Là-haut, les liseuses disent que rien n'est dû au hasard. Que tout, Tout est ordonné de manière à ce que se produise ce qu'il doit arriver.

Quoi qu'il en soit, ce fut au cours de cette même et singulière semaine qu'entra Saïman.

En pénétrant dans la salle de classe ce fut à peine s'il avait remarqué Madeleine. Non, en fait, il ne l'avait réellement pas vue. Ni elle, ni aucun des autres inconnus qui le dévisageaient impunément tandis que la professeure le leur présentait. Saïman ne fixait que ses pieds. Et même eux, dans ces chaussures hideuses, il ne voulut bientôt plus les voir. Il fixait le vide. Il pensait à son pays d'or et de lumière, où il était un prince du soleil, qu'il ne reverrait sûrement plus. Désormais il était là. Dans cet autre pays. Un pays triste et laid, où même la lumière du jour était morne. Ici l'air était mort, la pluie fade, les bâtiments monstrueusement blêmes. Depuis son arrivée, Saïman observait. Il ne voyait que douleur et dégoût autour de lui. Le chant des oiseaux étouffé par le grondement sourd du vacarme urbain. Les arbres suffocants dans le nuage crasseux soulevé par les villes. Les passants hagards qui ne voient qu'eux-même. Même le ciel au dessus de leurs têtes orgueilleuses paraissait terne, artificiel dans ses yeux d'enfant-roi. Alors, maintenant que ses grandes prunelles brunes s’étaient gorgées de toute la tristesse qui les entouraient, il ne souhaitait rien voir de plus de ce pays qui ne serait jamais le sien.

La professeure eut achevé la conventionnelle introduction du nouvel élève auprès de la classe. Elle l'incita donc à rejoindre sa chaise. Plus rien ne l'en empêchait. Sa place était prête. Voilà ! Il faisait officiellement partie de ce monde, malgré les cris de protestation déchirés de son cœur.