17. Basic instinct

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Guillaume n’a pas son pareil pour craquer les codes et les mots de passe. Le PC d’Élodie Hatkins ne lui a donc donné que peu de fils à retordre, et mis au jour une découverte des plus intéressantes : celui-ci se révèle relié à une caméra de vidéosurveillance installée au niveau du portail d’accès à la « Villa Carmin ». Une installation de fortune, réalisée en toute illégalité puisque l’enregistreur numérique filme l’espace public, en l’occurrence la rue, et qu’il n’a apparemment pas été déclaré à la CNIL (1). Néanmoins, les images qu’il a captées la veille et la nuit du meurtre permettront sans doute aux enquêteurs de mettre en garde à vue leur suspect numéro un : Monsieur William Hatkins en personne ! En effet, la présence de son véhicule, un grand monospace noir de marque Lancia, à au moins deux reprises à hauteur de la résidence où séjournait sa femme, quelques heures à peine avant son assassinat, renforce les présomptions de culpabilité pesant sur lui.

Par ailleurs, la perspective d’auditionner Virgile Corman, l’amant de la victime, donne de sérieux espoirs à l’équipe d’investigateurs de mettre au jour les plus indicibles failles du couple qu’Élodie formait avec son époux. Et pourrait lui permettre d’accentuer davantage la pression sur l’antiquaire parisien.

La journée avait été émotionnellement rude pour Costarelli. Rincé, à bout, il n’a sur le moment qu’une unique envie : rentrer chez lui pour s’isoler dans le petit bureau de son appartement nazairien, antichambre privative de son jardin secret.

Alors qu’il s’apprête à quitter le commissariat, Audrey Thévenet le rattrape sur le seuil en déployant son parapluie ; perdu dans ses pensées, Costa n’avait même pas remarqué le déluge.

Ça vous ennuierait de me déposer chez moi ? l’apostrophe-t-elle, un brin désinvolte. Il fait un temps de chien et…

Non, pas du tout ! ment-il par pure galanterie. Suivez-moi, ma voiture est juste là.

Une fois à l’abri dans l’habitacle de la Ford C-Max, la jeune femme l’observe longuement. Avant de démarrer, il la fixe à son tour, interloqué.

Je suis désolé si je ne suis pas de très bonne compagnie, croit-il bon de s’excuser, mais…

Chut… lui intime-t-elle en posant son doigt sur la bouche de son supérieur. Je sais ce que tu vas me dire, Cédric, je sais que je ne suis pas Élodie, que personne ne pourra jamais la remplacer… Et je sais aussi que tu ne pourras jamais m’aimer comme tu l’as aimée elle. Alors, je ne te demande rien, rien d’autre qu’un baiser. Rien d’autre que me baiser…

Son tutoiement soudain, sa familiarité, ses mots, déclarations si troublantes, si personnelles, sa main qui s’immisce là où elle ne devrait pas, tout ceci désarçonne le quasi-quadragénaire. Comme le contact de sa phalange féminine sur ses lèvres d’homme… Il l’embrasse, leurs visages se frôlent, leurs fronts se touchent. Le désir luit dans ses yeux de chatte ; dans ceux de celui qu’elle aime aussi peut-être...

Le bruit de la pluie qui cogne contre le vitrage et le toit métallique contraste avec le silence feutré de l’amour que Costa lit en elle quand elle retire sa veste et déboutonne sa chemise, quand elle caresse son torse imberbe et s’aventure plus bas, là où il ne faudrait pas, à mesure qu’elle dévore sa bouche et qu’il dévore la sienne en retour.

La rue est déserte mais l’on pourrait les surprendre. Surprendre l’impudeur de ce qu’ils s’apprêtent à faire ensemble. Seulement, Cédric, émoustillé par les charmes de son entreprenante passagère, n’est plus en mesure de réfléchir. Il bande pour elle, pour son corps de femme aux allures de garçonne. Elle l’excite dans ses attitudes, ses gestes osés, indécents, érotiques. Ceux qu’aurait pu avoir l’Élodie de son adolescence lors de leurs tête-à-tête amoureux. Pourtant, Audrey ne lui ressemble en rien, mais ce soir, ça n’a pas d’importance. Ce soir, elle suscite son envie, réveille son désir. Alors il l’explore, lui bouffe les seins et s’immisce lui aussi dans son jean cigarette ; il y a longtemps déjà que son cuir cintré n’est plus. L’étrange amante au crâne rasé n’est pas en reste, le masturbe, le suce, lui fait perdre la tête. Elle est chaude comme la braise, et lui maudit son futal d’entraver ainsi l’accessibilité de son antre trop humide.

Attends, Audrey, attends…

Il la retient parce qu’il ne veut pas jouir de suite dans sa bouche, parce qu’il est encore trop tôt, parce qu’il veut la prendre…

Le dossier du siège passager désormais incliné à l’horizontal, il finit par la basculer sur le dos en l’embrassant à pleine bouche, en malaxant la nudité de ses obus d’Aphrodite, en descendant jean et string jusqu’à ses bottines de motarde pour découvrir son trop affriolant ticket de métro dans lequel il s’empresse de plonger.

***

Il l’a culbutée, sauvagement. Profondément. Il ne saurait dire combien de temps leur coït a duré. Il était dans un état second, ne savait plus qui il baisait vraiment, qui était ce type qui pilonnait cette punkette offerte à son chibre, qui éjaculait en elle sans l’aimer. Qui la comblait de coups de bite. L’après lui a été difficile, la regarder dans les yeux impossible. Il se faisait l’effet d’être un salaud profitant du béguin de sa subordonnée pour la tringler en égoïste.

Elle lui a proposé de passer la nuit chez elle, avec elle ; il a stupidement décliné son invitation. Elle a feint de le comprendre sans en être dupe. A ses yeux, Cédric était comme tous les autres hommes mariés : incapable d’assumer la moindre de leurs infidélités.

Le plus que trentenaire restera de longues heures dans sa voiture à fumer clope sur clope – sans plus les compter - en écoutant du Whitney. Parce que la seule femme avec laquelle il aurait aimé faire l’amour ce soir se prénomme Élodie. Il aurait voulu qu’elle soit sienne, l’aimer passionnément tout en l’enveloppant de tendresse, pouvoir la protéger de tout, de lui, son assassin. Pour que jamais elle ne disparaisse…

***

« If I told you that, I wanted to see you /

And if I told you that, I beg to please you /

If I told you that, I'll always keep you /

What would you say ? If I told you that... » (2) (3)

(1) : Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés

(2) : « Si je te disais ça, je voudrais te voir /

Et si je te disais ça, je ne demande qu’à te plaire /

Si je te disais ça, je veux te garder pour toujours /

Que dirais-tu ? Si je te disais ça... »

(3) : Paroles extraites de la chanson If I told you that (1998), écrite par Rodney et Fred Jerkins, LaShawn Daniels et Tony Estes, composée par Rodney Jerkins, et initialement interprétée par Whitney Houston en solo. En 2000, elle enregistre une nouvelle version en duo avec George Michael.

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