Chapitre 1

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Les vacances d'été prenaient fin et la rentrée commençait tout juste à travers le pays et sur les trois planètes en alliances et en orbite dans le système solaire.

Rosé soupira pour la seconde fois depuis qu’ils étaient rentrés dans le magasin pour acheter des fournitures scolaires. Elle passa sa main sur la pile de livres posée en équilibre sur un étalage rouge. Elle prit le premier et le posa négligemment dans le panier que tenait son frère. Elle leva les yeux au ciel alors qui lui rendait un sourire radieux. Adam passa une main dans ses cheveux châtains et elle retint la remarque qu’il ne pouvait plus faire ce geste. Il avait pris la tondeuse de leur père pour se raser la tignasse qui lui servait de cheveux qu’il avait encore deux jours plus tôt. Selon lui, l’air passait toujours dans ses cheveux et lui grattait le visage lorsqu’il se servait de son stupide pouvoir. Il ne perdait jamais son temps pour lui rappeler qu’elle n’avait toujours pas eu le sien. Elle détestait ça, elle se sentait déjà bien assez stupide de ne pas activer le sien. Pourquoi ne faisait-il pas surface ? Evan, son autre frère, avait eu le sien à l’âge de douze ans et le maitrisait comme un Dieu.

— Rosé, regarde ! Ça serait parfait pour ta rentrée à Europe ! s’amusa Adam en lui lançant un carnet où une licorne y était coloriée de façon exagérée.

Elle rattrapa le carnet au vol et le balança sur l’étagère sans y prêter attention.

— La ferme.

Adam eut un petit rire et passa le bras devant elle pour récupérer un stylo qu’il perdrait sûrement avant la rentrée.

— Arrête de t’en faire. Tu changes de lycée, pas de galaxie ! souffla-t-il en baissant d'un ton. C’est génial là-bas ! Tu vas voir ! renchérit-il, en posant une pile de stylos dans le panier.

— Est-ce que je vais faire là-bas ? Vous regardez utiliser vos éléments en vous soutenant ? se lamenta-t-elle. Tu as raison, ça va être génial.

Adam posa une main sur son bras, un geste qu’il aimait faire lorsqu’il voulait parler sérieusement, ce qui était rare chez lui. Elle prit une longue inspiration et l’écouta.

— Papa t’a dit de ne pas t’en faire, souffla-t-il, des tas d’élèves ont du retard. Papa t’a répété que son pouvoir lui est venu alors qu’il se battait à la cantine avec oncle Henri.

— Il était en première année ! s’alarma Rosé. Je vais arriver en dernière année.

Adam perdit patience comme chaque fois.

— Il fallait y rentrer en première année comme tout le monde, Rosé.

Elle roula des yeux.

— Tu as redoublé deux fois Adam. Ta première et ta deuxième année, balança-t-elle en laissant tomber une trousse noire dans le panier.

— Parce que je t’attendais, figure-toi ! s’étonna-t-il. Je ne voulais pas que ma petite sœur affronte seule sa première année à Europe avec les Pluton et les Kepler.

— Oh merci pour ta gentillesse, répondit-elle avec amertume.

Elle le laissa dans le rayon des fournitures pour rejoindre celui des vêtements. Elle passa sa main sur les tissus multicolores. Edward, son plus grand frère, lui avait conseillé de s’habiller comme à son habitude. Il faisait froid sur la surface d’Europe, mais l’école se trouvait sous la surface de la lune de Jupiter. Les pères fondateurs avaient trouvé ça judicieux de créer une immense école à l’intérieur du satellite de Jupiter alors que les scientifiques venaient tout juste de découvrir des geysers et ne tarderaient pas à envoyer un de leurs robots identifier la source. Elle eut un sourire en pensant à son frère faire exploser une seconde fois la plomberie de l’école et créer l’euphorie des humains avec l’eau des toilettes.

Elle secoua la tête et soupira en tirant sur l’un des cintres pour regarder le vêtement qu’elle tenait. Un pull noir qui devait bien faire le double de sa taille.

— Ce n’est pas en portant du noir que tu passeras inaperçu, chuchota Adam à son oreille.

Rosé sursauta et repoussa Adem avec ses coudes. Elle jura et reposa le vêtement pour rejoindre dans un autre rayon.

— On a fini, lança-t-elle à la recherche des caisses.

— Mais tu n’as pas choisi ton cartable, se moqua-t-il.

Elle lui montra son majeur pour lui répondre.

— Va te faire voir, Adam.

Il eut un rire et passa un bras autour de l’épaule de sa sœur et partit à la chasse d’une caisse.

— Écoute ne t’en fait pas, commença-t-il. Europe est immense en premier lieu, et des tas de gens grouillent partout et te jugent un peu trop vite, mais avec notre réputation, la tienne est déjà tout faite ! argumenta-t-il. Edward nous a tâté le terrain ! Avec sa maitrise de l’eau, il a su tenir une bonne réputation exemplaire.

— Exemplaire ? Il a fait connaitre au monde entier que des toilettes existaient sur une lune lointaine, Adam, je ne pense pas que c’est exemplaire.

Il leva les yeux au ciel et renversa le contenu de son panier sur le tapis de la caisse.

— Et alors ? Ça prouve qu’il est un Dieu ! Qui aurait pu briser toute cette couche de glace et de roche avec une force digne de Poséidon ? demanda-t-il avec une immense fierté.

— J’ai fini avec une commotion cérébrale, déclara une voix rauque qui fit sursauter le frère et la sœur.

L’aîné eut un petit rire en les voyant sursauter.

— Vous savez qu’on vous entend dans tout le magasin ? dit-il d’une voix bien plus rauque qu’à l’habitude.

Rosé ouvrit la bouche et la referma.

— Désolée.

Edward secoua la tête et posa le paquet de couches sur le tapis.

— Alors, prête pour cette rentrée ? demanda-t-il à sa petite sœur.

Adam roula des yeux ce qui fit sourire Rosé. Elle posa son regard sur ses deux frères, ils étaient presque identiques. Ils portaient cette même couleur de cheveux et avaient cette même coupe mal coiffée avant qu’Adam ne se rase les cheveux. Les mêmes pommettes saillantes, ce bleu clair qui se dansait toujours entre le bleu ciel et celui d’un océan déchainé lorsqu’ils usaient un peu trop de leur pouvoir. Ils portaient cette même moue joueuse. Si la barbe d’Edward n’avait pas élu domicile sur sa mâchoire carrée, ils auraient pu passer pour de parfaits jumeaux, et Adam détestait ça. Lorsqu’il était rentré à Europe pour la première fois, tout le monde l’avait comparé à Edward et à son don parfait. Rosé ne l’avait jamais vu aussi heureux que lorsqu’il avait appris à maitriser l’air. Après tout, personne ne pouvait rivaliser avec la force d’Edward. Il avait été le premier à créer un état liquide dans l’atmosphère d’Europe et créer une panique à la NASA.

Rosé ne répondit pas tout de suite.

— J’aurais aimé avoir mon diplôme, ici, répondit-elle, sincère.

Les lèvres d’Edward s’étiraient d’une moue amusée.

— Tu as peur ?

Rosé ne roula pas des yeux cette fois-ci, elle se contenta de hausser les épaules d’un air imperturbable. À vrai dire, elle mourrait de peur. Elle avait pu gagner deux ans sans poser les pieds dans cette école bizarre, elle avait pu se cacher durant deux ans, échapper aux bals barbants de son oncle et toutes les choses qui rentraient dans la case : humains aux pouvoirs élémentaires.

Elle avait pu grandir presque normalement dans un lycée au coin de chez elle et se faire des amis tout à fait humains sans penser à l’élément qui viendrait à elle. Il y avait que trois choix : l’eau, la terre et l’air. C’était les seuls éléments qui se propageaient dans sa famille. Ses quatre frères possédaient soit l’eau, la terre ou l’air, alors elle posséderait l’un des trois. Mais aucun n’était venu à elle, pourtant, elle avait tout essayé, comme se noyer dans sa baignoire, allumer une bougie et passer ses doigts au-dessus d’une flamme, sauter dans le vide pour atterrir deux mètres plus bas et creuser dans la terre. Aucun d’eux n’était venu à elle pour autant. Elle avait failli se noyer dans sa baignoire, faillit se casser une jambe, mettre le feu à sa chambre et se battre avec la crasse sous ses ongles, c’était tout ce qu’elle avait récolté. Elle se demandait si elle possédait la faculté de posséder l’un des éléments comme sa famille, il lui arrivait de douter, mais son père lui répétait qu’il lui fallait du temps. Et elle n’en avait plus.

— Ne t’en fais pas, fit-il en sortant son portefeuille. Je suis sûr qu’Adam sera ton guide. Il marqua une pause. Cette école est une bonne chose pour nous, nous apprenons à utiliser not…

Il fronça les sourcils et plissa les yeux sur Adam. Rosé se tourna et lança un regard à Adam qui s’était figé dans un geste qui devait dire « ferme-la, son élément ne s’est toujours pas manifesté. »

— Quoi ? Encore cette histoire ?

— Bien sûr, cette histoire ! C’est comme si j’arrivais les mains vides à un anniversaire ! s’écria-t-elle. C’est la honte, assura-t-elle en passant devant la caissière avec un signe de tête.

— C’est bon, relaxe, Rosé, répondit Adam, si quelqu’un vient te cherche des noises parce que tu es différente, viens me voir à la table des grands.

— Merci, Adam, j’aime me sentir soutenu dans les pires moments de ma vie.

— Pire moment de ta vie ? répéta Edward en passant le paquet de couches en douce dans leurs courses. Ce n’est pas grand-chose, je suis sûr qu’il apparaitra quand tu commenceras à t’entraîner. Et papa à parler au directeur, il comprend la situation.

Rosé écarquilla les yeux.

— Papa a fait quoi ?

— Ah.

Adam secoua la tête et tendit sa carte bleue.

— Tu es peut-être un héros Edward, mais tu es long à la détente.

Edward ouvrit la bouche, mais préféra ignorer les paroles de son petit frère et récupéra le paquet de couches qu’il avait réussi à passer en douce sous le nez de son frère. Il posa ses yeux sur sa petite sœur. Il ne put échapper un petit sourire, ses traits fins se tiraient d’une angoisse indéchiffrable. La dernière fois qu’il avait vu sa sœur dans cet état, c’était lorsqu’elle était rentrée en première année dans son lycée d’humains normaux. Elle s’angoissait toujours pour si peu alors qu’elle revenait toujours avec un sourire à la fin de la journée. Il prit sa main et l’emmena à l’extérieur en oubliant Adam et ses courses.

Le soleil chauffait de tous ses rayons sur le ciel bleu, un bleu clair sans nuages à l’horizon, pourtant, il sentait l’humidité flotter autour de lui en l’aguichant doucement. Il posa son paquet de couches sur le banc en bois qui se situait juste à l’entrée de la petite épicerie et la seule boutique du village tranquille.

Il laissa Rosé s’asseoir en soupirant.

— Tu n’as pas à t’en faire pour ta rentrée, c’est une rentrée comme toutes les rentrées que tu as passées. Dis-toi que tu changes seulement de lycée, comme si tu avais déménagé.

— Un lycée qui va m’apprendre comment posséder quelque chose que je n’ai pas ? lança-t-elle en regardant deux enfants passer en riant.

Edward passant une main lasse dans sa barbe de quelques jours.

— Je pense tout comme papa que si tu ne possèdes pas ton propre élément c’est parce que tu vis bien plus éloigner de nous, commença-t-il d’une voix douce, tu as préféré apprendre dans un lycée normal et te faire des amis normaux. Et tu n’as jamais voyagé en dehors d’ici, dit-il en souriant à une vieille dame qui passait sans leur donner son attention. Tu ne connais rien de là-haut.

— Parce que ça ne m’intéresse pas, répondit-elle sincèrement. Je ne vois pas pourquoi j’aurais à me poser des questions parce que ça ne me servirait absolument à rien, argumenta-t-elle, l’histoire de notre alliance ? Je suis sûre que tu n’as retenu aucune date de l’alliance avec Kepler. Apprendre le combat ? Ça peut me servir qu’en cas de force majeure et maitriser quelque chose que je n’ai pas ne va pas me servir à grand-chose.

— J’ai retenu quelque chose, se défendit Edward. Tu savais que nos pères fondateurs ont brulé le frère jumeau d’un des nôtres parce qu’il avait tué son frère et prit ses pouvoirs ?

— C’est un code pour me dire que je dois tuer l’un d’entre vous pour avoir mon propre pouvoir ? demanda-t-elle, sérieusement.

— Ils l’ont tué en l’envoyant en orbite autour d’un soleil, répondit Adam en grimaçant, j’espère qu’il était mort avant d’atteindre la boule de feu…

Edward hocha la tête.

— Une éruption solaire a dû l’atteindre avant même qu’il ne touche un cheveu du soleil.

Adam frissonna.

— Nom de Dieu. Ils ne font pas les choses à moitié.

Rosé fronça les sourcils.

— Je n’ai pas envie d’être tué par une éruption solaire…

Adam fronça les sourcils.

— Tu étais encore en train de réfléchir à la façon de nous tuer ?

— Non, répondit-elle avec un petit sourire, je cherchais lequel tuer.

Adam roula des yeux.

— Je serai toi, je tuerais Dylan. Il est tellement transparent que personne ne verrait qu’il aurait disparu et en plus tu sauras maitriser la terre.

— La meilleure façon de te faire tomber, répondit Edward avec un petit rire.

— Très drôle, je te rappelle qu’à cause de lui j’ai raté deux mois de combat et Kay me l’a bien rendu.

— Pauvre petit, se plaignit faussement Edward, tu devrais savoir que Kay est plus jeune que toi et peut-être plus idiot que toi.

Adam porta une main à son cœur et eut l’air faussement attristé.

— Gardons ce jour en mémoire, Edward Hamner a dit que j’étais une personne intelligente…

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