Chapitre 39 (deuxième partie)

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Mon Héloïse.

Mon amour. Mon sang. Mon âme. Mon cœur. Mes larmes.

Enfin.

Enfin, je la retrouvais.

Elle s'était assise sur mes genoux, et nous partagions un repas totalement improvisé en regardant le jour se lever. J'étais heureux aussi de retrouver ma terre, la vue que nous avions depuis notre chambre, et j'appréciai tout autant de tenir Héloïse contre moi, de partager avec elle ce déjeuner, qu'admirer en sa compagnie le lever du jour sur le loch. Un léger voile de brume le couvrait et commençait à s'effacer, annonciateur d'une belle journée, contrairement à ce que nous avions connu la veille pour notre arrivée.

Tout en lui proposant d'une main de petites bouchées de nourriture, je laissai mon autre main s'attarder sur ses reins ou remonter sur sa nuque. Elle était nue et sentir la douceur de sa peau contre mon torse me ravissait. Tout en elle m'avait manqué. Son regard profond, son sourire, sa voix, ses réflexions, ses décisions, sa façon de bouger, jusqu'à son déhanché si particulier. Et la douceur de sa peau, de ses lèvres, sa chaleur intime. J'avais envie d'elle, encore, malgré les folles étreintes de notre nuit. J'en voulais encore.

Et elle aussi.

Je le compris à sa façon d'appuyer sa joue contre mon épaule, de tendre les lèvres et de murmurer ce "je t'aime" d'une sincérité troublante. Je la soulevai alors dans mes bras, elle noua les siens autour de ma nuque et je la menai jusqu'au lit. Je l'y étendis, retirai rapidement mes pantalons et m'allongeai sur elle, le visage juste au-dessus du sien. Je la contemplai et me perdis déjà dans son regard au bleu si intense.

Je pris tout mon temps, ce matin-là, pour la retrouver encore et encore. Je savourai chaque caresse et chaque baiser que nous échangions. Je voulais lui montrer, lui prouver si tant était qu'elle avait besoin de preuves, combien je l'aimais et combien j'étais heureux de la retrouver. Quand elle m'ouvrit son corps, j'y plongeai avec délices, allant et venant lentement, nous délectant de notre union intime. Elle haletait au rythme de mes poussées, recueillant mon souffle sur ses lèvres. Elle m'enserrait de ses bras, de ses jambes, de sa douceur, de sa féminité. Je la tenais étroitement contre moi, appréciant chaque battement de nos cœurs, chaque pulsation du sang dans nos veines. Le plaisir nous cueillit en un long râle, nous emportant ensemble en une vague profonde qui sembla ne pas trouver terre.

**

Quelle heure pouvait-il être ? Nous avions entendu toute la maisonnée se lever, s'activer, Jennie envoyer les enfants au-dehors. La voix de Kyle avait retenti pour calmer l'excitation des garçons.

Je tenais toujours Héloïse entre mes bras. J'étais incapable de la lâcher et elle resserra encore notre étreinte, malgré la petite voix de Lowenna qui demandait quand papa et maman allaient venir.

- Plus tard, marmonnai-je à l'oreille de ma douce. Ils vont attendre.

- Crois-tu ? me demanda-t-elle avec malice.

- Il faudrait mettre le feu à cette maison pour me faire sortir de la pièce, grognai-je encore en la faisant basculer sur moi.

Elle prit appui sur ses mains, de chaque côté de mes épaules. Ses cheveux ne tombaient pas aussi bas qu'avant et la caresse de leurs pointes me manqua soudain. Je savais qu'elle n'avait pas eu le choix, qu'il avait fallu que Torquil les lui coupât pour la faire passer pour un jeune garçon et qu'il faudrait encore quelques mois avant qu'ils ne retrouvassent la longueur à laquelle j'étais habitué. J'y passai cependant la main, rapprochant ainsi son visage du mien pour lui voler un baiser.

Elle se rallongea langoureusement sur moi, la respiration calme, un petit sourire éclairant son visage. Puis, soudain, son regard se voila et son sourire disparut. Je compris à la ride qui creusa son front qu'un souci lui venait à l'esprit. Je pensai alors qu'il s'agissait de quelque chose concernant la maisonnée et je lui demandai :

- Qu'y a-t-il, ma douce ? Tu veux te lever ? Tu as quelque chose à faire ?

- Non... rien d'important à faire. Jennie peut se charger de tout...

- Je n'en doute pas. Nous pouvons encore profiter un peu...

Un rapide sourire éclaira à nouveau son visage, mais il disparut bien vite. Elle me dit alors :

- Kyrian, j'ai dû prendre des décisions difficiles durant ton absence.

- Je m'en doute.

- Manfred a été contraint aussi d'en prendre, me dit-elle comme pour excuser sa propre attitude.

- Et cela te soucie aujourd'hui encore ?

- Oui. Parce que je me demande comment tu vas prendre ces nouvelles, ce que tu vas en penser.

- Alors, parle m'en, avant que tu ne t'en soucies plus. Si cela concerne le clan, je dois savoir ce qu'il en est. Et je préfère que tu m'en parles maintenant. Je ne veux plus que tu aies à porter cela, seule, sur ton cœur.

Elle poussa un long soupir. Elle n'avait pas bougé, toujours étendue sur moi, sans avoir levé son visage vers le mien une seule fois. Elle poursuivit :

- Lorsque nous étions sur Skye, Manfred a reçu la visite de Lord Byron. C'est un des représentants du roi chargé d'obtenir la reddition des clans. Il parcourait les Highlands, sous bonne escorte tu t'en doutes, pour voir chaque laird. Du moins, tous ceux qui étaient encore en vie... Même s'il était accompagné d'une bonne troupe, ses soldats se sont bien comportés et personne n'a été menacé. Il est demeuré plusieurs jours à Dunvegan, a longuement discuté avec Manfred des nouvelles dispositions et lois que nous devions désormais respecter.

- J'ai eu vent de quelques-unes en effet, comme l'interdiction de porter le tartan...

- Ce n'est pas la seule, loin de là. Manfred a dû signer la reddition de son clan et affirmer sa reconnaissance de la suprématie de la Couronne, jurer ainsi fidélité au roi. Il m'a conseillé de faire de même pour le clan d'Inverie.

Je retins mon souffle et il me sembla bien que mon cœur manquait un battement. Je fermai les yeux et songeai : "Mon Dieu... Nous voici donc pieds et poings liés... Ils nous ont ôté la vie, ils nous enlèvent tous nos droits... Qui serons-nous, demain ?"

- Kyrian ?

La voix d'Héloïse était inquiète.

- Oui ?

- J'ai signé.

Je resserrai mon étreinte autour de ses épaules.

- Manfred a pu obtenir en contrepartie la levée des poursuites à mon encontre et l'assurance que je pourrais regagner Inverie, avec toute la famille, sans être inquiétée. A condition toutefois que je m'engage désormais à respecter la loi britannique, à remettre entre les mains de la justice tout rebelle qui viendrait sur mes terres et à payer les taxes dues à la Couronne.

Je gardai le silence, elle aussi. Je pouvais percevoir combien cet aveu était difficile pour elle. Jamais, en quittant Inverie deux ans plus tôt, je n'aurais imaginé qu'elle aurait été confrontée à choix aussi lourd, à décision aussi difficile.

- Mon amour... finis-je par articuler.

Puis je respirai profondément pour me donner plus d'assurance :

- Je crois que tu n'avais vraiment pas le choix et tu as fait ce qu'il fallait faire pour le clan. J'ignore encore tout ce que cela va changer et impliquer. Je vais aussi devoir, moi-même, faire certains choix. A commencer par accepter de reconnaître le roi.

- Si tu le fais, tu te feras arrêter ! Je ne veux plus que l'on soit séparé, Kyrian, je ne supporterai pas de revivre ce que j'ai traversé...

Ses yeux étaient emplis de larmes.

- Ma douce, rien n'est encore dit et joué. Nous verrons quelles seront les conditions. Pour l'heure, les autorités anglaises ignorent mon retour à Inverie. Je ne sais même pas si je figure parmi les rebelles qu'ils recherchent encore.

- Et Luxley ? La mort de Luxley ne va pas rester sans poursuites...

- Qui peut prouver qu'il a été tué ici ? Qui le révèlera ? Aucun de ceux qui en ont été témoins. Il aurait très bien pu tomber dans une embuscade, ailleurs que sur nos terres. Il faut vraiment que je parle de choses sérieuses avec Kyle. Et avec toi, aussi.

Elle me sourit, un peu hésitante.

- Y a-t-il autre chose d'important que tu doives me dire ?

- Logan Campbell a profité de la situation pour prendre le contrôle des terres du nord. John Delaery me l'a fait savoir. Mais il m'a dit aussi que c'était presque une chance : les troupes anglaises ont épargné les terres des Campbell, qui n'ont pas pris part à la rébellion. Les nôtres ont été ainsi quelque peu protégées.

- Il est vrai que j'ai vu peu de destructions, contrairement à ce qui s'est passé plus au nord.

- Il va sans doute falloir négocier certaines choses avec Logan, m'a dit John. Mais je n'ai encore pris aucun engagement à ce sujet. Je me devais d'y réfléchir ces temps-ci...

- Je suis de retour, désormais. Et cela m'incombera, ma douce. Tu n'auras plus à porter autant de charges et de décisions, seule, je te le promets. Mais...

Je l'écartai doucement de moi, l'obligeant à se redresser et à me regarder droit dans les yeux.

- Je suis fier de tout ce que tu as fait. De tout le courage dont tu as fait preuve. Tu as sauvé la vie de nos enfants, de ceux de Jennie et de Clarisse. Tu as sauvé la vie de Kyle, de Lorn et de bien d'autres. Tu as protégé tous ceux dont tu avais la charge, tous ceux qui se référaient à nous, à toi. Tu as écouté la voix de la sagesse et je ne doute nullement que c'est celle qui a aussi guidé Manfred. Tu es une femme merveilleuse, mon Héloïse. Et je dois te remercier, au nom de tous les MacLeod d'Inverie, pour tout ce que tu as supporté avec courage et abnégation. Merci, mon amour. Merci pour tous les miens, pour tous les nôtres. Merci, merci, mon amour.

En lui disant ces derniers mots, je pris ses deux mains entre les miennes, déposai un baiser sur chacune des deux bagues qui les ornaient, puis je la repris contre moi en l'embrassant profondément, d'un long baiser brûlant. Je sentis ses larmes couler sur mes joues, mais je refusai de détacher mes lèvres des siennes. Je nous fis alors rouler sur le lit, sans cesser mon baiser, et je lui fis l'amour une nouvelle fois, avec toute la tendresse dont je me sentais capable.

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