Chapitre 21 - Dans les montagnes

7 minutes de lecture

Les rayons du soleil filtrent à travers le rideau rose. Je me relève doucement avec un léger mal de tête. Après les événements traumatisants de la veille, j’ai eu beaucoup de mal à m’endormir.

Je passe à la salle de bain pour constater les dégâts sur mon visage. Mon maquillage a coulé autour de mes yeux qui sont cernés. Il est hors de question que je sorte comme ça. Je fouille dans ma trousse de toilette pour dénicher du démaquillant et une crème de jour. Je discipline mes cheveux emmêlés puis je vais me doucher.

D’après la position du soleil, il doit être plus de dix heures. Enroulée dans ma serviette, je cherche une robe dans ma valise. Je ne sais pas où ce malade veut m’emmener mais de toute façon je n’ai pas le choix.

La seule qui pourrait aller pour sortir en journée est un vêtement fleuri. La robe est évasée, sans manches et avec un décolleté en cœur. Je laisse tomber ma serviette puis je m’habille avec l’habit que j’ai choisi en ajoutant des sandales. Je suis plus à l’aise dans cette robe qui remonte dix centimètres au-dessus du genou que celle de la veille, restée dans un coin de la chambre.

Lorsque je descends les escaliers, je remarque Vicente en train d’essayer de changer son bandage dans le salon. Avec une main de libre, ce n’est pas facile alors je m’approche de lui.

- Tu m’as aidé quand j’étais blessée, alors laisse-moi faire de même, je lui dis.

Sans attendre sa permission, je m’empare de la compresse alcoolisée qu’il tient. Nos doigts se touchent et un léger frisson me traverse. Le sang est nettoyé autour de la plaie qui commence à cicatriser.

Une fois la désinfection terminée, je m’empare d’un rouleau et de deux compresses que je pose de chaque côté de son bras : là où la balle est entrée et sortie. Je fais attention de ne pas trop serrer le tissu en l’enroulant autour de son membre douloureux.

Du début à la fin des opérations, Vicente n’a pas cessé de me regarder avec attention. Il se lève puis range la trousse de soin dans un placard de la cuisine.

- Puisque tu t’en sors comme un chef, je vais t’engager comme infirmière, explique-t-il en me lançant un sourire amusé.

- Comme si j’avais le choix, je soupire.

- Si tu ne veux pas m’aider ne le fais pas, je me démerderais.

Des vibrations se font entendre et le criminel sort deux téléphones de sa poche. L’un est celui que je connais, un smartphone minimaliste et l’autre plus sophistiqué. Je fronce les sourcils en le voyant utiliser les deux.

- Il est l’heure de partir princesa, m’indique-t-il en mettant des lunettes de soleil.

Vicente déverrouille la porte à côté de la cuisine et je découvre un garage où attend deux superbes voitures de courses. Le criminel m’invite à monter dans une Aston Martin blanche dont la carrosserie est lustrée.

Une fois installé, les deux portails s’ouvrent lentement et le criminel en profite pour me parler :

- Etant donné que tu m’as sauvé la vie hier, j’ai pensé que tu méritais de savoir pourquoi tu as bien fait. Je sais que tu t’en veux de ne pas avoir profité de l’occasion pour t’échapper. Tu as été au bord d’une crise de nerf et je ne veux pas me retrouver avec une folle sur les bras.

- Alors laisse-moi partir, je tente désespérément.

- Je l’aurais bien fait, mais je dois encore découvrir si ton père à magouiller avec certains hommes de mon pays, refuse-t-il. Peut-être que je pourrais t’échanger princesa. Ne le prends pas mal mais je dois protéger les intérêts de mon pays.

- Les tiens tu veux dire, je fulmine.

- La journée va être longue alors je te suggère d’être dans un meilleur état d’esprit.

A partir de là, je croise les bras et je ne dis plus rien. Nous descendons dans la vallée pour contourner la ville et remonter dans les montagnes côté ouest.

Une heure de trajet plus tard, je remarque des cultures, des villages et un paysage naturel. La vue de la nature et l’absence d’hommes armés autour me détend. Vicente arrête sa voiture au bord de la route où se trouve une cabane tenue par un vendeur de légumes et de nourriture.

Les gens nous regardent d’un air étonné et un mexicain d’une trentaine d’année vient à notre rencontre. Vicente me fait signe de descendre de la voiture et je m’exécute.

- Content de te revoir Lino, le salut l’inconnu d’une bourrade.

Des enfants se précipitent ensuite vers lui et le criminel leur donne une tape sur l’épaule à chacun.

- Sers-nous une tournée pour mon invitée et moi, lance-t-il au cuisinier.

Vicente passe une main derrière mes omoplates pour me conduire vers des tables en bois surmontées d’un parasol en paille. De là, nous avons une vue imprenable sur les cultures et les montagnes. Emerveillée, je ne prête pas attention au regard que porte mon kidnappeur sur moi.

- Je savais que tu allais aimer cet endroit princesa, sourit Vicente lorsque je me tourne vers lui. L’endroit est parfait pour discuter tranquillement.

C’est étrange, j’ai l’impression qu’il m’offre de plus en plus son sourire depuis que je l’ai sauvé hier soir. Cet homme égoïste et méprisant, se montrerait-il reconnaissant ?

- Qu’as-tu appris sur moi depuis que tu vis ici ? questionne-t-il en enlevant ses lunettes.

Son regard émeraude me transperce mais je parviens à réfléchir à sa question.

- La villa est plutôt vide ce qui signifie que c’est un endroit temporaire. Avant mon arrivée, tu ne mangeais que des plats à emporter. Je ne te vois pas faire de sport mais vu ton physique tu dois forcément faire de la musculation plusieurs fois par semaine. Ensuite, Tiana m’a dit que tu aides beaucoup le peuple mexicain alors je suppose de ton pouvoir s’appuie sur eux.

- Tu ferais un bon détective, approuve-t-il, mais tu ne fais pas partie du petit peuple sinon tu en saurais davantage.

Lorsqu’une serveuse vient nous apporter des plats, Vicente s’arrête de parler. Je suis étonnée de constater la garnison de ses plats riches en légumes et en viande. Il y a des petits sandwichs, des verres d’eau ainsi que plusieurs assiettes remplis de choses différentes.

- Pioche dans toutes les assiettes que tu veux, m’invite-t-il en prenant une fourchette en bois.

Me rendant compte que je meurs de faim, je ne me fais pas prier pour prendre un bout d’omelette.

- Je sais ce que tu penses de moi et après tout ce que je t’ai fait subir c’est légitime, poursuit Vicente. Tu es une personne simple et courage qui m’a sauvé la mise l’autre soir. Maintenant que tu connais ma véritable identité, je n’ai pas besoin de te cacher la véritable histoire de La pantera, la mienne.

Le criminel marque une pause pour prendre quelques bouchées de légumes, alors que je bois avidement mon verre d’eau.

- J’ai grandi dans le quartier de Iztacalco avec mes parents, mon grand frère et ma grande sœur. Nous avions tout juste de quoi vivre, alors mon père s’est mis au service de Domingo, le chef d’une organisation criminelle ou plutôt ce qui deviendra El Barrio. Mon frère l’a suivi alors que ma sœur se prostituais depuis ses seize ans.

Pour la première fois, je vois des émotions sur le visage du criminel.

- En quelques années mon père a gravi les échelons de l’organisation jusqu’à devenir le bras droit de Domingo, un homme sans attache. Ma sœur est morte à vingt ans du sida et mon frère n’a pas tardé à la suivre lors d’une fusillade. Je ne me rappelle pas très bien de tous ça car j’étais encore jeune. Mais, je me rappelle très bien mon entrée dans El Barrio lorsque mon père est devenu le chef après la mort de Domingo. Venant lui-même d’un milieu défavorisé, il voulait aider les pauvres mais ma mère et lui sont morts dans un attentat à la bombe. Alors c’est moi qui ai repris à dix-neuf-ans secrètement les reines. Après une guerre interne pour le pouvoir, j’ai créé le mythe de La pantera.

Il marque une pause.

- En l’espace de quelques années, l’organisation a triplée de volume et la légende de La pantera a énormément joué. Je fais du trafic de drogue, d’armes et j’utilise tout cet argent pour rétribuer tout mes hommes et entretenir de nombreux quartiers.

- Tu ne vas pas me faire croire que tu es le Bon Sans Maritain, je le coupe malgré un certain intérêt que j’éprouve pour son récit.

- Je ne suis pas une bonne personne Marina, mais je ne suis pas non plus le pire homme de cette planète, réplique-t-il. J’ai fait des choses horribles, cependant j’ai toujours fait ça pour les mexicains, ceux qui sont oubliés. Ce pays a tellement de choses à offrir et ça me fait chier que des étrangers et des riches en profitent alors que tout devrait-être fait dans l’intérêt du peuple.

- Tu es très idéaliste, je commente.

- Peut-être, mais en tout cas je participe à la progression du pays. J’ai quand même quelques valeurs aussi. Je ne fais pas de trafic d’être humain, je ne tue que des criminels et je ne touche pas à cette merde de drogue.

Le fait de savoir des choses personnelles sur Vicente nourrit ma curiosité. Même si le portrait de La pantera n’est pas aussi noir que je le pensais, je ne baisse pas ma garde pour autant. Nous avons tous vécu des événements qui ont marqués et conduit nos choix. Je comprends mieux l’emprise que cette organisation a sur le peuple mexicain.

- Alors voilà pourquoi ma vie est importante, finit-il par dire.

Annotations

Vous aimez lire WrittenByChloé ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0