L’humilité 3/5

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Quand Mamoru vit la lumière qui entourait son porteur se ternir, il en fut peiné. Il ne pouvait rien faire d’autre qu’espérer que cela fasse partie de son voyage, de son chemin de vie. Il ne laissa pas le doute s’installer et avança vers le gouffre d’un pas sûr. Il y sauta en premier, suivi de près par Jack. Les femmes leur emboîtèrent le pas. Baldric n’eut pas un regard en arrière quand il s’élança à son tour. Les trois frères loups tournèrent autour de l’imam, le poussèrent gentiment, gémirent un peu. L’homme resta de marbre, comme pétrifié. Son esprit n’arrivait plus à trouver une raison d’avancer.

Gisulf et Hauf se détournèrent de l’humain et sautèrent dans le gouffre. Ulfila resta auprès de Djibril.

*

La chute ne fut pas longue. Mamoru fit son office de protecteur et fit atterrir le groupe avec douceur. Jack le collait presque ; Eoline faisait de même avec Cara. Les mi-loups guidaient les humains dans l’obscurité totale de la grotte souterraine. Baldric et les frères loups fermèrent la marche. Les yeux s’habituèrent à la pénombre. Il fut plus facile d’avancer pour tout le monde. Après avoir déambulé un long moment avec difficulté, ils débouchèrent dans une immense caverne.

— Deux possibilités. Ou nous descendons, traversons pour remonter en face, ou nous faisons le tour, proposa Mamoru.

— C’est quoi le problème ? demanda Jack.

— Les êtres de la terre sont des insectes géants, avec qui il est impossible de discuter, l’informa Cara.

— Qu’y a-t-il de si important là-bas qui vaille la peine de risquer nos vies ?

— La Divarvel, répondit Baldric, la lame forgée par Julie, l’ancien maître des forges de Cobannos, Gobos et Féréol, il y a vingt-cinq cycles.

— Elle tient son nom de sa magie, ajouta Cara. Durant sa fabrication, des étincelles de feu de dragon ont été absorbées par le métal. Celle ou celui qui la porte ne vieillit plus, comme les Divarvel.

Cette lame, continua Baldric, soigne les blessures sur lesquelles on l’applique. Il y a une dizaine de cycles, son pouvoir a suscité la convoitise et la cupidité. Il a failli être fatale à son gardien. Depuis ce jour-là, la Divarvel est cachée ici.

— De l’autre côté de cette grotte, il y a une pierre dans laquelle elle a été plantée, poursuivit Mamoru.

— Et laisse-moi deviner, plaisanta Jack, seul un cœur pur pourra l’en retirer.

Ils le regardèrent d’un air étonné. L’incompréhension se lisait sur leurs visages.

— Non, répondit Mamoru. La personne assez stupide ou assez forte pour survivre à cette épreuve peut prendre la lame. Il n’y a aucune réelle difficulté.

— Alors comment es-tu sûre qu’elle y soit encore ?

— Parce que nous sommes sur le territoire de la meute des frères, s’exclama Baldric. Les loups à la fourrure noire ne laisseraient personne traverser leur territoire sans une bonne raison, qu’il soit humain ou homme-loup.

— Et qu’en est-il des hommes-dragon ? interrogea Jack qui avait entendu parler de cette espèce.

— Les hommes-dragon sont immortels, dit Cara avec un sourire bienveillant.

Jack balança sa tête de gauche à droite, amusant ses nouveaux amis. Après quelques explications sur le lieu, il fut décidé de couper droit devant. Ils entamèrent la descente ; ne perdirent pas de temps avec la traversée et la remontée qui furent faites d’un pas rapide. Gisulf et Hauf restaient sur leur garde, à quelques pas devant le groupe. À l’arrière, Mamoru sondait chaque ombre. Ils arrivaient presque à l’entrée d’un nouveau tunnel, quand des sons commencèrent à se faire entendre. Voyant les loups s’engouffrer dans la cavité, les humains ne se posèrent pas de question. Quelques mètres suffirent pour atteindre une grotte plus petite.

La lame était posée dans un trou naturel de la paroi du fond. La lumière qu’elle dégageait éclairait aussi bien qu’une torche. Eoline voulut s’en approcher. Elle fut arrêtée par un mur invisible.

— C’est étrange, dit-elle. Il se passe la même chose que quand j’ai voulu rejoindre Féréol dans la forêt de Lilith.

Elle avait à peine prononcé ces mots que les loups vinrent l’encadrer. Ils se mirent à grogner en direction de leur gauche. Jack s’en étonna, car il n’y voyait rien. La roche noire ne laissait rien paraître. L’araignée apparut doucement. Ses pattes se glissèrent dans la grotte, dévoilant peu à peu le corps de l’arachnide. Il était clair pour Jack que ce monstre ne pourrait pas les atteindre. Il eut un pressentiment. Il se retourna pour scruter le reste de la caverne et comprit.

— C’est une diversion, dit-il, comme pour lui-même.

Baldric et Mamoru suivirent les yeux de Jack.

— Il va falloir courir, ordonna Mamoru.

En un seul mouvement, Baldric agrippa Eoline et la mit sur son dos tout en se transformant. Jack fit les quelques enjambées le séparant de la lame et la saisit. Il allait la mettre dans son sac quand une nuée de moucherons aussi gros que des mouches sortit de la paroi. Tous les murs se mirent à grouiller d’insectes. L’araignée géante ne devait attendre que cela. Un fil jaillit en direction de Jack et agrippa une bonne partie des moucherons, avant de revenir jusqu’à elle, tel un ressort. L’Américain n’attendit pas qu’elle cherche à savoir s’il était comestible et fila vers le tunnel.

— Non ! Pas par là, l’arrêta Mamoru. Cela doit être pire maintenant.

Cara prit sa forme de louve. Mamoru se mua en un énorme loup à fourrure sombre. Sa queue, comme sa gueule, ressemblait plus à celle des dragons. Il n’eut pas besoin de parler pour faire comprendre à Jack de monter. Ainsi la meute se sentit forte. Elle se montra agressive envers l’araignée qui recula. Un jeu de « c’est moi le plus dangereux des deux » s’engagea. La noirceur du lieu et sa pénombre ne permettaient pas de voir la dimension de l’espace, rendant ce dernier plus anxiogène. Des rampants se faufilèrent tout autour d’eux, du sol à la voûte. Certains se laissèrent tomber sur le groupe plongeant Jack dans ses frayeurs enfantines. Celui-ci luttait pour garder son calme. Son analyse de la situation était mise à mal par le manque de lumière. Il imaginait des choses.

— Reste calme, lui intima Mamoru.

Mais les mots n’eurent pas l’effet escompté. L’acide bouillonna dans l’estomac du sapiens, provoquant une perte d’équilibre. Les insectes choisirent ce moment pour attaquer.

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