Huitième chapitre

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Au sortir de la demeure de la liseuse de sable, une voix avait interpellé Mad. Elle s'était tournée vers une jeune femme venue à sa rencontre.

« Est-ce bien toi la Lointaine qui consulta la liseuse à l'instant ?

- D'accord, fit Mad tout sourire.

- Je dois t'accompagner. Mon ordre est de te tenir compagnie sur la lune.

- Qui te l'ordonna ?

- Mon harenam. »

C'était une Cendréale.

*

« Ce qui diffère le plus sur la lune c'est… l'ambiance je dirais. L'ambiance y est plus douceâtre. Il y a comme une sorte de quiétude collective. Tout est plus calme là-haut. L'énergie suave avec laquelle les gens s’affairent. Tout est en apesanteur. Pas seulement l'atmosphère, hum… les âmes aussi, les mots et la lumière. Tout est plus léger sur la lune, plus langoureux, plus serein… »

Mad contait comme elle pouvait. Faisant de son mieux pour retranscrire le climat lunaire si particulier. Parfois Mad n'était pas satisfaite de ses descriptions. Incertaine. Elle bafouillait. Prenant une mine penaude en se rendant compte que ses explications creuses étaient loin de la réalité. Parfois le souvenir de la lune l’enivrait. Elle s'emportait. Faisant naître de grandes images riches de détails, de substance sur ses lèvres animées d'une fièvre utopique. Dès lors, elle n'était plus tout à fait sur Terre.

Saïman, lui, écoutait poliment. Posant de temps en temps une question, réclamant une précision. En son for intérieur il ne croyait pas Mad suffisamment intelligente pour mentir aussi ouvertement, ou inventer avec tant de passion. Croyait-il pour autant à ces histoires ? Moi même je ne puis le dire.

« … les gens de la lune sont radieux. La beauté est norme. Voilà pourquoi les visages asymétriques sont très recherchés. Cela donne un caractère incomparable au portrait. Cela aussi, c'est ce que m'a apprit Saranée.

- Qui est Saranée ?

- C'est la fille de la liseuse de sable qui me lut mon harenam. Elle m'apprend énormément de choses ! Son visage est particulier. Un jour je me suis rendu compte que son œil droit est légèrement plus bas que le gauche. Les Cendréals sont superbes, Saranée l'est davantage. Elle est la plus belle personne que j'ai rencontré de ma vie.

- Comment sont ses yeux ?

- Hum…noirs de neige, je dirais. Une couleur splendide. »

Une hirondelle fit une vrille à quelques centimètre des cheveux de Saïman. Le courant d'air créé par le voltige de l'oiseau le décoiffa partiellement.

« Elle m'amena une fois dans un endroit fantastique. Un magasin où ils créent de grandes bulles de savon à l'intérieur desquelles on se glisse. La bulle s'élève très haut. Comme une montgolfière ! Alors on a vue sur toute la ville. Et même sur le désert de sable. D'en haut, dans ma bulle, j'avais la sensation d'être une planète avec l'espace au dessus. J'étais une planète et j'abritais tout un monde à l'intérieur de moi. C'était fabuleux. Quand on monte de trop, ils soufflent une épine dans une sarbacane pour éclater la bulle. On tombe. En bas de grandes toiles tendues en trampolines nous réquisitionnent. Sans mes chaussons de lune je me serais envolée et j'aurais dérivé dans l'espace, évidemment. »

Elle gloussa. Puis soupira.

« Il y a tant de choses fabuleuses à voir et, finalement, si peu d'inconnus pour les découvrir…Si tu voyais ! Le jardin botanique des Milles Aurores ou bien la source chantante des Ondins ! Et puis la bibliothèque astronomique du Sage Aleetché ! Et l'Arbre sans visage ! Bien sûr, on ne peut omettre le café des Lucioles : où l'on boit du thé dans des pots de confiture à la lueur des lucioles folâtrant sous le plafond. Oh ! Et le lavoir où l'on baigne les bébés ! Et la Symphonie des Aras d’Emeraude… »

Elle manqua de s'étrangler avec sa salive. Elle toussota. Essayant de se racler la gorge, mais le flux de sa mémoire voulait continuer d'en jaillir.

Il ne s'en rendait pas compte, mais Saïman riait.

Le jour où elle avait amené Madeleine au café des Lucioles ce fut la première fois que Saranée vit de la tristesse chez la Lointaine. Saranée avait affirmé à Mad qu'on ne pouvait lui servir de thé, malgré sa forte insistance.

« Tu ne peux ni boire ni manger ici, avait-elle expliqué, navrée. Car ton vrai corps demeure toujours sur l'Orange. C'est d'ailleurs pour cela que tu n'est pas gênée par le manque d'oxygène. Tu respires à ton aise, là-bas, sur ta planète. Ton âme elle, ne peux recevoir de substance physique.

- Je… je crois comprendre. »

Mad aurait voulu cacher sa déception. Saranée se sentant responsable de sa peine lui fit visiter la Grande Bibliothèque Astronomique, là où Mad, ne pouvant s'alimenter, pourrait nourrir son esprit.

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