Chapitre 12. GO BACK

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Quand on rentra de chez le psychologue, ma mère était de très mauvaise humeur. Elle s'installa sur le canapé du salon et se mit en tête de faire du tricot, alors qu'elle savait très bien ne pas être douée en cette matière. On l'entendait grogner contre son ouvrage dans toute la maison. Samantha et moi étions pliées en deux. Beckie essayait de regarder un feuilleton à la télévision et avait beaucoup de mal avec les plaintes de ma mère. Ma sœur ne riait donc pas, elle. On sonna à la porte. J'allai ouvrir. Mr. Brooks apparut alors à ma vue, brandissant un uniforme comme je le lui avais demandé.

- C'est bien ce qu'il te fallait, Deborah ?

- Oui, oui c'est parfait. Merci infiniment Mr. Brooks. Vous êtes fantastique !

Il me donna le vêtement et partit. Je m'empressai alors de rentrer, les joues rouges.

- Vous êtes fantastique Mr. Brooks ! ironisa Sam en pouffant.

- Il faut bien que je le complimente. Arrête de rire, tu ne sais pas pourquoi je dis ça.

- Si je le sais, pour qu'il t'apprécie.

- C'est essentiel effectivement. Cet homme me fait peur à la fin. Je me demande pourquoi Andie le déteste autant.

- Elle ne te l'a pas dit ?

- Non... Si mais... Non, c'est impossible !

- Qu'a-t-elle dit ?

- Qu'il avait tué Jane.

- Andie est folle, effectivement. Mr. Adam avait au moins raison pour cela.

En début d'après-midi, mes sœurs et moi passâmes à l'action. Elles partirent se cacher au bout de la rue, afin de surveiller Mrs. Brooks et Andie, et je repris le chemin de la ruelle glauque où m'avait conduit Mrs. Brooks quelques jours auparavant. J'avais mis mon uniforme dans un sac. Une fois dans la ruelle où se trouvait la bâtisse que je cherchais, je parcourus du regard les alentours. Où pouvais-je me changer ? La vieille femme caressait son chien si maigre devant sa porte délabrée. Elle me regardait attentivement. Je n'avait pas d'autre choix. Je m'approchai d'elle :

- Excusez-moi, pourrais-je utiliser votre salle de bain ?

- Pourquoi ?

- Pour me changer...

- Vous changer ?!

- Voilà, en fait... Connaissez-vous Gina Silver ?

- Cette femme me répugne !

- Ah, parfait ! C'est très bien. Je voudrais lui jouer un tour, si vous voyez. En fait, je dois revêtir un habit de policier, mais c'était bien trop risqué de venir en le portant déjà.

- Vous voulez vous venger de Gina Silver ?

- Pas vraiment, plutôt d'une de ses connaissances. C'est une histoire un peu complexe. Il est question de meurtre, je vous en prie.

- Entrez, mais faîtes vite s'il vous plaît.

- Évidement.

J'entrai dans la misérable maison. Je montai un escalier qui grinçait et trouvai une salle de bain envahie par les cloportes et les cafards. C'était répugnant ! Je gardai mon sang froid et revêtis mon déguisement, malgré le cadre infecte qui m'entourait. Quand ce fut fait, je ressortis de cette immonde demeure, me demandant comment la vieille femme pouvait y vivre. Après avoir traversé la rue, je sonnai à la porte du cabinet de Gina Silver. N'obtenant pas de réponse, je poussai la porte et pénétrai dans le hall. Les murs étaient couverts de lambris en bois sombres, eux-mêmes décorés de divers trophées de chasse et symboles religieux. Je passai la porte de la salle d'attente. Le style des murs était le même. Sur une table, étaient posés des magasines traitant de sujets tels que la mort, la voyance, la magie et la vie après la mort, des magasines que je n'avais aucune envie d'ouvrir. Dans un coin de la pièce, il y avait une cage avec un perroquet. Des animaux empaillés trônaient sur le sol. C'était un décor digne de la maison d'une vieille sorcière. La salle d'attente était vide. Je me sentais oppressée dans la sombre pièce aux fenêtres voilées. La porte au fond de la pièce s'ouvrit et une femme apparut. Elle devait avoir une cinquantaine d'années. Ses formes m'indiquèrent qu'elle aimait se faire des plaisirs culinaires. Ses cheveux étaient courts et crépus, elle les avait teint en un blond platine qui me donnait envie de vomir. Elle devait probablement user un tube de mascara tous les matins, et presque autant pour le phare à paupières. Elle était vêtue d'une jupe violette moulante et d'un haut rouge qui aurait presque explosé, poussé par sa forte poitrine. Elle portait tant de bijoux qu'on ne voyait presque plus sa peau. Peut-être valait-il mieux ne pas la voir en fait ! La femme me regardait avec intérêt. Si je n'avais pas porté un uniforme de policier, sans doute m'aurait-elle prise pour une simple cliente. Je me levai, arborant un air grave, et lui demandai :

- Pouvez-vous me conduire dans votre bureau ? J'aurais quelques questions à vous poser.

- Bien... mais je... évidement... je suis... je ...entrez donc.

Elle me tint la porte par laquelle elle était apparue et me pria de bien vouloir entrez. Je pénétrai dans une pièce totalement plongée dans l'obscurité, à l'exception d'une petite lumière bleue sur une table. Gina Silver alluma une bougie et la posa sur un buffet qu'un drap mauve recouvrait. Elle me fit asseoir sur un cousin à terre, devant la table basse, et se posta face à moi. Je dis :

- Si je suis ici aujourd'hui, c'est que j'enquête sur une affaire de la plus haute importance.

- Je n'ai rien fait....

- Il s'agit d'un meurtre !

La femme blêmit. Je poursuivis :

- Une jeune fille est morte. On pense à un suicide, mais il y a quelques points que la police voudrait éclaircir.

- Je n'ai tué personne ! Vous pensez bien que ces pratiques ne marchent pas !

- De quoi parlez-vous ?

- De... de rien.

- Je vais vous posez quelques questions. Avant tout, sachez que l'affaire dont je vous parle ne vous concerne pas directement, mais plutôt l'une de vos clientes. Bien. Votre cabinet est un endroit plutôt étrange. Quel genre de thérapies pratiquez-vous ?

- Je... c'est...

- Je vous demande de répondre en toute franchise à mes questions. Si vous le faites, vous ne risquez rien. Ce n'est pas après vous que nous en avons. Dans le cas ou vous refuseriez de répondre, je me verrai obligée de vous conduire au commissariat. Je vous le demande une seconde fois, que pratiquez-vous dans un cabinet aussi lugubre ?

- C'est... J'ai mis au point une sorte de thérapie psychologique. Ça ne fonctionne absolument pas, mais les gens qui la pratiquent le pensent et ça leur permet de se défouler.

- Eh bien expliquez-moi exactement cette thérapie.

- Je travaille à partir de croyances des sorciers africains, des rituels vaudou... Je prédis l'avenir des gens, je leur explique comment utiliser une poupée pour tuer quelqu'un. Mais bien entendu, je ne pense absolument pas que ça fonctionne.

- Si des gens sont assez stupides pour croire à cela, c'est leur problème. Avez-vous des clients qui viennent régulièrement, des habitués, ou bien s'agit-il plutôt de gens qui viennent assez rarement ?

- Non, ce sont des habitués. Ils viennent d'une fois par mois à deux fois par semaine.

- Voyez-vous souvent Mrs. Brooks ?

- Qui ça ?

- Ne faites pas semblant de ne pas comprendre. Elle est entrée ici il y a à peine trois jours.

- Les gens ne sont jamais assez discrets ! Mrs. Brooks vient environ une fois par semaine, le mardi ou le mercredi.

- Pourquoi vient-elle ?

- Elle me demande des cachets pour soigner la folie de son mari. Elle fait aussi tout ce qu'il faut pour le tuer.

- Elle souhaite donc se débarrasser de Mr. Brooks. A-t-elle déjà tourné ce sort sur quelqu'un d'autre ?

- Non, toujours son mari. Elle semble vraiment le haïr.

- Vient-elle depuis longtemps ?

- Depuis déjà quatre ou cinq ans.

- Et elle n'a jamais voulu tuer quelqu'un d'autre que son mari ?

- Non.

- Et sa fille ? Elle n'a rien fait ou dit à propos de sa fille.

- Non.

- Vous êtes sûre ?

- Maintenant que vous m'y faîtes penser, une fois, au lieu de jeter un sort à son mari, elle a demandé à communiquer avec les esprits.

- Cette femme est folle, à n'en pas douter.

- De quoi est-elle accusée ?

- Officiellement, de rien pour le moment. Je pense que vous m'avez tout dit. Je vais vous laisser.

- Vous ne m'arrêtez pas ?

- Pourquoi ?

- Mon cabinet, il n'est pas...

- Je ne suis pas venu ici pour ça. Peut-être qu'un jour un de mes collègue viendra pour vous arrêter car vous exercez un activité illégale, mais on ne m'a pas chargée de le faire. Au revoir.

- Attendez ! Voulez-vous que je vous lise votre avenir ?

- Je ne crois pas à tout cela.

- Vous n'êtes pas curieuse de le savoir tout de même ?

- Si vous insistez.

La femme prit ma main et la posa sur la table, paume visible. Elle inspecta minutieusement les lignes sur ma peau et déclara :

- Vous aurez une longue vie... pleine de surprises... de gloire ou de réussite. Vous serez heureuse... car un bon esprit veille sur vous.

Je la regardai. Elle referma ma main. Je me levai et quittai la bâtisse. Je courus le plus vite possible dans la ruelle, l'horrible ruelle. Quand j'en fus enfin sortie, je ralentis; pourquoi avais-je été aussi effrayée ? Je ne voulais pas que les choses soient ainsi. Je ne voulais pas que Wendy ne soit qu'un esprit qui veille sur ma vie alors que la sienne avait sans doute été un cauchemar. Mais que pouvais-je y faire ? Je ne pouvais que le croire ou non, et quitter la femme qui m'avait fait prendre conscience de cela était le meilleur moyen de ne pas y croire. Voulant oublier ces prédictions, je rentrai chez moi et me couchai. Je m'endormis.

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