Chapitre 3. REMEMBER

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Je sortis la feuille de l'enveloppe et lus.

Deborah,

A l'heure où tu lis cette lettre, je dois déjà être loin. Mais ne t'inquiète pas, je suis en paix et heureuse. Tu resteras ma meilleure amie bien au-delà de la mort. J'espère que tu es heureuse toi et bien en vie. Pour moi, les choses devenaient trop compliquées. Ne me prends pas pour une lâche. J'ai préféré fuir la vie que l'affronter mais si tu savais seulement... Je n'ai jamais vraiment eu l'envie ou le courage d'en parler mais ces derniers temps j'en aurais sans doute eu besoin. Dis à Kyle que je l'aime et ne pensez surtout pas que vous êtes pour quoi que ce soit responsables dans mon départ.
Et il y a une dernière chose que je dois te dire : surtout si tu te poses trop de questions, oublie-moi, mais ne cherche jamais !

Avec toute mon amitié et le souvenir de tous les bons moments passés avec toi,

Wendy.



Une sensation horrible monta en moi. Pour la première fois de ma vie, je ressentais une énorme culpabilité. Wendy, m'avait tant de fois demandé si j'étais heureuse, avait attendu avec cet air interrogateur. Et moi, pauvre idiote, je n'avais même pas pensé à lui demander si elle l'était, heureuse. Elle n'osait pas me parler d'une chose, attendait que je lui pose la question. Pourtant il avait paru évident que mon amie était épanouie. Oui justement, c'était bien trop évident.
En lisant la lettre, j'avais commencé à verser des larmes. Samantha et Rebecca, qui étaient probablement restées derrière la porte de ma chambre, entrèrent et vinrent s'asseoir sur le lit avec moi, l'une à ma gauche, l'autre à ma droite, essayant de me soutenir. Je leur expliquai le problème, Wendy, moi et tout le reste. Sam fronça les sourcils :
- Et pourquoi est-elle...? Enfin c'était quoi la chose qu'elle aurait voulu te dire ?
- Je n'en sais rien, dis-je.
- Et elle ne veut pas que tu le saches, fit Beckie.
- Quoi ?
- Eh bien oui. C'est bien écrit «ne cherche jamais !».
- Et pourquoi je ne pourrais pas chercher ? Qui m'en empêchera ?
- Mais pourquoi tu chercherais ? Tu penses que c'était quoi cette chose ?
- Je ne sais pas justement. On pensait tous que Wendy était la fille la plus heureuse et la voilà qui s'ouvre les veines. Vous y comprenez quelque chose ?
- Non. J'avoue, répondit Rebecca.
- C'est bizarre, repris-je. Qu'est-ce qui pouvait lui pourrir la vie à ce point ?
Je regardai mes soeurs dans l'attente d'une explication. Beckie baissa la tête et commença à fixer inlassablement le parquet de ma chambre. Sam, qui se rongeait les ongles, leva la tête soudainement et un regard plein de malice et si grave à la fois se dessina sur son visage. Elle déclara :
- Et si Wendy cachait un terrible secret !
- Dans quel genre ? demandai-je.
- Tu regarde trop de séries TV Sam ! railla Beckie.
Samantha se vexa, elles se battirent et on ne put terminer la conversation.


Dans la nuit du lundi au mardi, la question refusa de lâcher mon cerveau. Elle y était terriblement bien accrochée et ni les somnifères, ni les antidépresseurs ne parvinrent la déloger. Pendant des heures qui me parurent si longues, la question trotta dans ma tête : quelle chose avait poussé Wendy à se suicider ? Quand j'en eu assez de me poser cette question, je décidai de réfléchir sérieusement à une réponse. Et si Samantha avait raison ? Si ma meilleure amie avait caché un terrible secret ? Mais je ne savais pas quelles horreurs imaginer de sa part. Je me levais de mon lit et m'assis sur la chaise, devant la fenêtre. J'ouvris le rideau. Je regardai la rue déserte, aussi déserte que le terrible soir où Wendy était passée à l'acte. Il n'y avait pas de vent ce soir là. Je repensais à plusieurs choses. En fait, il s'agissait de souvenirs se rattachant à Wendy.
On s'était rencontrées pour la première fois lorsque nous avions douze ans. C'était la première fois qu'elle mettait les pieds dans un établissement scolaire. Avant, disait-elle, c'était sa mère qui lui avait donné des leçons. Et effectivement Wendy s'était avérée être une excellente élève. On était assez vite devenues amies, en plus nous habitions la même rue. Et oui, cela paraissait surprenant, mais nous avions habité douze ans la même rue sans jamais nous apercevoir ! Ça me fit repenser à la grande et belle villa dans laquelle je n'étais jamais entrée. Peut-être qu'en douze ans, Wendy n'en était jamais sortie. Je chassai cette supposition de mon esprit car je la trouvais un temps soit peu stupide.
Je me reconcentrai donc sur mes souvenirs.
Wendy était venue une dizaine de fois dormir chez moi. Elle avait peur du noir et faisait beaucoup de mouvements en dormant. Des cauchemars, m'avait-elle expliqué sans donner de précisions. Je me souvenais aussi qu'elle n'était jamais en retard nul part, surtout lorsqu'il s'agissait de rentrer chez elle. Elle avait toujours peur que ses parents lui passent un savon. Je connaissais bien la mère de Wendy, une femme adorable. Comme sa fille elle avait les cheveux blonds mais le temps les avait quelque peu ternis. La mère de Wendy m'avait toujours intriguée. Elle affichait perpétuellement un sourire absent, comme en proie à la tristesse et à la solitude, alors que sa fille avait l'air si épanouie. Je ne connaissais pas le père de ma meilleure amie; jamais je ne l'avais vu.
En repensant à Wendy, il me revint à l'esprit deux choses qui m'avaient marquée. Premièrement, elle était terrifiée par l'eau. Une fois, on avait été à la piscine avec le lycée. Wendy avait supplié le professeur de ne pas l'obliger à y aller. Tout le monde avait pensé qu'elle avait peur pour son maquillage mais elle me confia ensuite qu'elle avait la phobie de l'eau et ne savait pas nager. Quand on y pensait, Wendy avait beaucoup de phobies. Elle était aussi claustrophobe avait-elle dit un jour. La deuxième chose qui me marqua me revint avec l'incident de la piscine; mon amie avait toujours beaucoup de fond de teint et, un jour où il pleuvait, j'avais pu voir au-dessous des cernes et un bleu à la joue. Je me souvenais de Wendy comme aussi assez maladroite et toujours couverte de bleus.

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