Chapitre 38

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Il ne tarde qu’une seule chose à Lila, sortir au plus vite de ce bâtiment pour respirer l’air frais du dehors. Malheureusement, une fois sur les marches du palais de justice, aucune brise ne vient apaiser la sensation d’étouffement qu’elle a ressenti tout l’après-midi. L’atmosphère est lourde, sans brise pour la rafraîchir. Des nuages noirs s’agglutinent dans le ciel, signe annonciateur d’un orage imminent. Gabriel discute avec David, avant que ce dernier ne retourne au siège de l’entreprise familiale. Ce matin, après lui avoir fait l’amour sous la douche et sur le canapé, pour l’empêcher de trop réfléchir, Gabriel a fini par lui avouer qu’il allait accepter d’aider son frère pour implanter un hôtel de luxe au Costa Rica. Il s’était promis de ne plus mettre un pied dans ce milieu, mais pour remercier son frère, il s’est senti obligé de lui rendre cette faveur. Quand elle lui a demandé pourquoi il ne lui en avait pas parlé plus tôt, Gabriel lui a avoué avoir eu peur de sa réaction. Lila n’a pas pu retenir son rire. Elle lui a assuré que tant qu’il faisait les choses par conviction, sans remettre en question ses principes et surtout tant qu’il faisait quelque chose qu’il pensait juste et nécessaire, elle n’y voyait aucune objection.

 - Ok, je passerais te voir dans la semaine alors, entend-elle dire Gabriel.

David s’éloigne en leur faisait un geste de la main. A côté, Ambre sort son téléphone de son sac, qui s’est mis à sonner. Au même moment, celui de Gabriel bipe frénétiquement. Le musher décroche et devient pale. Ambre vacille et se rattrape in extrémiste contre un mur. Le cœur de Lila fait un raté. Quoi qu’il se passe, c’est grave. La brune se retourne, blême.

 - Qu’est-ce qu’il y a ? s’empresse de demander Lila.

 - C’est Noah… commence la jeune femme.

 - Il a eu un accident de voiture, complète Gabriel.

La panique se lit sur le visage de sa meilleure amie, tandis que l’inquiétude s’est imprégnée sur celui de son amoureux.

 - Logan m’a dit à quel hôpital il est, dit-il.

 - On fonce le voir, dit Lila en prenant Ambre par le bras.

Elle acquiesce et se laisse guider vers la voiture.

 - Quel enfer… Cette journée n’en finira jamais, murmure-t-elle.

 - Tu sais si c’est grave ? demande Lila.

 - Non. Je ne sais même pas qui m’a appelé. Je pense une infirmière. Elle m’a juste demandé si j’étais la compagne de Noah Jacob et que je ferais bien de venir le voir. Tu crois qu’il va…

Ambre ne peut finir sa phrase. L’émotion est trop forte.

 - Ne pense pas au pire. Attendons de voir ce que disent les médecins, d’accord ?

La jeune femme acquiesce et se mue dans le silence jusqu’à l’hôpital. Lila ne peut s’empêcher de se repasser le fil de la journée. Elle est épuisée et sent qu’elle n’est pas prête de toucher à sa fin. A côté d’elle, Gabriel a son attention tournée vers la route, mais les jointures de ses mains sont blanches à force de serrer le volant. Lila pose une main sur sa cuisse. Ces derniers temps, le musher s’est pas mal rapproché de Noah, lui apportant son soutien dans les moments difficiles que le métis traverse. Au final, le couple se retrouve un peu entre deux feux, Lila du côté d’Ambre, Gabriel du côté de Noah. Ils ont un peu le rôle de médiateurs entre les deux camps, bien que pour le moment ni les efforts de l’un, ni ceux de l’autre, n’ont portés leurs fruits.

A peine Gabriel a-t-il arrêté la voiture, qu’Ambre se précipite à l’intérieur de l’hôpital. La secrétaire à l’accueil la redirige vers les urgences. Elle se presse dans les couloirs interminables, éclairés d’une lumière blafarde. L’odeur de désinfectant et de médicament lui prend à la gorge. Elle a l’impression d’évoluer dans un monde où tout est trop intense. Trop bruyant. Trop lumineux. Trop lent et en même temps trop rapide. Elle n’a plus vraiment conscience de ce qu’elle fait. Tout ce qu’elle veut c’est voir Noah. Depuis qu’elle a reçu ce coup de téléphone, Ambre se répète en boucle les mêmes mots, inlassablement. Ce n’est pas possible. S’il vous plaît, faites qu’il n’ait rien de grave. S’il vous plaît. S’il vous plaît. S’il vous plaît. La jeune femme, bien qu’élevée dans une famille catholique, n’a jamais vraiment été portée sur la religion. Elle n’a jamais prié sciemment, mais là elle se dit qu’il faut qu’elle tente le tout pour le tout. Personne ne sait ce qu’il y a là-haut, mais dans le doute, autant mettre toutes les chances de son côté. S’il est arrivé quelque chose de grave à Noah, toute aide, même infime, sera la bienvenue.

Ambre pile devant l’infirmière à l’accueil des urgences. La femme lève les yeux et la dévisage par-dessus ses lunettes. La jeune femme a bien conscience d’avoir l’air d’une folle avec son costume noir habillé, ses talons qui claquent sur le carrelage froid et son chignon à moitié défait. Elle ne veut même pas penser à l’état de son maquillage qui doit lui faire des poches noires sous les yeux.

 - Je peux vous aider ?

 - Bonjour. Oui, je suis la compagne de Noah Jacob. Il a été admis après un accident de voiture...

Ambre ne finit pas sa phrase dans l’espoir que l’infirmière lui indique où il est, mais elle la fixe et ne semble pas vouloir prendre la parole.

 - Euh... est-ce que je pourrais le voir ? S’il vous plaît, ajoute-t-elle.

 - Je suis désolée, seule la famille proche est autorisée.

 - Mais je suis sa petite amie.

 - Ça ne change rien, dit la femme en retournant à son travail.

Ambre reste interdite un moment, partagée avec le désespoir et l’énervement. Elle respire un bon coup, tentant de faire partir son envie de hurler sur cette femme rustre, incompétente et inhumaine.

 - Est-ce que je pourrais au moins savoir s’il va bien ? Si ce qu’il a est grave.

 - Je ne suis pas en mesure de vous dévoiler ces informations, répond l’infirmière sans lever les yeux de ses papiers.

 - Qu’est-ce que je peux faire alors ? Je ne peux pas le voir, ni avoir des informations. Qu’est-ce que je fais ?

 - Vous revenez quand un proche qui est autorisé à le voir vous appellera.

 - Ah non ! Je crois que vous ne comprenez pas là. Je ne vais nulle part ! Qui de plus proche que la femme qui partage sa vie ?

Pour toute réponse, l’infirmière hausse les épaules, indifférente. Ambre remontée à bloc, croise les bras sur sa poitrine et la fixe jusqu’à ce qu’elle croise son regard. Elle lève les sourcils pour lui faire comprendre qu’elle ne partira pas. Elle ne compte aller nulle part. Pas tant qu’elle ne saura pas si Noah va bien. Si elle doit camper au milieu du couloir des urgences, hurler à la mort pour qu’on l’écoute, ou forcer les portes du bloc opératoire, elle le fera. Comprenant qu’Ambre ne compte pas lâcher l’affaire, l’infirmière souffle, retire ses lunettes et se lève.

 - Suivez-moi, vous pouvez patienter dans la salle d’attente. Je vais voir si un médecin peut venir vous donner des nouvelles.

 - Merci madame.

Des chaises en plastique colorées sont alignées face à un mur blanc, recouvert d’affiches prônant des recommandations médicales. Une petite télé passe une émission de télé-réalité en fond sonore. La table basse est couverte de revues cornées et grasses, dont les informations doivent être passées au moins depuis deux ans. Ambre pose son sac à main sur une chaise et se laisse choir sur un fauteuil bleu électrique. Il émet un faible grincement, comme s’il été fatigué de supporter le poids de centaine de personnes angoissées, depuis des années.

Ambre est à peine consciente de l’arrivée de Gabriel et Lila dans la salle d’attente. Sa meilleure amie la prend dans ses bras en lui racontant qu’ils ont croisé Salomé qui sortait de sa garde. C’est elle qui a prévenu Logan, qui a prévenu Gabriel et ainsi de suite. Elle n’en savait pas plus sur l’état de Noah. Le couple s’assoit à côté d’elle dans la petite pièce, en attendant que quelqu’un vienne les renseigner. Personne ne parle. Tous sont plongés dans leurs pensées angoissantes.

Au bout d’une heure et demi, Ambre est à deux doigts d’arracher la télé du mur. Ce brut de fond omniprésent lui tape sur les nerfs. Elle a bien essayé de changer de chaîne, de baisser le son ou de la débrancher, impossible. En plus de cela, ils n’ont toujours aucune nouvelle de l’état de santé de Noah. Lila est allée plusieurs fois demander des renseignements aux différentes infirmières qu’elle croisait dans le couloir, mais personne n’a voulu ou pu la renseigner. Gabriel a essayé lui aussi. Sans succès. Il faut qu’ils attendent. Encore et toujours. Attendre. Pour la troisième fois en quelques minutes, Ambre le voit consulter l’heure sur son téléphone.

 - Allez-y. Gab tu dois t’occuper de tes chiens et il est tard. Le temps que vous rentriez et tout…

 - On ne va pas te laisser attendre toute seule, proteste Lila.

 - Ne t’inquiète pas pour moi, ça ira. S’il y a quoi que ce soit je vous appelle, d’accord ?

 - Mais comment tu vas rentrer ?

 - Je prendrais un taxi. Je me débrouillerais, ne t’en fait pas.

La bouche de Lila ne forme plus qu’un mince trait rose. Elle est contrariée, mais Ambre pose une main apaisante sur son bras en lui assurant que tout ira bien. Juste avant de partir, Gabriel se retourne vers la jeune femme.

 - Je t’ai envoyé un sms avec le numéro de ma sœur et celui de David. Ils n’habitent pas très loin. Si tu as besoin de quoi que ce soit, n’hésite pas à les contacter d’accord ?

 - Oui, merci beaucoup.

Une fois seule, Ambre est prise d’une angoisse soudaine. Et si elle ne revoyait plus jamais Noah ? Si leur échange à la réserve était le dernier ? Les larmes lui montent aux yeux. Une boulle se forme dans sa gorge. Elle le revoit dans le rétroviseur de sa coccinelle, le visage déformé par la culpabilité et la tristesse. Et si elle s’était retournée à ce moment-là, si elle avait arrêté la voiture, est-ce qu’ils seraient encore ensemble aujourd’hui ? Si elle n’avait pas laissé son orgueil blessé dicter sa conduite rien de tout cela ne serait arrivé. C’est de sa faute s’il est à l’hôpital aujourd’hui. Si elle n’avait pas été aussi têtue, si elle avait essayé d’arranger les choses plus tôt, ils seraient allés ensemble au tribunal. Noah n’aurait pas été au mauvais moment, au mauvais endroit. D’ailleurs, Ambre se demande bien ce qu’il faisait aussi loin de Manawan. Pour être admis à l’hôpital de Montréal, c’est soit qu’il n’était pas très loin de la ville, soit qu’il est gravement blessé. Instinctivement, la jeune femme porte la main à sa bouche pour étouffer un sanglot.

 - Ça n’a pas l’air d’aller bien fort mon petit.

Ambre sursaute. Elle était tellement prise dans ses pensées, qu’elle n’a pas entendu que quelqu’un d’autre est entré dans la pièce. A quelques sièges d’elle est assise une vieille dame, ses cheveux blancs savamment relevés sur sa tête. Ses lèvres sont légèrement teintées de roses et dévoilent un sourire éclatant de gentillesse. Ses yeux, rieurs mais vifs, lui donne un côté enfantin, mais les rides profondes de ses joues montrent toute sa sagesse. Elle se tient le dos bien droit, son sac à main posé sur ses genoux, attendant qu’Ambre lui réponde.

 - J’ai connu mieux, effectivement.

La jeune femme tente un sourire, mais il meurt sur ses lèvres. Elle ne peut duper personne, même pas elle. Elle se rend bien compte que depuis quelques temps elle n’est plus vraiment elle-même. Elle a perdu le goût de son travail. Elle ne trouve plus de sens à ce qu’elle fait. Elle a juste envie de dormir pour ne pas ressentir cette douleur permanente dans la poitrine.

 - En même temps, il n’est jamais très agréable de se retrouver dans la salle d’attente d’un hôpital n’est-ce pas ? fait de l’humour la vieille femme.

Ambre hoche la tête dans l’espoir qu’elle ne l’importune plus. Elle a l’air très gentille, mais Ambre n’a vraiment pas envie d’engager la conversation avec une inconnue. Cette dernière attrape un vieux numéro corné de Coup de pouce et commence à le feuilleter. Elle a ce geste, commun à toutes les personnes d’un certain âge, qui répugne Ambre. A chaque fois qu’elle tourne une page, elle humidifie son doigt. La jeune femme peut presque voir à l’œil nu les centaines de millier de microbe qui s’accrochent aux doigts fripés de la vieille dame, trop heureux de trouver une entrée dans son organisme.

Elle détourne le regard et inévitablement ses pensées se tournent vers Noah. Elle se remémore leur rencontre. Jamais à l’époque elle n’aurait pu croire qu’elle vivrait autant de choses puissantes à ses côtés. Bien que fan de comédies romantiques, elle a toujours critiqué cette pensée comme quoi être amoureux de quelqu’un, c’était forcément ne plus pouvoir vivre sans l’autre. Elle peut vivre sans lui, c’est sûr, mais la vie est beaucoup plus difficile à supporter. L’avenir moins brillant. Ambre se rend compte qu’elle lui a dit qu’elle l’aimait plusieurs fois, mais elle ne lui a jamais vraiment dit ce qu’il représentait pour elle. Elle avait trop peur. Peur de se livrer, d’en dire trop et que ses sentiments ne soient pas réciproques. Peur d’être rejetée. Et pourtant, si elle lui avait dit, elle n’aurait pas tant de regrets, ce soir, assise sur ce siège qui lui endort les fesses. Malgré tout, elle ne peut s’empêcher de lui en vouloir. S’il n’avait pas laissé les secrets mettre une barrière entre eux, ils n’en seraient pas là. De frustration, de colère, de peur, de tristesse, Ambre essuie avec violence une larme qui dévale sa joue.

 - Quoi qu’il ait fait, il ne vaut pas la peine que vous vous mettiez dans cet état pour lui.

La voix de la vieille dame, chaude et douce, la sort de son tourbillon intérieur. Ambre se tourne vers elle, mais ne trouve rien à lui répondre. Elle se contente de la fixer.

 - Je sais que je ne suis qu’une vieille chouette, mais c’est à cause d’un homme toute cette tristesse et cette colère que vous avez en vous ? Je suis désolée si je suis intrusive, mais vos yeux sont tellement expressifs. Ils parlent pour vous.

 - Oui en quelques sorte.

 - Qu’est-ce qu’il a bien pu vous faire ?

Ambre hésite quelques secondes. Elle a une terrible envie de se confier à cette femme, comme si tout ce qu’elle gardait enfouie en elle depuis des semaines faisaient pression pour sortir. Elle déteste se livrer à des inconnus, mais cette mamie lui inspire confiance et bienveillance. Sans qu’elle ne puisse anticiper, les mots commencent à sortir d’eux même.

 - Outre le fait qu’il se retrouve dans cet hôpital, qu’on ne se parle plus depuis des semaines, il m’a menti.

 - Ah. Il vous a trompé ?

 - Non. Enfin, je ne crois pas. Je n’espère pas surtout. Le souci c’est qu’il m’a caché tout un pan de sa vie. Et ça, j’ai du mal à l’accepter. Comment a-t-il pu me cacher autant de chose, pendant tout ce temps ? J’ai l’impression d’être tombée amoureuse d’un inconnu.

 - Mentir et omettre des informations, ce n’est pas tout à fait la même chose, remarque la vieille dame.

 - Certes, mais le résultat est le même. Ça reste une trahison.

 - Une trahison. C’est fort comme mot.

 - C’est ce que j’ai ressenti, avoue Ambre en baissant les yeux sur ses mains.

Son interlocutrice laisse passer un silence. Elle joue distraitement avec les hanses de son sac, les yeux dans le vide. Après quelques minutes, elle reprend la parole.

 - Si vous êtes là, c’est que vous vous inquiétez pour lui.

Ce n’était pas une question, mais Ambre hoche la tête tout de même.

 - Donc vous tenez à lui. Vous ne considérez pas que votre histoire est finie. Définitivement, je veux dire.

La jeune femme prend le temps de la réflexion. Ils sont séparés, mais ce n’est pas parce qu’elle n’aime plus Noah. Elle était juste épuisée de tout ce stress, de tous ces doutes que l’incertitude à fait naître en elle depuis plusieurs mois. Et là, cet accident dont elle ne sait encore rien, lui fait comprendre que vivre sans Noah, ce n’est pas possible. Ce n’est pas quelque chose qu’elle envisage.

 - Alors pourquoi être autant têtue ? conclue la vieille dame avec un sourire affectueux.

 - Parce que… commence Ambre, sans pouvoir terminer sa phrase.

Elle se sent tout à coup ridicule. Ridicule de ne pas s’être expliqué plus tôt avec Noah. Ridicule d’avoir laisser pourrir la situation entre eux. Ridicule de ne pas avoir cherché à comprendre ce qui se passait et comment lui vivait les choses.

 - Je vais vous raconter quelque chose. J’ai été mariée quarante ans avec le même homme. Et pourtant, quand j’étais jeune, j’avais un esprit rebelle. Je rêvais de liberté. Je militais pour mes droits. Je ne vivais que pour mon indépendance. J’étais antimariage, antireligion, antisystème. Rester avec le même homme toute ma vie ? Impensable. Inimaginable. J’étais en fac de lettre, mais j’ai changé d’idée en cours de route et ais décidé de devenir infirmière. Je voulais partir en Afrique, faire de l’humanitaire, découvrir le monde. Et puis j’ai rencontré Paul. Grand, beau, brun. Il était calme, réfléchis et n’aspirait qu’à mener une vie tranquille. Tout l’inverse de moi.

Se laissant happée par ses souvenirs, la vieille dame fait une pause dans son récit. Ses lèvres s’étirent en un petit sourire, comme si elle avait devant elle le film de sa vie. Ambre ne peut s’empêcher de faire la comparaison avec sa propre histoire. Avec Noah aussi ils sont différents. Alors que la jeune femme est hyperactive, bavarde et parfois peu réfléchie, Noah est plutôt calme et patient. Il a du caractère certes, mais il arrive à la canaliser et à l’apaiser.

 - Il a bouleversé mon monde et mes certitudes, reprend la mamie. Je ne voyais plus ma vie sans lui. Au début, tout allait pour le mieux. Puis Paul a voulu qu’on emménage ensemble, qu’on fasse des projets. J’étais emballée, mais très vite la routine s’est installée. On s’est marié. On a eu une maison. Un chien. Je travaillais à la maison de retraite à côté de chez nous. Lui, enseignait la physique-chimie à des ados. On parlait d’avoir des enfants, mais on n’y arrivait pas. J’avais mis de côté tous mes rêves, tous mes projets pour être avec l’homme de ma vie. J’avais tout pour être heureuse, mais pourtant je ne l’étais pas. Terrifiée à l’idée de rester enfermée dans cette routine. Terrifiée à l’idée de passer à côté de ma vie. Terrifiée par ce quotidien qui me pesait de plus en plus.

Ambre boit les paroles de cette femme qu’elle ne connaît pas et qui pourtant la touche profondément.

 - On se disputait de plus en plus. Et puis un jour, ça en était trop pour moi. Je ne pouvais plus supporter ma vie. J’ai pris mes affaires et suis partie trois ans en Centrafrique dans une ONG. J’adorais ma vie là-bas. Je me sentais utile. Les conditions étaient dures, dangereuses parfois, mais j’aimais ce que je faisais. Je pensais que c’était ce qu’il fallait que je fasse. Pourtant, je n’étais pas heureuse non plus. Paul me manquait terriblement. Plus que je ne voulais bien l’admettre. J’avais peur qu’il m’oublie, qu’il refasse sa vie, alors que moi je pensais à lui tous les jours. Quand je suis rentrée au Québec, j’ai tout fait pour arranger les choses entre nous. Lui aussi avait vécu, mais dans son cœur, il m’avait attendu.

 - Vous vous êtes retrouvés alors.

 - Oui. Encore plus amoureux qu’au premier jour.

 - Mais vous n’aviez pas peur de retomber dans cette routine qui vous avait fait fuir ?

En regardant sa compagne de salle d’attente, Ambre voit passer une silhouette qui lui semble familière dans le couloir. Elle n’a pas le temps d’analyser la situation, trop concentrée sur l’histoire qu’elle est en train d’écouter.

 - Non. Je n’avais plus peur. A ce moment-là, j’ai compris que c’était moi seule qui m’étais enfermée dans la routine. J’aurais pu agir pour faire changer les choses, mais je n’ai rien fait. Je suis restée passive, rejetant la faute sur mon mari ou sur le destin. Partir aussi loin de lui m’a fait me poser les bonnes questions. C’était nécessaire et je ne regrette absolument pas mon choix. Mais quand je suis revenue, j’ai tout fait pour changer et pour faire de ma vie ce que j’avais envie qu’elle soit, sans la subir. J’ai trouvé un travail passionnant d’infirmière aux urgences et en parallèle j’ai monté une association pour aider les femmes battues ou dans la détresse. J’étais heureuse, épanouie. J’avais une vie professionnelle palpitante et un mari incroyable. Nous avons eu deux enfants magnifiques. Donc aujourd’hui, je peux dire que j’ai réussi ma vie.

Dans le couloir, Ambre entend des infirmières parler avec un enfant.

 - Si je vous dis tout ça, c’est pour vous montrer que quoi qu’il arrive, quoi que vous pensiez, il y a toujours une solution. Il faut voir la situation dans son ensemble. Si votre compagnon a agi comme ça, c’est pour une raison précise. Essayez de comprendre et ensuite prenez votre décision. Mais assurez vous d’avoir toutes les cartes en main avant de regretter. Si c’est l’homme de votre vie, vous allez trouver des solutions, ne vous inquiétez pas. La vie nous ramène toujours auprès des gens qui comptent pour nous. Et puis un couple, c’est une balance. Il faut faire tantôt un pas en avant, tantôt en arrière, soit c’est à nous de le faire, soit c’est à l’autre. C’est une danse, un pas de deux complexe, essentiel pour garder l’équilibre. Une fois que le bon rythme est trouvé, vous verrez, tous vos soucis s’envoleront et vous arriverez à franchir tous les obstacles, quel que soit leur difficulté.

 - Mamie, mamie, c’était trop bien ! Ils m’ont fait faire un tour de fauteuil roulant !

Un garçon d’une dizaine d’année, un bras dans le plâtre, apparaît dans l’encadrement de la porte, un grand sourire aux lèvres. Puis, il s’éloigne en sautillant et Ambre l’entant assaillir une aide-soignante de questions. Il n’a pas l’air traumatisé par son bras cassé. La vieille dame se lève et se dirige vers l’accueil des urgences. Avant de franchir la porte, elle se retourne et dit :

 - Vous m’avez l’air d’une femme forte et déterminée, vous vous en sortirez. Et si l’homme que vous aimez est celui que vous avez en fond d’écran, je serais vous, je ferais tout pour le garder cet apollon. Il n’en existera pas deux comme lui.

Ambre ne peut s’empêcher de sourire en voyant la vieille dame s’éloigner. Si elle savait, pense-t-elle. Physiquement ils sont bien deux, mais Ambre est sûre que Noah est assez différent de son frère au niveau du caractère.

Cette rencontre inopinée pousse Ambre à vraiment réfléchir sur sa vie, sur ce qu’elle veut, sur sa relation avec Noah. Quand elle regarde l’heure sur sont téléphone, elle n’en revient pas. Il est preste dix heures du soir. Elle n’a pas vue le temps passer, tellement elle était perdue dans ses pensées. Cela fait presque cinq heures qu’elle est aux urgences et personne n’a pris la peine de venir l’avertir de l’état de Noah. Elle a fait plusieurs tentatives, mais à chaque fois on lui a dit de patienter. A bout, elle se lève, prête à piquer une crise et forcer des portes si besoin. Elle se plante devant l’accueil, les mains sur les hanches.

 - Bon, ça…

 - Tiens, tiens, tiens, mais qui vois-je, la tigresse en personne.

Ambre se retourne. Son cœur fait un raté avant de s’accélérer. C’est la deuxième fois que ce phénomène se produit. Une seconde elle est persuadée que Noah est en face d’elle, la seconde d’après elle croise ses yeux et comprend que ce n’est pas lui. Ambre reprend contenance rapidement et s’avance vers Evan.

 - Comment va Noah ? Qu’est-ce qu’il a ? C’est grave ? Est-ce que je peux aller le voir ?

 - Oh là, doucement. Viens, je vais t’expliquer.

Evan la prend délicatement par le coude et l’entraîne dans la salle d’attente.

 - Alors ? s’empresse-t-elle de demander.

 - Il va s’en sortir, la rassure Evan avec un sourire.

Ambre soupire de soulagement. Elle n’arrive pas à contrôler les larmes qui dévalent ses joues.

 - Qu’est-ce qui s’est passé ?

 - Apparemment, il se serait endormi au volant. Un arbre a arrêté sa course.

La jeune femme plaque une main sur sa bouche de surprise. Des centaines de questions se bousculent dans son esprit.

 - Est-ce qu’il est blessé ?

 - Il a pris assez cher, oui. Il a pas mal de contusions, deux côtes cassées et la clavicule. Ils l’ont opéré de suite. Il est en salle de réveil, il ne devrait plus tarder à remonter.

Ambre se met à trembler comme une feuille. Elle n’en peut plus de cette journée interminable. Elle est passée par toutes les émotions et n’arrive plus à encaisser. Evan, constatant son désarroi, pose une main rassurante sur son genou et le serre doucement.

 - Eh, ça va aller. Tu le connais aussi bien que moi, il est costaud et têtu. Il va se remettre d’aplomb en un rien de temps !

 - Tu sais pourquoi il s’est endormi ?

Evan la fixe un moment sans répondre. Elle n’arrive pas à se faire à la couleur de ses yeux, si étrange sur ce visage. Elle remarque un tatouage qui sort part le col de son t-shirt et qui finit sur son cou, mais elle n’arrive pas à en distinguer la forme.

 - Euh… disons qu’il a pas mal fait la fête hier soir, enfin ce matin… et qu’il n’a pas eu le temps de dormir.

 - Ah… je vois.

Ambre a encore du mal à s’imaginer Noah en train de faire la fête non-stop. Elle l’a déjà vu bourré comme pas possible, faire la fête et boire, ce n’est pas le problème. Le problème c’est qu’elle a l’impression qu’il ne fait plus que ça, au détriment de son travail et de sa sécurité aussi.

 - Pourquoi il n’est pas resté au lit au lieu de prendre la voiture ? C’était hyper inconscient de sa part ! Et pas dans ses habitudes en plus.

Evan se passe une main sur sa barbe naissante. Le regard qu’il lui adresse est pénétrant. Aussi déroutant que celui de son frère. Apparemment, les membres de la famille Jacob ont le don de vous intimider avec un simple regard.

 - Il voulait être à l’heure.

 - A l’heure pour quoi ?

Ambre ne comprend pas où Evan veut en venir. Elle n’a jamais été très patiente pour les devinettes. En même temps, comment pourrait-elle être au courant de ses faits et gestes, vu qu’ils ne se parlent plus.

 - Pour votre rendez-vous avec le juge. Il voulait être présent. Etre là pour toi, ajoute le jumeau après un pause.

Alors que ses larmes avaient séché, les voilà reparties de plus belle.

 - Oh ! est tout ce qui vient à Ambre.

La culpabilité vient encore plus lui serrer la gorge. Décidemment, elle a vraiment tout fait de travers ces dernières semaines. Si elle avait essayé de se réconcilier avec Noah, il ne serait pas dans un lit d’hôpital.

 - Ah non ! Je t’interdis de faire ça ! s’exclame le métis.

Surprise, Ambre le regarde en haussant les sourcils.

 - On ne se connaît pas bien, je suis d’accord, mais je connais ce regard. La culpabilité peut faire des ravages. Regarde mon frère, c’est ce qui le tue à petit feu. Donc ne pense pas que tu es coupable de ce qui se passe. Ne crois pas qu’en agissant différemment, tu aurais pu éviter tout ça.

 - Oui, mais Noah…

 - Il n’y a pas de mais, la coupe Evan. C’est comme ça et tu n’y peux rien. Tout ce que tu peux faire pour le moment, c’est être là pour lui. C’est ce dont il a le plus besoin.

Ambre regarde Evan en essayant de mieux comprendre cet homme. Elle n’arrive pas à cerner sa personnalité, tantôt en train de faire des blagues, tantôt très sérieux. Son visage est presque différent entre les deux états. A l’instant, de profonds sillons marquent un pli entre ses yeux expressifs, mais ils sont emplis d’une ombre sombre. Il a le regard de ceux qui ont vécu des choses terribles, qui ont survécu, mais qui restent marqués à jamais.

 - Je ne suis pas sûre qu’il ait envie de me voir… chuchote Ambre, soudain plus très sûre que sa présence soit une bonne idée.

 - Au contraire. Tu es la seule personne qui peut lui faire remonter la pente.

 - J’y ai cru un moment, mais aujourd’hui j’en doute. J’ai tout essayé. Rien n’a marché. Au contraire, j’ai l’impression qu’il s’est enfoncé encore plus profondément dans son mal être.

En y repansant, Ambre se dit qu’elle a tout fait. Lui poser des questions. Le laisser venir à elle. Lui montrer son soutien. Lui laisser du temps. Le mettre au pied du mur. Chercher elle-même des réponses. Toutes ses tentatives ont fini en catastrophes. Disputes. Pleurs. Cris. Ruptures. Voilà tout ce que ça lui a apporté.

 - Il y a eu tellement de non-dits entre nous, d’incompréhensions, que je doute que ma présence change quoi que ce soit.

 - Détrompe-toi. Noah se sent coupable de tout. Il porte le malheur du monde sur les épaules. Alors même s’il ne le voit pas dans l’immédiat, sentir qu’il n’est pas seul, que ses proches sont là pour lui, pour l’aider, c’est ce qui va faire la différence.

 - Je ne comprends vraiment pas pourquoi il se blâme de choses qu’il n’a pas faite, confie Ambre.

 - Il ne t’a jamais expliqué notre histoire, même pas évoquée ?

La jeune femme se tourne vers lui, les lèvres pincées. Elle secoue la tête de droite à gauche.

 - Non, je n’avais même aucune idée de ton existence.

 - Oui, c’est ce que j’ai cru comprendre, dit Evan avec un sourire en coin, dévoilant ses dents. Il a vraiment merdé, ajoute-dit pour lui-même.

 - Il m’a juste dit… Ambre s’arrête avant de finir sa phrase, ne sachant pas comment aborder le sujet avec lui.

 - Oui ?

 - Que… enfin… que tu as été en prison.

Evan se redresse sur sa chaise. Il se frotte les mains sur ses cuisses, comme s’il était nerveux. Ambre angoisse d’avoir abordé le sujet. Elle ne sait pas la réaction que peut avoir le jeune homme, s’il va se fermer, s’énerver contre elle. Elle est tellement habituée à marcher sur des œufs avec Noah quand elle aborde son passé, qu’elle redoute ce que son jumeau peut faire, au vue de son histoire compliquée. Le sourire que lui adresse Evan la rassure instantanément. Il n’a pas l’air le moins du monde perturbé par sa question.

 - Ok. Donc il ne t’a pas dit grand-chose si je comprends bien.

 - Non effectivement. On est assez proche du néant à vrai dire.

 - Je comprends mieux pourquoi toutes ces incompréhensions entre vous. Putain, il a vraiment merdé le frangin sur ce coup. Et dire que c’est censé être lui, l’intelligeant de la famille ! Bon, je vais essayer de faire bref, mais il faut absolument que tu comprennes ce qui s’est passé. C’est pas juste de sa part de te laisser dans l’ignorance comme ça. Tu en subis les conséquences, sans savoir pourquoi.

Ambre sent son portable vibrer dans sa poche. Qui peut bien lui envoyer un message à cette heure tardive ? Elle regarde le message d’un numéro inconnu. C’est Vanessa qui lui propose de venir dormir chez elle vu l’heure et de la ramener le lendemain. Ne voyant aucune autre solution et étant trop fatiguée pour en trouver d’autre, elle accepte volontiers sa proposition.

 - Par où commencer… Quand on était petits avec Noah, on était très proches. De vrais jumeaux. On n’avait pas besoin de se parler pour se comprendre. J’étais le bout en train, toujours une idée de bêtise ou d’aventure à faire. Noah était plus réfléchi, à toujours peser le pour et le contre. Il me canalisait et en même temps je lui permettais de sortir de sa bulle d’artiste. On se complétait parfaitement. Les deux faces d’une même pièce. On passait notre vie dehors à crapaüter dans la forêt avec Tadi et Yuma. On chassait, on pêchait, on faisait des cabanes dans les arbres. La vie était belle, nous étions insouciants. Et puis, quand on a eu huit ans, nos parents se sont séparés. A vrai dire, cela n’a pas été un grand choc. Ils se disputaient souvent, mon père travaillait beaucoup, mais sur des chantiers loin de Manawan, donc il passait la majeure partie de son temps en déplacement. Je crois qu’ils s’aimaient sincèrement, mais qu’ils ne savaient pas comment le faire dans cet univers complexe qu’est une réserve indienne. Les choses ont donc commencé à être bizarres. On vivait chez notre mère et certains week-end et vacances on allait avec papa. J’ai détesté cette période, mais je crois que Noah la vivait plutôt bien. Il a toujours été proche de notre père, partageant la même passion pour le dessin, pour l’art. Ils passaient des heures à créer dans l’atelier. De mon côté, je me sentais plus proche de notre mère. Je me retrouvais plus dans la culture Atikamekw que dans celle des blancs. C’est là que la balance a commencé à se déséquilibrer.

Evan fait une pause dans son récit pour remettre ses idées en place, sa dernière phrase raisonnant encore dans l’esprit d’Ambre. Cette réflexion lui rappelle immédiatement ce que lui a dit la vieille dame, quelques minutes plus tôt.

 - Depuis toujours, pour les gens du village, pour nos amis, même pour notre famille, nous étions Evan et Noah, Noah et Evan, les jumeaux, toujours ensemble. Comme si nous ne formions qu’une seule et même personne. J’avais l’impression de ne pas avoir de personnalité propre. Mon frère arrivait à se démarquer par ses talents artistiques et manuels, par ses bonnes notes à l’école. Moi je n’avais rien de tout ça. J’étais perdu. Je me cherchais. En arrivant au secondaire, je me suis dit que ça serait l’occasion de me trouver moi, moi seul, en tant que personne. J’ai commencé à m’éloigner de Noah, de notre groupe d’ami. Et puis petit à petit, je me suis rapproché de gens pas très fréquentables.

 - Zachary, comprend Ambre

 - Oui entre autres. Tu le connais ? demande Evan surpris

 - J’aurais préféré ne jamais le rencontrer… Cet enfoiré a essayé de m’agresser.

 - Il ne t’a pas fait de mal au moins ?

 - Non, non, Noah est intervenu avant mais… Ce mec m’a foutu une de ces trouilles.

 - Quel enfoiré ! Mon frère m’a un peu raconté, mais je ne savais pas qu’il l’avait tabassé pour te défendre.

Ambre se remémore la scène. Des frissons viennent lui chatouiller les bras et le dos.

 - Au départ oui, mais il n’arrivait pas à s’arrêter. Pour toi. Il voulait te défendre toi. Ou du moins te venger.

 - Ah… ça il me l’a caché tu vois. Bien qu’il soit né quelques minutes après moi, il a toujours eu le rôle de grand-frère. Il a toujours pris ma défense, m’a toujours aidé à ne pas m’embarquer dans des histoires pourries. Mais à ce moment là de ma vie, j’avais juste l’impression qu’il m’empêchait de vivre, qu’il contrôlait ce que je faisais. Je me suis éloigné de lui et j’ai trouvé le groupe de Zachary. Avec eux, j’avais l’impression d’être moi. Je n’avais plus besoin de personne pour exister. Bon, avec le recul, c’était la pire idée que j’ai eue, mais c’est comme ça. Le tout étant qu’on a commencé à faire des conneries. Au début, on fumait en cachette, puis on s’est mis à boire, à fumer des trucs plus forts que des cigarettes et ainsi de suite. Comme nos soirées coutaient cher, on a commencé à voler des trucs à l’épicerie du village. Sauf que ce sont les parents de Yuma qui tiennent ce commerce. Ils m’ont toujours considéré comme leur fils et moi, je leur volais des trucs. Alors pour ne pas y penser, je buvais plus, je fumais plus. La plupart du temps, je n’avais pas les idées claires. Zachary pouvait me faire faire ce qu’il voulait, je disais oui. Il me considérait comme son bras droit, j’avais l’impression d’exister, d’avoir un rôle important, alors qu’en réalité, il me faisait faire le sale boulot.

 - Et tes parents ne disaient rien ? demande Ambre, curieuse.

 - Ma mère travaillait d’arrachepied pour qu’on puisse vivre correctement. Elle enchaînait sont travail au lycée où elle était cantinière et femme de ménage, faisait des heures à l’épicerie et parfois elle faisait même nounou pour des voisines. Elle n’avait pas une minute à elle, du coup elle ne voyait pas ce qu’on faisait. Mais je ne la blâme pas, en tout cas, pas pour ça. Elle nous a eu très jeune, elle a fait ce qu’elle a pu, du mieux qu’elle a pu. Et mon père travaillait dur pour monter son entreprise. Il avait des chantiers dans tout le pays. Lui aussi a fait ce qu’il a pu pour garder le lien avec nous, bien qu’il ne soit pas accepté dans notre communauté. C’était dur pour lui de voir le fossé qui se créait entre nous, mais il a toujours été là. Donc, malgré tout, nos parents ont tout fait pour nous aider et nous protéger, mais ça n’a pas été suffisant.

Evan est stoppé par des bruits de sirènes et d’affolement dans le couloir des urgences. Des infirmiers passent en courant devant la petite salle d’attente. Le brun se tourne pour voir ce qui se passe, puis reporte son attention sur Ambre.

 - Un an après notre entrée au secondaire, Noah a commencé à trainer de plus en plus avec nous. Il s’est mis à fumer et boire, mais n’a jamais voulu toucher à la drogue. Au début, j’étais super content. On passait du temps ensemble, mais j’avais toujours mon statut de bras droit du leader. J’étais quelqu’un, du moins j’en avais l’impression, et en même temps, je passais du temps avec mon frère. C’était parfait, mais plus le temps passait, plus Zachary nous embarquait dans des plans de plus en plus risqués. Du vol de quelques bouteilles d’alcool, on est passé au vol de pièces auto, d’outil de bricolage, de tondeuse, d’électroménager, de bijoux. Tout ce qu’on pouvait revendre. On a même volé des voitures. A côté, on avait monté un petit trafic de drogue, mais juste pour fournir les élèves du lycée.

Ambre a vraiment du mal à se figurer Noah en délinquant. Qu’il ait bu, fumé, bon elle peut le concevoir. Mais qu’il ait participé à des vols et du trafic de drogue, non. Lui qui est toujours intègre, qui défend les causes qui lui sont chères.

 - Contrairement à moi, il est toujours resté très ami avec Tadi et Yuma, mais eux ne sont jamais rentré dans notre délire, ce qui est tant mieux. Puis, petit à petit, comme il sait si bien le faire, Noah s’est fait accepter par Zachary. Il lui confiait de plus en plus de choses. Des choses qu’il me confiait normalement. J’ai tellement été con à l’époque. Je pensais que mon frère voulait prendre ma place. J’étais jaloux de lui. Pourquoi fallait-il qu’il me prive de la seule chose pour laquelle j’étais doué ? Je lui en voulais tellement. Ce que je ne comprenais pas et que j’ai réalisé bien trop tard, c’est qu’il faisait ça pour moi. Il n’a jamais pris aucun plaisir à trainer avec ce groupe, il n’a jamais voulu voler, casser, dégrader des choses. Il m’a même avoué que parfois, quand il volait pour le compte de Zachary, il se débrouillait pour racheter son vol, souvent des pièces mécaniques, avec l’argent qu’il touchait en donnant un coup de main au garage du père de Tadi. Il faisait tout ça, pour me protéger. Pour que ce ne soit pas moi qui soit obligé de le faire. Pour que je ne risque pas de me faire prendre, ou pire, de me faire tuer.

Evan fait une pause pour aller se chercher une bouteille d’eau au distributeur. En revenant, il lui demande :

 - Ça va ? Je ne te soûle pas trop avec mes histoires ?

 - Non pas du tout, rit Ambre. J’avoue que je suis assez surprise.

 - Par rapport à ce que je te raconte ?

 - Non. Enfin si, je ne m’imaginais pas toute la souffrance par laquelle vous êtes passé. Mais c’est surtout que j’ai tellement l’habitude que ce soit un sujet tabou, compliqué, pour Noah, que je ne m’attendais pas à ce que tu m’en parle aussi ouvertement.

 - Je n’ai rien à cacher. Ça fait longtemps que j’ai fait la paix avec moi-même. Tu me diras, je n’avais que ça à faire en prison… Noah n’a jamais réussi à se pardonner ce qui s’est passé. Il n’a jamais pu passer à autre chose. Et si moi je l’ai fait, il doit le faire aussi. Pour son bien et donc pour le mien. Pourquoi tu souris ? J’ai dit quelque chose de drôle ?

 - Non, c’est juste que tu es tellement bavard. Une vraie pipelette, alors que ton frère est plutôt du genre homme des cavernes à marmonner et se taire. Enfin, quand il faut qu’il parle de lui.

 - Oui, c’est vrai que sur ce point on ne se ressemble pas. Là aussi on s’équilibre. Lui il écoute, il observe, moi j’argumente, je parle, j’agis tête baissée.

 - Les deux faces d’une même pièce.

 - Exactement, confirme Evan.

 - Il y a quelque chose que je ne comprends toujours pas. Si Noah a essayé de te protéger en faisant le sale boulot à ta place comme tu dis, pourquoi il se sent coupable. Ce n’est pas comme s’il n’avait pas bougé le petit doigt.

 - Tout a changé une nuit de mars. Zachary avait prévu un braquage de longue date. Il voulait voler la caisse et l’alcool d’une petite station-service. Ce devait être moi en charge de l’opération, mais quelques jours avant, je me suis cassé le bras en faisant le con à moto. Tout le plan est tombé à l’eau. Mais Zach voulait absolument le faire parce que la station-service se trouvait sur une zone occupée par une bande rivale. En y repensant, on était ridicule à jouer à la guerre de territoire comme ça. Enfin, bref, c’est Noah qui devait me remplacer. Le plan été simple, juste avant la fermeture il se pointait avec une arme factice, il braquait la caisse, chargeait des casses d’alcool, cassait quelques meubles et puis partait, le tout masqué. Sauf qu’au dernier moment, Zach nous a convoqué. Il avait mis la main, dieu seul sait comment, sur de vraies armes. Il voulait que Noah les utilise. Il a refusé, bien entendu. Je te passe les détails, mais s’en est suivi la plus grosse dispute de notre vie. On s’est dit des choses tellement horribles, que ni l’un ni l’autre ne pensait sur le moment, mais qui ont fait des dégâts irréversibles. J’étais tellement furieux contre lui, que j’ai dit à Zach que je voulais faire le braquage. Il a accepté de m’accompagner, parce qu’avec mon bras, je ne pouvais pas tenir l’arme et prendre l’argent. Au début, tout se déroulait comme prévu. Zach avait chargé la moitié de l’arrière de sa voiture, quand on a entendu les voitures de police arriver. J’étais tétanisé de peur. Je n’avais jamais vraiment pris au sérieux le fait que je puisse me faire arrêter parce qu’on préparait bien nos coups à l’avance. Mais là, on ne savait pas que quelques jours avant, le proprio avait fait placé des caméras de sécurités. Zachary, cet enfoiré, a pris la poudre d’escampette à l’instant où il a entendu les sirènes. Il est monté dans sa voiture et m’a laissé en plan. J’ai essayé de m’enfuir, mais j’étais handicapé par mon bras et par l’arme dans l’autre main. Les flics n’ont pas eu de mal à m’arrêter, mais je ne me laissais pas faire et… (Evan prend une grande inspiration, le regard sombre) je ne sais pas ce qui s’est passé mais, disons que j’ai accidentellement appuyé sur la gâchette. Un coup est parti. Heureusement pour tout le monde, personne n’a été touché. Quoi qu’il en soit, ça n’a pas arrangé mon cas.

 - Je suis désolée, dit instinctivement Ambre en posant sa main sur son avant-bras.

 - Pourquoi ? demande-t-il surpris.

 - Parce que vous n’étiez que des enfants. Vous n’aviez pas à vivre tout ça.

Evan la fixe un moment, sans ciller, un petit sourire en coin. La jeune femme se sent rougir sous son regard perçant et détourne la tête.

- Je comprends mieux pourquoi mon frère est complètement sous ton charme. Je pensais qu’il exagérait, mais je vois pourquoi il s’est laissé ensorcelé.

Ambre se dandine sur son siège, le faisant grincer. Elle se sent flattée et mal à l’aise.

 - Bon, pour finir cette histoire qui est déjà bien trop longue, Noah a pris la responsabilité de mon arrestation sur les épaules. Il s’en est voulu, et s’en veut toujours, parce que s’il avait accepté de faire ce braquage, rien de tout cela ne serait arrivé. Je ne me serais pas retrouvé en centre de redressement pour mineur. A l’époque, moi aussi je lui en voulais et je n’acceptais pas qu’il laisse ma mère toute seule à la réserve. Je pensais qu’il était égoïste et qu’il ne pensait qu’à lui, alors que c’est l’inverse. Toute sa vie, il n’a fait que penser aux autres et à moi en particulier. Pour une fois, il faisait quelque chose pour se sauver lui et personne ne l’a compris. Personne ne l’a soutenu à part mon père. Dix ans sans se parler, sans se voir, c’était la pire des tortures. Je l’ai choisi pourtant. C’est de ma faute. J’ai refusé qu’il vienne me voir, puis petit à petit, il n’a même plus cherché à venir face à mes objections. Le fossé entre nous était trop grand. Je suis sorti, j’ai continué les conneries. Je me suis enfoncé encore plus profondément dans mon mal être, dans ma noirceur. J’ai fait des aller et retour en prison, jusqu’à cette dernière incarcération, où j’ai pris six ans ferme. Je n’y suis resté que trois ans et demi, heureusement pour moi, mais j’ai décidé de me reprendre en main, de changer. Et surtout, je ne faisais que penser à Noah, à mon père que je n’avais pas revu depuis des années. J’ai décidé de remettre ma vie en ordre. J’ai décidé de faire les choses bien, comme l’aurait fait Noah, qui au final, a toujours été un modèle pour moi. J’ai toujours voulu lui ressembler, c’est pour ça que j’étais jaloux et envieux. Mais ne plus le voir, ne plus lui parler pendant tout ce temps, c’était pire que la prison au final. Il me manquait une part de moi.

Pour accompagner son propos, Evan prend le haut de son t-shirt et tire dessus pour dégager son pectoral gauche. Ambre écarquille les yeux. Sur sa peau bronzée, une lune et un soleil aux motifs tribaux s’étalent en encre noire, juste au niveau de son cœur. Ce tatouage, la jeune femme le connaît par cœur. Elle l’a vu un million de fois, l’a parcouru de ses doigts, de ses lèvres. Ce tatouage, Noah l’arbore au même endroit que son frère et enfin elle en comprend le sens. Il les représente tous les deux. Les deux faces d’une même pièce, différents mais complémentaires, intimement liés à jamais.

 - Alors comme ça, tu montre tes tatouages à des jolies filles dans les salles d’attentes d’hôpitaux maintenant ?

Ambre sursaute en entendant cette voix féminine. Elle était tellement embarquée dans l’histoire d’Evan, qu’elle ne l’a pas entendu arriver. Deux fois en quelques heures, c’est beaucoup trop. Dormir devient une nécessité. Il faut dire que le jeune homme est un conteur né. Il a une façon de placer sa voix, douce et chaude, de faire passer les émotions, qu’il pourrait rendre intéressant l’énumération d’une liste de course. Pendant toute leur discussion, il n’a fait que lui répéter qu’il n’avait aucun talent, aucun sens artistique comparé à Noah. Ambre n’est pas du tout d’accord avec ça. Le même feu, la même sensibilité coule dans ses veines, c’est juste qu’il n’a pas la même façon de l’exprimer.

Ambre fait plus attention à la nouvelle arrivée, quand elle entend le rire sonore et mélodieux d’Evan retentir dans la pièce. Elle a un temps d’arrête en la reconnaissant. Elle est beaucoup plus habillée que la première et seule fois qu’elle l’a vu, avec sa tenue blanche d’aide-soignante.

 - Avoue que tu es jalouse, chérie.

 - Tu aimerais bien Evan. Je venais te chercher. Noah est remonté du bloc. Il est encore dans les vaps, mais il va bien.

Ambre soupire de soulagement. Du coin de l’œil, elle voit Evan détendre imperceptiblement ses épaules.

 - Est-ce que je peux le voir ? demande la jeune femme, avec hésitation.

 - Oui bien entendu. Je dois aller voir un autre patient, mais tu sais où est sa chambre Evan, dit-elle avec un sourire aimable.

 - Merci beaucoup Tala, lui dit-il en se levant et en déposant un baiser sur sa joue.

Elle ne sait pas trop quelle relation ils entretiennent tous les trois. Ça lui parait très flou et Ambre sent la jalousie monter dans son ventre. Evan se tourne vers elle, les sourcils levés, lui demandant silencieusement ce qu’elle fait encore assise. Elle le rejoint en quelques enjambées rapides et ils s’engagent dans un long couloir blanc.

 - Je peux te poser une question ?, demande Ambre, n’y tenant plus. C’est qui Tala par rapport à Noah ? Ils avaient l’air super proche à Manawan.

 - C’est son ex, dit-il le plus simplement du monde. Et la mienne, ajoute-t-il plus bas.

Ambre fait un pile et s’arrête, manquant faire tomber une aide-soignante qui les suivait. Elle s’excuse, les joues rouges de honte.

 - Ne fais pas cette tête, se moque Evan. Ça fait longtemps que c’est fini entre eux.

Elle fronce les sourcils, peu convaincue, mais continue à le suivre dans le dédale de l’hôpital.

 - Elle ne représente aucune menace pour toi. Le docteur Vanié, qui a opéré Noah d’ailleurs, est aussi le mari de Tala et le père de sa fille de trois ans, Sora. C’est elle qui m’a appelé pour me prévenir de l’accident de Noah et qui t’a appelé juste après.

 - Ah…

Ambre ne trouve rien à dire de plus. Elle se sent embarrassée et bête d’être autant jalouse. Elle n’a pas le temps de s’appesantir sur son sort et sur ses maladresses. Evan s’arrête devant une porte bleue portant le numéro 0207. La jeune femme laisse échapper une larme en voyant le numéro de la chambre. C’est une très belle coïncidence, lui rappelant le premier jour où leurs chemins se sont croisés avec Noah. Son cœur bât la chamade à l’idée de le voir. Elle se demande dans quel état elle va bien pouvoir le trouver. Est-ce qu’il va accepter sa présence ? Qu’est-ce qu’ils vont bien pouvoir se dire ? Elle s’imagine dans la scène d’un film, tomber dans ses bras en pleur, après des excuses mutuelles, réalisant qu’ils ne peuvent pas vivre l’un sans l’autre. Evan pose la main sur la poignée, mais suspend son geste et se retourne.

 - Euh… Ambre… par rapport à ce que j’ai dit tout à l’heure…

 - Oui ?

Ambre se demande sur quelle partie de sa vie il va revenir. Est-ce qu’il y a des choses qu’il ne lui a pas encore révélé ?

 - Il se peut que Noah ne sache pas pour Tala et moi. J’aimerais bien garder mon nez et mes parties génitales intacts encore un peu, si possible.

 - Promis, je ne lui dirais rien, s’esclaffe la jeune femme face à son air soulagé.

Evan pénètre dans la pièce faiblement éclairée qui sent les produits médicaux d’un pas décidé.

 - Salut frérot, regarde qui je te ramène.

Aucune réponse. Ambre avance et le voit. Allongé dans le lit, ses yeux sont fermés, cerclés de profondes cernes noires. Sa peau n’a pas sa teinte chaude habituelle. De nombreux bleus et coupures parsèment son visage. Le drap est remonté jusqu’à son menton, mais elle peut voir son corps se lever et s’abaisser douloureusement à chaque respiration.

 - On dirait qu’il dort encore, je suis désolé.

 - Ne t’en fait pas. Je peux lui parler une minute quand même ? demande Ambre.

 - Bien sûr, je vous laisse seuls. Je serais juste devant la porte.

 - Merci.

Ambre pose son sac sur une table poussée contre le mur. Elle s’approche du lit, lentement, prudemment et s’assoit sur le fauteuil à côté de Noah. Elle lui prend la main avec le plus de précautions possibles. Elle a tellement peur de lui faire mal.

 - Salut, articule-t-elle péniblement. Je… Je sais pas si tu m’entends, j’ai l’impression d’être une vraie gourde, mais… Enfin, je…

Ambre reprend une grande inspiration, sentant les larmes monter de nouveau.

 - Putain, je ne sais pas quoi dire… Voilà la vérité. Tu le crois ça ? Moi, sans mots. Et pourtant, j’avais imaginé nos retrouvailles des millions de fois. Je savais exactement ce que je voulais te dire. Ce que je devais te dire. Jamais je n’aurais imaginé que ça se passe dans ces conditions. J’ai eu tellement peur. Putain, je t’ai cru mort. (Les larmes coulent librement sur ses joues). Tu n’as pas intérêt à mourir Noah. Je te l’interdis. Pas alors qu’on ne s’est pas expliqué, pas sans qu’on ait réglé nos affaires. Tu n’as pas le droit de m’abandonner comme ça. Je sais que les médecins disent que ça va aller, mais avec toi, je me méfie. Tu veux toujours faire les choses différemment des autres. Mais je te l’interdis, tu m’entends. J’ai besoin de toi, moi…

Sa voix se coupe. Ambre n’arrive plus à prononcer un mot. L’émotion est trop forte. Elle se sent un peu idiote de lui parler alors qu’il ne peut pas l’entendre et lui répondre. Tout à coup, toutes les émotions de la journée la frappent de plein fouet. Elle se sent triste, soulagée, épuisée, apeurée, perdue. Elle ne veut qu’une seule chose. Dormir et que cette journée se termine enfin. Elle se lève, pose ses lèvres sur le front de Noah en lui murmurant qu’elle l’aime.

Elle ouvre la porte et sursaute en tombant nez à nez avec une femme d’une quarantaine d’année, de très longs cheveux noirs striés de gris, lui arrivant à la taille. Elle est aussi grande que la jeune femme, si bien que leurs yeux arrivent à la même hauteur. Elle a le regard fatigué mais vif. Le même regard chocolat qu’Evan, mais le nez de Noah. Ambre comprend que c’est Dona, la mère des garçons, qu’elle n’a jamais vu.

 - Bonsoir, dit-elle d’un ton sec, presque soupçonneux.

Evan apparaît derrière elle et pose ses mains à plat sur ses épaules. Il se penche en avant et lui dit à voix basse.

 - Maman, c’est Ambre.

L’expression de la femme change immédiatement, se voulant beaucoup plus chaleureux. Elle avance et sans un mot enlace la jeune femme. Cet élan inattendu surprend d’abord Ambre, qui se laisse ensuite aller à cette étreinte réconfortante. Dona se recule un peu, sans la lâcher.

 - Merci pour tout ce que tu fais pour mon fils. On aura l’occasion d’apprendre à se connaître dans des circonstances plus propices.

Elle lui adresse un sourire bienveillant et pénètre dans la chambre de Noah. Ambre se retourne pour suivre son mouvement, peu sure de comprendre ce qui s’est réellement passé. Elle est trop fatiguée pour y réfléchir dans l’immédiat. Elle remercie Evan pour tout ce qui lui a dit ce soir et lui demande de la tenir au courant de l’évolution de l’état de santé de Noah.

 - Tu pourras lui dire que je suis passée le voir, quand il se réveillera ?

 - Bien sûr, je lui dirais.

 - Merci.

Ambre commence à s’éloigner dans le couloir, mais une information importante vient se rappeler à elle. Elle se retourne et interpelle Evan sur le point de rejoindre les siens.

 - Evan !

 - Oui ?

 - Quand Noah sera remis sur pieds, tu pourras lui passer un message pour moi ?

 - Tout ce que tu veux.

 - Dis-lui qu’on a perdu le procès. On a perdu le Manoir de Jadis.

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