Oooh un oiseau!

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Les enfants se pressent au bord du tunnel au risque de le faire chavirer. Ooooh ! Un oiseau sur l’épaule d’un monsieur sombre. Lou s’exclame :

— mais on le connaît, c’est, c’est… Aide moi Sam ! Mais Sam ouvre de grands yeux et reste silencieux. Et c’est Maxim qui hurle :

— C’est Jacques Vertpré !

Tout le monde rit et Lou de rajouter

— Tu veux dire Jacques Prévert

— Bof, c’est pas grave !

Et tous d’appeler :

— Viens, viens, venez !

Quelque chose trouble l’enthousiasme. Normalement un oiseau vole de branche en branche et ne demeure pas en permanence immobile, même sur l’épaule d’un ami. Ça aime bien se dégourdir un peu les ailes de temps en temps. Cet oiseau là, non. Mais j’entends une petite voix tout au fond de la terre d’en haut. Qui parle ? Que dis-tu ? Une fillette s’avance alors, toute blonde avec de jolis yeux bleus comme le ciel.

— Je m’appelle Lola, je suis la copine de Louna et de Lou. Et je sais pourquoi cet oiseau est immobile sur l’épaule de Jacques. Regardez autour de vous, plus loin que le sable, laissez vos yeux se promener à l’opposé de la mer, sur les champs, la garrigue.

— Il n’y a plus de garrigue, plus d’arbres du tout ! Comment ça se fait !

— Quelqu’un a effacé les arbres de la planète ! Qui !

L’oiseau hausse les ailes. Cela signifie : je ne sais pas. Puis il se met à siffloter, siffloter de plus en plus vite avec l’air d’un oiseau d’abord décontenancé puis en colère, de plus en plus en colère.

Personnellement je n’ai pas appris le sifflotin (la langue des oiseaux) mais son ami Jacques traduit très bien. Voilà ce que dit l’oiseau par la bouche de son ami.

— Jacques a effacé tous les barreaux de la cage après avoir fait mon portrait. C’est très joli, vous verrez, je le montrerai plus tard. Mais il ne savait pas que les arbres seraient gommés systématiquement. Pour ma part j’ignore qui.

Mais le poète prend un air entendu. Il croit connaître les coupables, douloureusement : Homo Sapiens et sa boulimie de puissance. Ce n’est pas tout. La source où tous allaient se rafraîchir avec un filet d’eau chantonnant, les herbes vertes qui l’accompagnaient, le cresson langoureusement étendu à sa surface, les salamandres.

— Les sala quoi ?

SALAMANDRE ! Tu ne connais pas, lecteur assidu ?… Je n’ai pas dit à ciguë ! Ton oreille est mauvaise.

Je disais les salamandres, les serpents, les fleurs, les racines buvaient de cette eau parcimonieusement. Aujourd’hui silence, la source est asséchée, vide de vie. Ombre de source comme toi poète d’un autre siècle. Elle est squelette de source avec ses pierres criant :

ici il y avait une source !

De toute la force de leur âme de pierre pour que, pour que…

Qui appelle t on ?…

Facile.

Les enfants invitent le poète et l’oiseau à les rejoindre dans ce monde-là.

Une salade,

un plat de pâtes,

une orange,

un plat de pâtes,

une salade,

un oiseau et des plumes

un poète

et des légumes qui chantent.

Mais, mais…

Qu’entends-je

Qu’ouïs-je

Comment tu parles Jo le scribouilleur, on ne comprend rien, « couije, kentenje ? » C’est quoi ce langage !

Pardon. Je voulais dire :

vous n’entendez pas ?

Tous tendent l’oreille. Ça fait un paquet d’oreilles dressées, le pavillon au vent comme un radar.

Effectivement tout le monde acquiesce du chef, je veux dire de la tête bien sûr. C’est bien ça, je ne suis donc pas sourd, je n’entends pas des voix non plus. C’est Alix. Oui répondent Lou et Sam, c’est Alix, une petite fille de huit ans je crois, toute fine, blonde comme un champ de blé, si vous avez déjà vu sinon fermez les yeux et pensez à une fille du nord, suédoise par exemple. Eh bien, les cheveux pareils. Elle pleure.

Pourquoi pleures-tu ?

Les parents réussit-elle à articuler entre deux sanglots, moi je les aime.

C’est vrai on n’y avait pas pensé.

Et tous les enfants de se mettre à pleurer. Maxim, Lou, Lola, Gabriel, Louana et Louna, et tous les autres dont j’ai temporairement oublié les noms, qu’ils me pardonnent. Quelle belle chorale, émouvant. Les parents sont des adultes, mais pas comme les autres. Ils ont une grande place, là tout prés du cœur. Parmi ces parents y en a t il de méchants ? Allez donc savoir. On jette un coup d’œil par le nuage hublot du tunnel. Ils sont tous en bas à nous appeler. Ils ont l’air malheureux. Oui mais. Ils ont fait mal à la terre. Oui mais ce n’est pas une raison ! Il faut leur faire un procès pour savoir si on les acquitte ou non.

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