Chapitre 11 - Décadence

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J’ai passé la journée à lire ou à regarder la télé. Marta est partie depuis un moment et je n’ai aucune nouvelle de La pantera. J’ai aperçu à plusieurs reprises par la baie vitrée du salon les hommes de mains faire leur ronde.

Il est maintenant dix-neuf heure trente et je commence à avoir faim. Je trouve des boites de conserves de légumes et du riz dans les placards. Je réfléchis quelques secondes à une recette en alignant les ingrédients qui me donnent envie.

Je sais que je n’ai pas la permission de faire la cuisine mais il ne va quand même pas me mettre au trou pour avoir répondu à un besoin primaire. Peut importe ce qui va m’arriver, j’ai envie de manger.

Je commence par faire cuire le riz dans une casserole pendant que je cuis les légumes un par un à la poêle. J’ai récupéré du mais, des tomates, des poivrons et des haricots rouges. Je déniche une poche de sel et je suis un peu outrée de ne pas trouver d’épices. C’est le comble pour un mexicain !

Lorsque tout est prêt, je mélange dans la casserole tous les ingrédients. Je sors une assiette pour me servir. J’hésite quelques secondes avant d’en prendre une deuxième. Pourquoi fais-je ça pour ce salaud de première ? Comment puis-je me montrer si généreuse pour un être aussi cruel ?

Je n’ai pas le temps de méditer sur mon geste car la porte d’entrée claque. La peur me gagne tandis que la carrure imposante de La pantera arrive dans la cuisine. Son regard balaye le plan de travail tandis qu’il s’approche de moi. Instinctivement je recule puis je me justifie d’une voix tremblante :

- J’ai fait à manger pour deux.

- Je vois ça, dit-il avec méfiance.

Après réflexion, il se sert une assiette puis va s’asseoir sur le tabouret du bar. Je fais la même chose sauf que je m’installe sur le siège le plus éloigné de lui. Pendant quelques secondes on n’entend que le bruit de mes couverts sur l’assiette. En effet, La pantera ne mange pas et me regarde avec intensité.

- Je sais que tu as fouiné dans la maison, m’indique-t-il. Marta est une bonne femme de ménage mais aussi une espionne redoutable.

Je me fige en laissant la fourchette suspendue au-dessus de l’assiette. Mon cœur bat rapidement et j’attends qu’il me conduise à la cave.

- Je ne t’ai pas demandé de faire à bouffer mais comme je suis crevé on va dire que ça annule ta punition de fouineuse, poursuit-il. Finit de manger avant que je te reconduise dans ta chambre.

Je finis d’avaler mon repas sous l’œil inquisiteur de mon geôlier. Il n’a pas touché à un seul grain de riz de son assiette.

- Pourquoi me cacher votre visage ? finis-je par demander sans le regarder.

- Parce que toutes les personnes non autorisées qui ont vu mon visage ne sont plus de ce monde, répond-t-il sans ménagement.

Mon cœur se glace et je serre les poings pour ne pas craquer devant lui. La pantera me fait signe de monter et je lui obéi. Je sais qu’il attend que je sois hors de sa vue pour enlever son bandana et manger.

Une fois enfermée dans ma chambre je me sens soulagée. Pour une fois, il ne m’a pas fait de mal. Il ne m’a pas pris brutalement par le bras comme à son habitude pour me forcer à obéir. Peut-être a-t-il plus confiance en moi après cette marque d’attention ? Bon sang, ce n’est absolument pas le message que je veux donner. Mais de toute façon, je ne pense pas qu’il l’ait pris comme ça.

Je me mets en pyjama puis je me couche dans le lit. Il est vraiment très confortable et je vais enfin dormir dans de bonnes conditions. J’en déduis que je vais m’assoupir sur un matelas de qualité supérieure. Malgré la fatigue accumulée depuis des jours, j’éprouve des difficultés à trouver le sommeil. Je ne suis pas dans un endroit familier et la peur que La pantera me rende visite la nuit ne me quitte pas.

***

Je me réveille en sursaut lorsque j’entends le verrou de la porte. Je n’ai pas le temps de reprendre mes esprits que mon geôlier est déjà sur le pas de ma porte. Il me dépose deux sachets au pied du mur tout en gardant ses distances.

- Tu seras seule à la villa aujourd’hui mais si tu essaye de t’enfuir non seulement je le saurais, mais je te retrouverais ou que tu ailles, me menace-t-il de bon matin.

Il s’apprête à partir mais se retourne.

- Je vais demander à Marta de faire les courses pour que tu puisses cuisiner. J’en ai marre de bouffer les mêmes merdes à emporter tous les jours, termine-t-il avant de refermer le verrou de la porte.

Je reste quelques secondes interdites pour analyser ce qu’il vient de se passer. J’espère qu’il ne compte pas me faire des frayeurs tous les matins.

Non seulement il me kidnappe mais en plus je dois faire la cuisine pour monsieur. Je suis hors de moi et je décide de prendre une douche dynamique pour me calmer. Être obligée de rester ici pour servir de boniche alors que je pourrais être sur la plage en France.

Le désespoir m’envahit lorsque je me remémore que c’est ma faute si j’en suis là aujourd’hui. Un simple geste de défense me condamne à un avenir plus qu’incertain entre les mains d’un criminel.

Plus les heures passent plus j’ai envie de sortir. Je n’aime pas rester enfermée aussi longtemps, je me sens comme un lion en cage. La lecture ne suffit pas à m’évader mentalement n’importe où dans le monde.

J’ai terminé mes deux sachets de nourriture et il doit être pas loin de dix-huit heures. Je n’ai toujours aucunes nouvelles de La pantera qui m’a fait comprendre qu’il allait rentrer tard.

Je décide alors de chercher un moyen pour sortir de cette chambre. S’il y a une réponse, elle doit se trouver dans mes affaires. Je finis par trouver des épingles que j’ai amené pour attacher les mèches de mes cheveux.

Je suis très concentrée sur l’analyse du verrou. Heureusement pour moi, c’est une porte normale qui ne comporte pas de serrure unique. Je me remémore ce que m’a dit un jour Pablo sur la technique d’ouverture.

Je m’accroupis puis je passe les fines épingles dans le verrou. L’agilité de mes doigts me permet d’effectuer des gestes précis. Je colle mon oreille et durant plusieurs minutes je m’affère sur la porte. Au moment où je crois que tout espoir est perdu j’entends un léger clic.

La porte se déverrouille et avec triomphe je prends mon sac à dos avec moi. Je suis tellement fière que je dégringole les marches pour essayer de faire la même chose avec la porte d’entrée.

Trop fière de moi, je n’ai pas remarqué avant d’atteindre le bas des marches quatre paires d’yeux tournées vers moi. Je constate avec horreur qu’aucun d’eux ne portent un foulard pour masquer leur visage.

Je rencontre deux yeux verts furieux. Sans chercher à comprendre, je remonte les marches à toutes vitesse. J’entends des pas précipités me suivre et dans la panique je ferme à clé la porte de la salle de bain.

- Ouvre immédiatement ! hurle La pantera en tapant violemment contre la porte.

Je suis recroquevillée au fond de la pièce et si effrayée que je ne réponds rien. Il frappe tellement fort que j’ai l’impression que la porte va céder. Je n’ai vu son visage qu’une seconde mais je sais que cette fois-ci, je vais mourir. Je ne peux m’empêcher de prier Dieu même si je sais que cela ne sert à rien.

J’entends des voix de l’autre de côté de la porte. Il me semble reconnaitre la voix du quadragénaire qui n’approuve pas mon kidnapping. Un silence se fait entendre et je n’entends plus que mon cœur battre.

Un énorme bruit se fait entendre quand la porte cède sous la pression. Impossible pour moi de croiser le regard de La pantera et je ferme les yeux pour ne pas pleurer. Il m’attrape brutalement par le bras puis me force à revenir au salon. Je sens que je vais être humiliée devant son gang.

J’atterrit sur le tapis près du canapé toujours la tête baissée. Je sens la présence des hommes autour de moi et je commence à imaginer le pire.

- Tu as vraiment du cran d’avoir ne serait-ce eu l’idée de crocheter la serrure, commence mo, geôlier dont je vois les chaussures près de moi.

Personne n’ose contester les paroles du patrón. Je dois joindre mes mains l’une à l’autre pour éviter de trembler. Heureusement que je suis passée aux toilettes plus tôt sinon je crois que j’aurais tout lâché dans ma culotte.

- Maintenant que tu es là, tu peux me regarder, m’ordonne-t-il.

Trop terrifiée de voir son visage, je ne lui obéi pas. Mon geôlier prend avec force mon menton pour que je le regarde. Nos visages sont très proches et lorsque je vois son visage pour la première fois, mon cœur éclate dans ma poitrine.

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