III - Menace Lunaire - Partie 1

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Les mois filèrent à une vitesse folle, mais trop absorbée par ses occupations, Lunera ne s'en rendit même pas compte. Elle travaillait avec ardeur le maniement de sa nouvelle lame, ainsi qu'au lancement de divers sortilèges qu'elle pensait utiles à sa vendetta future. De la magie noire, un soupçon de magie rituelle, et quelques notions de magie blanche. D'ailleurs, elle eut beaucoup de mal avec cette dernière. Un blocage dont elle ignorait la nature, l'empêchait de lancer les charmes les plus basiques de cette branche de la magie.

Ne prenant pas que le temps d'affiner ses qualités au combat, elle se documenta beaucoup dans la bibliothèque du Palais des Chimères, sur les divers lieux et légendes qu'avaient évoqué son père.

Finalement, le jour de son dix-septième anniversaire, Lunera s'estima prête. La journée était symbolique : la célébrer en festoyant avec la viande de ses ennemis, voilà une idée satisfaisante ! Une lueur féroce, sauvage, brillait dans ses pupilles violettes, pailletées de vert. Chaque fois qu'elle songeait à l'Adrastée, une rage démesurée dévorait son coeur. Bien qu'elle ne sache même pas à quoi ses « ennemis de l'Adrastée » ressemblaient, elle éprouvait une haine irrationnelle à leur égard.

Le départ était imminent, et la détermination au rendez-vous. Pour l'occasion, elle revêtit sa plus belle tenue, décidée de se présenter à eux sous son plus beau jour. Une longue robe brodée d'or, aux couleurs assorties à ses yeux.

N'ayant pas de vaisseau, bâteau, ou n'importe quel autre appareil pour voyager, Lunera comptait utiliser une créature qu'avait apprivoisé son père, pour se rendre à Sultakara. Il s'agissait de Dracaena, un dragon mâle aux écailles dorées, parsemées de reflets purpurins.

Le soleil était déjà à son zénith, lorsque Lunera fit sortir Dracaena de sa grotte souterraine, creusée près du Palais des Chimères. Bien qu'elle attendait ce départ avec une grande impatience, Lunera ressentit une vive émotion lorsqu'elle jeta un dernier coup d'œil à cette modeste maison qu'elle quittait pour la toute première fois. C'était son foyer, et jamais elle ne s'était aventuré plus loin que les landes fleuries qui l'entourait. Darkodem le lui défendait formellement, et elle soupçonnait même qu'il ait placé des protections tout autour.

Tentée d'agir avec prudence, elle s'apprêta, elle aussi, à protéger le Palais des Chimères.

Qui donc s'égarerait dans un tel trou, perdu loin de tout ?

Cette vilaine pensée eut raison d'elle, et haussant les épaules, Lunera se détourna de sa maison, et s'approcha de l'animal. Le dragon tendit une aile pour aider Lunera à prendre place sur son dos. Tout en s'installant gracieusement, elle flatta son encolure et l'incita à s'élancer dans les cieux, en direction de du nord-ouest.

Joyeux anniversaire Lunera ! Comme cadeau, la peau de ces immondes rats ! Tout sera parfait...

Les yeux fermés, songeant à sa vengeance, le visage de la jeune fille se fendit en un grand sourire.

☾☾☾

À Sultakara aussi, c'était un jour de fête ! Ce 27 janvier ouvrait la dix-septième année de la princesse Saphir. Le plus important de toute sa vie. Tout devait être parfait.

De nombreux couturiers s'étaient affairés pendant deux semaines pour confectionner une sublime toilette. On avait ramené de grands cuisiniers pour un festin à la hauteur de l'évènement, ainsi que plusieurs décorateurs pour orner le château. Tous travaillaient de concert pour que cette journée soit mémorable.

L'ambiance était festive, on était heureux. Sauf quelqu'un. Saphir ne savait pourquoi, mais un mauvais pressentiment gâchait sa joie de vivre habituelle. La jeune princesse, renfrognée, passait son temps enfermée dans sa chambre. Cet étrange comportement ne passa pas inaperçu, mais personne ne savait comment si prendre. Zahya avait essayé à maintes reprises de lui parler, sans succès. Chaque fois, elle n'obtenait aucune réponse de la part de sa fille.

On avait alors tenté une autre approche, en dépêchant une autre personnalité du château : Grenat, la générale des armées de Sultakara, et cheffe des factions féminines. Depuis plusieurs années, elle entraînait Saphir à l'épée, et celle-ci avait beaucoup d'affection pour elle.

Après le petit-déjeuner que Saphir avala d'une traite, avant de retourner se terrer dans ses appartements, la générale se présenta devant la chambre princière. C'était une jolie femme, dont les cheveux bruns et vaporeux tombaient en une cascade de boucle derrière ses épaules. Militaire de renom, ses prouesses à l'épée ne laissaient personne indifférent, à l'instar de son charmant visage. Son nom seul suffisait à calmer un enfant trop turbulent. Cependant, derrière cette grande force, elle cachait une douceur chaleureuse et une belle humanité. Son amour de la patrie lui valait les grâces du peuple tout entier.

Grenat toqua. Aucune réponse, bien qu'elle entendit du bruit derrière la porte. Grimaçant après cette première tentative ratée, elle toqua une nouvelle fois. Sans réponse. Grenat recommença, en ajoutant :

— Princesse Saphir... C'est moi, Grenat.

La jeune fille ignorait l'identité de la personne qui venait la déranger. En fait, ça ne l'intéressait même pas, elle désirait juste qu'on la laisse en paix. Mais après avoir entendu la voix douce, mais pas moins ferme de la générale, Saphir s'était redressée. Elle se devait d'être polie.

Grenat ouvrit la porte, s'avança et la referma. En dévisageant la princesse, elle fut inquiète de la voir si pâle. Ennuyée, Saphir consentit quand même à sourire, toujours heureuse lorsque la générale lui rendait visite. Cette dernière rejeta ses longs cheveux en arrière.

— Princesse, commença la générale, je...

Elle s'interrompit sans trouver quoi dire.

Il faut trouver comment l'approcher. Je dois agir avec tact, et ne pas être trop familière.

Un toussotement intentionnel fit sortir Grenat de ses pensées. Saphir la regardait, avec une expression pincée.

— Continuez, je vous prie, murmura-t-elle.

— Comment allez-vous ? Depuis quelques jours, vous... vous... hésita Grenat.

— Je... encouragea la princesse.

— Vous n'êtes plus la même, avoua enfin la générale. La mélancolie qui émane de vous jette un froid sur le château. Votre mère, la reine, est venue vous parler, mais vous avez refusé de laisser échapper ne serait-ce qu'un mot. Vous n'êtes pas venue à deux entraînements avec moi cette semaine, et vous avez raté la réunion d'avant-hier avec Sa Majesté. Nous nous inquiétons beaucoup. Vous savez bien à quel point vos intérêts nous tiennent tous à coeur. Nous ignorons l'étendue de vos tourments, alors c'est pourquoi je suis venue vous prêter une oreille attentive, et même une main secourable, je l'espère. Voudriez-vous me confier l'étendue de vos soucis ?

La Princesse se leva, et s'approcha de la fenêtre. Touchée par l'amitié de Grenat, elle se fit une raison. Le soleil était radieux. Après quelques minutes de silence, elle consentit enfin à parler, au plus grand soulagement de Grenat, craignant repartir bredouille.

— Ma chère Grenat... Je me suis tue, par peur que l'on ne me prenne pas au sérieux... Depuis plusieurs jours, maintenant, je suis tourmentée par de terribles cauchemars. Les ténèbres m'entourant, un visage féminin indistinct, aux yeux fous, mes proches tombant les uns après les autres, assassinés...

Elle se fit volte-face, et planta un regard tourmenté sur les prunelles pourpres de la générale.

— De mauvais présages, Grenat. J'avoue être terrifiée... Le vent s'agite, le ciel se trouble, peut-être apportent-t-ils de funestes nouvelles. Je sens que la présence de Darkodem plane au-dessus de nous, comme une menace.

Grenat écarquilla ses yeux, tant elle était surprise par les tracas de Saphir. Les cauchemars étaient un fait, mais la corrélation à Darkodem l'étonnait.

Si vous saviez ce qui est advenu de Darkodem, je doute que vous penseriez la même chose...

D'un simple coup d'œil, elle comprit que Grenat était sceptique. La princesse se retourna à la fenêtre, et pencha sa tête. Elle feignit d'observer la grande place du royaume où l'on s'amusait, pour masquer sa contrariété.

— Princesse, murmura Grenat, soucieuse de choisir les bons mots. Vous êtes une Sorcière, je pense que la nature de votre condition, et de votre éveil prochain, sont à l'origine de votre trouble. Les flux magiques autour de vous se renforcent considérablement. Ils perturbent les émotions, et contribuent peut-être à ces terreurs nocturnes.

— Grenat ! s'écria la princesse, mécontente. Ce ne sont pas de simples rêves, je le sais !

— Princesse, Darkodem est mort, je l'ai vu de mes propres yeux rendre son dernier souffle. Quand bien même un quelconque danger s'approcherait de nous, vous n'ignorez sans doute pas que nous vous protégerons avec acharnement. Que ce soit le chevalier maître, le roi, la reine, ou moi-même, nous...

— Ce n'est pas pour moi que j'ai peur ! l'interrompit Saphir, criant presque. Mais c'est bien pour vous tous. Je ne m'en remettrai pas si quelque chose vous arriverait, à vous, à mes parents, et à tous ceux du château !

— Princesse Saphir...

On toqua à cet instant, et la porte s'ouvrit brusquement, faisant ainsi sortir les deux femmes de leur conversation. Une servante entra.

— Princesse, la délégation des nobles arrivent dans une quinzaine de minutes, le roi désire que vous le rejoigniez, il m'a donc envoyée pour... Oh ! s'exclama la demoiselle, soudain intimidée. Générale Grenat... Je dérange, peut-être devrais-je repasser dans cinq minutes... ?

— Non, dit Saphir avec fermeté, ne vous inquiétez pas. Nous avions fini, n'est-ce pas ?

Grenat acquiesça, soupçonnant la princesse, de profiter de l'arrivée de sa dame de chambre pour la congédier. Saphir avait l'air passablement énervée, et ne cessait de fuir son regard.

— À tout à l'heure, Princesse. N'oubliez pas, nous sommes tous là pour vous.

Saphir la remercia, et Grenat sortit, la laissant se parer tranquillement.

☾☾☾


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