Quinzième chapitre

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La cavalière et son loup au pelage de nuit, fiers vainqueurs de la course, furent couronnés de succès. Néanmoins cela n'était rien comparé à l'attroupement d'admirateurs couvrant le vieux et sa bourrique d'éloges. Parmi-eux se tenaient Mad et Saranée.

« Alors comme ça on ne croyait pas en nous ! s'amusa le vieux.

On l'aida à descendre. Il caressa la louve à peine essoufflée.

« Elle est loin notre jeunesse où le vent nous appartenait. Ma Loupiote se fait vieille. Elle a senti qu'elle forçait de trop alors elle s'est arrêtée pour ne pas se blesser. Il y a des limites à ne pas dépasser. Certains auraient dû s'en méfier. Des jeunes loups qui pensent dévorer le ciel, ma Loupiote en a couvé des dizaines. Elle les connaît par cœur. La force brute qui gronde en eux les rend sourds. Et les muscles neufs seront toujours plus tendres qu'une chair endurcie par les années. »

L'aïeul et sa bourrique étaient partis comme ça. Clopin-clopant. Sans rien demander de plus. Après avoir offert une des plus belles courses de loups-de-ciel de tous les temps.

Le prince Chaan s'en retournait, accompagné de toute sa troupe. Le spectacle fut grandiose, certes, mais l'issue si décevante ! Il préparait ce loup avec le plus grand soin depuis des mois entiers. C'était sa première course. Il ne courra plus. La blessure de l'étalon était trop sérieuse. Tant de temps, tant d'énergie et d'implication ruinées en un instant ! Surtout qu'il risquait d'avoir des ennuis, là-bas, au Palais. Déjà qu'on ne voyait pas d'un très bon œil qu'il gaspille l'argent royal dans l'achat et l’entretien de ses animaux. Alors si toutes ces dépenses se soldent par des échecs… On pouvait lui interdire de poursuivre ses entraînements, ou peut être même pire : lui saisir son haras. Non ! Jamais ils ne pourraient lui faire pareille chose !

Il ne devait pas penser à cela, et se concentrer sur la course prochaine. Il allait acheter un nouveau louveteau… non, deux ! Il les choisirait consciencieusement. Il choisirait les meilleurs. Il les élèverait avec grandes attentions, avec amour. Ils deviendront beaux et forts. Plus encore que le fut ce loup de feu. Bien plus encore !

Sa voiture freina subitement.

Devant, la navette qui devait ramener le peuple à la ville venait de crever. La plupart des passagers étaient dehors. Certains aidaient le conducteur à changer la roue, d'autres se contentaient de regarder, et le reste ne faisait qu'attendre. Le chauffeur du prince manœuvra pour éviter de renverser quelqu'un. Le prince avait baissé sa vitre teintée pour constater les dégâts. C'est là qu'il vit Madeleine. Leurs regards se croisèrent. Les traits étrangers de la jeune fille lui firent ouvrirent des yeux exorbités. Il hurla au chauffeur de stopper la voiture. Et en sortit comme une furie, suivit de près par la garde rapprochée qui entreprit dés lors de faire s'écarter les gens. Le prince couru à perdre haleine jusqu'à elle. Elle sourit pour le saluer. Saranée n'était pas là.

Se rendant compte de la brusquerie de son attitude, le prince se contenu. Il s'arrêta pour reprendre son souffle et essuya d’un revers de sa manche en soie brodée la sueur perlant sur son front sombre. Courir n'était pas dans ses habitudes. Une fois sûr de ne pas entacher son image princière il demanda :

« Bonjour à toi, jeune demoiselle. Je t'en pris, dis-moi quel est ton nom ?

- Madeleine. »

Le prince trépigna de joie. Et sans plus de cérémonie il déclama avec fougue :

- Et bien, moi je suis le Prince Chaan, du Palais d’Albâtre. Figure-toi qu'il y a bien longtemps la liseuse de sable royale me révéla quelque chose de surprenant, suite à la lecture de l'unique harenam réalisé par ma personne. Je n'ai jamais été proche de ce genre de pratique spirituelle, je suis quelqu'un de trop terre à terre. Mais c'est pour me plier à la volonté de mes parents que cet harenam fut créé. Du moins, voilà ce que m'apprit la liseuse : Jeune Prince un bonheur absolu et éternel t'est possible. Un bonheur qu'aucun autre Lunaire ne connaîtra avant mille ans. Mais ce bonheur tu ne l’obtiendra ni de la richesse de ta famille, ni de la gloire de ton nom. Car cet unique bonheur viendra de l'Orange, apporté par un Lointain au nom de sucre. Ces mots se sont gravés en moi bien que je n'ai jamais cru à cette promesse de bonheur démesuré. Ceci jusqu'à ce que je te vois. »

Il scrutait avidement le visage de Mad, y cherchant la moindre réaction provoquée par ses propos. Il n'y trouvait rien. Mad souriait. Indifférente.

« Ce Lointain que vu la liseuse dans l'harenam, je suis certain que c'est toi ! Reprit le prince. Ça ne peut être que toi ! »

Un moucheron nocturne passa. Mad le suivit des yeux. Intéressée. Le prince Chaan la saisit par les épaules pour qu'elle ne cesse de le regarder. Elle tressaillit.

Une telle exaltation animait le prince que toutes les heures de dictions et d’orthophonie qu’il avait reçu depuis son plus jeune âge, n’étaient pas en mesure de lui éviter de manger presque la moitié de ses mots.

« Te rends-tu compte ? Toi aussi cela doit t'enchanter, n'est-ce-pas ? Un bonheur éternel et absolu ! Cela signifie qu'on ne se quittera jamais. Tu viendras vivre avec moi au Palais. Tu visiteras mon haras ! Te rend-tu compte Madeleine ? Tu vas devenir une princesse ! On organisera une grande course de loups-de-ciel pour fêter l'événement ! On pourra même célébrer les noces chez nos cousins au Palais de Jais. Ce sera somptueux ! »

Le prince Chaan lui faisait un peu peur. Il ne vous voyait pas quand il parlait. Mad voulu gentiment se dégager de son étreinte. Ce geste ne lui plut pas du tout. La joie disparut soudain de ses yeux intensément noirs. Il l'agrippa plus fort, il voulu l'attirer vers la voiture.

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