Chapitre 37

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- Je suis vraiment confuse, je ne comprends pas.

David, posté devant l’assistante du juge Pelletier, croise les bras sur son torse. La contrariété se lit sur la ride marquée entre ses yeux.

- Normalement, vous auriez dû recevoir un courrier de modification. Monsieur le Juge a demandé à décaler l’audience d’une heure. Je suis désolée, il ne pourra vous recevoir qu’à quinze heures.

- Sérieusement ? Et je suppose que Maître Chartier, lui, a été tenu au courant de ce changement, demande David agacé.

- Euh… oui je pense.

- Ça commence bien, soupire l’avocat d’un ton sec.

- Vous pouvez revenir dans une heure ou alors attendre dans la salle d’attente, comme vous préférez.

Lila qui se tenait en retrait, décide d’intervenir en voyant que David perd patience. Elle s’avance devant le comptoir d’accueil en souriant à la secrétaire.

- Merci beaucoup Madame, nous allons attendre ici. Si cela ne vous dérange pas, bien entendu.

- Non, non bien sûr, suivez-moi, dit-elle en se précipitant devant eux. Encore une fois, je suis vraiment désolée pour cette erreur regrettable.

La femme les conduit dans un espace vitré, agrémenté de chaises métalliques modernes. Lila la remercie et lui assure que ce n’est pas de sa faute. Attendre une heure ne l’enchante pas, mais ce n’est pas le moment de faire des manières. Elle s’installe sur un siège, face à la baie vitrée qui donne sur les rues de Montréal. D’ici, elle se sent toute petite dans l’immensité de la métropole. David fait les cent pas, le nez soit dans ses papiers, soit sur son téléphone. Ce contretemps ne l’arrange vraiment pas, ça se voit clairement sur son visage, mais il a le bon sens de ne pas l’exprimer à voix haute. La tension est palpable dans la pièce, si bien que Lila ne serait pas étonnée de voir apparaître des éclairs. Ambre est particulièrement statique et mutique. Elle est assise sur le siège en face, droite comme un i, les yeux fixant un point invisible au sol. La voir ainsi la rend profondément triste, mais elle ne sait pas quoi faire pour l’aider. Elle a tant bien que mal essayé de camoufler les cernes sous ces yeux, mais même avec ses compétences en maquillage, la jeune femme paraît fatiguée. Si seulement ce qui va se passer dans moins d’une heure pouvait égayer un peu les choses. Un problème à la fois à gérer est bien assez suffisant. Lila soupire bruyamment en s’affaissant un peu sur son siège. Aussitôt, une main ferme vient se glisser dans les siennes. Elle se tourne vers Gabriel qui lui sourit.

- Ça va bien se passer, tente-t-il de la rassurer.

- J’espère.

Il exerce une plus grande pression pour lui montrer qu’il est là. Lila sait qu’il aimerait faire plus, qu’il se sent un peu impuissant face à la situation, lui qui est plutôt un homme d’action. Pendant l’heure qui suit, le temps lui semble interminable. Les minutes s’écoulant à une lenteur désespérante. Gabriel ne la lâche pas, il lui caresse l’intérieur de la paume avec son pouce pour la détendre. Et mine de rien, cela fonctionne. Lila ferme les yeux et se concentre sur les sensations de son corps et rien d’autre, mettant sur pause son cerveau, chassant aussi loin qu’elle le peut ses pensées angoissantes et ses craintes.

- Est-ce qu’on va devoir dire quelque chose ? demande soudainement Ambre d’une voix roque.

David se tourne vers elle, surpris. Il faut dire que dernièrement, elle n’a pas vraiment coopéré à mettre en place leur défense. Après un temps de réflexion, l’avocat s’assoit à côté d’elle. Il regarde les filles à tour de rôle.

- Normalement, voilà comment ça va se passer. Le juge va exposer le litige, puis ce sera au tour de Maître Chartier d’exposer les faits et de défendre les intérêts de Monsieur Laurin. Ensuite, ce sera à moi.

- On dirait une mauvaise partie d’échec, marmonne Ambre.

- Oui et bien espérons qu’on soit aussi doué que Ron, mais qu’on n’ait pas besoin de se faire exploser la tronche par une statue en colère, réplique David amusé.

Lila se retient de sourire en voyant les lèvres d’Ambre frémir légèrement en reconnaissant la référence. Ce n’est pas grand-chose, mais la jeune femme est prête à accepter les moindres petits signes montrant qu’Ambre est capable de se remettre d’aplomb.

- Donc je disais, nous aussi on aura le droit d’exposer notre point de vue. Ensuite le juge posera surement quelques questions, la plupart du temps directement aux personnes concernées. C’est-à-dire vous. S’il vous plait, attendez que je donne mon accord avant de répondre à quoi que ce soit. N’intervenez pas si je ne vous dis pas de le faire. C’est ce qui peut faire basculer dans le mauvais sens la décision. D’accord ?

Ambre et Lila hochent la tête en même temps. En temps normal, Lila est persuadée qu’Ambre aurait trouvé une remarque à faire, une contestation à apporter, mais là elle préfère la jouer profil bas. Elles ont trop à perdre toutes les deux pour se permettre de jouer les fortes têtes.

- Et ensuite ça sera tout ?

David regarde son frère, puis les filles.

- Oui. Le juge rendra sa décision. Si jamais il a un doute, il peut demander plus ou moins de temps, aller demander un avis extérieur à un de ses confrères. Mais oui, du moment que les questions auront été posées, que les défenses auront été menées jusqu’au bout, les dés seront jetés. Echec et mat.

Le brun ouvre la bouche pour rajouter quelque chose, mais la secrétaire fait son apparition. Cela ne peut signifier qu’une seule chose. Il est temps. Lila sent son cœur s’accélérer. Elle prend une grande inspiration et se lève, prête à affronter ce mauvais moment. Prête à tout pour sauver son entreprise et sa maison.

- Je vous promets de tout faire pour qu’on sorte gagnant de cette histoire, leur murmure David.

Lila et Ambre se tournent vers lui et le remercie sincèrement. Depuis qu’il a accepté de les aider, même si c’était en grande partie pour son frère, il a toujours été impliqué à cent pour cent. Il ne leur fera pas faux bond, Lila en est persuadée. Elle a même appris à apprécier cet homme avec lequel elle ne pensait jamais s’entendre. Les avocats riches, elle a déjà donné et elle était persuadée qu’ils étaient tous les mêmes. Elle reconnaît aujourd’hui qu’elle s’est trompée. Même si la plupart du temps David travaille pour défendre les intérêts de son père, quand il croit vraiment en quelque chose, il met tout en œuvre pour arriver à ses fins. Et il est vraiment animé par l’envie de réparer les injustices et de défendre les gens. Il aurait fait un très bon avocat libéral.

Gabriel presse l’épaule de son frère avant de suivre Lila vers le bureau du juge. En les voyant tous les deux, elle ne peut s’empêcher de sourire intérieurement. Ils se sont vraiment rapprochés depuis quelques temps et Gabriel semble plus heureux que jamais, malgré les relations toujours très tendues avec son père. Il a confié à Lila qu’au final, il souffrait plus de l’éloignement de son frère, qui était un modèle pour lui, que des conflits avec son père. Il a toujours eu du mal avec lui, alors que quand ils étaient enfants, il était très proche de David. Quoi qu’il se passe aujourd’hui, ça aura au moins permis de rapprocher les deux frères.

David est le premier à entrer dans le bureau. Lila l’entend dire bonjour et plusieurs voix lui répondent. Surement que les autres sont déjà arrivés. Elle suit Ambre qui pénètre à son tour dans la pièce et manque de la percuter quand elle s’arrête net devant elle. Derrière elle, Gabriel demande ce qui se passe à voix basse. Et c’est là que tout bascule. David se décale pour s’installer sur le siège que lui désigne le juge en face de son bureau à droite. Ce dernier, les cheveux blancs et le ventre rond, devrait être à la retraite depuis un moment de l’avis de la jeune femme. A gauche, Lila reconnaît Michel Laurin avec sa tête de psychopathe même en plein jour, accompagné d’un homme d’âge mur plutôt bien conservé pour son âge qu’elle suppose être son avocat. Une quatrième personne est présente, assise un peu en retrait derrière eux.

La pièce lui paraît soudain minuscule et le sang bât la mesure à un rythme effréné dans ses tempes. Ambre s’installe à son tour, non sans avoir lancé un regard menaçant au brun, à la tenue impeccable. Même de dos, Lila sait que c’est lui. Cela fait trois ans qu’elle ne l’a pas vu, mais elle peut parier qu’il n’a pas dû changer d’un pouce.

La jeune femme n’arrive toujours pas à avancer. Elle sent les mains de Gabriel sur ses épaules, entend sa voix, mais il lui est impossible de se reconnecter à la réalité. Une tempête incontrôlable fait rage à l’intérieur d’elle et elle n’est pas sûre d’arriver à la contrôler.

- Un problème mademoiselle ? la sort de sa torpeur le juge d’une voix ferme mais aimable.

- Non aucun, arrive-t-elle à articuler.

Lila force ses jambes à avancer, portant son regard droit devant elle. Sentir Gabriel juste derrière-elle lui donne la force de parcourir les derniers mètres qui la séparent de David et de s’assoir en ne lâchant pas du regard le point imaginaire en face d’elle. Gabriel devrait se placer sur la rangée de chaises installées derrière elle, mais la rapproche pour pouvoir la soutenir. Il lui prend discrètement la main et Lila s’y raccroche comme à une bouée pour ne pas sombrer.

- Nous n’attendons personne d’autre ? demande le juge en fixant la chaise vide à côté du musher.

- Non.

- Votre compagnon ne devez pas être là ?

Droite et fière Ambre serre la mâchoire et répond d’une voix blanche.

- Il a eu un empêchement.

- Très bien, dans ce cas, commençons.

Le juge se présente et explique le déroulé de l’échange. Lila l’écoute d’une oreille distraite. Elle sent clairement sa présence dans son dos. Il laisse la parole à Maître Chartier, mais David les coupe.

- Excusez-moi, mais qui est-ce ? demande-t-il en désignant le brun derrière lui.

- Ah oui, dit le juge.

- Permettez-moi de me présenter, le coupe l’homme en se penchant en avant pour regarder David dans les yeux.

Lila a soudain une grande envie de vomir. Elle se sent fiévreuse. Elle se concentre pour respirer le plus calmement possible, pour sentir la peau chaude de la main de Gabriel dans la sienne. Elle l’entend lui demander d’une voix inquiète si elle va bien et instinctivement elle hoche la tête, même si ce n’est pas du tout le cas. Mais qu’est-ce qu’il vient faire là ? Pourquoi ? Pourquoi aujourd’hui ?

- Je suis avocat dans le même cabinet que Maître Chartier, mais à Paris. Je suis de passage au Canada pour une autre affaire. J’ai été curieux de voir ce litige, comment dire, particulier. Je suis donc un simple spectateur, dit-il avec un sourire suffisant sur les lèvres.

Il se lève avec une lenteur délibérée et avance la main pour serrer celle de David.

- Maître Dupuis, enchanté.

Lila ne peut s’empêcher de tourner la tête vers lui. Leur regard se rencontre et le sourire qui s’étire sur son visage lisse, lui fait monter les larmes aux yeux. Elle suffoque, mais ne veut pas laisser paraître sa terreur. Il empoigne l’épaule de David comme s’ils étaient de vieux amis et ajoute à son intention :

- Mais en tant que confrère, vous pouvez m’appeler Maxime.

Puis, il se rassoit, non sans avoir adressé un clin d’œil à Lila. Elle sent Gabriel se tendre à côté d’elle, prêt à se lever. Il a compris. Il veut intervenir, mais Lila le retient en lui serrant la main plus fort. En finir au plus vite et s’éloigner loin de lui, c’est tout ce qu’elle veut pour le moment.

Le reste du jugement est très flou pour Lila. Elle n’entend pas la défense de Laurin, n’entend pas les arguments de David. Elle a juste l’impression de flotter dans un brouillard où tous les sons sont étouffés. Quand on leur pose des questions, Ambre répond pour elles deux. Elle lui en est tellement reconnaissante. C’est dans ces moments là que Lila se rend encore plus compte de la chance d’avoir une amitié comme la leur. Elle se soutiennent, se relayent, s’épaulent dans les moments difficiles, qu’importe la situation. Et là, elle n’est vraiment pas en mesure de la gérer, la situation. Pourtant c’est son avenir qui se joue.

Son cerveau tourne à plein régime. Elle pensait être débarrassée à tout jamais de l’emprise de Maxime, mais voilà qu’il trouve le moyen de venir empoisonner sa vie, même à plus de cinq mille kilomètres. Elle sent la brûlure de son regard sur sa nuque. L’avoir dans son dos est contre son instinct de survie, mais elle se force à regarder le juge devant elle. Lila ne peut s’empêcher de se poser mille questions. S’il a fait le déplacement, précisément aujourd’hui, ce n’est pas par hasard. Maxime a toujours une bonne raison de faire les choses. Et son regard sûr de lui l’a clairement démontré. Il a quelque chose derrière la tête, mais elle ne sait pas quelle influence il peut avoir dans la situation actuelle. Il lui avait promis de la détruire, il l’a fait, mais apparemment ce n’est pas encore suffisant à son goût. La jeune femme commence à passer en revue tous les éléments de sa vie, à imaginer tous les scénarios possibles et inimaginables prouvant que Maxime peut encore l’atteindre, la blesser dans sa vie. Elle visualise son entreprise, le Manoir, son verger, son jardin, son projet de boutique, sa cuisine, le sourire des visiteurs, ses idées de développement. Ensuite, elle repense à ses vacances au Mexique, à ses soirées entre amis autour d’un barbecue et de bonnes bières, à leur soutient, au temps qu’ils prennent chacun pour entretenir leurs liens, malgré leur vie bien remplie à tous. Elle se tourne vers Gabriel derrière elle qui la gratifie d’un sourire encourageant en lui serrant la main. Elle ne peut pas être plus fière de l’avoir laissé entrer dans sa vie. C’est vraiment la cerise sur le gâteau. Le dernier pas qui lui restait à faire pour avancer, pour se reconstruire entièrement. Elle jette un coup d’œil à Ambre qui est en train de répondre au juge avec assurance.

- D’accord, il a agi sous le coup de la colère et n’aurait pas dû frapper Monsieur Laurin. Mais comprenez aussi, que d’une part nous avons vraiment eu très peur ce soir-là. Nous n’étions pas du tout en sécurité. Monsieur le juge, il s’est quand même introduit chez nous, puisque pour le moment c’est toujours chez nous, sans notre autorisation, en pleine nuit. Et deuxièmement, il nous a menacé. Alors oui, mon compagnon a perdu patience et n’a pas eu le meilleur comportement, mais je pense qu’il n’est pas le seul en tort. Il a juste voulu nous défendre et me protéger.

- Je pense qu’effectivement, cet épisode ne peut pas être pris en compte dans cette affaire. Les deux parties ont des torts. Monsieur Laurin, vous n’avez pas portez plainte contre Monsieur Jacob, donc votre argument n’est pas recevable. De plus, il n’y a pas de preuves des coups que vous avez reçus, mais des témoins de votre intrusions sur le domaine…

Lila redécroche de la conversation et n’entend pas la fin de sa phrase. Elle est frappée par une vérité tellement limpide et forte que les larmes coulent toutes seules sur ses joues. Le poids qui la tirait vers le bas constamment, qui alourdissait ses pas, vient de s’envoler. Elle a l’impression qu’enfin elle peut respirer à plein poumon. Malgré elle, un sourire se dessine sur ses lèvres. Le juge la regarde du coin de l’œil, dubitatif, mais elle reprend contenance, s’essuie les yeux et essaye de se concentrer au mieux sur la fin de ce rendez-vous.

Après encore quelques questions, le juge Pelletier leur demande de quitter le bureau, afin qu’il demande l’avis à un de ses confrères sur un élément avant de rendre le jugement définitif. Ils sortent tous dans le couloir et se dirigent vers la salle d’attente. L’électricité est encore plus palpable qu’avant l’audience. Le camp adverse se place dans un coin pour échanger quelques mots. Ambre lance des éclairs à Maxime qui leur tourne le dos. Gabriel ne le lâche pas du regard, les poings serrés contre son flan. David les regarde perplexe, puis s’éloigne en haussant les épaules pour répondre à un appel.

- Je vais lui… commence Ambre les dents serrées.

- J’ai envie de… dit au même moment Gabriel.

- Vous n’allez rien faire du tout. Ni l’un, ni l’autre, leur répond posément Lila, en les regardant dans les yeux à tour de rôle.

Lila sait ce qui lui reste à faire. Elle se tourne vers ses opposants, respire un grand coup et demande d’une voix calme et maîtrisée :

- Maxime, on peut se parler une minute s’il te plaît ?

L’intéressé se retourne avec un grand sourire aux lèvres. Lila en a des frissons. Ce même sourire qui l’a charmé des années auparavant, celui-là même qui a hanté ses nuits aussi. Gabriel lui prend le bras et la force à se tourner vers lui.

- Qu’est-ce que tu fais Lila ? Tu veux vraiment parler à ce taré ?

- Eh, ne t’inquiète pas, je sais ce que je fais. Tout va bien, le rassure-t-elle.

Elle se hisse sur la pointe des pieds et dépose un baiser rapide sur les lèvres du musher, qui ne peut s’empêcher de froncer les sourcils d’inquiétude. Lila s’éloigne un peu dans le couloir pour avoir un minimum d’intimité, mais veille bien à rester dans le champ de vision de ses amis.

Maxime s’approche d’elle sans se départir de son air supérieur et sûr de lui.

- Lila. Je suis content de te voir. Tu es toujours aussi belle. Ça te vas bien cette nouvelle coupe de cheveux.

Il approche la main vers son visage pour lui attraper une mèche. La jeune femme évite son geste, sans pour autant reculer. Il ne faut pas qu’elle lui montre qu’il l’intimide. Du coin de l’œil, elle aperçoit Gabriel faire un pas vers eux, mais Ambre le retient par le bras en lui murmurant quelque chose à l’oreille.

- En tout cas, tu as l’air en forme. Ça fait plaisir à voir.

- Qu’est-ce que tu fais là Maxime ? demande Lila, sans relever ses remarques.

- Comme je l’ai dit, je suis en déplacement et quand maître Chartier à parler de cette affaire, je me suis dit que ça serait intéressant de voir le déroulé. Et j’avoue que je n’ai pas résisté à l’envie de te revoir…

- Je vais reformuler ma question alors, puisque tu n’as pas l’air de comprendre. Qu’est-ce que tu fais vraiment là ? Qu’est-ce que tu cherches ? Ne me dis pas que c’est pour le boulot, je ne te crois pas. Ce genre d’affaire civile, ça ne t’a jamais intéressé, donc ne me raconte pas d’histoire.

Une ombre menaçante passe sur son visage, mais il se reprend rapidement. Le rictus qui étire ses lèvres est tout sauf amical et Lila respire profondément pour garder son calme. Il ne peut rien me faire, se répète-t-elle en boucle.

- Je t’ai fait une promesse, tu te souviens. Et je tiens toujours mes promesses. Toujours.

Lila ne peut empêcher un petit rire de franchir ses lèvres, ce qui désarçonne complètement Maxime. Toute trace de bonne humeur disparaît de son visage.

- Qu’est-ce qui te fait rire comme ça ? Tu trouves ça drôle ? Je n’accepterais pas que tu te moques de moi.

- Tu ne te rends même pas compte à quel point tu es pathétique, Maxime.

- Attention à ce que tu dis, gronde l’avocat, le regard mauvais.

Lila sait qu’il ne faut pas qu’elle le pousse trop loin dans ses retranchements, bien qu’elle doute qu’il tente quoi que ce soit au sein d’un palais de justice.

- Si tu crois me faire peur, tu te trompes complètement. Tu n’as plus ce pouvoir sur moi. Alors arrête de croire que c’est toujours le cas. Tu-ne-me-fais-pas-peur, dit-elle en articulant bien chaque mot.

- Je t’ai promis de te détruire, de détruire tout ce à quoi tu tiens, et je vais continuer à le faire Lila. Si tu crois que partir à l’autre bout du monde m’empêchera d’assouvir ma vengeance, c’est que tu es bien trop conne.

- Tu peux me menacer, m’insulter, ça ne changera rien. Tu ne me feras rien du tout.

- J’ai de l’influence et je n’ai pas hésité à m’en servir pour tirer quelques ficelles pour que tu perdes ce procès, avoue Maxime avec un sourire mauvais. Adieu ta précieuse maison, ton petit jardin de merde et ton entreprise digne d’une moins que rien.

- Donc tu es en train de me dire que le jugement était déjà fait avant qu’on ait pu se défendre ?

Le brun hausse les épaules, indifférents.

- Je te l’ai dit, je vais tout faire pour que tu perdes tout.

- Et c’est là où tu as tout faux Maxime. Toi qui te dis si intelligent, je ne conçois pas que tu puisses ne pas comprendre une chose aussi simple que ça : même si aujourd’hui je perds le procès et que je n’ai plus d’entreprise, ni de maison, tu ne me mettras pas à terre. Tu ne me détruiras pas.

- Haha ! C’est ce que tu crois. Mais qu’est-ce que tu feras, sdf et sans emplois, toute seule dans un pays qui n’est pas le tien ? Tu es ridicule ma pauvre.

- C’est toi qui est ridicule. Je ne suis pas seule ici. J’ai une famille, des amis, qui me soutiendrons et m’aideront toujours.

- Tu veux parler de ton pseudo mec ? dit Maxime en désignant Gabriel du menton. Il se lassera vite de toi quand il verra que tu ne vaux rien.

Du coin de l’œil Lila regarde son amoureux qui ne la quitte pas des yeux, prêt à intervenir au moindre signe. Elle ne peut s’empêcher de les comparer tous les deux. Les deux hommes pour qui elle a eu le plus de sentiments dans sa vie. Elle réalise qu’ils sont l’opposés l’un de l’autre et que ce qu’elle ressent pour Gabriel est incomparable. Elle l’aime un milliard de fois plus que ce qu’elle a pu aimer Maxime, même au début de leur relation. Cette certitude lui donne la force de finir cette conversation, d’en finir avec tout un pan de sa vie.

- Tu auras beau dire toute ce que tu veux, faire quoi que ce soit, tu ne m’atteindras pas. Et tu sais pourquoi ?

Lila fait un pas en avant, empiétant dans l’espace de son ex.

- Parce que je ne t’en donne plus le droit. C’est fini ce temps-là. Tu n’as plus d’emprise sur moi.

Maxime ouvre la bouche, puis la referme, ne trouvant rien à répliquer. Ses yeux sont fous de rage, mais il se contient.

- Et d’ailleurs je devrais te remercier même. Parce qu’au lieu de me détruire comme tu le penses, ce que tu m’as fait m’a permis de venir au Canada, de rencontrer des gens incroyables, de m’épanouir, de me trouver et surtout d’être plus forte que jamais. J’ai même trouvé l’amour de ma vie, alors tu sais quoi, toute cette belle réussite au final, c’est un peu grâce à toi.

Elle se met sur la pointe des pieds et rapproche sa bouche de son visage, comme si elle allait l’embrasser sur la joue. Maxime se tend, mais ne bouge pas.

- Et Gabriel est cent fois meilleur que toi au lit. Je n’ai jamais autant joui de ma vie, lui murmure-t-elle à l’oreille, en sachant que ça va le blesser dans son orgueil.

Elle s’éloigne de lui avec un sourire et se dirige vers Gabriel. Elle n’en revient pas qu’elle lui ait dit ça. Qu’elle ait réussit à lui tenir tête, comme elle vient de le faire.

- Ça va ? lui demande Gabriel en passant un bras autour de sa taille.

- Oui, très bien, dit Lila, et elle le pense vraiment.

Elle se sent profondément heureuse au fond d’elle, avec la certitude que quoi qu’il puisse arriver, elle se relèvera, elle trouvera une solution.

- Je suis tellement fière de toi, lui dit Ambre à la prenant dans les bras. Tu es une guerrière ! Mais tu es sûre que tu ne veux pas que je lui donne un coup de pied dans ses bijoux de famille.

- Je me propose de le tenir, rajoute Gabriel.

- Je ne sais pas qui est ce mec, ni ce qu’il t’a fait, mais je me porte également volontaire pour le tenir. Ou au moins faire le guet pendant que vous lui donnez une bonne leçon, enchérit David en ce mettant à côté de son frère.

Lila contemple sa famille, celle qu’elle s’est créée ici et un bonheur intense vient lui gonfler le cœur de fierté.

- Vous êtes adorables et j’adorerais le voir en train de se prendre une raclée, mais je crois qu’enfin il va me laisser tranquille. C’est mon passé et il va rester dans le passé. Il ne m’atteindra plus, c’est fini !

- That’s my girl ! s’écrit Ambre en levant le poing, ce qui fait rire les garçons.

La voir reprendre du poil de la bête redonne encore plus d’espoir à Lila. Elle étreint son amie et lui dit à l’oreille :

- Pour toi aussi ça va aller. Tout va s’éclaircir, mais un pas après l’autre d’accord ?

La brune se recule pour regarder Lila en face. Ses grands yeux noirs sont remplis de larmes, mais elle hoche la tête.

- Je te promets de tout faire pour remonter la pente, lui dit-elle d’une voix roque.

- Je n’en doute pas. Tu es forte. Maintenant, j’espère juste qu’on va arriver à garder le Manoir, parce que ça serait un obstacle de plus à franchir. D’ailleurs, David, Maxime m’a dit un truc qui me fait un peu peur…

- Quoi donc ? demande l’avocat.

- Il a dit qu’il avait fait jouer ses relations pour influencer le jugement, tu crois que c’est possible ?

L’expression peinée et embarrassée sur son visage ne laisse pas beaucoup de place aux doutes.

- Justement, j’ai demandé à un ami flic de se renseigner discrètement sur Maître Chartier et le Juge Pelletier… Ce qu’il a trouvé n’est pas bien beau. Ils sont amis depuis longtemps et malgré notre défense en béton armé, préparez-vous au pire des scénarios, d’accord ? Je suis toujours confiant sur l’issue de cette histoire, j’ai réussi à contrer toute sa défense et à apporter des preuves solides, mais je ne veux pas vous donner des faux espoirs non plus.

- J’aime pas très beaucoup ça… murmure Ambre.

- Merci en tout cas David, dit Lila. Je sais que tu n’étais pas obligé d’accepter de nous défendre et que ce n’est pas ce que tu fais d’habitude, donc on en est très reconnaissantes.

- Vous me remercierez quand on aura le résultat, d’accord ? dit-il humblement en rougissant légèrement, ce qui amuse Lila.

Quelques minutes plus tard, ils sont rappelés pour faire face au verdict. Ambre et Lila se regardent, se prennent par la main pour se soutenir, et entrent dans le bureau, prêtes à faire face à leur destin.

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