VI - Hérésie Princière - Partie 3

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Cette fois, ni Assad, ni personne d'autre ne trouva quoi dire. Les arguments d'Amérius étaient solides et plus plausibles que leur théorie initiale. Assad se contenta d'afficher un air pincé, comme s'il avait avalé un citron entier.

— On a tout de suite compris que Darkodem voulait les autres Slames, poursuivit Amérius, satisfait d'avoir rabattu le caquet d'Assad. Mais pour quoi faire ? C'était la question que nous nous étions posés... Nous avions menés des recherches dans les archives de nos pays, mais il n'y eut qu'à Sultakara, qu'on a pu trouvé des résultats concluants.

« Les Slames ne sont que le début d'un grand parcours qui mène au Coeur Arkhale. Ou l'Âme de la Planète, comme certains philosophes aiment l'appeler. Nous n'étions sûrs de rien, mais c'était une piste intéressante. Comprenez-vous ?

Fenrir et Saphir hochèrent la tête.

— Malgré tout, d'un commun accord, nous conclûmes qu'il était inutile de chercher à retrouver Darkodem pour l'instant. On ne savait pas où il était. Quand Darkodem a-t-il volé la Slame ? Avait-il rejoint les Inconnus ? Le continent Callisto ? Les chances de le retrouver étaient infimes. Nous n'allions pas ratisser toutes les parcelles du monde, c'est clairement impossible !

— Quels sont ces endroits ? interrogea Saphir, interdite.

— Des hauts lieux de magie qui ont un lien avec le Coeur Arkhale, répondit Amérius. Ils ne sont pas habités, et nous avons appris leur existence à travers nos diverses recherches.

— Comment avez-vous fait dans ce cas-là ? demanda Fenrir, perplexe. Je veux dire, si vous ignoriez où il se trouvait.

— « Les Sanctuaires en symbiose avec leurs pierres, dans le ciel, laissent jaillir leur lumière », récita Amérius. Littéralement. La meilleure solution était d'attendre près de ceux-ci. Les Sanctuaires de l'Oracle sont la dernière étape pour accéder au Coeur Arkhale. Lorsqu'ils s'activeraient, Darkodem serait forcément dans les parages.

— Astucieux, commenta Saphir, impressionnée.

— Nous avons créé tous ensemble un nouveau modèle de Miroir Double-Sens, capable de nous transporter sur de plus longues distances, et avec une meilleure résistance contre les sortilèges. L'ancienne version ne pouvait assurer le déplacement inter-continental. Puis, nous avons sélectionné des volontaires parmi les soldats des 4 royaumes pour nous accompagner à bord du Saphir Bleu.

« Il s'est posé à proximité des temples. Pour éviter d'être repéré par Darkodem, on a placé une illusion. Le vaisseau est beaucoup trop grand, ça nous a donc demandé des efforts considérables. Grâce au miroir, on se relayait chaque jour, en attente de son arrivée.

« La surveillance s'était achevé après de longues semaines. C'était en octobre dernier. Une lumière purpurine émana d'un des Sanctuaires. Aswad, qui effectuait son tour de garde ce jour-là, nous a prévenu. Le temps de se réunir et de rejoindre les temples, deux autres éclats s'étaient ajoutés au premier. Nous avons donc rejoint le dernier Sanctuaire, encore désactivé, et nous sommes tombés nez-à-nez avec Darkodem. Les Slames lévitaient près de lui, et à l'instant même où il nous a aperçu, il les a renvoyées dans leur lieu d'origine ! Je n'ai jamais compris pourquoi d'ailleurs... La Saphirslame est retournée à Sultakara, étant détachée de l'entrave des Inconnus. Il aurait dû s'en rendre compte, non ? Que ça nous arrangeait ! Quoiqu'il en soit, l'heure du combat arriva, mais cet ignoble Darkodem poignarda Zahya.

La princesse se tourna si vite vers sa mère, qu'elle aurait pu s'en tordre le cou. Une expression d'effroi était plaquée sur son visage.

— Mère !? cria-t-elle, effarée.

— Étant hospitalisée dès notre arrivée en Adrastée, je n'ai donc pas pu venir te voir Saphir.

Zahya tira le col de sa robe, laissant voir une cicatrice rosée juste au-dessus de sa poitrine. La chair, même guérie, paraissait brûlée et boursouflée, comme si la magie de Darkodem y avait laissé des séquelles. Saphir n'en croyait pas ses oreilles.

— Assad le lui a bien rendu, marmonna Amérius, et Darkodem s'en est sorti avec une jambe déchiquetée et le bassin lacéré. Puis, avec une des barrières dont il a le secret, il nous a repoussés, et s'est éclipsé. Nous étions tous trop mal en point pour le pourchasser, et Zahya était en danger de mort. Nous sommes retournés au Saphir Bleu, où nous apprîmes une bien mauvaise nouvelle... La vue d'un, je cite, "énorme dragon d'or" avait effrayé un soldat, qui donna l'alerte à ses supérieurs...

Assad émit un claquement de langue contrarié.

— Ils auraient donc déplacé le vaisseau, sans mettre le miroir en sécurité... Cassé. Assad était tellement en colère ! Les difficultés s'accumulaient et l'état de Zahya ne cessait de se dégrader. Jamais le voyage n'avait semblé aussi long. Néalia s'est occupée de la soigner avec les quelques potions qu'il y avait, et l'a mise sous un puissant charme de Stase, mais... Il fallait un véritable expert, et la seule experte chez nous, c'est Zahya.

— Finalement, continua Assad, désireux d'apposer lui-même le point final de l'histoire, Zahya s'en sortit. Nous nous sommes immédiatement rendus à l'entrée du Coeur Arkhale, au niveau de l'Archipel Oublié. Le passage était déjà ouvert. Nous arrivâmes dans une sorte de monde parallèle. Rien ne ressemblait, ni de près, ni de loin, à ce que l'on peut voir sur Terhera. Il n'y a pas de terre ferme, ni de sol sur lequel marcher. Seulement des structures cristallines constituant un sentier unique. Après une longue marche, occupés à observer des bribes d'images du passé de Terhera, qui apparaissaient et disparaissaient au bon vouloir du Coeur Arkhale. On arriva sur une grande plateforme, et face à nous, le Coeur dans toute sa splendeur. Il n'y avait ni ciel, ni terre. Seulement un vide incommensurable, qui s'étendait à perte de vue. Partout où on déposait les yeux, il n'y avait que cette rougeur inaliénable aux lieux.

« L'éclat immaculé du cristal nous a tellement subjugué, tout comme la franche puissance qui en émanait. Nos pouvoirs à tous réunis mille fois, n'arriveraient pas au dixième de cette magie cristalline. Un peu plus loin, se tenant la tête dans les mains, Darkodem était agenouillé, comme en proie à d'intenses et douloureuses migraines. Il s'est mis à léviter, tout en s'approchant imperceptiblement du cristal, avec une lenteur anormale, presque surnaturelle. Plus la distance entre lui et le Coeur Arkhale s'écourtait, et plus il était secoué par d'horribles spasmes. Alors l'Âme de la Planète s'est soudainement embrasée de lumière, et a frappé Darkodem à coups de rayons. Celui-ci luttait pour ne pas être soufflé par la puissance du cristal, mais l'issue était établie avant même que le duel ne commence. Balayé violemment, Darkodem s'est retrouvé étaler au sol. Je me suis approché de lui, et il a alors tourné sa tête vers moi. Son regard m'a frappé de stupeur, car pour la première fois, cette lueur folle qui brillait constamment dans ses yeux, comme je vous l'avais dit au début, avait disparu. Il avait l'air de vouloir me dire quelque chose. Soudain, sans prévenir, il rassembla ses dernières forces, et se jeta dans le vide.

Foudroyés, Saphir et Fenrir poussèrent de grandes exclamations stupéfaites.

— Un suicide ? répéta la princesse, ne parvenant pas à y croire.

— Jamais je n'avais été aussi étonné de ma vie, reprit Assad. Le Coeur Arkhale a ensuite irradié de lumière une nouvelle fois, et nous a chassés de son domaine, sans cérémonie. C'était fini. Nous sommes donc rentrés.

Interdite, Saphir ne savait que dire. S'attendant sans doute à un dénouement épique avec un combat titanesque, à l'issue duquel la lumière triomphait sur les ténèbres, il fallait avouer que la jeune princesse était un peu déçue. Que penser de cette histoire ? Pourquoi Darkodem a-t-il agi ainsi, après s'être démené pour atteindre l'Âme de la Planète ? Avant qu'elle ne puisse émettre une quelconque spéculation, Talius entra.

— J'ai fini mon travail, dit-il simplement. Allons dîner, si vous le voulez bien.

Avec un murmure approbateur, tout le monde se leva, et suivit en silence le roi de Viridis. Sous la conduite de Talius, ils arrivèrent dans une vaste salle à manger, décorée avec faste. Il y avait une large table en bois de chêne, solide, avec assez de place pour douze convives. Les plats étaient nombreux et variés.

Les invités s'assirent, et commencèrent à se servir d'un peu de tout. Talius discutait avec les différents rois sur les affaires internationales, et ils parlèrent tous agréablement autour de ce bon repas. Juste après le départ d'un majordome, venu leur servir une tasse de thé, Talius demanda :

— Que comptez-vous faire maintenant ?

— Nous rentrons, répondit Assad. Je dois m'entretenir avec Adja le plus vite possible par rapport à l'incendie. C'est pourquoi nous partirons ce soir.

— Ah. Passez au moins la nuit non ? suggéra Talius, feignant un air aimable. Je vous ai préparés des chambres.

— Nous ne pouvons vraiment pas, intervint Amérius, d'une voix aussi glacée que les frimas de son pays. Et puis, nous ne désirons guère abuser de votre hospitalité.

Le visage de Talus se défit.

— Quelle tristesse... dit Talius en fixant étrangement le roi d'Éterneige.

Il sirota sa tasse pour reprendre contenance, avant de reprendre.

— Concernant Lunera ?

— Nous allons patienter, répondit Aswad, évasif.

Talius hocha la tête.

☾☾☾

— Merci beaucoup Talius, pour vos soins et tous vos services à notre égard, dit Assad en lui serrant chaleureusement la main. Nous vous sommes très reconnaissants.

— Ce n'est rien, après tout, nos pays sont alliés depuis pas mal de temps, n'est-ce pas ?

Assad acquiesça, et monta dans le vaisseau, suivi de ses compagnons. L'aéronef disparut rapidement dans la nuit noire, sous le regard inquisiteur de Talius. Viridis leur avait rendu un fier service. 


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