Novembre (2) - Penny

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[Penny] 

 

Ce jour-là, le rangement de la salle d’archives me prit jusque 20h30 et, avant de partir, je fis un petit détour par mon bureau où Frank travaillait encore. Il semblait plongé dans le rapport de notre audit financier. Nos trésoriers Juliette et Andreas Neuer – jeune couple marié depuis cinq ans – avaient demandé à un auditeur financier externe de passer afin de s’assurer qu’on n’allait pas être sur les rotules plus tôt que l’on ne le pensait.

Tandis que je m’asseyais sur mon bureau, il me débriefa sur le contrôle des comptes : les choses allaient encore assez bien financièrement. Puis il me tendit un papier plié en deux. C’était un chèque de 2 000 euros. 2000 BOULES. J’ouvris des yeux ronds comme des soucoupes et mon regard se posa immédiatement sur la signature. Bakary.

- Boateng gagne sa vie si bien que ca ?s’enquit Frank visiblement, une pointe d’étonnement dans la voix.

Je hochai la tête. Du moins je me doutais qu’il gagnait bien sa vie, en outre il connaissait la valeur de l’argent et semblait être bon gestionnaire. Tendance pince parfois.

Cabaye me sortit de mes pensées à nouveau :

- Je voulais lui rendre son chèque, mais il a catégoriquement refusé, disant que quand la famille galère, tu dois être le premier à aider.

Je relevai la tête pour regarder Frank et devinai qui était la fille de tout à l’heure. C’était très probablement une des sœurs de Bak qu’il ne voyait plus depuis qu’il était parti de chez lui.

Je ne dis rien et rendis le chèque à notre président. Il le rangea soigneusement dans son tiroir. Je sautai du bureau et lui demandai :

- Tu as encore besoin de moi ?

- C’est bon, merci. Tu peux rentrer.  

J’hésitai à rester encore un peu, mais Frank me fit signe que partir. On se fit la bise et je récupérai mes affaires. Lorsque que je quittai notre bureau, je jetai un dernier regard à l’intérieur et ne pus m’empêcher de remarquer combien Frank semblait fatigué. J’eus un pincement au cœur et une vague de culpabilité m’envahit. J’avais l’impression de ne pas en faire assez et de le laisser faire le sale boulot, même si je savais que je bossais déjà plus de cinquante heures par semaine dans mon cabinet d’avocat et que j’assurais les ateliers au sein de LDE. Malgré cela, je ne pus m’empêcher de penser à Frank qui était encore seul au bureau et à sa femme qui l’attendait chez eux avec leur nourrisson. Frank qui avait eu le cran de lâcher son boulot d’ingénieur pour se consacrer pleinement à LDE.  

  

Lorsque j’arrivai chez moi, vers 21h30, mes parents étaient encore occupés à préparer le diner. Je les rejoignis une fois démaquillée, changée en pyjama et je mis la table.

Ils avaient préparé du hachis Parmentier avec de la salade. L’odeur du plat me mit l’eau à la bouche et fit gargouiller mon estomac de manière plus qu’élégante.

On passa à table et comme à leur habitude, mes parents me demandèrent comment ma journée s’était passée, remarquant au passage que j’étais rentrée tard. Je leur racontai brièvement, espérant étouffer le sujet dans l’œuf. Cependant, comme à son habitude, mon père ne manqua pas de noter que je passais beaucoup de temps chez LDE et de me demander si cela n’empiétait pas trop sur mon travail. Ma mère eut alors un air soucieux et ajouta, en posant sa main sur celle de mon père :

- As-tu le temps au moins de prendre du temps pour toi ?

Je soupirai et ma réponse sortit un peu plus sèchement que je ne le voulais :

- Pour la énième fois, non, LDE n’empiète pas sur mon travail. Et oui, j’ai du temps pour me reposer.

- Pourquoi t’énerves-tu à chaque fois que l’on s’informe ?

- Je m’énerve pas ! Vous posez juste la même question à chaque fois que je mentionne LDE !

Je préférai ne rien ajouter et enfournai une bonne dose de hachis pour ne pas avoir à parler. Mon père et ma mère se regardèrent sans rien dire et se mirent à manger de nouveau.

Un silence s’installa pendant lequel on n’entendit plus que le cliquetis des couverts. Je sentis une boule se former dans mon ventre comme à chaque fois que je m’emportais un peu contre mes parents. Je me disais sans arrêt que je devais les comprendre, j’étais leur fille unique et ils s’inquiétaient pour moi. C’est un réflexe parental que j’aurais probablement le jour où j’aurais des enfants moi-même. Cependant, qu’ils me demandent sans arrêt si LDE avait un impact négatif sur ma vie ne m’enchantait pas, étant donné que l’asso m’apportait beaucoup malgré le travail chronophage.

Finalement, je décidai de m’adoucir et de leur montrer que tout allait bien en leur parlant de mon travail :

- Je m’occupe d’un dossier important avec notre bureau allemand. J’ai aussi pu discuter un peu avec leur directeur de cabinet. C’est un français qui vit là-bas depuis presque quinze ans et on a parlé des perspectives dans notre filiale allemande.

- Des perspectives pour qui ? demanda ma mère. Pour toi ?

- Hum… pas forcément. Ils ont de plus en plus de dossiers et ça ne les gênerait pas d’embaucher des gens. S’ils ont de l’expérience à la centrale, c’est encore mieux.

J’avais du parler avec beaucoup d’enthousiasme car ma mère toussota et posa doucement sa fourchette dans son assiette. Elle me regarda avec ses yeux bleus perçants dont j’avais hérité et s’enquit d’une voix douce :

- Mais ton boulot ici te plaît non ?

Je la regardai un moment et je souris :  

- Bien sûr. J’ai un chef très gentil et une bonne équipe.

Elle sembla soulagée. Je préférai clore immédiatement cette discussion et embrayai sur un autre sujet innocemment

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