CHAPITRE 23

8 minutes de lecture

Noël approchait à grand pas, tout comme l’anniversaire de Sylvia. Elle avait la malchance d’être née le même jour que le Christ. Malchance ? Oui parce que son anniversaire se confondait avec le jour de fête qu’était Noël. Tout le monde lui souhaitait son anniversaire bien sûr, mais la majorité de l’attention était tournée sur la fête familiale et les cadeaux que tous recevaient ce jour-là. Les cadeaux, parlons-en. Ses cadeaux d’anniversaire étaient groupés avec ceux de Noël. Elle n’avait pas 2 fêtes et 2 raisons de recevoir des cadeaux, mais 1 seule fête et 1 seule fois des cadeaux dans l’année. Elle n’avait jamais pu faire de goûters d’anniversaire avec ses camarades de classe, puisque c’était les vacances et que tous étaient dans leur famille pour le réveillon. Elle avait essayé, à plusieurs reprises, de négocier avec sa mère, pour le fêter avant ou au mois de Janvier, mais sa mère n’avait jamais voulu. « Avant l’heure ce n’est pas l’heure et après l’heure c’est plus l’heure ». Cette phrase résumait parfaitement la pensée de Louise et les mille et une raison qu’elle évoquait à chaque fois pour refuser la demande de sa fille.

Cette année, elle appréhendait ce jour encore plus que d’habitude. Son frère, Thierry, devait venir réveillonner avec sa femme, Hélène. Elle se doutait que sa mère, avait mis son frère au courant pour sa grossesse et elle redoutait de l’affronter. Thierry avait toujours été hyper protecteur avec elle. Le parfait grand-frère. Il était beaucoup moins présent depuis qu’il avait déménagé pour Blois, deux ans auparavant, pour ses études. Il avait rencontré Hélène à l’université de Blois. Ils étaient très amoureux. Il l’avait présenté à ses parents 2 mois après leur rencontre et ils s’étaient mariés 6 mois plus tard. Ils étaient follement amoureux l’un de l’autre. Il formait un très beau couple. Sylvia adorait sa belle-sœur avec laquelle elle s’entendait à merveille.

Sylvia n’avait pas eu son frère au téléphone depuis plusieurs mois. Sa mère ne lui avait pas dit quelle avait été sa réaction à l’annonce de sa grossesse. Elle le saurait rapidement. Son frère ne savait pas cacher ses sentiments. Elle verrait immédiatement, sur son visage, ce qu’il pensait. Elle savait par avance, qu’il devait être très déçu du comportement désinvolte de sa petite sœur, mais elle espérait que son amour pour elle serait plus fort que sa déception et qu’il la soutiendrait.

Sylvia fût soulagée de voir les vacances scolaires commencer. Elle était fatiguée et elle avait besoin de se reposer. Elle était maintenant à 6 mois de grossesse et le bébé commençait à peser. Elle savourait chaque instant de cette fabuleuse aventure. Dès qu’elle le pouvait, elle caressait son ventre rond et parlait à son fils. Elle lui faisait écouter ses chansons préférées du moment : She’s like the wind de Patrick Swayze, Fuis Lawrence d’Arabie d’Annabelle Mouloudji, Angel Eyes du groupe Wet Wet Wet, Never can say goodbye du groupe The communards et bien sûr elle a fait un bébé toute seule de Jean-Jacques Goldman.

Elle sentait nettement les mouvements de son fils, dans son ventre et elle se délectait de ces moments inoubliables, uniques. Désormais, son ventre faisait des petites vagues sous les mouvements du bébé, comme sa mère le lui avait raconté. C’était incroyable. Elle était émerveillée. Chaque matin et chaque soir, elle prenait les temps de se passer de l’huile d’amande douce sur le ventre, pour hydrater sa peau tendue et malmenée par la grossesse, afin d’éviter les vergetures. Même si elle était très fatiguée, elle prenait toujours cette pause de 5mn, de totale communion avec son fils. Il réagissait par des petits coups, à chacune de ses sollicitations, de ses caresses.

La semaine qui précéda Noël, Sylvia aida sa mère à préparer cette fête très importante pour toute la famille. En tant que Chrétien, le jour de la naissance du Christ était un jour de célébration, de fête, de prière et de joie. Louise préparait toujours un repas de réveillon, pantagruélique. Ils en mangeaient les restes encore pendant plusieurs jours après. Louise voulait que la maison soit impeccablement propre et rangée. Sylvia aida sa mère à épousseter, récurer, aspirer et laver toute la maison. Elle avait mal au dos à faire ces tâches ménagères et son ventre lui tirait un peu, mais elle ne dit rien. Elle craignait les réflexions, les critiques et les reproches si elle émettait la moindre plainte. Alors elle gardait le silence.

Louise et Sylvia prirent une après-midi entière pour aller faire leurs derniers achats de Noël. Elles avaient des cadeaux de dernière minute, à acheter et aussi toutes les provisions pour le repas du réveillon et du jour de Noël.

Louise traina sa fille dans un magasin de vêtements. Elle voulait lui acheter une belle robe pour les fêtes. Sylvia n’en avait pas envie. Elle ne voulait pas que son père lui reproche de dépenser de l’argent inutilement, dans une robe qu’elle ne remettrait jamais.

- « Considère ça comme ton cadeau d’anniversaire ». Lui dit Louise pour la convaincre.

Sylvia accepta. Elle choisi plusieurs robes et les essaya avant de se décider pour une robe en velours noire cintrée sous la poitrine et qui s’évasait jusqu’au-dessus du genou. Elle avait des manches longues et de la dentelle noire au niveau du décolleté. La dentelle mettait en valeur sa poitrine généreuse, tandis que les plis de la robe dissimuleraient un peu son ventre rond. Elle était magnifique dans cette robe et Louise en avait les larmes aux yeux.

Le 24 décembre Sylvia et Louise passèrent leur journée en cuisine. Elles faisaient tout de A à Z. La dinde mis des heures à cuire au four, alors elles s’attelèrent très tôt à la préparation du repas. Pour l’entrée, elles déposèrent de fines tranches de foie gras sur du pain d’épice surmontée d’une pointe de confit d’oignon, sur un lit de salade verte. Henry avait été chargé, d’aller au port de Brest, acheter 4 douzaines d’huîtres. Sylvia ne pouvait pas en manger et de toute façon elle n’aimait pas ça. La dinde serait accompagnée de salicornes sautées à l’ail et au persil, d’une purée de patate douce et de marrons. Suivrait un plateau de fromages. Pour terminer ce repas, Sylvia et Louise préparaient un trio de desserts : soufflé au chocolat recouvert d’une sauce au caramel beurre salé, glace au chouchen et une poire pochée et épicée au cidre breton. Henry s’occupait du vin et de l’apéritif, comme toujours.

Thierry et Hélène devaient arriver en fin d’après-midi. Ils avaient plusieurs heures de route à faire. Heureusement il ne neigeait pas, ce qui rendrait leur voyage moins pénible. Il était prévu qu’ils ne restent que jusqu’au 27. Ils devaient ensuite rentrer pour aller voir un peu la famille d’Hélène, puis ils avaient prévu de passer le réveillon du 1er de l’an, avec des amis, sur Blois.

Sylvia et Louise montèrent se changer à 17h30. Sylvia était en train de finir son chignon lorsque la sonnette de la porte d’entrée retentie. Ça devait être Thierry et Hélène. Elle sentie l’angoisse monter. Ses mains devinrent moites, son cœur se mis à cogner plus fort dans sa poitrine et une boule se format au fond de sa gorge. Elle appréhendait de revoir son frère. Elle avait fait en sorte de ne pas y penser de la journée. Elle piqua une derrière épingle dans son chignon. Elle était satisfaite du reflet que lui renvoyait sa psyché. Elle caressa son ventre comme pour se donner du courage.

- « Bon, il faut y aller mon bébé. On va aller voir ton oncle Thierry et ta tante Hélène ».

Elle vaporisa un peu de son parfum préféré et sorti de sa chambre. Elle descendit les escaliers avec précaution, tout en écoutant ce qui se disait en bas. Ça lui permettait d’évaluer l’humeur de chacun et d’adapter son comportement. Apparemment, tout le monde était d’humeur joyeuse. Lorsqu’elle entra dans le salon, son père détourna le regard. Son cœur se serra. Elle tourna les yeux vers son frère qui l’accueillit avec un grand sourire.

- « Titi !! » Dit-elle en se jetant à son cou.

Lorsqu’elle avait commencé à apprendre à parler, elle avait du mal à prononcer le prénom de son frère et l’appelait « Titi ». Lui, l’appelait « Soleil », à cause de sa bonne humeur et de sa joie de vivre. Malgré les années, ils s’appelaient toujours par leurs surnoms. C’était leur petit truc, juste à eux.

- « Mon Soleil. Tu es magnifique ». Dit-il en la soulevant de terre pour la faire tournoyer dans les airs.

Sylvia était soulagée par l’accueil que lui avait fait son frère. Il ne lui en voulait pas. Il n’était pas contre elle, comme leur père. Rien n’avait changé entre eux. Elle sentit ses épaules s’alléger d’un énorme poids.

La soirée et le repas se passèrent dans une ambiance assez détendue. Même Henry avait retrouvé un peu le sourire. La présence de Thierry et Hélène apaisait en peu les tensions au sein de la famille. Henry évitait toujours de croiser le regard de Sylvia et ne lui adressait pas la parole, mais au moins il tolérait sa présence. Sylvia était heureuse de ce petit pas qu’il avait fait, elle espérait, vers une réconciliation.

A 11h30 ils se préparèrent pour se rendre à la messe de minuit. Sylvia enfilait son manteau lorsqu’Henry lui s’adressa à elle d’une voix ferme et sans appel :

- « Sylvia tu restes ici ».

Tout le monde se tut et le regarda, interloqué.

- « Une pêcheresse, n’a rien à faire dans la maison du seigneur ».

Sylvia ne s’attendait pas à ça. Elle encaissa, le coup, releva le menton d’un air de défi et lui répondit :

- « A ce que je sache, Marie, la mère du Christ, n’était pas mariée lorsqu’elle a mis au monde l’enfant Jésus. De plus, il n’était même pas de son compagnon Joseph et pourtant cette pêcheresse a sa statue dans la maison du Seigneur ».

Elle ressentit une vive douleur à la joue gauche. Henry venait de lui décocher une gifle monumentale pour son affront envers le Seigneur, le Christ et la Sainte Vierge. Elle l’avait bien cherché et ne regrettait absolument pas ses paroles.

- « Ne blasphèmes plus jamais devant moi ».

- « ça ne risque pas, parce que je ne t’adresserais plus jamais la parole ». Répondit-elle avant de tourner les talons pour aller se réfugier dans sa chambre.

Sylvia les entendit partir pour la messe de minuit. Elle ne pleura pas. Elle savait qu’elle était allée très loin dans la provocation et elle l’avait fait exprès pour blesser son père autant qu’il l’avait blessé par ses propos. Elle était en colère, en colère contre son père. Comment osait-il la traiter ainsi. Lorsqu’il la regardait, elle se sentait sale. Il avait pour elle, le même regard dédaigneux et dégoûté que si elle lui avait dit qu’elle se prostituait. Elle n’était pas une mauvaise fille. Elle avait toujours respecté les règles qu’ils lui avaient imposées. Elle avait toujours été une gentille fille, brillante, studieuse, obéissante et bonne. Elle avait juste écouté son cœur, son corps et avait cédé au pêché originel. La chose la plus terrible qu’elle ait fait dans sa vie était d’être tombée amoureuse et d’être malencontreusement tombée enceinte à 16 ans. Est-ce que son père allait lui en vouloir toute sa vie ? Est-ce qu’il allait la traiter, comme il l’avait fait ce soir, avec mépris, jusqu’à la fin de sa vie ? Parce qu’elle ne le supporterait pas.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Sabrina CRESSY ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0