Chapitre 1 - Mexico DC

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J’écris les dernières lignes de ma conclusion avant que le professeur appuie plusieurs fois sur une sonnette pour nous signifier que l’examen est terminé. Je n’ai pas eu le temps de relire mais je suis certaine d’avoir réussi. Je rends ma copie à l’enseignant puis je lisse ma jupe d’uniforme avant de sortir de la salle.

Je respire l’air chaud de Mexico en regardant le soleil ardent haut dans le ciel. Je n’arrive pas à croire que je viens de terminer ma dernière année au lycée Ibérico Americano de Coyoacán. Mais je dois encore patienter quelques semaines avant de savoir si j’ai obtenu mon baccalauréat général.

Estella et Palma me font un signe de la main pour que je les rejoigne au pied de l’arbre dans la cour de récréation.

- Comment ça s’est passé ? me demandent-elles le sourire aux lèvres.

- Plus que bien, je réplique en les prenant dans mes bras.

- Le sujet aurait pu être plus simple, commente Palma.

- Il n’était pas si horrible, je réplique.

- En France, vous avez un niveau plus élevé, ça devait être du gâteau, réplique Estella en me tirant la langue.

Nous rions tout en nous déplaçant vers la sortie du lycée. Le centre-ville grouille de monde à cette heure-ci. Ma mère doit venir me chercher pour le déjeuner.

Je vois quelques enfants mal fagotés traverser la route pour rentrer chez eux. C’est à ce moment-là que je me rends compte de la chance que j’ai d’être né en France et d'être dans un lycée privé de Mexico. Dans les écoles publiques, il y a trop d’enfants alors les établissements forment des groupes qui viennent étudier le matin et d’autres l’après-midi.

Je salue mes amies en voyant la Audi de ma mère arriver. Ses lunettes de soleil Chanel et son brushing tiré à quatre épingles ne passent pas inaperçus. Je grimpe à l’avant de la voiture en saluant ma mère. J’aurais aimé qu’Estella vienne manger avec moi puisque nous habitons dans le même quartier privé en périphérie de la ville. Palma vit dans le quartier de la Roma, le plus luxueux de Mexico.

- Mon dernier examen s’est bien passé, dis-je avant qu’elle ne me pose la question.

- Bien. Une fois à la maison, nous discuterons de ton avenir, mentionne-t-elle d’une voix glaciale. J’ai remarqué que tu as demandé des universités dans plein de pays différents sans m’en avoir parlé.

Mince, je ne pensais pas qu’elle allait le découvrir avant que j’aie pu faire un choix. J’aime tellement voyager que je n’ai pas pu m’empêcher de m’imaginer étudier à l’université dans tel ou tel pays.

Grâce à mon père Antoine Portier, j’ai pu aller dans des contrées différentes. Il travaille pour l’ambassade française alors j’ai pu voyager au Pérou et en Espagne avant d’atterrir au Mexique. Actuellement, il est consul général à Mexico, ce qui signifie qu’il est l’adjoint de l’ambassadeur.

Ma mère est contrariée et ne dit rien pendant le trajet. Lorsque je perçois le large mur munis de barbelé, mon cœur se serre. Nous habitons dans un immense quartier, une ville dans la ville à l’est de Mexico. Vivre dans cette prison dorée m’angoisse car j’ai l’impression de perdre une partie de ma liberté. De nombreux riches étrangers vivent ici et ont pris l’initiative de créer ce quartier un peu particulier, pourtant fréquent au Mexique.

L’un des gardiens fait un signe à ma mère puis la lourde porte en acier s’ouvre. Nous pénétrons ensuite dans l’enceinte du quartier protégé par des gardes privés et un mur infranchissable. Tout cela pour nous isoler de l’extérieur.

Ma mère gare la voiture devant le garage de notre maison moderne. En France, elle n’aurait pas été exceptionnelle mais au Mexique elle représente le luxe. Notre maison ressemble beaucoup à celles qu’on voit dans les films américains. Montée sur deux étages, elle est peinte en blanc avec des volets bleus. Nous possédons une terrasse, une piscine et un grand garage.

J’arrive dans la salle à manger où trône le repas préparé par Luisa notre employée de maison. Ma mère s’installe en face de moi en croisant les mains, le regard dur. C’est à ce moment là que j’aurais aimé que ma petite sœur Lina ou mon père soit là.

- Alors Marina, dans quelle université à l’autre bout du monde comptes-tu aller ?

- Je ne sais pas encore, je réponds en baissant la tête vers mon plat.

Je pense que ma mère est inquiète à l’idée de que je sois à plusieurs milliers de kilomètres d’elle. Mercédès Enriquez Portier a tout fait pour diriger ma vie et celle de ma sœur. Pour une fois, j’aimerais décider de mon avenir.

- Nous en reparlerons, soupire-elle en désignant les lettres d’admission de deux universités américaines.

Nous mangeons dans un silence pesant avant que je ne m’éclipse dans ma chambre. Je m’allonge sur le lit en pensant à mes dernières années de lycée. Ma famille est arrivée à Mexico en octobre et j’ai directement atterri dans un des lycées privés de la ville tandis que Lina est en cinquième au collège Pedro de Alba. Etant donnée que nous maîtrisions l’espagnol depuis notre enfance, ma mère a souhaité nous mêler aux riches mexicains de la capitale.

Elle a rencontré mon père lorsque celui-ci commençait à travailler à l’ambassade de Madrid. C’était le coup de foudre d’après ce que je sais. Je n’ai pratiquement pas habité en France car mon père est amoureux de ma mère et de son pays. Maintenant, ils ont plus de cinquante ans et la flamme n’est plus aussi forte qu’avant. Je les entends se disputer de temps en temps le soir.

Le fil de mes pensées est coupé par un bruit contre ma vitre. Je me redresse pour aller vérifier que c’est bien Estella. Mon amie me sourit en me faisant signe de descendre. Ces derniers temps, nous avons pris l’habitude de discuter tout en promenant son nouveau chien dans le parc du quartier.

- Où est-ce que tu vas Marina ? demande ma mère en français depuis le salon.

- Je vais dans le parc avec Estella. Où veux-tu que j’aille ? Je ne peux pas partir de cet endroit sans que tu ne sois avertis malgré mes dix-huit ans, je rétorque audacieusement.

Avant que ma mère ne sorte une remarque cinglante ou me prive de sortie, je passe la porte d’entrée. Estella et son chien Warrior m’attendent près de la voiture. Ses cheveux noirs flottent au vent tandis que sa peau caramel luit sous le soleil. Je n’ai rien à voir avec les mexicaines. Ma peau bronze peu, mes yeux sont marrons avec des touches de vert et mes cheveux sont châtains. Mes amies disent toujours que je suis blonde car elles n’ont pas l’habitude de voir cette couleur.

- Je suis sûre que tu vas me parler de Juan, je commence en souriant malicieusement.

- Evidemment, puisqu’il y a du nouveau ! s’exclame-t-elle en faisant avancer son chien sur le trottoir impeccable du quartier.

Juan est le fils d’un financier mexicain. Estella est amoureuse de lui depuis longtemps mais ne savait pas comment se rapprocher de lui.

- Il m’a invitée à une fête chez un mec appelé Harry dans le quartier de la Roma, explique-t-elle toute contente. Bien sûr Palma et toi, vous êtes aussi de la partie.

- Je suppose que ça doit être pour célébrer la fin des examens et le début des vacances.

- Tous les jeunes des écoles privées de Mexico vont se retrouver là-bas, s’écrit-elle. Ce sera une fête énorme d’après ce que Juan m’a dit.

- J’espère que ce Harry est clean parce que je ne le connais pas, je réfléchis. Il doit être dans une école anglo-mexicaine.

Nous arrivons sous le couvert des arbres. Je me suis accoutumée à la chaleur du pays depuis longtemps.

- Palma m’a déjà dit oui alors accepte aussi. En plus, il y aura Jake, l’américain que tu aimes bien en concurrence avec Pablo.

- Qu’est ce que vient faire Pablo dans l’histoire ? je m’exclame surprise.

- Pablo t’aime bien et Manuel aussi, répond Estella. Il faut dire qu’il n’y a pas beaucoup de blonde dans les parages.

- Je ne suis pas blonde !

- Ici tu l’es.

Nous marchons dans le parc tout en discutant des dernières nouvelles concernant Juan. Par habitude, nous avons toutes les deux oublié d’enlever notre uniforme d’école. C’est probablement la dernière fois que je vais en porter un et je suis nostalgique car c’est la fin d’un chapitre qui s’écrit.

Assis sur un banc, j’aperçois Pablo et un groupe de garçons du quartier en train de faire des défis idiots. Je lève les yeux au ciel en me rendant compte que les garçons peuvent vraiment être stupides à ce point. Mais le pire c’est que je vois Estella leur faire de grands gestes en se dirigeant vers eux. Oh non, je ne voulais vraiment pas voir Pablo après être au courant de ses véritables intentions envers moi.

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