Partie 4

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Kirad brandit quelques feuilles de papier griffonnées et chiffonnées à son frère, des rangées de chiffres, d’additions et de soustractions faites à la va-vite, mais avec une précision remarquable. Des comptes sordides, des trafics des plus douteux, le genre d’affaire dont il serait bien regrettable et bien trop long d’évoquer ici. Kirad, à la demande de son père, s’occupait depuis toujours de tout ce que ses autres frères n’avaient pas la volonté de faire. Et, dans ce monde, mes chers lecteurs, il est des choses si sombres et si graves que les écrire ne serait être fidèle. Des choses horribles qui meurtrissent des corps et des âmes, des choses dont les mots ne sauraient restituer l’horreur. Kirad, vous le saurez peut-être plus tard, était de ces gens que l’horreur fascine et qui font du mal aux gens pas seulement par pur appât du gain, mais aussi par plaisir malsain.

Mais tâchons de ne pas trop nous épandre, car voilà qu’arrive le dernier frère, Raskasse Noelroc.

Le pas lourd, les cliquetis de métal émanants de tous les recoins de son corps. Raskasse est de ces personnes très prudentes vis-à-vis de sa propre vie. Même s’il est taillé à même le roc et est un excellent combattant, il n’hésite pas à porter sur lui armes et armures, de même que tout ce qui pourrait lui permettre de l’emporter.

- Et bien, tu es le dernier cher frère ! dit Mardack.

- C’est parce que je suis le seul à vraiment travailler, répond Raskasse d’un ton assez froid.

- Tu comptes entrer dans le restaurant avec de quoi déclencher la 7ème guerre mondiale ? Tu sais que Papa ne voulait pas d’arme lors des repas et que quand tu rentres armé dans la même pièce que Kirad ça finit toujours mal.

- Je ne te pensais pas aussi à cheval sur la tenue. Ça doit être le fait de jouer le restaurateur depuis tant d’années. Père aurait dû te confier d’autres affaires ça t’aurait mis les yeux en face de la réalité.

Il n’a jamais été avare de leçon. Second frère de la famille, il s’est toujours vu en véritable leader et s’est imposé très rapidement comme l’homme fort du Noelroc en supervisant toutes les activités délicates dont son père ne s’occupait pas. À présent il va devoir apprendre à laisser son grand frère gérer les choses et se contenter d’être un second rôle. Ce qu’il n’encaisse visiblement pas très bien.

- Espérons que le repas lui détende l’esprit. pense Mardack.

Après le long cérémonial qui voit Raskasse déposer trois pistolets, cinq couteaux, une épée, une mitraillette et ses 4 chargeurs, des grenades ainsi que de nombreuses plaques d’armure qui auraient fait pâlir un tank, les deux frères montent retrouver le reste de la petite famille dans la salle de réception où les hors d’œuvre ont pratiquement tous déjà été dévorés par Keraktin.

- Bien ! lance Mardack. Nous sommes enfin tous réunis. Que le repas commence !

Le ballet des serveurs commence, faisant chanceler les plats de viandes pleins avec les plats de viande vides. Malgré la quantité importante de viande, de pommes de terre pour les accompagner, le repas se déroule assez rapidement. Il faut à peu près une demi-heure à la compagnie pour dévorer l’intégralité du repas. À plusieurs reprises pendant le diner, Raskasse et Kirad glissent des anecdotes sur leur travail. Kirad raconte comment il a torturé un nain pour obtenir les clefs de son coffre, Raskasse essaie de mettre en avant ses chiffres de l’année à la hausse. Mais Mardack, coupe court à toutes ces conversations.

- On ne parle pas de business pendant le repas s’il vous plaît. Attendez au moins d’avoir fini le dessert.

Et quel dessert mes amis ! Mardack n’a négligé aucun détail de son repas. Il a fait composer chez le pâtissier de sa rue un superbe gâteau au chocolat avec un glaçage aux épices richement décoré de copeaux de chocolat noir. Il n’en aurait peut-être pas fait autant s’il avait su avec quel mépris de la qualité des éléments et de la confection ses frères dévoreraient le dessert sans même prendre réellement le temps de le savourer.

- Bien, maintenant que le repas est fini, lance Raskasse, nous pouvons peut-être passer à ce pourquoi nous sommes ici.

- Une seconde, répond Mardack. Je sors d’abord les cigares. Des cubains comme on en fumait avec Papa.

- C’est un peu ça le problème avec toi Mardack, lance Kirad, tu sembles tout vouloir faire comme Papa, mais tu n’es pas lui et tu ne le seras jamais.

- Qu’est-ce que c’est censé vouloir dire ?

- Il veut dire, Interrompt Raskasse, qu’aucun d’entre nous ne veut que les choses continuent comme elles étaient du temps de papa, mais avec toi aux commandes. Nous voulons plus de liberté d’entreprenariat, plus d’autonomie. Et puis toi, tu as tes restaurants et ton petit rôle de blanchisseur d’argent te convient bien. Tu n’as pas à te salir les mains pendant que nous faisons tourner la boutique.

- Oui, renchérit Kirad, aucun d’entre nous ne veut d’un laiteux comme chef de famille.

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