L’humilité 4/5

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Cara fut la plus rapide à réagir. Elle se métamorphosa en mi-humaine pour aider Jack à se relever. Le sapiens ne se laissa pas faire. Il lui tendit la lame.

— Pour Féréol, souffla-t-il.

La mi-loup n’eut pas un instant d’hésitation. Elle prit la Divarvel ; la glissa dans la poche de son sarouel ; se mua à nouveau en louve ; et fila ventre à terre, encadrée par Gisulf, Hauf et Baldric. Mamoru changea d’aspect. Son corps n’avait plus rien du loup, mais tout du dragon. L’onde qui émana de lui ramena le calme et l’assurance dans l’esprit du Marine. Jack ôta l’image même de ce qu’il ne voyait pas et se fit la sienne. Cela pouvait très bien être des hommes. Cette idée fit vivement son chemin. Quoiqu’il arrive, il se sentait à nouveau d’attaque. N’étant pas un loup, il devait en partie se fier à ses yeux. Il se mit à courir dans la direction qu’avait pris la meute, frappant tout ce qui passait à sa portée. Mamoru le poussait ou le tirait sur le bon chemin tout en menant ses propres combats contre la multitude des assaillants, mordant, griffant. Un souffle d’air rafraîchissant leurs visages dispersa les insectes. Jack et Mamoru accélérèrent leurs courses. Ils furent fauchés dans leur élan par le fil de l’araignée qu’ils avaient totalement oubliée.

*

La faiblesse de l’Américain fut la force de la meute qui se retrouva avec le champ libre. Les habitants de ce territoire de l’obscurité bifurquaient vers les proies qui leur paraissaient les plus faciles à attraper, laissant s’enfuir les loups. Ceux-ci n’arrêtèrent leur course qu’à l’air libre.

Eoline descendit du dos de Baldric transportée d’un bonheur de courte durée. L’absence de Jack lui enserra le cœur. Cara et son compagnon prirent la direction d’où ils avaient laissé les dragons et Vitalis. Ce dernier ne les accueillit pas avec la joie espérée.

— Il en manque, dit-il simplement.

— Jack est avec Mamoru. Il ne devrait pas tarder, répondit Baldric. Tu vas rester pour l’attendre. Eoline et nous, nous filons pour la forêt de Lilith.

Vitalis fronça les sourcils.

— Eoline ? demanda-t-il.

Cara et Baldric se retournèrent. Ils ne s’étaient pas aperçus qu’Eoline n’était pas avec eux. Baldric fut stoppé par Gisulf et Hauf.

— Ta compagne et toi pouvez partir, ordonna Hauf en langue loup.

— Mais Eoline, commença-t-il.

— L’imprégnation est à l’œuvre. Eoline est sur le chemin de sa louve. La première d’une nouvelle meute va voir le jour. Aujourd’hui, la toute petite va devenir une grande. Son compagnon doit survivre. L’Okami aura besoin du métal magique fabriqué par les humains. Va, mon frère ! Va !

Baldric fit un signe de tête à Vitalis qui ne demanda rien. Il harnacha Sturm et Tira. La femelle blanche regarda le mâle bleu prendre son envol. Elle renifla l’air et partit à la recherche de sa dragonnière.

*

Si Cara et Baldric partaient, c’est qu’ils emportaient la Divarvel avec eux, assurant que son compagnon reçoive les soins dont il aurait besoin. Cependant, Eoline ne se posa aucune question. Il ne pouvait être concevable d’abandonner le sapiens derrière elle. Son âme la guidait et lui criait d’aller sauver Jack. Elle empoigna sa propre dague. Celle-là même que son compagnon lui avait offerte, il y a vingt-cinq cycles pour se protéger de l’attaque des smilodons. Une autre époque, un autre combat, celui qu’elle allait mener ne se terminerait pas à coup de tranchoir, mais à coup de crocs.

Elle avança suffisamment lentement pour que ses yeux s’habituent à l’obscurité naissante. Quand elle arriva enfin auprès de ses amis, ils luttaient pour se libérer de la toile d’une araignée qui, sous cette luminosité, ne semblait plus aussi grande. Les mâles l’auraient dépassée s’ils avaient pu se mettre debout. Sa nature d’homme-loup-dragon donnait à Mamoru un avantage certain sur Jack. Il réussit à se détacher des fils collants et s’engagea à aider l’Américain.

Eoline comprit pourquoi l’araignée lui avait semblé si petite. Celle qui retenait encore son ami était différente de celle de la caverne de la Divarvel. La jeune femme regarda la voûte avec stupéfaction. Mamoru vit Eoline et suivit son regard. Il déploya ses ailes d’homme-dragon. Sa gueule s’allongea pour laisser place aux crocs de son loup. Il fonça sur l’araignée encore suspendue, tandis qu'Eoline s’agitait pour trancher la toile qui retenait Jack. Les arachnides se battaient à coup de pattes et de crochets, tentant de mordre leurs proies pour mieux les engourdir de leur venin.

Eoline reçut un coup de l’une d’entre elle. Sa dague tomba tout près du sapiens qui l’agrippa. Ses réflexes de militaire firent le reste. Il se libéra vite. La douleur ressentie par Eoline provoqua une réaction instantanée.

*

Djibril s’était perché, ne sachant pas pourquoi il était encore ici. Ulfila ne le lâchait pas d’une semelle. La présence du loup réconfortait l’imam, malgré son apparence et l’impression de sauvagerie qui émanait de lui.

Ils virent la meute sortir en courant de la pénombre. L’absence de Jack le surprit. Djibril sut que son ami courait un danger à l’instant même où il vit la toute petite retourner seule dans la grotte. Ulfila se leva et émit un bruit de gorge. La peur, les doutes, les préjugés s’effacèrent de l’esprit du jeune homme. Quand Ulfila lui tourna autour en se frottant à lui, l’humain grimpa sur le dos du loup. Ulfila doubla de taille, approchant celle d’un cheval et fila vers la grotte.

*

Eoline sentit tout son être se métamorphoser. L’araignée qui se trouvait au-dessus d’elle avançait sur Jack, la découvrant. Ce qu’elle vit la glaça de terreur. Ses yeux voyaient avec une vision de loup. La voûte descendait. Une foule de géantes petites arachnides glissait dans leur direction. Elle se redressa sur quatre pattes. Elle prit conscience de sa nouvelle nature. La première chose qu’elle fit, mordre, mordre, et mordre encore.

— Il faut partir ! Vite ! cria-t-elle.

Si Mamoru la comprit, il n’en fut pas de même pour Jack qui ne se détourna pas de son combat contre sa bête à huit pattes. Eoline s’interposa entre elle et le sapiens qui, surpris par la présence de cette louve blanche, put enfin se rendre compte du danger qui allait s’abattre sur eux.

— Il faut partir ! cria-t-il. Vite !

— Oui ! J’avais entendu, s’énerva Mamoru.

Cette réponse amusa Jack. La louve et lui se regardèrent un instant. Puis ils évaluèrent la situation pendant que l’homme-dragon-loup assommait enfin son araignée. Il se posa auprès de ses amis.

— Il faut partir, vite, dit-il avec une pointe d’humour.

La lumière jaillit de derrière l’araignée qui faisait face aux trois amis. Douce, puis elle s’intensifia. Les bêtes de toutes formes et de toutes tailles poussèrent un cri de douleur. Eoline et Mamoru en eurent mal aux tympans. La lumière devint plus vive et fit fuir les habitants souterrains. Le cri s’éloigna et se tut. La lumière s’adoucit et ils purent voir d’où elle provenait.

Djibril se tenait devant eux, assis sur Ulfila. Il descendit du loup. Celui-ci reprit sa taille normale. Il tourna autour d’Eoline, s’y frotta et communiqua avec elle comme seuls les loups savent le faire.

— Je vous propose que l’on sorte d’ici bien vite, proposa Djibril.

Mamoru et Jack rirent de bon cœur.

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