II - La Lettre - Partie 2

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Ses iris virèrent au rouge. Un bourdonnement retentit, et une lumière écarlate apparut. Celle-ci était si éclatante que Lunera dut se protéger les yeux. Soudain, un feu infernal saisit les fers et les embrasa sous le regard abasourdi de la jeune fille, effarée devant tant de puissance.

La chaleur était époustouflante, et les flammes tournoyaient en vitesse autour des dagues. Lunera en venait même à se demander l'utilité d'une aura aquatique, qui d'ailleurs s'était brisée. La fournaise monta d'un cran, si bien que Lunera craignît que ce soit un piège, et que le sortilège soit un aller simple pour l'enfer.

Tout à coup, une petite explosion fit sursauter violemment Lunera. Terrifiée, elle constata que le métal fondu des dix pièces commençait à s'assembler. N'ayant pas le temps de réfléchir plus, une autre détonation retentit, faisant ainsi trembler les parois de pierre qui soutenaient sa maison. Lunera osa à peine jeter un coup d'œil, et ce qu'elle vit n'était pas de nature à la réconforter... Un brasier bleu prenait du volume, et commençait à emplir l'espace au milieu du cercle.

Vite ! Il faut partir !

Lunera, sans se faire prier, fit volte-face et détala le plus vite possible hors de l'endroit. À peine avait-elle rejoint le hall, qu'une déflagration secoua les lieux, et la fit tomber. Elle se releva en époussetant sa robe de chambre, avant de redescendre les escaliers, excitée comme jamais encore. Cette mise en scène promettait une formidable puissance.

La porte du sous-sol avait été totalement défoncée, et brûlait joyeusement dans un coin. Une fumée âcre sortait de la salle et agressait les poumons de la jeune fille. S'équipant au préalable d'un charme venteux, Lunera entra. Des cendres et des débris jonchaient le sol calciné. Une brise ardente la fit suffoquer, mais Lunera ne s'en préoccupa pas. Elle n'avait d'yeux que pour la magnifique épée, qui reposait tranquillement par terre. La lame, d'un rouge évoquant le sang irradiait d'un éclat pourpre peu commun qui la laissait coite d'admiration. Dessus, étaient gravés les mots suivants : « La puissance de Jahanama n'est égalée que par Janna ». La couleur était si profonde que Lunera aurait pu passer des heures à la contempler. Le manche, en or et serti de rubis gros comme des pouces, venait parfaire le tranchant en y ajoutant cette touche d'opulence. Elle s'en saisit.

— Eh bien ! s'écria Lunera. Jahanama est à la hauteur de mon courroux ! La vengeance n'en sera que plus belle.

Satisfaite, Lunera remonta, sa nouvelle acquisition en main. Un étrange lien l'unissait à cette lame, elle le pressentait. La poignée épousait parfaitement ses doigts, et diffusait une chaleur agréable qui venait les réchauffer. Elle allait profiter des prochains jours pour apprivoiser cet héritage et affûter ses compétences magiques. Occire ses nouveaux ennemis dans une fournaise dévastatrice était une idée qui la réjouissait. Elle allait enfin se délester de sa morne vie.

☾☾☾

Jamais encore, je n'avais vu Sultakara aussi prompte à faire la fête ! Sans doute, la mort de Darkodem doit y être pour quelque chose... Mais est-ce réellement fini ? Mère n'a rien voulu me raconter.

Une horloge sonna, faisant ainsi sursauter Saphir. Il était sept heures du soir, Assad allait entamer son discours. Il avait insisté pour que tout le monde soit présent. Elle devait se hâter, si elle voulait arriver à temps. Attachant sa cape et réajustant sa tiare, elle se précipita hors de sa chambre, et se mit à marcher en vitesse vers l'immense balustrade du château, au premier étage. Courir ne seyait pas vraiment à son rang, mais elle ne voulait pas contrarier son père par son absence.

Fort heureusement, elle arriva juste à temps. Essoufflée, les joues rouges, Saphir s'approcha des sièges disposés autour du roi, et s'assit à côté de dame Néalia, souveraine de Yaqutane, un pays voisin. C'était une petite femme blonde, dont le visage respirait une grande sagesse.

— Bonsoir, Saphir.

— Bonsoir Dame Néalia, répondit aimablement Saphir, je suis heureuse de vous voir. Êtes-vous venue seule ?

— Non, mon enfant, non, Fenrir ne va pas tarder, il sera là d'une seconde à l'autre, dit-elle avec un sourire.

Saphir, qui l'avait interrogée à propos des autres monarques de l'Adrastée, rougit quelque peu à la mention de Fenrir. Elle acquiesça, et tout en échangeant quelques platitudes avec elle, elle observa ses sujets par-dessus le balcon. Il y avait tout le royaume de Sultakara, et d'éminentes personnalités venant même des autres royaumes du continent de l'Adrastée. Assad, dos à ses invités, embrassait de son regard fier l'ensemble de sa population. Zahya demeurait à ses côtés, d'un air digne. Une gravité inhabituelle se lisait sur son visage.

— Peuple de Sultakara, clama-t-il, avec une gravité qu'elle ne reconnut pas. Il y a trois jours, un bourreau de Terhera a rendu son dernier soupir, laissant derrière lui les neuf pays secoués par ses assauts et fourberies. Cet ennemi n'est d'autre que Darkodem. Avant que...

Un brouhaha parcourut la foule, si bien qu'on arrivait plus à entendre les paroles d'Assad. Usant un sortilège qui fit porter sa voix jusqu'aux confins du royaume, son père demanda fermement le silence. Pour une raison que Saphir ignorât, il semblait en colère.

— Il s'agit d'un sujet que j'ai déjà traité après la mort de mes parents. Nous nous arrêterons donc là, ajouta-t-il d'un ton qui ne souffrait aucune réplique.

Il ne m'a jamais parler de mes grands-parents. Quand je lui pose la question, il fait la sourde oreille, et trouve un prétexte pour détourner la conversation. Et pourquoi tant d'agitation à la simple évocation de Darkodem ?

Fenrir arriva à ce moment-là, et s'assit près d'elle. Ils échangèrent un bref sourire, avant de se concentrer davantage sur le discours du roi.

— Darkodem allait dans son idéal, qui consistait à sacrifier des milliers de vie pour en préserver une. La sienne. Il est responsable du génocide des Dakmago. Cette extraordinaire population, dont le roi du Village des Peuples Antiques, Sire Aswad, malheureusement absent ce soir-là, est issu, a subi de lourdes pertes. Ce démon les a considérés comme une menace et n'a pas hésité à les exterminer.

Saphir était vraiment stupéfaite, d'autant plus qu'Aswad était un grand ami. Penser à sa souffrance lorsqu'il avait dû voir amis et famille périr lui fit mal au coeur. Ah ! Vraiment ! Comment pouvait-on être aussi malfaisant ?

— Désirant contrôler un grand pouvoir, Darkodem souhaitait accéder à l'immortalité. Parmi ces crimes, on cite notamment un des plus terribles : l'invocation d'une Fille d'Uraera, il y a sept ans de cela. Un farouche assaut dont nous avons pu nous relever seulement grâce à votre courage et à votre ténacité, mon cher peuple.

« Darkodem a ensuite ciblé le Coeur Arkhale, pour le détruire, ou l'absorber, que sais-je. On suppose qu'une fois détruit, l'équilibre de Terhera se briserait et d'effroyables cataclysmes déchireraient les cieux et la terre. Mais nous l'avons traqué, et avec une immense joie, je vous annonce que Darkodem est mort. Souvenez-vous de cette date ! Souvenez-vous du jour où Arkhess a perdu un de ses plus grands suppôts ! Souvenez-vous du jour où Terhera a retrouvé la paix, délestée de cette gangrène qui a voulu sa perte ! »

La fin de ses mots fut accueilli par une salve d'applaudissement. Seule la jeune Princesse demeurait soucieuse.

Il faut que je demande à père de m'expliquer...

☾☾☾

Pour les jours de fête, Assad avait pour habitude de ramener un orchestre, et ouvrait un bal. La grande place du royaume ainsi que le hall du palais accueillaient un nombre exorbitant de convives, vêtus de riches étoffes aux couleurs éclatantes, et apprêtés de bijoux étincelants.

Avant d'aller se changer, Saphir marcha un peu avec Néalia, terminant la conversation qu'elles avaient commencé.

— Je suis bien curieuse de vous voir dans cette robe turquoise, ma chère Saphir, se réjouit la reine de Yaqutane. Soyez certaine, elle a été montée de toute pièce par le plus talentueux des couturiers de mon pays !

— Oh... Oui, dit faiblement Saphir, tirée de ses pensées. Oui ! répéta-t-elle avec plus de vigueur.

— Qu'y a-t-il donc ? s'inquiéta Néalia. Vous vous sentez mal ?

— Non, Dame Néalia, je réfléchissais simplement au discours de mon père. Le sujet « Darkodem » semble être très sensible, pour autant... J'ai la sensation qu'il y a autre chose derrière son histoire.

Le sourire de la reine se flétrit. Il fallait s'y attendre, apparemment. D'après Assad, Saphir cherchait des informations sur Darkodem. Il avait formellement défendu à tout le monde de lui en parler. Voyant que Néalia tardait à répondre, Saphir poursuivit.

— M'expliqueriez-vous ?

— Je ne peux vous en parler, Saphir...

Déçue, Saphir baissa les yeux.

— Comprenez-moi, mon enfant... lui dit Néalia avec un sourire navré. Je ne suis pas responsable de votre éducation, et je ne peux passer outre la parole de votre père. Sa parole fait force de loi, en ce qui vous concerne, je ne peux trahir ses volontés.

Amère, Saphir acquiesça.

— Sachez tout de même que votre père a ses raisons ! C'est un secret ténébreux, qui concerne un cercle très restreint de personnes. Seul lui peut vous en parler, c'est sa décision.

Si vous le dites...

Saphir hocha la tête, bredouilla quelques mots pour se séparer de Néalia, et alla se réfugier dans sa chambre.

☾☾☾

Le bal s'était globalement bien passé, même si Saphir était restée distraite la plupart du temps. Tard dans la nuit, les invités s'en allèrent. Assad, avec Zahya à ses bras, raccompagnèrent les nobles et autres personnes importantes, comme il se devait. Finalement, il ne restait plus personne à part leurs bons amis. Ils étaient tous compagnons, et après avoir vécu tant d'aventures, ils ne s'embarrassaient plus de protocoles royaux de politesse.

Ils montèrent tous ensemble dans la salle des miroirs. Un endroit aménagé par Assad, avec trois grandes glaces qui étaient reliées aux autres pays de l'Adrastée. Ainsi, ils étaient toujours en contact, et pouvaient se rejoindre vite. Un dispositif efficace en somme.

Après un dernier café, chacun traversa son miroir respectif, tandis que Zahya, Assad et leur fille allèrent dans leurs quartiers. La menace de Darkodem avait disparu, mais personne ne se doutait qu'une autre, peut-être plus grande, se dirigeait vers eux.


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