Chapitre 13: Je suis amoureux d’un garçon ?

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Alex

6H – Mes yeux étaient rivés sur le plafond de ma chambre. Je n’avais presque pas dormi, et j’avais les yeux rougis. Mes pensées venaient enfin d’arrêter de tourner dans mon petit cerveau d’adolescent. En ce mois de décembre, les matins étaient assez sinistres sans lumière et accompagnaient parfaitement mes états d’âmes. Mes yeux se posèrent sur le fameux questionnaire, coupable de tous mes tracas. Je me remis à m’agiter et à pestiférer des mots incompréhensibles. J’étais totalement perdu depuis que j’avais rempli ce questionnaire et je n’arrivais pas à l’accepter. Je décidai d’aller prendre une douche pour me changer les idées et laissai sans retenue l’eau, comme si celle-ci allait laver tous les soucis qui trottaient dans ma tête. Je sortis de la douche et m’habillai sans me soucier du résultat. Mon reflet apparut dans la glace, j’avais l’air d’un fantôme négligé. Sans m’arrêter dessus, je me jetai alors sur mon lit, en enfouissant ma tête dans mon oreiller. Depuis hier, les images de Matt et les paroles de Marc raisonnaient dans mon cerveau, ne me laissant pas un seul moment de répit. Je m’efforçai alors de les rayer de ma tête et de me concentrer sur quelque chose d’autre mais le moindre détail me ramenait de suite à mon tourment.

Afin de me changer les idées, je décidai d’aller préparer le petit déjeuner. À mon grand étonnement, ma mère était assise dans le canapé du salon et fut extrêmement surprise de me voir débarquer.

« Bonjour, mon chéri, dit-elle en levant les yeux, mais s’arrêta brusquement en constatant les dégâts que la nuit avait laissée sur mon visage.

— Ce n’est rien mam, la rassurai-je immédiatement, j’ai très mal dormi, expliquai-je.

— Tu veux en parler ? s’inquiéta-t-elle.

— Je… commençai-je, mais je me ravisai de suite, non c’est bon ça va passer. Je vais trouver une solution. »

Elle me regarda avec une grande anxiété et me fit un signe. Je m’assieds à côté d’elle et je posai alors ma tête sur ses genoux. Elle passa sa main dans mes cheveux et me susurra des mots doux pour m’aider à m’apaiser. La dernière fois que je m’étais retrouvé sur ses genoux datait de mes années de collège quand j’avais eu un énorme chagrin suite à une dispute avec Marc. Sa voix me calmait et mes yeux se fermèrent doucement à son contact.

***

11H – Des voix me tirèrent de mon sommeil. J’entrouvris les yeux pour découvrir ma petite soeur et ma mère assises à la table, penchées sur les devoirs d’Anya. Je me relevai doucement et m’assis à leurs côtés.

« Oh mon chéri tu es réveillé ? En tout cas tu as bien meilleure mine » me sourit-elle.

Je lui répondis d’un signe de la tête et m’affalai sur la table. Elle avait raison, cette sieste m’avait redonné des forces pour affronter la vérité que je ne voulais pas accepter. Je devais arrêter de me voiler la face et accepter cette réalité qui m’avait sauté au visage. Je soupirai en oubliant où je me trouvais. Anya me regardait d’un air interrogateur et me tapota le bras comme pour m’encourager. Je lui souris et prévins ma mère que je ne mangerais pas ce midi et que j’allais me coucher. Elle passa sa main sur mon front comme pour vérifier si j’avais de la température et acquiesça. Je remontai alors avec le peu de forces gagné et retrouvai mon lit. J’étais dans un état second, j’essayai doucement d’accepter cette vérité et repensai lentement aux moments qui auraient pu me mettre la puce à l’oreille. – Comment j’avais pu ignorer un sentiment aussi fort ? – Plus j’y réfléchissais et plus les indices me sautaient au visage. Après 30 minutes de réflexion sérieuse, je m’abandonnai à mon lit. Je commençai à l’accepter, pour autant, mes interrogations n’étaient pas terminées. Elles venaient tout juste de commencer.

« Et maintenant ? Qu’est-ce que je fais ? Je sais que je l’aime, c’est un fait, mais lui ? »

Je me roulai en boule, me dépliai à une telle vitesse que je faillis tomber de mon lit. Je repris mon souffle et attrapai mon portable pour composer un numéro. Le répondeur se déclencha et je jetai à travers la chambre mon cellulaire de toutes mes forces.

« Même pas fichu de répondre au téléphone quand on a besoin de lui, fulminai-je.

Je me mis alors à faire les cent pas dans ma chambre, à me prendre la tête dans les mains comme si la solution allait me tomber toute crue dans le bec. Soudain, la sonnerie de mon portable m’arriva aux oreilles et je me précipitai dessus :

« Ah enfin tu réponds ! m’écriai-je.

Je venais de déclencher un fou rire à mon interlocuteur.

— Tu as l’air en meilleure forme que je ne pensais te trouver, me répondit Marc, une fois son rire calmé.

– J’ai besoin de parler ! annonçai-je.

— Tu as de la chance ma soeur et mes parents sont sortis, viens à la maison on ne sera pas dérangé, m’informa-t-il.

— J’arrive ! » m’écriai-je.

Puis je raccrochai, et descendis l’escalier d’une traite. Ma mère fut surprise de me voir mais elle accepta de me laisser sortir au vu des couleurs que j’avais reprises. Marc habitait dans le même voisinage et donc il me fallut à peine quatre minutes en courant pour atteindre sa maison. Je sonnai et trépignai d’impatience devant la porte comme si cela permettrait à la porte de s’ouvrir plus vite. Le visage apparut dans l’encadrement de la porte et je rentrai en hâte. Il m’observa avec grand intérêt, amusé et nous nous installâmes dans son salon.

« Tu veux quelque chose à boire ? me demanda-t-il comme à son habitude.

— Je veux bien de l’eau, s’il te plaît, je n’ai rien avalé depuis hier soir, lui appris-je.

Il ne parut pas étonné et revint avec un grand verre d’eau et des fruits coupés en morceaux.

— Tu veux autre chose ou on entre dans le sujet ? dit-il en me lançant une petite pique de bienvenue.

— Non ça va aller, on peut passer au sujet qui m’amène.

Malgré mon empressement pour venir, je ne savais pas où me mettre. Bien que ce soit lui qui m’avait aidé à prendre conscience de mes sentiments, le sujet était assez délicat pour en parler ouvertement. Je ne savais donc pas par où commencer. Marc, devant mon embarras, préféra ouvrir la conversation. Il était très à l’écoute des autres et savait extrêmement bien nous conseiller.

— Alors tu as fait le test ? demanda-t-il innocemment, sachant très bien que si je ne l’avais pas fait, je n’aurais pas débarqué un dimanche matin chez lui.

Je pris une grande inspiration et confirmai sa question. Une étincelle passa dans ses yeux.

— Et donc, quel réponse tu as obtenue ?

Il n’arrivait pas à cacher sa curiosité et j’avais l’impression qu’il allait me sauter dessus à tout moment.

— Félicitation, vous êtes amoureux, répondis-je timidement.

Ma voix avait tremblé quand je dus prononcer le mot « amoureux ». Je n’osais pas croiser le regard de mon meilleur ami qui semblait s’en donner à grande joie.

-Et ton ressenti dans tout ça ? Me demanda-t-il sérieusement. Qu’est-ce que tu en penses ?

Je pris une pause avant de lui répondre.

— Eh bien, je n’ai pas dormi de la nuit à cause de cette révélation mais plus j’y réfléchis et plus je retrouve ces sensations vécues à ses côtés et plus je commence à accepter cette vérité. Je suis bizarre non ? m’inquiétai-je.

Marc s’approcha de moi et me prit les mains. Tout mon corps tremblait et une honte s’était emparée de mes joues.

— Tu n’es pas bizarre ! Ce n’est pas une maladie si tu veux savoir, me rassura-t-il. Cela fait partie de toi et cela t’apportera le bonheur, crois-moi.

Je me mis à sourire en réaction à ses dernières paroles qui m’avaient réchauffées le coeur. Il était et sera toujours mon meilleur ami. Il savait toujours trouver les mots justes et était une vrai source de réconfort. Je calmai les battements de mon coeur et mes tremblements et m’affalai dans le canapé. J’exprimai un énorme soupir et fus pris d’un fou rire qui me permit de relâcher toute la pression que j’avais emmagasinée depuis hier soir. Marc me suivit et nous restâmes assez longtemps enfoncés dans les canapés à rire aux éclats et à nous jeter des regards taquins. Tout à coup, un bruit assourdissant nous arrêta, mon estomac venait d’exprimer son mécontentement de ne pas avoir été nourri. Je reçus de plein fouet un coussin et le renvoyai de suite à son propriétaire. Celui-ci l’évita et se leva d’un bond.

— Je parie que tu as faim ! C’est ça de sauter les repas ! Tu n’es pas une fille que je sache, me lança-t-il ingénument.

Je fis la moue et ne prêtai pas attention à sa remarque. Malgré mes penchants il ne m’avait pas laissé tomber et m’avait même conseillé dans mon désarroi.

— Parce que c’est toi qui va me faire à manger ? » fis-je remarquer, un sourire aux lèvres.

Il haussa les épaules et alluma la gazinière pour y déposer une casserole remplie d’eau salée. Je surveillai de près la préparation et ne m’empêchai pas de faire des remarques sur sa cuisine. Il servit les raviolis cinq minutes plus tard et je mis la table en chantonnant. Nous passâmes ensuite l’après-midi à jouer à des jeux vidéos sur sa console. Cet après-midi passé en sa compagnie m’avait fait oublier mes tracas. Mais au moment de repartir chez moi, je me tournai paniqué vers Marc :

« Comment je vais faire lundi ?

— Comment ça ? Tu vas te comporter le plus naturellement du monde, me répondit-il calmement.

Je le pris par les épaules et plongeai mes yeux dans les siens

— Tu penses que je serais capable de me comporter normalement maintenant ?

— Bah sinon tu lui avoues tes sentiments, lança-t-il sans prendre de pincettes.

Je secouai la tête avec force.

— Ça jamais, j’essaye déjà de mettre au clair mes sentiments et ensuite je…

Je me mordis la lèvre inférieure. – Et après ? Je lui avoue ? Au risque de le faire fuir ? –.

— Agis naturellement et tu verras ce que tu feras ensuite, me proposa-t-il avec douceur.

Je fis la moue, mais je n’avais pas d’autres solutions et acquiesçai d’un signe de la tête. Alors que je m’apprêtais à partir, il me salua d’une grande tape dans le dos.

— Ne réfléchis pas trop ! Sinon tu vas t’emmêler les pinceaux ! » me conseilla-t-il gentiment.

Je suivis son conseil et regagnai en courant ma maison car il avait commencé à pleuvoir.


Matt

7H30 – Le mois décembre avait rendu l’assise dans l’herbe impossible pour un bon moment, mais ce cadre qui allait bientôt se recouvrir de blanc, m’apaisait toujours autant. Assis sur le banc du terrain de basket, je regardai, la boule au ventre, le coin de rue où Alex pouvait arriver d’un moment à l’autre. Depuis dimanche matin, je changeais d’avis à propos de si je devais le voir ou si je devais l’éviter suite à la soirée de samedi. Je devais avoir fait quelque chose qui l’avait gêné car son regard avait reflété de la gêne et même de la colère. Je ne lui connaissais pas ces expressions bien que je l’ai observé de loin pendant longtemps. Après de longues réflexions, j’en étais arrivé à la conclusion que nous étions trop différents pour coexister ensembles, pourtant j’avais toujours ce désir de me trouver à ses côtés et cela me déchirait. Jusqu’au bout, je réfléchissais à partir pour ne pas le croiser. Soudain, une pensée me traversa l’esprit, c’était quand même bizarre de l’attendre ici, ça ne faisait aucunement naturel. Je décidai alors de me rendre au bahut et me levai sans plus attendre, tel un ressort. Je m’apprêtai à partir quand des voix m’arrêtèrent :

« Hey, mais c’est Matt !

Je suivis des yeux la voix et découvris Thimothée Bour accompagné de Victor Duglas et Lucas Marnier, tous trois descendirent de leur vélo.

— Quelle heureuse surprise, ajouta Thim, tu passes par là pour aller en cours ? me demanda-t-il innocemment.

Raté, si j’avais voulu m’éclipser j’aurais dû le faire plus vite. En plus, je le savais très bien, tous les lundis, les cinq passaient du temps à jouer au basket. Je me mordis la langue suite à mon erreur et leur souris.

— Oui, c’est mon chemin, d’ailleurs je vais y aller parce que j’ai de la marche pour m’y rendre.

Les amis d’Alex réfléchirent un court instant et Thim m’attrapa par l’épaule.

— Ne t’inquiète pas, reste jouer avec nous, il nous manque un joueur, on pourra se faire un 3 contre 3. Et puis, tu pourras monter avec nous, tu n’auras pas besoin de marcher autant, me proposa-t-il.

Je réfléchis aussi vite pour refuser poliment mais avant que je ne puisse le faire des crissements de pneus atteignirent mes oreilles : Alex et Marc venaient d’arriver. Je n’osai pas les regarder car même sans, je pouvais ressentir des ondes de colères. Celles-ci s’effacèrent aussi vite qu’elles étaient apparues mais avaient été assez perceptibles pour que tous les ressentent. Les deux amis descendirent de leur vélo et s’approchèrent de nous. Thim me relâcha et les accueillit affectueusement. Moi, je restai figé, ne pouvant plus faire un seul pas. Marc me salua de loin, mais Alex ne fit rien. On entendit juste un « aïe », car Marc venait de donner un coup de coude dans les côtes de son meilleur ami qui se décida à me saluer de loin aussi.

— Je nous ai trouvés un sixième joueur, annonça de manière spontanée Thim aux deux autres qui venaient de nous rejoindre.

Marc acquiesça tandis qu’Alex faillit s’étrangler sous la surprise.

— Bah quoi ? lui demanda son ami

— Non, rien, répondit-il en cachant sa surprise sous un sourire forcé.

— Bon, on tire les équipes ! s’exclama Victor. J’en ai marre d’attendre dans ce froid » grommela-t-il.

Ils rirent tous et nous nous regroupâmes pour décider du sort. Je me retrouvais avec Marc et Thim contre les trois autres. Bizarrement, je parus rassuré de ne pas tomber dans la même équipe que lui, mais j’avais tord, le fait de me retrouver contre lui nous amenâmes à plus de contact. Et à chaque fois que nos corps se frôlaient, je pouvais décrypter une expression de panique chez lui. Soit il se retirait laissant la défense ouverte, soit il faisait tomber le ballon et baissait toujours les yeux quand nos regards se croisaient. C’en était plus que je ne pouvais le supporter et les autres furent aussi frustrés de son petit jeu que nous finîmes la partie assez rapidement. Il alla s’asseoir sur le banc accompagné de Marc et nous recommençâmes la partie à quatre. Son comportement m’avait clairement perturbé, mais m’avait aidé à prendre une décision, celle de l’éviter à présent car je le mettais clairement mal à l’aise. Après un temps de jeu conséquent, nous nous arrêtâmes et je remarquai que Juliette nous avait rejoins. Elle était assise à côté d’Alex et discutait joyeusement avec lui et Marc. « Pff, il n’a pas du tout la même réaction qu’il avait avec moi » soufflai-je. Je rassemblai mes affaires et suivirent les autres. Nous étions en train de réfléchir profondément car seul le vélo d’Alex se composait d’un porte-bagage. C’est alors que Marc eut une idée. Il sortit de son sac deux petit tubes en fer et les fixa sur sa roue arrière.

« C’est assez solide pour supporter le poids d’un homme, ne t’inquiète pas, me rassura-t-il. Tu te tiens debout derrière, par contre tu as intérêt à être gainé. J’utilise ce dispositif avec ma soeur et tu ne sembles pas plus lourd qu’elle, remarqua-t-il en souriant.

J’analysai alors ce drôle de dispositif et acceptai à contre coeur. Tout à coup, Alex me passa devant et attrapa la selle de Marc.

— Tu crois vraiment qu’il va réussir à tenir 20 min jusqu’au lycée ? lui fit-il remarquer, la voix grave.

Il se retourna vers Juliette et ajouta :

— Juliette, monte derrière Marc, toi tu devrais y arriver ! Allez, on se dépêche ! »

Marc lui lança un regard que je ne réussis pas à décrypter et haussa les épaules. Juliette me jeta un regard furieux et me passa devant pour monter derrière Marc. Alex me fit un signe et je le rejoignis sur le porte-bagage de son vélo. Une fois installé, je me demandai alors où me tenir. Il n’y avait rien et je n’avais pas fait de vélo depuis longtemps. Comme s’il avait lu en moi, il m’attrapa le bras et me le verrouilla autour de sa taille. Mon coeur faillit lâcher sous le coup intense de l’émotion et je n’osai pas y passer mon autre bras. Il soupira et attrapa mon deuxième bras :

« Tu veux tomber ou quoi ? Accroche-toi bien à moi ! » s’écria-t-il.

Je m’agrippai alors à sa taille et fermai les yeux. J’avais une folle envie de venir déposer ma tête contre son dos mais je me retins. Il était déjà gêné par ma présence, je n’allais pas lui donner encore plus de matière pour me détester. Bien que je n’étais pas à pieds, le trajet me parut durer une éternité. J’essayai absolument de calmer les battements de mon coeur qui avaient fait des leurs dès que je m’étais approché de lui et je profitai en même temps de ce dernier moment à ses côtés, si précieux. Tout du long, Alex n’avait pas décroché un seul mot alors que ses amis n’avaient pas leur langue dans leur poche. Nous vîmes enfin le bâtiment et je fus rassuré de quitter cet instant de gêne. Je descendis alors du vélo et les saluai rapidement, puis partis à toute vitesse. Ma dernière image fut le visage déconcerté d’Alex qui m’avait regardé m’éclipser sans bruit. Une fois assis à ma place, je m’affalai sur ma table. Je n’arrivai pas à chasser cette image de ma tête. Son regard avait laissé refléter une envie de me retenir mais en même temps une envie de me voir partir. N’arrivant pas à résoudre cette énigme, je décidai de m’abandonner à notre cher prof de maths, Monsieur Thenor. Pendant tout le cours, Juliette n’arrêtait pas de me jeter de drôles de regards. Je ne comprenais pas où elle voulait en venir, mais j’essayai de ne pas croiser ses yeux, de peur qu’elle devine mes sentiments les plus profonds et qu’elle aille le répéter.

***

Les cours de l’après-midi furent une vrai torture et je fus bien content qu’ils soient terminés. J’avais passé les trois derniers jours à éviter Alex et sa bande et je ne m’étais même pas rendu à la bibliothèque de peur que je ne l’y croise, ni au potager. Je rangeai activement mes affaires et constatai avec détresse que je devais passer à la bibliothèque rendre le livre d’Histoire que j’avais dans mon sac. Je pesai alors le pour et le contre, mon stratagème avait bien fonctionné depuis le début de la semaine et je ne voulais pas devoir payer une amende parce que je l’aurais rendu en retard. Je soupirai, et pris la direction de la bibliothèque, le coeur serré. Quel était le pourcentage de chance de l’y croiser ? Proche du nul pensai-je. J’atteignis alors ma destination et pris une profonde inspiration avant de pousser la porte. Je scrutai avec soin les alentours, pas d’Alex Lecomte. C’est donc avec le coeur léger que je m’approchai du comptoir et y déposai le livre. Aussitôt fait, je me retournai alors et sortis, ma main posée contre mon coeur. Je pris la direction des escaliers pour rentrer chez moi et c’est au détour des escaliers que je le vis, il montait avec Marc, agacé, les escaliers. Nos regards se croisèrent et je restai figé.

« Toi… » commença-t-il, mais il ne put finir sa phrase car j’avais déjà tourné les talons et étais en train de courir en sens inverse.

Mes jambes avançaient d’elle-même et ne voulaient plus s’arrêter. J’entendis derrière moi comme un bruit sourd, il avait sans doute laissé tomber son sac, puis des bruits de pas ; il était derrière moi. Je ne savais pas pourquoi je réagissais aussi abruptement, mais une chose était certaine, il était énervé et je ne voulais pas lui parler. Je me réfugiai alors dans la première salle de classe que je trouvai et fermai la porte derrière moi. Mais pas assez vite, car Alex en bloqua la fermeture. Essoufflé, il entra dans la classe et ferma derrière lui. Tremblant, je reculai me cognant dans les tables et faillis à plusieurs reprises chuter. Je n’osai pas le regarder et je priai pour que cela se finisse vite. D’ailleurs pourquoi m’avait-il poursuivi ? Parce que tu t’es enfui quelle question, me chuchota une petite voix dans le coin de ma tête. Je rencontrai alors le mur et ne pus plus reculer. Il s’arrêta net, n’osant pas s’approcher de peur que je ne veuille sauter par la fenêtre sans doute. Nous restâmes un long moment figés, incapables de bouger ni de parler. Ce silence me pesait énormément et je décidai alors d’affronter son regard et de relever la tête. Je fus estomaqué quand mes yeux se posèrent sur son visage. Il semblait agité, inquiet, mais surtout paniqué. Ses yeux oscillaient dans tous les sens sans jamais s’arrêter et ses traits de visage montraient le manque de sommeil qu’il avait dû accumuler toute la semaine. Étrangement, le voir dans un tel état me réconfortait non pas parce qu’il était dans un piteux état mais puisque c’était la preuve que quelque chose le perturbait, une idée me traversa l’esprit, il était agité à cause de moi ? Impossible, me ravisai-je aussitôt. Je pris une profonde respiration et brisai le silence pesant qui occupait la salle de classe :

« Pourquoi tu m’as suivi ? lui demandai-je. Normalement, quand quelqu’un vous fait clairement comprendre qu’il ne veut pas vous voir, on laisse tomber !

Je me rappelai alors que ce n’était pas la première fois qu’il me faisait ce coup-là. Il ouvrit la bouche comme pour répondre, puis la referma. Il se mordit la lèvre inférieure tandis que je le scrutai.

— Toi, pourquoi tu t’es enfui ? me demanda-t-il soudainement.

Il semblait avoir repris un peu d’assurance, enfin assez pour tenir une conversation.

— Parce que tu es apparu soudainement, lui répondis-je d’un souffle.

Ses yeux s’écarquillèrent et il ravala sa salive.

— Je t’ai cherché tous les jours… me révéla-t-il.

Sa voix tremblait sous le coup de l’émotion.

— Tu me cherchais ? m’étonnai-je ! Pourtant, tu… commençai-je. C’en était trop, je ne pouvais plus m’arrêter, il me fallait connaître la signification de son drôle de comportement.

— … pourtant, tu ne m’apprécies plus, non ! m’écriai-je.

Les mots étaient sortis naturellement et je n’avais pas baissé le regard. Il semblait abasourdi par ce que je venais de lui dire. Il était en état de choc.

— Comment en es-tu arrivé à cette conclusion ? chercha-t-il à savoir, déconcerté.

Je fermai les yeux, soufflai puis les rouvris.

— Tu me l’as clairement fait comprendre ! criai-je. Je ne pouvais plus me retenir, son comportement m’avait tellement blessé que j’en avais les larmes aux yeux en y repensant.

— Je ne sais pas ce que j’ai fait pour que tu te comportes ainsi mais c’est suffoquant ! lui avouai-je entre deux larmes.

J’avais l’impression que mon coeur allait se déchirer, mais il fallait que ça sorte.

— Ce regard de haine quand je discutais avec tes amis et ton comportement de gêne quand tu étais proche de moi ! Je te dégoute ou quoi ? hurlai-je en sanglots.

Terrassé par les larmes et mes aveux je m’écroulai et me blottis en boule sur moi-même. Toutes les émotions que j’avais emmagasinées cette semaine laissaient place à présent au désespoir.

— … aime, murmura-t-il.

À travers mes larmes et mes pleurs, je n’avais pu entendre distinctement ce qu’il venait de m’avouer. Alors, il serra les poings et déballa toutes ses émotions en hurlant !

— JE T’AIME !

Je relevai la tête, le visage couvert de larmes et le dévisagea. – Quoi, j’ai bien entendu ? –

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