Dix-huitième chapitre

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La circonférence de la lune est à peu près de dix mille kilomètres, soit une surface inférieure à trente huit millions de kilomètres carrés. Cette surface possède des zones habitées comme des zones désertiques, ces dernières étant assurément les plus faciles à inspecter. Le prince Chaan ne devait pas manquer de moyens à sa disposition, étant de toute évidence de la famille royale. S'il souhaitait mettre la main sur quelque chose ou quelqu’un se trouvant sur le sol lunaire, il l'obtiendrait en un temps record. Même en se cachant ou en fuyant sans cesse, tôt où tard, il finirait par refermer son piège. Malgré toutes les informations supplémentaires qu’il venait d’apprendre, Saïman savait que ces tergiversations étaient vaines. C’était inévitable : quand Madeleine retournera sur la lune elle n'en reviendra pas.

D’ailleurs cela ne l'alarmait nullement : elle s'occupait à compter les nouveaux nids d'hirondelles établis sous le préau. Tandis que lui, ne cessait de tourner et retourner le problème dans sa tête. Rien à faire pourtant. Rien à faire. Mais comment l'accepter ? Seulement, il ne s'agissait pas de son sort à lui.

Il sortit son front plissé d'entre ses mains. Il héla Madeleine. Elle le rejoignit au pied de l'arbre, en trottant. Légère. Elle s’assit. Les yeux dans les siens, Saïman parla :

« Madeleine… si le narval venait pour te conduire une nouvelle fois sur la lune… »

Sa voix se crispait.

« … si le narval se présente encore à toi,… tu… tu ne devrais pas… »

Les mots se coinçaient dans son larynx. Ils ne voulaient pas naître. Car eux-mêmes savaient l'inutilité de leur existence. Il le fallait pourtant. Il fallait qu'ils sortent. Saïman se contracta entier tant l'effort pour les faire surgir fut intense. Enfin les voilà :

« Si le narval revient, tu ne dois pas accepter de le suivre ! Reste ! Reste avec nous ! »

Sous la force du jaillissant des mots, son masque isolant se brisa et ses morceaux se perdirent à jamais.

Madeleine, saisie, le fixa pendant un temps indéterminable. Puis elle eut une expression que rien ni personne ne lui connaissait. Cette figure adulte, cajoleuse, presque érudite, glaça Saïman au plus profond de sa chair comme rien ne le ferait avant une éternité. Mad se leva, gardant l'expression ignorée. Elle déposa un baiser sur les cheveux de Saïman dont le visage nu implorait.

« Je te remercie de m'avoir aidée à étudier. » Avait-elle dit, avant de passer le portail de la cour. Au dessus le soleil de midi flamboyait. Elle étincelait davantage.

Il l'avait comprit. À la seconde même où elle monta pour la première fois sur le dos du narval, Madeleine avait rompu son attache à la Terre, son attache à notre monde. Depuis la première seconde elle avait cessé d'en faire partie. Il l'avait comprit. Mais son cœur hurla malgré tout et l'orme gémit avec lui.

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