Chapitre 6. WATCH

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Je posai mon index contre la sonnette et enfonçai le bouton. J'entendis des pas dans l'escalier et une femme d'une quarantaine d'années vint nous ouvrir.

- On vient pour voir Andie, expliquai-je. Elle est ici ?

- Vous êtes des amies à elle ?

- Oui, à peu près, répondit Sam.

La mère d'Andie s'écarta pour nous laisser entrer.

- Montez l'escalier, porte de droite, nous indiqua-t-elle.

Nous montâmes donc l'escalier et arrivâmes à l'étage. La maison d'Andie était une demeure chaleureuse et accueillante. Je toquai à la porte de droite.

- Oui... marmonna une voix.

J'étais étonnée de constater qu'Andie était dotée de la parole. Je l'avais parfois cru muette au lycée. Samantha poussa la porte de la chambre et nous y entrâmes. Andie était assise à son bureau, nous tournant le dos, occupée à dessiner une vue de New York tirée d'une carte postale posée sur sa gauche. Je toussotai et la jeune fille se retourna.

- Debbie ? Qu'est-ce que...

- Salut Andie. Ma soeur et moi sommes venues te demander un service.

- Lequel ?

- Comme tu le sais, Wendy est morte il y a ...

- Je sais, j'étais à son enterrement. C'était une personne formidable.

- Oui. C'est pour ça. Ta fenêtre et... ce télescope donnent sur la maison des Brooks, et on voudrait savoir ce qui s'y passe.

Andie eut un sourire gêné et répondit :

- Bien sûr. Servez-vous en quand vous voulez.

- Maintenant, affirmai-je.

Je m'avançai vers le télescope et y jetai un oeil. Étrangement, il était déjà dirigé vers la fenêtre du salon des Brooks. Je m'assis sur le tabouret installé devant l'engin et observai la pièce plus attentivement, agrandissant l'image. Je voyais une imposante cheminée de marbre, les vases de Chine, le fauteuil en cuir du père de Wendy,... Il y avait un écran plat sur le mur, un grand canapé en satin rouge,... J'agrandis encore l'image et dirigeai le télescope de manière à voir le reste de la pièce, plus au fond. Je vis une salle à manger très design, un vase avec des roses posé sur la table. Tout était à sa place; c'était étrangement normal. Rien, aucun objet n'était dérangé, restant à trainer sur la table ou le fauteuil. C'était d'une perfection raffinée, comme Wendy l'avait été. Mais cette perfection avait quelque chose de terrifiant. J'ignore si ce fut à cause de cet ordre irréprochable ou des murs et du sol blanc de la villa, mais un effroyable frisson parcourut mon dos. Je relevai la tête. Andie et Sam me dévisagèrent.

- Tu es pâle, me dit ma soeur. Ça ne va pas ?

- Si... répondis-je d'une voix tremblante.

- C'est effrayant, n'est-ce pas ? demanda Andie.

- Oui...fis-je, surprise.

- Qu'est-ce qui est effrayant ? s'étonna Sam.

- Rien, expliquai-je. Tout est si normal, si parfait. C'est horriblement glauque !

- Je ne comprends pas, dit Sam.

- Moi je comprends, affirma Andie. Ma mère m'a dit que j'étais folle. Pourtant cette villa me glace le sang à chaque fois que je la regarde.

- Pourquoi ?

- J'y vois des choses.

- Des choses ? Quelles choses ?

- Des... des choses complètement folles. Je dois être folle. Il ne se passe rien dans cette villa de malheur ? Que se passe-t-il dans cette villa ?

- Rien.

- Tu en es sûre ? Des choses, des gens disparaissent. J'ai rêvé ? Il n'y a jamais eu personne d'autre que Wendy et ses parents dans cette maison ?

- Non.

- Donc, je suis bien folle. À chaque fois que j'ouvre la bouche, ces choses m'obligent à en parler. Il vaut mieux que je me taise alors ?

- Non, tu devrais m'en parler.

- Je n'en ai pas très envie.

- Pourquoi ?

- Deux filles.

- Qui ?

- Deux petites filles rousses... Le volet... il s'est ouvert... je l'ai vue, Deborah !

- Qui ?

- La fille. Elle était rousse. Elle avait grandi. Elle m'a appelée, j'en suis sûre. Je ne suis pas venue.

- Où est-elle ?

- Elle a disparu. Le volet reste à demi fermé. Elle n'est plus là.

- Je ne comprends rien à ton histoire.

- Je suis folle, je te dis !

- Une fille rousse dans la villa a disparu ?

- Non. Deux. Il y avait deux filles. Deux filles rousses. Volatilisées.

- C'est impossible.

- Oui.

- C'est vrai ?

- Dans ma tête.

- Tu es vraiment folle alors.

- Il semble, oui.

- Écoute, tu ferais mieux d'oublier cette histoire. Ceux sont des visions, des rêves. Depuis la mort de Wendy, je la vois partout. Et ce n'est pas la réalité.

- J'espérais que tu me dises que tu les avais aussi vues, puisque tu étais l'amie de Wendy. Mais apparemment, non. Ça doit être des visions, comme tu dis. Et elles ont disparu.

- Oui, c'est normal. Je ne verrai pas le fantôme de Wendy indéfiniment moi non plus.

- Tu penses qu'elles étaient des fantômes ?

- Non. Je pense que les filles dont tu parles n'ont jamais existé. Sam et moi allons rentrer maintenant; on reviendra demain après-midi.

Samantha et moi dîmes au revoir à Andie et sortîmes de la chambre. On descendit l'escalier, on sortit de la maison, on rentra chez nous. Avant de tourner au coin de la rue, je jetai un regard vers la belle et grande villa blanche. Andie était folle, pensai-je. Sur le chemin du retour, une autre idée me vint à l'esprit.

- Sam.

- Oui ?

- Tu penses qu'Andie nous cache quelque chose ? Qu'elle n'est pas folle ? Qu'elle veut nous détourner de nos recherches ?

- Pourquoi ?

- Je suis sûre que la mort de Wendy est liée à Andie.

- Tu penses qu'Andie est derrière tout ça ?

- Oui. Elle est si étrange. Il ne se passe rien chez les Brooks. On va continuer à se servir du télescope, ce sera un bon prétexte pour voir Andie. On pourra l'étudier.

Les idées d'espionnage que nous avions étaient larges et complexes. On observait les Brooks grâce à Andie et on étudiait Andie grâce aux Brooks.

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