avait bien remarqué. Marianne était de loin, la personne la plus douée au combat qu’elle n’avait jamais vue, rapide, forte et efficace. Elle ressemblait presque à une prédatrice qui jaugeait sa proie avant de la sélectionner avec soin pour l’attaquer rapidement et profitablement possible, sans se blesser et en ne rapportant que bénéfice. Lorsqu’elle la voyait combattre Samuel, car Marianne ne se battait qu’avec le jeune homme, elle avait l’impression de retrouver un regard animal dans ses yeux. La jeune fille arrivait sans mal à identifier qui était la victime entre les deux jeunes femmes : elle. Samuel avait beau dire que leur caractère fort s’opposait car elles possédaient trop d’orgueil et de fierté, Iris savait qu’elle ne faisait pas le poids face à l’ancienne militaire, qui, à chaque fois qu’elle entrait dans une salle, sa présence semblait influencée l’atmosphère et prise en compte par n’importe qui. Iris ne prenait pas peur, elle demeurait juste méfiante. La jeune fille croisa les bras contre sa poitrine et s’appuya contre le mur avec son dos avant de toiser la jeune adulte du regard. Sa réaction satisfaisait visible Marianne, et Iris ne voulait pas lui donner ce plaisir. Pourtant, elle l’avait fait, d’un geste maîtrisé et volontaire, dans le but du contraire.

— Donc, je répète ma question : que me veux-tu ?

— Te parler.

— Ah…

Samuel ou Peter avait dû l’inciter à lui parler. Elle ne pouvait pas le faire d’elle-même, Iris en était persuadée. Et la jeune fille ne manquait pas. Samuel lui avait demandé. Si elles arrivaient à s’entendre, temps mieux ; si elles n’y arrivaient pas, tant pie.

— Je ne t’apprécie pas trop, pour des raisons complètement idiotes, d’ailleurs, avoua très franchement la surdouée.

— Vraiment ? ria Marianne. Comme passer du temps lors des cours de combat avec ton copain ?

— Par exemple, grogna Iris. Je fais trop confiance à Sam pour douter de lui, mais je n’aimais pas le savoir seul avec toi.

— Parce que tu ne m’aimais pas, persifla Marianne.

— Oui, pour aucune raison d’ailleurs. Je ne t’apprécie toujours pas d’ailleurs, je n’en connais pas assez sur toi. Puis, tu me donnais mauvaise impression. J’avais l’illusion d’être face à une fille trop confiante, trop sûre d’elle et hautaine. Cela n’a pas trop changé, mais tu m’as l’air plus abordable qu’avant.

— Je fais toujours cette impression, je préfère choisir les gens à qui parler plutôt qu’ils viennent à moi. J’aime avoir le temps d’observer les inconnus pour savoir s’ils sont dignes de confiance pour que j’engage une vraie relation, une relation à deux sens, avec quelqu’un.

— Mauvaise expérience ? déduit Iris en relevant son regard pour regarder Marianne s’en paraître impression ou dominer.

— On peut dire cela comme cela.

Iris scrutait son visage. L’ancienne militaire semblait être peu pâle à l’origine, mais la Dheas paraissait tout de même, avoir foncé encore plus sa peau qu’habituellement. Ses yeux verts insistants ne manquaient pas de faire comprendre la nature de son caractère. Les quelques cicatrices y contribuaient aussi. Elle possédait une grosse cicatrice en diagonal le long du coup, de l’oreille droite, à l’épaule gauche ; une autre droite comme un i sans point sur l’arcade sourcière gauche et une légère cicatrice vouée à se dissiper mais tout de même vraiment profonde ornait sa joue droite.

— Donc tu étais encore dans la phase d’observation, j’ai l’impression. Tu m’observais.

— Oui, et cette partie-là est terminée. Et je dois avouer, que mes préjugés s’avéraient assez faux pour la plupart.

— Des préjugés ? C’est-à-dire ? Développe, je t’en prie.

Iris avait dit cela d’un ton plus sec qu’elle ne l’aurait voulu. La jeune fille ne souhaitait plus se fatiguer à jouer au chien et chat avec Marianne. Elle apprendrait à la connaître, et si elle ne l’appréciait pas, elle ne lui parlerait tout simplement pas. Elle se détendit lorsqu’elle s’aperçut que la jeune femme avait laissé échapper un rire léger. Sauf qu’elle devint vite perplexe. Qu’est-ce qu’il la faisait rire au juste ? Sa réaction n’avait pas à susciter du rire, à moins qu’il soit nerveux. Cela restait encore autre chose. Iris lui lança un regard interrogateur pour l’inciter à répondre à sa demande, et Marianne se permit de lâcher un petit soupire avant de s’appuyer elle aussi, sur le mur, en face de celui qui servait d’appui pour Iris. Cette dernière sentit le regard de la blonde la parcourir de haute en bas et de bas en haut, comme si elle cherchait une dernière fois à l’analysée. Impression à la fois angoissante et effrayante. Marianne était-elle calculatrice ou juste trop méfiante ? Iris espérait secrètement la dernière. La jeune femme semblait sympa, une fois en confiance.

— Eh bien, je pensais que tu n’étais qu’une pauvre idiote, pas dans le sens où tu serais limité intellectuellement, cela je l’aurais bien compris que non, mais dans ton comportement. Pour tout de dire, je n’ai pas eu l’occasion, comme certain agent, d’entendre souvent parler de toi. Disons que, j’essayais même de l’éviter. Pas parce que je te détestais d’entrer, mais seulement parce que je savais pertinemment que si Mme. Keys ou Amanda parlaient de toi, cela allait me taper sur le système.

— Comment pouvais-tu le savoir à l’avance si tu n’as jamais été présente les fois où elle discutait à mon sujet ?

— Un de mes plus proches amis au sein de l’association m’a directement avouée qu’il valait mieux que je ne sois pas présente en vue de mon caractère. Il était sérieux, alors je l’ai cru. Puis, lorsque je t’ai vu, j’ai tout de suite imaginé que tu étais le style de fille : tête brûlée, qui n’écoute rien, qui veut tout commander et qui arrive à avoir tout le monde à ses pieds pour pouvoir faire fonctionner les affaires qu’elle veut faire rouler pour obtenir ce qu’elle souhaite. Une manipulatrice en gros. Certes tu es totalement têtue et déterminée, à parfois, à un stade qui dépasse un peu les lime du raisonnable, mais je vois en toi un truc que j’aime voir chez une personne : la détermination. C’est primordial pour une personne, et tu l’as, et c’est exactement pour cela que j’en viens à te respecter aujourd’hui même si tu peux dérailler à quelques moments. En plus, tu n’es pas seule. J’observais, et crois-moi bien que j’en aie appris, que dès que tu déraillais, quelqu’un finira par te dévier de la mauvaise direction pour retrouver la bonne. À commencer par Samuel.

— Il l’a fait plus d’une fois…

— Et il continuera ! affirma Marianne avec assurance. C’est vraiment une bonne personne, et je suis certaine que tu as conscience que vous ne vous devez pas vous perdre mutuellement. Je pense qu’il en a la cognition lui aussi, il est lucide.

— Mme. Keys aussi sera là au cas où, répliqua Iris.

— La chef… C’est plus compliqué que cela, Iris. Amanda est une très bonne amie, et, je présume qu’elle t’a parlée de ses différends avec la chef. Je dois bien le confesser, que d’après ce qu’elle m’a dite, Mme. Keys commence un peu à faire n’importe quoi. Sincèrement, elle a eu une très bonne idée en organisant notre petite organisation, c’est grâce à elle que nous tenons debout. Malheureusement, si elle effectue vraiment cette annonce lors du grand rassemblement encore imprévue pour la nouvelle très importante des conseillers, cela nous tira une balle dans le pied automatiquement.

Iris hocha la tête avant de s’immobiliser telle une statue, le visage de marbre, sans aucune expression ou presque : concentrée. Cela faisait longtemps, beaucoup trop qu’elle n’avait pas pris la peine, ni le temps, de réfléchir aux conseillers, à leur objectif, mais surtout à leur but ultime. Puis, la discussion sur le bateau, avec Samuel, lui revient à l’esprit. Elle savait que son petit-ami n’en avait pas partagé le contenu à Peter qui ignorait peut-être même qu’ils avaient longuement parlé, dormant à la place. Ils s’étaient dit qu’ils allaient finir, par devoir confier leur doute. Les doutes d’Iris sur Marianne demeuraient brisés, envolés et dispersés pendant, maintenant, un long moment elle en était persuadée. Après cette mise au point que la jeune fille redoutait légèrement, et ne voulait pas la voir arriver en faisant tout pour la repousser un maximum, le premier ne venant pas d’elle et ne serait jamais venue d’elle, Marianne avait gagné sans conteste sa confiance.

— Il faut que je te dise un truc avant que j’oublie. Pendant le trajet en mer, nous avons bien réfléchi et cassé nos têtes avec Samuel, et nous sommes arrivés à une conclusion commune qui est en rapport avec les conseillers.

— Laquelle ? Sachant que vous êtes des surdoués, il doit sûrement y avoir un fort taux de probabilité pour que cette conclusion soit vérifiée dans la vraie vie. Je t’en prie, déroule petite génie.

— Le but de chaque pays, en plus de trouver un remède à la maladie, c’est la guerre. Nous sommes bien d’accord là-dessus. Avec Samuel, nous pensons que les bâtiments construits dans le désert ne servent pas qu’à leur protection et à la recherche contre maladie.

— Et à quoi d’autre ses bâtiments permettraient-ils ?

— Le but des pays, c’est de gagner la guerre. Les bâtiments permettront de jauger, analyser et préparer les plus forts physiquement au terrain alors que les autres aux emplacements et aux stratégies. Ils deviendront tout autre que des adultes.

— De la chair à canon, laissa échapper faiblement Marianne de sa bouche. Ils n’auront même pas le choix. La plupart seront envoyés à la mort et mourons bel et bien… Tout ça pour gagner et étendre encore plus leur pouvoir et leur puissance. Leur but pour chacun, c’est d’avoir le contrôle total des autres pays et donc, fatalement du monde. C’est… Si machiavélique. Comment tous les dirigeants peuvent raisonner comme cela depuis plus d’un siècle ? C’est inimaginable !

Marianne avait bien tout résumé en quelques phrases. Elle avait très bien compris ce que pensaient Iris et Samuel, et l’ancienne soldate le reconnaissait, désormais, que cette hypothèse n’était pas seulement qu’une supposition, mais une réalité dans le monde et en Opartisk, voir peut-être même, dans les autres pays qui ne restaient pas aussi fauchés que la Thuath.

— Veux-tu que l’on prévienne le chef de ce quartier-là pour Mme. Keys l’apprenne le plus rapidement possible ?

— Je t’avoue que je ne sais pas. Je préfère en parler avec Samuel avant. Je crois que je favorise le fait de lui annoncer moi-même pour avoir la capacité de paraître plus convaincante qu’à travers une autre personne.

— Tu as raison.

Des pas raisonnèrent dans le couloir d’à côté alors que les deux femmes reprirent donc le trajet sans faire aucun détour. Iris ne savait pas si elle s’habituait à l’atmosphère de Dheas, elle ne sortait pas et n’essayait pas de le faire en douce. Elle était peut-être très bornée, il y avait encore quelques limites qu’elle respectait. Même si elle savait très bien que cette contrainte-là, Peter ne la respectait pas contrairement à elle et Samuel. Les jeunes femmes discutèrent un peu pendant la suite de leur chemin. Elles cogitaient énormément sur l’aboutissement des réflexions des deux surdoués. Comment les conseillers hiérarchisaient-ils le tout pour sélectionner les meilleurs dans chaque branche de l’armée ? Comment comptaient-ils les préparés. Kilian et Cassandra n’étaient que des pions, pensa Iris alors que son visage se creusait d’inquiétude. Sauf que ces pions-là étaient particuliers en une raison : tous, étaient pratiquement indispensables. Désormais, Kilian était indispensable au conseiller car il devenait lui-même membre du petit groupe qui dirigeait l’État. Cela, Iris n’en avait pas connaissance, personne d’ailleurs. Peter et Samuel s’installaient à deux chaises alors que les deux femmes arrivèrent en frappant d’un coup de poing la porte avant de l’ouvrir sans se soucier d’avoir obtenu une quelconque permission pour entrer dans la pièce. Les deux adolescents et le dirigeant de cette branche les contemplèrent un moment, si bien qu’elles en deviennent très vite gênées.

— Bonjour, marmonnèrent les deux jeunes femmes alors qu’elles continuaient à être observées d’une manière minutieuse et dérangeante pour elle.

Iris décida d’occuper le siège au côté de Samuel, et Marianne, celui près de Peter. Pendant un bon moment, le silence régna et les jeux de regards entre certains ne cessèrent absolument pas. Iris chercha la main de Samuel avant de la trouver dans un sourire tendre alors que se fut Marianne qui décida de briser le silence endormant qui s’imposait dans la petite salle.

— Bon, vous allez nous expliquer cette mission ? Plus vite elle sera faite, plus vite on aura de nouvelles informations qui risquent bien de changer la donne. Nous rentrerons et on s’activera à de nouvelles tâches importantes.

Iris était certaine d’une chose : Marianne restait la personne la plus déterminée qu’elle n’avait jamais connue. Le chef de ce quartier-là semblait aussi de cet avis et cela n’avait clairement pas l’air de le ravir à l’observation de son expression faciale qui, creusée et fatiguée par des cernes bleuâtres donnait vraiment l’impression suite à la réplique de la jeune femme, qu’elle l’abattait pour de bon avec une phrase pourtant si banale. Cet homme ne dormait visiblement plus beaucoup, et surchargé de travail, n’était ni rasé, ni coiffé et paraissait avoir été par le passé, plus engoncé. Marianne l’avait connu alors qu’il possédait encore un ventre rond et un double menton généreux. La métamorphose demeurait frappante s’il y avait des photographies de lui. L’homme toussa et se racla la gorge pour s’éclaircir la voix et frotta ses yeux avant de fermer les poings.

— Oui, patience. Nous devons attendre Loan, nous ne pouvons pas commencer sans lui. Il est indispensable, tout entant que toi, Marianne.

— Il fait partie de la mission ? intervint Samuel en regard la chaise désertée à côté du bureau, face à eux.

— Oui, je vais vous expliquer pourquoi lorsqu’il arrivera.

— Vous devriez dormir M. Lowen, conseilla poliment Marianne d’un ton tout de même assez sec.

Iris essaya d’identifier si le chef de cette partie-là faisait partie des amis de Marianne ou des gens qu’elle n’appréciait pas. La jeune fille n’arrivait pas à atteindre une conclusion, un conseil était une bonne chose mais le ton une autre, et elle avait connu un ton plus fort sympathique, que ce soit d’une autre personne ou de l’ancienne militaire. La plus âgée était sans doute agacée de ne pas pouvoir passer à l’action rapidement. Iris avait souvent pris le temps d’observer Marianne, et la jeune femme était presque intenable : elle bougeait tout le temps, restait active tout le temps et possédait de réelle difficulté à tenir en place sans rien faire. Un peu comme une hyperactive, mais avec de la maturité et de la perspicacité en somme. La perfection demeurait peut-être en elle. Les gens qui la quêtaient, devaient donc lui ressembler ? Si tout le monde se ressemblait, le monde ne serait pas en guerre mais d’un ennui remarquablement endormant. La perfection et la similitude ne se retrouvaient pas dans la solution pour redresser le monde qui coulait lentement dans les abîmes de la guerre et de la mort. Iris scruta discrètement Peter pour obtenir un ordinaire indice sur l’état de santé du jeune homme. Iris savait qu’il souffrait psychologiquement, mais il restait impassible, son visage aussi parlant qu’un mur. Le jeune homme n’adoptait pas habituellement cette attitude, d’après ce qu’Iris avait entendu, il était un adolescent joyeux et expressif avant. Sauf que les choses changent, les personnes se transforment donc, leur personnalité, leur attitude et leur état d’esprit aussi. Peter en était la preuve, beaucoup d’autres personnes aussi. La porte entrebâilla laissant Loan pénétrer dans le petit bureau. L’homme écrasa sa cigarette dans le cendrier et se posa sur la chaise libre en s’excusant de son retard.

Les autres ne s’attardèrent pas sur le nouvel arrivant puis reportèrent leur regard sur le directeur qui semblait s’être assoupi un petit instant. Marianne le ramena à la réalité en claquant des doigts juste devant sa figure, ce qui le fit tressauter à le faire tomber en arrière avec son siège. Marianne étouffa un rire en plaçant sa main sur sa bouche pendant que Peter abandonna son essai raté d’effacer son sourire alors que Samuel arriva à dissimuler le sien même s’il tourna la tête pour pouvoir reprendre ses esprits et garder son calme. Ce dernier, lâcha la main d’Iris et se leva pour aider Loan à relever le directeur qui, maintenant, ressentait une vive douleur au dos. Ils prirent chacune une main pour le tirer en avant et Samuel redressa rapidement la chaise roulante avant de regagner sa place, s’asseyant en dernier. Le directeur se massait les tempes avec les index et les majeurs joints.

— Nous voilà tous réunis ! C’est une bonne chose. Je m’excuse pour ce petit moment d’égarement et de cet accident imprévu. Bon, je me dois, de vous expliquez les raisons et le déroulement idéal de cette mission, qui, je ne vous le dirais et rappellerai jamais assez : peut-être très dangereuse si elle tourne mal. Je ne rigole vraiment pas avec cela.

De toute manière, après cette réplique, plus personne ne voulait rigoler. Tous, avait recouvré une concentration et un sérieux désarçonnant qui remplissait l’ambiance. Sauf que l’impatience chronique de Marianne se traduisait de plus en plus, la jeune femme était franche, et elle se tortillait les doigts en même temps qu’elle parlait, écoutait et pensait.

— Vous pouvez dérouler l’essentielle, exigea la jolie blonde. Si nous passons trop de temps à dialoguer, nous serons dans l’obligation de poursuivre la mission demain. Perdre du temps peu s’avérer être une terrible erreur de tactique.

— Mettre du temps peut aussi sauver des vies, la recadra le quarantenaire.

— Ou en perdre la moitié ou le triple, répliqua-t-elle durement.

Iris les observa et son regard s’illumina d’une lumière de compréhension, éclairant dans son visage qu’elle forçait à réprimer l’expression surprise. En réalité, Marianne ne s’entendait pas si mal que cela avec le chef de ce quartier, il y avait juste, un facteur supplémentaire à prendre en compte : Marianne était la fille de M. Lowen. Iris n’avait pas réussi à soulever ce détail immédiatement. En effet, au premier regard, sans observation, l’homme et la jeune femme n’avaient aucune ressemblance. Sauf qu’avec persévérance, Iris les avait trouvés. Tout d’abord, les cheveux de Marianne étaient teint en blonde, pour une raison anodine et inconnue, mais elle utilisait des couleurs. Les yeux de l’ancienne militaire vert alors qu’au contraire, les yeux bruns de son père concordaient avec sa chevelure. C’étaient les traits de leur visage, leur bouche et leur nez. Les mêmes. D’antan, Marianne avait dû être une adolescente rebelle pour oser défier son père en public mais d’une manière sous-entendue, dans une organisation où la hiérarchie était d’ordre. L’homme ne semblait, ni s’en énerver, ni en être déçu, ni s’en émouvoir. Leur lien ne semblait pas être rompu par plusieurs conflits, mais ils ne semblaient pas si proches que cela pour des membres de la même famille. L’adolescence de Marianne semblait avoir eu un impact important sur le père et la fille, ainsi que leur relation. Iris ne chercherait pas à approfondir ce point d’ombre sur sa nouvelle amie, cependant, elle n’en parlerait pas si elle ne le voudrait pas. Loan tapa dans les mains pour faire revenir les esprits égarés.

— Si vous voulez que l’on agisse rapidement, ne commencez pas à vous quereller sous forme détourné, truffé de sous-entendu. Maintenant, exposez-nous la mission, l’objectif et ce qu’il faut éviter, intervint l’un des agents les plus talentueux.

Deux d’entre eux se trouvaient ici : Marianne et Loan. La troisième était Amanda, mais elle avait débarqué en Opartisk, son séjour en Thuath enfin terminé, à son plus grand soulagement. Iris et Samuel avaient de la chance, ils seraient soutenus et aidés par deux personnes de choix pour leur mission. Il fallait juste… ne pas créer d’incident. Sauf qu’avec Iris à bord, rien n’était assuré.

— Merci Loan, souffla M. Lowen en lançant un regard noir à sa fille. Nous parlerons après cette mission Marianne, ajouta-t-il sur un ton de reproche, signe que cette discussion serait houleuse. Bon, comme j’en ai déjà parlé à Peter, après les difficultés physiques qu’il a eues lors des entraînements, je ne peux pas prendre le risque de le faire participer à la mission. C’est pour cela que Loan est resté. Initialement, ce n’était pas prévu qu’il fasse partie de cette mission, mais nous n’avons pas le choix.

Samuel se braqua un peu, Iris sentait sa tension rien quand lui serrant la main, il la serrait plus fort, de peur que le chef parle un peu plus de l’état de santé de son meilleur ami. Peter, lui, évitait tout regard, pour ne voir aucune lueur de pitié ou de compassion. Il n’en voulait pas. Il n’en avait plus besoin, et il n’en aurait jamais besoin. Le jeune homme avait longtemps réfléchi à ses genres de regards, de paroles, qu’il n’aurait pas l’énervement de le subir puisque seul quelques membres de l’Opartisk s’en voyait informé. Le jeune homme serra si fort les poings que ses ongles laissèrent des marques de croissants fins sur sa paume, presque au sang. Peter se retint de jurer, et maudit le fait d’avoir renoncé à se couper les ongles, ne jugeant cela qu’au plus bas dans son baromètre de tâches utiles.

— Nous espérons que ton état de santé s’améliorera une fois rentrée en Opartisk, adressa-t-il à Peter. Nous ne doutons pas que tout aille bien, Mme. Keys en est persuadée. Bon, pour revenir à nos moutons, voici ce que vous allez devoir faire : voler des informations ultra-confidentielles dans un laboratoire dirigé par l’état Dheasins. Nous ne savons pas quelle est la nature de ses informations, mais nous avons pu apprendre qu’elles étaient suffisamment importantes pour qu’elles se retrouvent sous haute sécurité. Nous devons absolument les récupérer pour faire avancer nos recherches sur la maladie ! L’idéal serait de s’introduire par le sous-sol sans se faire repérer, et de les extraire et partir. Nos infiltrés ont dessiné le plan du laboratoire pour vous faciliter l’orientation, même si je ne doute pas que mademoiselle la militaire ait aun sens aigu de cette qualité.

— Mais il y aura sûrement des gardes, s’inquiétèrent immédiatement Samuel et Iris, qui restaient perplexes devant ce plan, qui leur paraissait vraiment trop bancale.

Marianne approuvait exactement ce qu’ils venaient de dire. L’ancienne militaire était bien placée pour le savoir, mais, même si le plan n’était pas forcément bon, elle avait très envie d’en découdre enfin et de conclure le chapitre Dheas, pour pouvoir retourner en Opartisk. La jeune femme avait un peu le mal du pays, et supportait de plus en plus difficilement les tensions qui existaient entre elle et son père.

— Vous êtes rusés et intelligents. Je suis certain que tout va bien se passer.

Samuel n’en était pas convaincu du tout. Comme les autres, ils trouvaient cela trop instable, et le jeune homme essayait de former des plans de secours dans sa tête en cas d’urgence absolue, ce qui était très probable que cela arrive. Un plan A, un plan B, un plan C… Mais est-ce qu’eux ceux-ci marcheraient vraiment ? Peut-être mieux que le plan d’origine, aucun doute là-dessus.

— De toute manière, la mission se déroulera cette nuit jusqu’au lever du matin pour le plus longtemps. Marianne, reste dans mon bureau. Les autres, vous pouvez partir, je vous pris.

Samuel et Iris échangèrent un regard suspicieux avant de se lever suivis des autres et de s’en aller de la salle comme Loan et Peter. Les deux hommes s’éloignèrent alors qu’Iris collait son oreille à la porte alors que Samuel la regardait en fronçant les yeux, et de caler sa tête contre le mur, en face de celle d’Iris. La jeune fille essayait de se concentrer sur une quelconque voix provenant de la pièce qu’ils avaient quittée, mais avec le visage de Samuel en face de sien, cela restait assez compliqué pour elle.

— Tu penses qu’écouter une conversation privée peut nous en faire apprendre plus sur la mission ? dit-il ironiquement, sachant très bien que le père et la fille ne parleraient pas de cela.

Le jeune homme se décolla, il ne voulait pas écouter la conversation, il n’en avait pas grand-chose à faire. L’adolescent n’avait pas pour habitude d’écouter au porte, et il ne voulait pas que cela commence à y rentrer. Il s’appuya contre le mur, au cas où la porte s’ouvre d’un coup sans prévenir et fixa d’un œil narquois, sa petite-amie qui essayait de garder son équilibre.

— Non, et pour tout te dire, j’ai déjà vécu et assisté à des disputes familiales, mais j’aimerais en apprendre un peu plus sur Marianne, que ce que je sais déjà. Il y a trop peu de chose que je sais d’elle.

— Et pourquoi elle spécialement ? Si elle l’apprend que tu as écouté au porte, je doute qu’elle continuera à t’apprécier beaucoup, lui signala-t-il.

— Comment ça « spécialement elle » ?

— Je sais bien que tu es curieuse, et je ne te le reproche pas du tout, loin de là, cela nous a permis de comprendre des choses et de nous sortir de plusieurs situations. Mais, ce n’est pas comme si tu savais tout de ma vie, ou celle de Peter par exemple.

— Détrompe-toi ! Les jours que l’on a passés sans entraînements. On a beaucoup parlé avec Peter. Puis, cela fait peut-être pas super longtemps qu’on se connaît, on a souvent parlé Sam. Tu m’as dit qu’à part des disputes par ci et par là, tout cela passait très bien dans ta famille et que tu voyais l’ensemble régulièrement. Puis, tu sais très bien que de mon côté, mes parents sont isolés du reste de la famille et que je ne vois que mon cousin qu’une ou deux fois par an, et là, c’est mal barré pour le revoir avec la guerre et tout ce qui se passe.

— C’est vrai, je capitule.

Iris fronça les sourcils et garda la tête contre le mur mais prit la main de Samuel pour obtenir son attention.

— Toi… Tu ne me dis pas tout. Déballe.

— Peter m’a dit que mes parents se séparaient pour de bon.

— Les disputes dégénéraient à ce point-là ? s’étonna Iris en se décollant de la porte.

— La plupart non, mais certaines pouvaient virer à la violence des deux côtés. Sauf que cela n’arrivait pas souvent, en tout cas, c’était mon grand-frère qui me les rapportait car je me retrouvais la plupart du temps en cours.

Iris n’avait pas souvent entendu parler du frère à Samuel. Le jeune homme n’en parlait pas trop, et Iris savait que c’était parce qu’il était à la guerre. Samuel ne supportait pas cette idée, mais il devait faire avec la peur de le savoir mort chaque jour qui passait. C’était pour cela qu’il parlait peu de lui. Iris n’insista pas sur la séparation des parents de Samuel, au contraire, elle ne s’occupa plus de la discussion qu’elle voulait épier et tira Samuel par la main pour le rapprocher d’elle et elle le serra dans ses bras.

— Tais-toi ! cria-t-on avec un coup violent sur le bureau qui fit vraisemblablement tomber des objets de la table.

Iris sursauta, restant accrochée à Samuel en tournant la tête vers la porte. Finalement, elle n’avait pas besoin d’y rester scotcher pour entendre. Ils criaient tellement que si la porte était ouverte, l’ensemble du couloir entendraient leur dispute. C’était encore pire que ce qu’Iris pensait.

— Marianne cela suffit ! Ce n’est ni le moment, ni l’endroit de parler de cela.

— Quel est le rapport avec aujourd’hui ?

— C’est toi qui as commencé à parler de cela, ne me met pas cela sur le dos, ma fille.

— Je suis obligée d’en parler par ce que tu es dans un état psychologique déplorable. Tu ne peux plus continuer à exercer un poste à haute responsabilité dans l’association tant que tu n’iras pas mieux ! Je dis cela pour ta santé.

— Je vais très bien.

— Mensonge ! Ce n’est pas vrai ! Tu vas mal. Depuis la mort de maman tu t’enfonces dans le travail mais cela te tire bas, et non haut, tu n’en retiens aucun bénéfique. C’est cela le pire ! Arrête de te ruiner comme cela. C’est stupide. Tu es stupide.

— Marianne…

— Elle ne reviendra jamais, elle est morte. Ce n’est pas en travaillant que cela va arranger tes affaires. Repose-toi, laisse-toi vivre. Tu penses sûrement qu’en travaillant tu réussiras à la faire sortir de tes pensées comme cela atoujours fait, mais cela impacte sur la qualité de travail. Dans l’association, on ne peut pas se permettre à de telles erreurs, et le jour où cela arrivera vraiment, tu ne pourras pas me dire que je ne t’avais pas prévenue !

Samuel amena Iris avec lui, anticipant Marianne qui allait sortir en trombe, comme une furie du bureau du chef du quartier de Dheas. La jeune militaire demeurait si énervée qu’elle ne remarqua même pas qu’elle passait à pas de loup devant le jeune couple. Iris, elle, ce qu’elle retenait, c’était que sa mère était morte. C’était le point de naissance de la divergence entre le père et la fille. Iris se navrait de ne pas pouvoir faire grand-chose. Une chose était claire pour elle : la mission risquait très certainement de tourner au fiasco, pour de vrai. Le plan débordait de nullité, et les principaux chercheurs pour organiser ce plan n’était même pas fichu, d’être capable de s’en rendre compte par eux-mêmes. Ils ne réalisaient pas alors que les participants de la mission montraient clairement leur désaccord en argumentant un peu. Mais ils n’avaient pas le choix. La hiérarchie obligeait. Iris tourmentait trop pour réfléchir à des plans de secours, mais Samuel en établissait quelques-unes dans sa tête au fil du temps. La mission ne devait pas se transformer en échec. Absolument pas. Les informations pouvaient s’avérer primordiale pour la suite.

Malgré tout, même s’il remettait en place ses pensées, Samuel restait vraiment préoccupé. Le jeune homme avait bien évidement observer minutieusement l’état de santé de son meilleur ami qui devenait de plus en plus inquiétant au fil des jours. Le surdoué cachait son désarroi et faisait comme si de rien n’était car il savait pertinemment que Peter lui rabrouerait qu’il n’avait pas à s’en faire pour lui, qu’il allait très bien. Balivernes ! Samuel ne reniait pas la vérité, si Peter se retrouvait effacé de toute implication dans la mission, c’était que sa santé ne lui permettait plus de faire face à tout cela. Samuel souffrait de cette vérité. Peter aussi, et Iris aussi à cause du poids important que lui avait confié ce dernier. Et elle avait fait un choix qu’elle ne savait ni bon, ni mauvais.

Lorsqu’ils partirent, au crépuscule, il ne pleuvait pas mais l’air ambiante était lourde et humide. Iris et Samuel montèrent sur la banquette arrière de la voiture aux vitres tintées, qu’elle soit arrière ou devant. Loan prit la place du conducteur, et Marianne celle du copilote. La mission commençait dès maintenant. Le trajet n’était pas bien long. Une demi-heure pour arrivée à la ville où se trouvait le fameux laboratoire. Le carnaval avait lieu une fois par semaine, plus précisément le défilé, les décorations restaient tout le temps accrochées à chaque façade de bâtisses ou lampadaires et autres objets des lieux publics. Cela se passait ainsi dans toutes les autres villes. Iris estimait cela assez étrange, certes, la coutume imposait ce type de quotidien, mais le pays vivait en état de guerre. Pourquoi continuer des coutumes joyeuses alors que la guerre frappait tout le monde depuis plus d’un siècle ? Sous un angle plus ouvert, pourquoi un pays devrait-il s’arrêter de vivre alors que la guerre résonnait partout avec des échos destructeurs ? La question qui démangeait le plus Iris revient brusquement dans son esprit : les raisons de la guerre. La jeune fille se gifla avant de poser son regard sur le paysage défilant à toute vitesse. Elle devait arrêter de penser à cette interrogation pour le moment, cela pouvait ruiner la mission si cela la distrayait trop, et cela commençait déjà. Elle devait garder la tête froide.

Quand le véhicule s’immobilisa, elle respira une grande goulée d’air neuf que contenait la voiture et ouvrit la portière pour descendre. Il faisait plus frais que quand ils étaient partis mais elle avait pris une veste, notamment pour ranger une arme dans sa poche intérieure. Les armes à feus ne lui inspiraient pas confiance, sauf qu’elle possédait un minimum d’estime pour sa vie et celles des personnes qui l’entouraient. Marianne mena la marche, ils ne s’étaient pas arrêtés directement en face du bâtiment. Ils se retrouvaient dans une jolie place rectangulaire à pavé clair, avec des parterres de plantes où des bancs se retrouvaient collés. Et une belle fontaine en pierre qui rejetaient de l’eau vers le ciel, faisant retomber de l’eau dans le bassin mais aussi de l’eau tout entour. Elle devait être alimentée tout le temps en haut. Iris ne pouvait pas se permettre de regarder plus longtemps ce petit spectacle, les mains de Samuel, sur son épaule, la firent revenir au réel en poussant dessus pour la faire avancer. Marianne était déjà loin, ils durent trottiner un peu pour la rattraper alors qu’elle marchait à pas de loup. Ils passèrent par une ruelle étroite où leurs pas s’entendaient s’enfoncer sur les graviers. Ensuite, ils longèrent un mur qui séparaient une place et formait une rue de l’autre côté. Le bâtiment se situait à la fin de ce mur beige, et l’architecture de cette bâtisse était incontestablement étrange. Comme à l’apparence de la Dheas, le bâtiment possédait sûrement toutes les couleurs en son intérieur puisque la façade en était déjà dotée. Le toit d’une forme étrange formait des vagues de plusieurs hauteurs avec des nuances de rose, bleu clairs, orange, rouge et violet. Le bâtiment qui se dressait en hauteur semblait aussi s’enfoncer dans la terre. Les murs d’un bleu nuit stupéfiant ne se remarquaient que grâce à la lueur des lampadaires aux alentours.

— Je me trompe peut-être… mais cela m’étonnerait que l’on passe par la porte comme de gentilles personnes qui n’essayent pas de dérober les informations les plus importantes que possède le pays, déclara Iris en frôlant d’une main l’arme à travers le tissu de sa veste grise.

— C’est évident que si on espère rentrer comme cela, on va finir refoulé très vite ! affirma Marianne avec un petit rire. On est des voleurs ce soir, et nous ne passerons pas par la porte d’entrée. Loan a étudié le plan du bâtiment.

— Une fois à l’intérieur, ce sera facile, les couloirs sont loin de former des chemins et des détours ultra-complexes, le pire qu’il puisse nous arriver, c’est de ne pas pouvoir ouvrir les portes, ce, qui, au vu du plan incroyablement bien organiser, est fort probable, ironisa ce dernier.

Iris ne savait pas si elle devait être rassurée ou encore plus paniquée. La panique semblait le type de réaction approprié, et pour cause, le plan n’était absolument pas fiable. Cela lui paraissait, à ses yeux, comme un miracle qu’elle puisse aboutir. Malgré tout, les deux surdoués avaient deux éléments de tailles avec eux : leurs deux autres coéquipiers, Marianne et Loan, connus pour ne jamais rater leur mission et les mener toujours à bien, plus particulièrement Marianne. La jeune femme était une boule d’énergie débordante qui ne demandait qu’à se décharger. Ils longèrent les côtés avant de s’arrêter et Loan passa la tête pour regarder à l’arrière avant de se retourner vers les autres.

— Un camion ouvert pour cause de vérification va entrer dans le sous-sol. Nous avons peu de temps mais on va se faufiler lorsque le conducteur signera la décharge. Lorsque je partirai, vous me suivez.

Aucun des trois autres n’avait leur mot à dire. Loan se retourna et observa, avant de détaler, suivis très vite par les autres. Loan sauta presque au lieu de grimper la petite montée que la porte du bas faisait pour relier l’arrière du véhicule au sol. Samuel et Marianne firent de même alors qu’Iris s’appuya à la pente pour se propulser à l’intérieur, elle n’était pas assez grande pour se jeter du sol à la remorque. Loan se cacha derrière la cargaison la plus proche, à droite, Samuel sur celle du gauche alors que Marianne et Iris se réfugièrent ensemble à la grosse et longue caisse en arrière. Leurs respirations se firent plus saccader et d’un volume extrêmement plus diminué. Loan et Samuel s’échangèrent des regards par intermittence pendant que les deux jeunes femmes, debout au quai vif, ne se lâchèrent pas du regard et essayaient de communiquer avec des gestes de la main et de la tête. Elles perçurent le bruit de la porte arrière qui se refermait pour peu de temps. Loan se releva un peu et prépara son arme, Samuel, moins certain et serein d’utiliser un tel objet repéra tout de même une barre en fer non loin de lui s’il n’avait pas le temps. Puis le surdoué se rétracta lorsqu’il toucha le métal froid de l’arme.

— Loan, combat rapproché. Utiliser les armes nous repérerait dès le début, et nous avons tout intérêt à rester discret.

Le meilleur agent masculin de l’organisation lâcha son arme qu’il était déjà en train de sortir pour le regarder, au début interloqué avant qu’une lueur de lucidité passe dans son regard. Il hocha la tête en souriant alors que Samuel lui répondit par un sourire beaucoup plus timide. Iris fut rassurée d’écouter qu’elle n’était pas la seule à ne pas avoir envie d’utiliser une arme à feu. Le camion avança avant de s’arrêter, ils entendirent les portières avant claquer puis un filet de lumière perça grâce à l’ouverture. Loan bondit sous un cri rapidement étouffé d’un homme qui se retrouva assommé. Samuel rattrapa le deuxième et le mit à terre avant de lui assener un coup de barre en fer en pleine tête. Iris et Marianne déroulèrent une chaîne et attachèrent les bras et les jambes des deux Dheasins puis les laissèrent inconscients devant le véhicule, courant pour remplir leur mission à l’organisation improbable. C’était simple : ils avaient juste à suivre Loan dans des couloirs de la taille d’une autoroute, et qui ne se croisait pas tant que cela.

Ils cavalèrent dans la descente des escaliers mais Samuel et Marianne prirent la rampe qui tournait et ils continuèrent leur chemin en passant par la gauche. Il ne semblait pas y avoir grand monde le soir, Iris se demandait si c’était bénéfique ou contrariant pour la mission. Elle ne saurait pas dire. La jeune fille vit quelqu’un dans le couloir, comme par hasard qui sortait de la salle où il devait absolument rentrer. Iris le reconnut, elle l’avait vu sur une affiche. Les têtes des quatre conseillers ornaient une grande partie des places publiques de Dheas en plus des décorations des festivités. Ce conseiller-là était mince et ressemblait davantage à une longue tige qu’à un être humain en parfaite santé, sa maigreur, si effrayante soit-elle, faisait ressortir ses veines bleues de sa peau, plus particulièrement au bras : le conseiller Corentinus. L’homme, âgé d’une cinquantaine d’années entrouvrit la bouche dans le but de dire quelque chose, mais il se ravisa au moment où Loan s’approcha de lui, puis il commença à parler avant de se faire assommer à son tour. Pour l’instant, pas de meurtre en vue, c’était une bonne chose. Iris prit le temps d’observer le conseiller au moment où Loan le palpait, à la recherche d’un quelconque objet. Ils n’avaient pas eu le temps de passer un pied pour empêcher la porte de se refermer. La porte n’avait pas de serrure, un écran pour accessoirement une sorte d’interface qui n’était pas tactile.

— C’est une sorte de carte ou de badge que tu dois trouver, Loan, informa Iris en effleurant l’écran des doigts.

Il la trouva dans la sacoche. La carte prenait la forme d’un disque, comme les CD mais sans trou au milieu pour la faire tourner. Le cercle prenait une teinte rouge d’un côté et violet de l’autre, il la tendit à Iris qui ne perdit pas de temps pour s’en emparer et chercher le sens pour l’ouvrir. Sur ce coup-là, ils avaient eu de la chance. La jeune fille finit par ouvrir la porte.

— Samuel, Iris, rentrés, on se charge de la garde, on vous préviendra ! déclara Marianne, se postant déjà à un côté de la porte.

Les deux surdoués ne répondirent pas et s’engouffrèrent directement dans la salle en prenant soin de caler un objet pour qu’elle ne se referme pas, même s’ils possédaient la clé. Tout d’abord, ils galérèrent à trouver la lumière. Après avoir déclenché l’interrupteur, ils contemplèrent pendant un bref moment la salle. Elle n’était pas bien grande, mais elles regorgeaient d’étagères où plusieurs coffres-forts se retrouvaient posés. Samuel sortit un papier, les infiltrés dans l’État Dheasins avaient réussi à extraire le numéro dans lequel les dossiers les intéressaient. 023. Samuel prit la partie de gauche, et Iris celle de droite.

— J’ai trouvé ! dit le jeune homme à voix haute, après déjà un quart d’heure de recherche.

Iris jeta quelques regards autour d’elle avant de le rejoindre. Les conseillers de ce pays cachaient donc plusieurs secrets, peut-être aussi des objets… la surdouée restait intriguée par autant de choses gardées sous haute précaution, qui pourrait sûrement semer le cahot dans le pays si cela éclaterait au grand jour. Iris fixa le coffre-fort, il semblait impénétrable. Elle tapa dessus comme si on toquait à une porte. Il n’avait pas le code et une balle ne suffirait certainement pas.

— Je tente le tir ? s’inquiéta Samuel. Je ne pense pas que cela va marcher, avoua-t-il.

— Moi non plus, confirma la jeune fille aux cheveux auburn en secouant la tête

Il ne tira pas et ils n’avaient pas le code. Une seule solution possible pour eux : attendre le réveil de l’homme.

— Vous hurlez et je vous explose le crâne d’une balle, et vous serez mort ! cria Marianne avec assurance et ordonnance.

Le couple s’échangea un regard avant de réapparaître dans le couloir. Loan restait appuyé tranquillement contre le mur à fixer Marianne qui maintenait le conseiller Corentinus contre le mur, le pistolet sur la tempe de l’homme. Ce dernier tremblait de tous ses membres et se mit à implorer les deux nouvelles venues du regard, dans le but de pouvoir sortir indemne de ce guet-apens. L’homme avait l’air si fragile qu’il en semblait presque fébrile. Marianne tourna vivement la tête.

— Vous avez les dossiers que l’on cherche ? Est-ce que je peux le buter ?

— Nous n’avons pas le code. On a besoin de lui pour cela, répliqua Samuel en poussant un peu plus la porte.

La jeune femme grogna et poussa de son arme, le conseiller à l’intérieur, toujours aussi tremblotant.

— Loan, fait très attention. Tu surveilles et dès qu'il y a quelqu’un tu nous cries de replier, marmonna-t-elle sans un regard pour le concerné.

Elle ne le vit donc pas faire le mou mais elle entendit son soupir et ne se retourna même pas même si elle lui adressa un doigt d’honneur avant de rentrer dans la salle. L’homme avançait d’un pas chancelant et les deux adolescents se retrouvaient déjà devant le petit coffre en acier et en métal et autres matériaux plus durs à percer. Iris se mit à penser que le plan allait tout de même peut-être bien fonctionner aussi bien que le prévoyait M. Lowen. Marianne le poussa sans précaution et pitié, face au coffre.

— Mais… Mais… Mais que voulez-vous ? balbutia-t-il d’une voix qui se voulait inaudible mais qu’ils arrivaient tout de même à percevoir le son et les mots.

— Les infos que vous détenez sur la maladie. Bien évidemment, sur la situation exacte de votre pays en guerre ainsi que ses choix, cela ne serait pas de refus. Sauf que nous sommes là par rapport à la maladie. Nous avons ordre de rester ici jusqu’au lever de matin. Et entre nous, j’ai l’impression d’y passer déjà une éternité alors que cela ne fait qu’une heure. Je n’aimerais vraiment pas que cela persiste.

— Je ne peux pas trahir mon peuple, mon pays et mes collègues !

Iris voyait bien que Marianne s’agaçait et que la seule envie qu’elle avait était d’appuyer sur la détente pour voir l’homme s’écrouler à terre. Pour l’instant, elle ne pouvait pas faire cela. Tant qu’ils n’avaient pas encore le code, pour accéder au dossier, la mort prématurée du conseiller ne pouvait pas avoir lieu. De toute manière, Iris voulait éviter d’assister à un meurtre, même si avec une Marianne déterminée, cela risquait d’être légèrement compliqué. Pendant un long moment le conseiller Corentinus répéta qu’il continuerait à respecter la fidélité envers son pays avant de partir sur des délires sur la guerre et ses collègues ainsi que les autres pays. Il s’avérait ne pas avoir toute sa tête, cela était navrant. Alors qu’il allait continuer sur un autre sujet, Iris le tira en arrière pour se placer devant lui.

— Fermez là ! bougonna Marianne, collant toujours l’arme sur la tempe de l’homme.

— Écoutez-moi bien, des centaines d’enfants meurent de la maladie. Bientôt, cela touchera le reste de la population et toute la planète. On essaye juste de tout sauver. Alors on vous laisse une dernière chance de nous donner ce que l’on veut avant que l’on décide de vous exécuter dans cet endroit sinistre.

— 707747345.

Les surdoués ne prirent pas le temps de réfléchir sur la signification du code même si c’était tentant. Iris s’empara du dossier puis la confia à Marianne qui la rangea dans le sac en bandoulière qu’elle portait, tout en n’abaissant pas l’arme. Un coup de feu retentit dans le couloir et les fit sursauter.

— Sortez d’ici avant qu’ils atteignent la porte ! rugit Loan alors qu’il recommençait à tirer.

Marianne tira elle aussi. Le conseiller Corentinus s’étala par terre dans une mare de sang partant de son crâne, se répandant très vite sur le sol, imprégnant les chaussures des trois amis. Ils sortirent et firent volte-face à une dizaine de pseudo-soldats qui tiraient, bouclier avec. Loan tirait toujours même s’il se retenait lourdement au mur en appuyant sur son ventre. Samuel dégaina son arme tout comme Iris et ils tirèrent alors que Marianne passa rapidement son autre pistolet à Samuel pour qu’elle prenne Loan avec ses bras. Ils commencèrent à partir le plus rapidement qu’ils purent. Samuel grimaça en sentant une balle le frôler.

— Iris ! Va aider Marianne, je couvre !

— Tu rêves ! Je sais bien que tu sais très bien manier une arme grâce à ton apprentissage intensif avec Marianne, mais tout seul, tu es mort.

Il y eut une explosion un peu plus loin. Au niveau de leur assaillant. Les surdoués commencèrent à courir alors que tout s’enflamma. Ils rattrapèrent Loan et Marianne à l’étage et Samuel soulagea la militaire cherchait désespérément la sortie. Loan se mit à tousser sous l’effet de la fumée de l’incendie qui se propageait. Ils trouvèrent enfin la porte. Quand ils sortirent à l’air libre, ils virent les fenêtres du haut du bâtiment exploser et des flammes surgirent de nulles parts. Ce n’était pas passer loin. Ils restèrent là, à regarder le bâtiment se détruire, en proie aux flammes comme toutes les autres personnes dedans. Qui avait placé des bombes dans ce bâtiment ce soir-là ? Cela ne pouvait pas être l’association, puisque aucun membre n’y était rentré avant le quatuor. Ni l’État de Dheas en lui-même. Alors qui ? Marianne étendit Loan au sol et passa les clés de la voiture à Samuel. La jeune femme pressait sur la plaie alors qu’Iris parlait à Loan pour le tenir réveillé. La voiture arriva.

— Dans le coffre Samuel !

Le jeune homme ouvrit le coffre et souleva Loan avec les deux filles. Le surdoué resta avec Loan pendant qu’Iris s’installait à la banquette arrière et Marianne au volant. La voiture crissa avant de démarrer puis prendre de la vitesse à fin de s’enfuir plus vite. À l’arrière, Samuel pressa contre la blessure de Loan, ce dernier avait attrapé une ceinture de sécurité passer à l’arrière. Samuel forçait son appui d’un pied contre le coffre alors qu’il utilisait la force qu’il mettait contre la blessure pour garder l’équilibre. Le trajet se déroula comme cela : la voiture ne s’arrêtait jamais mais avait fini par reprendre une vitesse de sécurité, enfin certain d’être loin d’une arrestation, Loan gémissait souvent et Samuel lui soufflait quelques mots pour tenter de le rassurer. Tout paraissait interminable. Iris prit le talkie-walkie que lui tendait Marianne et prévint le besoin de secours dès leur retour.

Malgré un blessé, ils avaient réussi. Malgré un meurtre et un incendie tout aussi catastrophique, ils avaient réussi. Ils pouvaient être fier d’eux, vraiment. Ils n’avaient pas eu vraiment le temps de lire le dossier qui était si mince mais si important à la fois. Mais ce n’était pas l’essentiel, car même s’il s’en était fallu de peu, qu’ils avaient bien failli mourir ou finir prisonniers, ils s’étaient échappés à temps. Le soleil laissait filtrer des lumières orangées alors que la voiture s’arrêta brusquement. Iris avait senti le sommeil la piquer avant l’intervention, mais désormais, l’adrénaline était encore présente dans ses veines pour que la sensation de fatigue devienne invisible. Marianne lui confia le dossier mais Iris n’osa pas l’ouvrir. Elle le passa sous son manteau imperméable alors qu’un déluge s’abattit en un torrent sur la petite ville. Des pluies tropicales. Iris et Samuel ne connaissaient que les petites pluies d’Opartisk. Iris n’eut pas l’envie de sécher ses cheveux dégoulinant d’eau. Elle observa Loan se faire emmener sur un brancard, rapidement. Des médecins le prenaient en charge, laissant Samuel les mains en sang, qu’il profita de s’en débarrasser grâce à la pluie. Il régnait un calme habituel dans le quartier général de Dheas, mais ce calme-là angoissait Iris comme s’il ne présageait rien de bon. Le sol s’imprégnait peu à peu de pluie mêlée à du sang, celui de Loan. Peut-être qu’il s’en sortirait. Iris l’espérait très fort. Il ne faisait pas partie des personnes qui méritaient de mourir. Est-ce que le conseiller Corentinus en faisait partie ? Iris revit le corps sans vie du conseiller, se noyant dans son propre sang. Une boule dans la gorge se forgea, elle chassa cette image de sa tête. Ce n’était pas le moment.

La jeune fille n’avait jamais pénétré la petite cour que tous les grands bâtiments encadraient. Iris l’avait furtivement aperçu en jetant un coup d’œil par sa fenêtre, mais rien d’autre. Pourtant, Marianne ouvrit la porte permettant d’accéder à cet espace à ciel ouvert. Ce matin, tout était étrange et annonçait une journée qui semblerait être comme arrêter dans le temps. Une impression qui restait assez désagréable tout de même. Une petite foule encerclait quelque chose à terre et Iris ferma les yeux, les doigts entrelacés. Le sommeil revenait petit à petit, mais c’était comme un ressenti sourd. Iris n’avança pas, laissant Marianne, dotée de courages, partie en quête d’information. Iris sentit comme une douleur dans la gorge ainsi qu’une autre qui la frappa dans l’estomac, provoquant presque un haut-le-cœur. Samuel demeurait tendu, vraiment sous tension, juste derrière elle. La surdouée ressentait la peur qui émanait en lui. Sa respiration se faisait saccader. Il savait… Marianne, qui s’était frayée un chemin dans la foule revenue, une expression grave sur le visage, elle était toute pâle.

— Peter… il est mort. Je crois que… Je crois qu’il s’est suicidé.

Le temps se ralentit alors qu’une multitude de choses se passa dans la même période. M. Lowen répéta ce que venait de dire sa fille, mais avec une voix forte, beaucoup plus audible, ni fragilisée, ni tremblante mais confiante. Peter était mort. Le monde vrilla. Le regard d’Iris tomba au sol. Un murmure se répandit surtout dans la foule qui restait sous le choc. Pratiquement tout le monde dans ce QG le connaissait assez bien. Peter s’était caché pendant des mois dans l’association. Iris écouta les pas de Samuel s’éloigner et elle savait qu’elle ne devait pas le suivre pour le moment. Il avait besoin d’être seul. Marianne attrapa le bras et la tira avec elle jusqu’aux toilettes où elle dévia de l’eau sur le visage de la surdouée, ce qui la sortie de sa torpeur. Iris regarda Marianne via le miroir.

— Je le savais, avoua la surdouée.

— Je sais, ça se voyait. Ton choc ne ressemblait pas aux autres. Je ne suis pas la seule à l’avoir remarqué.

Elle faisait référence à Samuel.

— Je ne pense pas qu’il t’en voudra. Peut-être au début, mais il cherchera à comprendre. En tout cas, moi je comprends.

En effet, sa voix ne se faisait pas dure, mais douce, pour lui faire comprendre qu’elle ne la jugeait pas. Iris secoua la tête, un peu absente et fit un sourire triste pour remercier son amie de son soutient. Heureusement qu’elle ne savait pas qu’elle avait épié sa discussion avec son père. Iris soupira et elles se séparèrent pour rejoindre leurs chambres respectives. Iris sentait un poids dans son ventre, une charge qui pesait de plus en plus alors que cela aurait dû être tout le contraire ami la jeune fille savait très bien pourquoi. Lorsqu’elle passa devant la chambre qui avait appartenu à Peter, elle s’immobilisa, la respiration coupée, fixant la porte foncée, des larmes lui montant aux yeux. Non. Elles coulaient déjà sans avoir prévenu. Il était mort, et personne n’avait rien pu faire. Pourtant elle avait essayé, sauf qu’Amanda l’avait averti. Elle n’avait pas réussi.

La démarche traînante, elle repartit avec le poids de la culpabilité qui lui prenait encore plus les tripes. Elle voulait vomir, pleurer, hurler. Sauf qu’elle ne possédait pas ce droit et ne pouvait pas se l’octroyer car Peter ne représentait, au final, pas grand-chose pour elle. Elle n’était pas Samuel. Son petit-ami devait être anéanti, tellement mal, dévasté. Iris ne savait pas si elle devait tenter de le retrouver. Dans ce cas-là… voudrait-elle être seule ou avec un petit soutient moral ? Elle imaginait très bien sa réponse : elle serait seule. Mais Samuel n’avait pas la même personnalité qu’elle. Iris s’attacha un long moment à la poignée de la porte avant de l’ouvrir. Après l’avoir refermé derrière elle, la surdouée se retourna. Samuel se retrouvait là, assit sur son lit, une mèche arrivant vers la joue lui cachait l’œil droit et il la ramena en arrière, relevant son regard, les yeux rouges. Il avait une cicatrice sous l’œil droit, au niveau de la joue plus. Elle n’était pas bien grande. Le calme d’Iris se dérobait doucement.

— Depuis quand étais-tu au courant ? prononça-t-il.

Il se leva et essaya de chercher le regard d’Iris qui ferma les poings pour ne pas finir en crise de panique. Elle n’arriverait pas à lui mentir puisqu’elle avait déjà été une piètre actrice sur la découverte de la mort de Peter. Elle ne se risqua pas à le regarder droit dans les yeux et fit dériver son regard partout, mais pas sur lui. Pas tant qu’elle parlait.

— Depuis quelques jours. Il me disait qu’il sentait la maladie prendre peu à peu le dessus, et il devenait vraiment bizarre. Pour le coup, j’ai fait le rapprochement avec son attitude et tout le reste. J’en ai parlé à Amanda, et elle m’a révélée que c’était une dernière phase de la maladie et qu’il n’y avait rien à faire pour l’en empêcher…

— Pourquoi ne me l’as-tu pas dit ? s’étouffa-t-il à dire d’une voix rauque.

— Parce qu’il m’avait fait promettre de ne pas t’en parler. Pourtant j’hésitai à te le dire, mais je ne voulais pas te voir triste avant l’heure.

Il ne répondit plus. Iris releva la tête alors qu’il l’avait baissé. Elle pouvait apercevoir les larmes tombées directement de ses joues. Iris fit quelques enjambés et prit le tissu de son t-shirt pour l’attirer à elle. Elle le serra fort et il lui rendit son étreinte au bout d’un moment. Il ne se laissa pas aller en pleur. Même s’il s’affichait plus faible et blessé que d’habitude devant lui, il ne s’exposait pas totalement.

— Mais, chuchota-t-il. Je ne comprends pas pourquoi il en a parlé à toi.

Il la relâcha et elle le scruta totalement déconcertée par tout ce qu’ils vivaient en ce moment. Une nouvelle couche venait les frapper. Elle en avait vraiment marre de toutes ses péripéties et ses malheurs.

— Pourquoi, ça je le sais. Pourquoi moi, va savoir, je n’en ai pas non plus la moindre idée et la seule réponse que j’ai reçue c’est un « je te fais confiance, je sais que tu garderas secrets ». Il m’a dit, que quand ce sera le moment, et je le saurais, de te donner cela.

La jeune fille s’agenouilla au pied de son lit et se baissa un peu plus pour ramener le coffre vers elle. Avec la clé posée dessus. Avec un gémissement, elle le monta sur son matelas et tendit la clé à Samuel, désormais interloqué devant l’objet et sa petite-amie. Il finit par s’emparer de la clé. Iris s’éloigna.

— Je ne sais pas ce qu’elle contient, je ne suis pas intrusive. Mais je savais que c’était pour toi. Peter me l’avait confié. Je te laisse…

Iris lui lança un regard compatissant accompagné d’un petit sourire triste avant de se retourner alors que Samuel faisait de même. Assis sur le lit, il fixait longuement la boîte, redoutant l’ouverture et de voir ce qu’il y avait dedans. Iris voulut rester jusqu’à entendre la clé tourner dans la mini-serrure de la boîte. Elle ne le fit finalement pas, et sortit de sa chambre, laissant à Samuel l’espace dont il avait besoin, et la solitude convenable. Iris se décala d’un pas et s’effondra de tout son poids contre le mur, pleurant à chaudes larmes sans pouvoir s’arrêter. Comment Samuel arrivait-il à ton intériorisé ? Elle ne l’entendait pas sangloter de l’autre côté du mur. Il semblait si solide mais faible à la fois. Quand elle n’eut plus de larmes, Iris passa ses mains sur ses joues pour chasser l’effet d’humidité et l’eau qui restait. Elle souffla et effleura sans faire exprès son arme qu’elle avait rangée dans sa poche. Et elle se rappela de quelque chose : l’enveloppe de Peter. Elle l’avait gardé dans la poche extérieure de sa veste. Elle l’ouvrit et contempla l’enveloppe qu’elle tenait d’une main. Ses mains la tenaient fermement des deux côtés. La jeune fille ouvrit l’enveloppe de manière catastrophique comme elle en avait l’habitude en déposant des petits bouts par-ci par-là. Elle extirpa une feuille blanche mais pas vierge. Il avait écrit avec un stylo bleu foncé, peut-être du stylo plume tout compte fait. Il n’y avait aucune rature, et il avait réussi à écrire gros et droit. Pour elle. Iris fut submergée par la gêne sans vraiment savoir pourquoi. Elle ne méritait pas un tel présent.

Iris,

Tu te demandes sûrement pourquoi je t’écris une lettre… enfin, tu connais la raison, c’est que je ne suis plus là pour moi-même te le dire en face. Sauf que, même si cela peut te surprendre, je suis un peu/assez un littéraire dans l’âme. Vraiment. Quand tu te décideras à lire cette lettre, c’est parce que je suis mort, et rien que de l’écrire, je me sens comme soulagé.

Tu dois sûrement penser que je suis un lâche, un faible d’esprit, que j’abandonne tout d’un coup… c’est assez vrai, je laisse tout en plan, et les personnes que j’aime et j’apprécie dans un brouillard total (à commencer par Samuel et mes parents). Cette décision, j’y réfléchissais chaque nuit et chaque matin depuis plusieurs semaines, mais tu vois, ses derniers temps, je n’arrivais plus à cacher toute la noirceur en moi. À l’heure où je t’écris, je sens la maladie me consumer encore un peu plus, comme chaque jour. Elle gagne de plus en plus du terrain, Dheas est toxique pour mon organisme. Je n’aurais pas dû sortir de l’Opartisk. Tu dois penser que je me trompe, que j’allais bien contrairement aux personnes en stade final, mais, le physique commence à peiner, et le mental n’y est plus depuis bien longtemps, maintenant. La seule chose qui m’incitait à faire des efforts : Samuel. Sauf que ce n’est plus suffisent, je sombre encore plus chaque jour comme si ma noyade n’allait pas tarder.

Elle ne va pas tarder.

Je n’imagine même pas l’état de Samuel. Je crois que j’ai honte de le laisser comme cela, je crois que je suis en colère contre moi-même. Sauf que je n’arrive plus à continuer, l’effort est trop immense. Je suis aussi rassuré, car je sais qu’il est entre de bonnes mains. Loan est gentil, Marianne lui a appris à se battre et tu es toujours là, et tu es son plus grand soutient. Il était là lorsque tu étais dévastée par la perte de tes amis, et vous vous aimez. Samuel est fort même s’il ne le paraît pas forcément, il arrivera à se relever. Vous tous, vous êtes fort contrairement à moi.

Je suis triste de ne pas avoir pu te connaître plus longtemps que cela, et de ne pas avoir pu découvrir toutes les facettes de ta personnalité. Tu es une fille bien, et c’est cool qu’on est pu plus parler ces derniers jours. Je savais que je pouvais te faire confiance pour garder le secret le coffre. Je t’en remercie. Et je te promets que tout ira bien pour vous. Je crois en toi, en Samuel, en vous.

Peter.

— Tu aurais surtout dû croire en toi, murmura la jeune fille alors qu’une goutte solitaire tomba vite sur sa joue.

La jeune fille n’eut pas la force de se lever, ni de trop bouger. Elle ne savait plus si elle était capable de supporter son propre poids. C’était terrible, elle avait envie de boire quelques choses. Pas de l’eau, ni obligatoirement de l’alcool, mais quelques choses qui possédaient la saveur suffisante pour la retourner dans un monde irréel où il n’y avait plus de problème. La surdouée pouvait toujours rêver, car cela n’existait pas. Dans la vie, il fallait malheureusement faire face au coup dur, aux personnes qui ont fait du mal à soi et à d’autres, se confronter au danger de la vie et particulièrement à ceux du moment. Ce n’était pas un choix, il n’y avait pas de choix. C’était une obligation. Tout le monde devait passer par là car personne ne pouvait fuir éternellement, sinon, on finissait comme Corentinus et Peter : morts. Iris essaya de détendre son corps et s’affala encore plus, les bras bringuebalants, le regard divaguant, les jambes allongées. Comme elle était petite, elle ne bloquait personne qui avait l’intention de marcher dans le couloir. Marianne était-elle affectée par cette perte ? Évidemment que oui. Qui d’autres déploraient la mort de l’adolescent ? Iris se mit à réfléchir à cela. Ce n’était pas bon.

Samuel se retrouvait en plein cauchemar. Le jeune homme avait perdu la capacité de penser correctement. Peter était mort, son meilleur ami était mort. Il n’avait rien vu venir et il s’en voulait énormément. Cela lui faisait si mal au cœur que respirer lui donnait l’effet d’un coup de poing en pleine poitrine. Ce n’était pas très agréable. Le surdoué s’en voulait. Comment avait-il fait pour ne pas avoir vu venir la détresse de Peter ? Ne pas l’avoir correctement remarqué ? Il devait être un pitoyable meilleur ami. Il n’était pas à la hauteur. Le jeune homme tremblait à voir tout ce que Peter lui avait laissé dans ses coffres. Des carnets en guise de journal intime, qui ressassait les pensées de son ami, beaucoup de photos, qu’eux des photos. De lui et d’eux. Cela faisait remonter des souvenirs en pleine tête, c’était presque insoutenable. Le jeune homme plongea une nouvelle fois son bras dans la boîte. Il en ressortit un téléphone portable muni d’écouteurs. Il les glissa dans ses oreilles et l’ouvrit. C’était celui de Peter, il connaissait le code. Il s’allongea, se disant qu’il écouterait plus de la musique mais qu’il devrait prévenir Iris qu’elle pouvait revenir dans sa chambre pendant qu’il restait comme inerte sur son lit à écouter du bon son. Il n’en fit rien. Le fond d’écran de verrouillage de Peter demeurait à être les deux jeunes hommes, deux ans plus tôt. Le téléphone mena directeur à l’enregistreur de son. Samuel fut tellement surpris qu’il faillit se redresser subitement. Pour Sam. Hésitant, il cliqua quand même.

Sam, si tu as eu le courage de taper sur cet enregistrement, c’est que tu seras assez fort pour surmonter tout cela. Tu vas y arriver. Je suis désolé de mourir, mais je n’y arrive plus. Ce n’est pas le physique même si cela commence doucement à se dégrader de plus en plus, mais c’est surtout le mental. Je ne l’ai plus, je n’ai plus la persévérance et l’envie ainsi que le goût de la vie. Tu m’as longtemps tenu en vie tu sais, mais je savais que cela n’a pas duré éternellement. Je ne t’en ai pas parlé à la place d’Iris, car je savais que tu serais inquiet, que je ne verrais plus tout sourire le dernier jour de ma vie, et que tu insisterais pour que je reparte seul en Opartisk. Sauf que vois-tu, je ne voulais pas te laisser comme cela. Je devais rester avec toi. Et c’est ce que j’ai fait. Tu n’oublieras sûrement pas de tout dire à mes parents, et je sais que tu penseras à moi. Tout ira bien, ne t’inquiète pas. Adieu Sam.

Il était reparti pour pleurer. Il en avait marre, il avait mal, il était triste. Il n’entendit pas Iris entrer. La jeune fille enleva sa veste et ses chaussures et s’allongea sur son lit, elle toucha l’épaule de Samuel et le jeune homme se retourna. Elle passa la main sur sa joue et exila les larmes et caressa lentement sa joue avant de se rapprocher pour l’embrasser. Front contre front, elle l’observa s’endormir, caressa toujours sa joue. C’était une épreuve dure à passer, mais elle allait tout faire pour l’aider.

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