Neuvième chapitre

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Les paupières de Mad s'ouvrirent brusquement. Dans un papillonnant incertain elle tournait la tête de droite à gauche. Désorientée. Son corps était d'un lourdeur effroyable. Des fourmis couraient furieusement dans ses membres engourdis. Sa vessie était une pierre dans son ventre. Une main s'abattit sur son épaule. Elle sursauta. Saïman se pencha vers elle.

« Madeleine… »

Elle avait sur la joue la marque profonde de l'écorce de l'orme sur lequel elle était adossée. Elle sembla le reconnaître. Elle lui sourit vaguement, le regard encore perdu dans le lointain. Saïman la secoua avec un douce fermeté.

« Madeleine ! Es-tu là ? Réveille-toi maintenant. »

Son œil reprit peu à peu de sa vivacité et de sa couleur. Saïman s'accroupit face à elle.

« Tu n'es pas venue en cours ce matin. Je t'ai cherchée. Finalement je t'ai retrouvée derrière le vieil arbre. Quand je suis arrivé tu ne bougeais pas. Je te voyais respirer mais impossible de te sortir de ton sommeil. Je t'ai bousculée, pincée, j'ai même contraint tes yeux à la lumière. Impossible de t'éveiller. Alors j'ai attendu… Tu étais… là-haut, n'est-ce pas ? »

Mad hocha fidèlement la tête. Un filet de bave brillait au coin de ses lèvres. Saïman détourna le regard quand il ajouta :

« Le narval te conduit de plus en plus longtemps…

- Demain je vais voir la course de loups-de-ciel !

Se réjouit Mad d'un rire enfantin.

- Qu'est-ce qu'un loup-de-ciel ?

- Demain je le saurai. »

Le soleil était bien fier dans son vaste ciel bleu. À son zénith rien ne pouvait rivaliser avec son feu ardent qui pleuvait sur la ville impuissante. Avec cette chaleur, comme bon nombre d'oiseaux, Marceliano devrait normalement rester bien au frais dans son if. Mais le merle n'avait pas le cœur à couver le nid. Il était soucieux. Quelque chose ne tournait pas rond dans son quotidien simple de petit oiseau. Ce matin là encore les volets de Mad ne s'ouvraient plus. Marceliano avait beau chanter à tue-tête de sa plus belle mélodie, jusqu'à s'en décrocher le gosier, elle n’apparaissait pas à la fenêtre.

Il quitta son if. En quelques battements d'ailes il atteint le figuier blanc derrière la maison qui poussait devant la lucarne des toilettes. Parfois on pouvait y apercevoir la frimousse de Madeleine. Elle aimait épier la vie du jardin sans la troubler de sa présence. Marceliano se posta sur une branche, juste devant la lucarne et attendit. Partout autour de lui, sous les larges feuilles de l'arbre, des étourneaux faisaient ravages chez les figues dans un vacarme fugace. Bientôt les pies voraces feraient de tous les arbres fruitiers leur domaine. Les passereaux devaient donc profiter du figuier, bien que ses fruits ne soient pas tout à fait murs, avant la razzia des volatiles plus virulents.

La merlette compagne de Marceliano depuis plusieurs étés, le contemplait avec incompétence. Cela faisait des jours qu'elle attendait qu'il retrouve son comportement habituel. Elle le regardait encore de ses petits yeux gris. Il était immobile devant la vitre où n'apparaissait que son propre reflet. La merlette prit son envol. Marceliano ne bougea pas. La première plume tomba.

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