Chapitre 24

29 minutes de lecture

Le soleil qui réchauffe la peau, le bruit des vagues en contre bas qui lèchent le sable de la plage, les oiseaux qui chantent au loin, une vue à couper le souffle, un jus de fruit pressé à porté de main et surtout un bon livre, voilà ce qui s’appelle les vacances, les vraies. Les lunettes sur son nez, Lila savoure ces premiers jours de repos et de calme. Elle redécouvre ce que c’est que de ne rien faire et prendre du temps pour soi. Elle ferme les yeux quelques secondes et profite de la quiétude du moment. Les garçons sont partis faire du jet ski un peu plus tôt dans l’après-midi. Lila les adore, mais quand ils sont tous ensemble, ils sont insupportables et extrêmement bruyants. Aucune des filles n’a voulu les accompagner, elles vaquent donc chacune à leurs occupations. Salomé, assise en tailleur sur une chaise longue, révise ses cours de maladies infectieuses, tandis qu’Elma fait des longueurs dans la piscine. Ambre est assise sur les marches du bassin, avec juste les pieds dans l’eau. Son ordinateur est posé sur ses genoux. Lila la soupçonne de vérifier discrètement ses mails, alors qu’elles avaient convenu de totalement se déconnecter du travail. En la regardant plus attentivement, Lila remarque qu’elle tape frénétiquement sur son clavier, ce qui lui paraît beaucoup pour répondre à un simple message. Elle est peut-être en train de reprendre l’écriture. Ce qui serait une super nouvelle. Lila adore la façon qu’Ambre a de raconter des histoires, de plonger le lecteur dans un monde, de le tenir en haleine. Et puis l’écriture, c’est sa façon de décharger les émotions et dieu sait qu’Ambre est quelqu’un de plutôt extrême dans ses ressentis.

La journée passe ainsi tranquillement, Lila le nez plongé dans son livre d’époque, rempli de combats, de trahisons et d’amour tumultueux, tout ça dans les landes sauvages de Grande-Bretagne. Lorsqu’elle ferme son roman après avoir lu la dernière phrase qui la laisse sur sa fin, elle s’aperçoit qu’il est bientôt l’heure de manger. Les garçons ne sont toujours pas revenus. Elle sait d’avance qu’ils vont être affamés. Elle n’a pas encore eu l’occasion de cuisiner dans cette demeure incroyable. A chaque fois qu’elle passe devant, elle a une folle envie d’essayer les couteaux rutilants posés sur le plan de travail en marbre blanc. Elle décide donc de laisser libre court à sa passion. Les vacances, c’est le moment idéal pour tester de nouvelles choses. En jetant un coup d’œil à la bibliothèque du salon, elle s’est aperçue qu’il y avait un certain nombre de livres de recettes. La plupart concernent la cuisine gastronomique française, quelques-uns les spécialités nord-américaines, mais celui qui a attiré toute son attention est un petit ouvrage qui ne paye pas de mine, aux pages jaunies et cornées, intitulé La tradicional cocina Mexicana y sus mejores recetas. Heureusement pour elle, il est écrit en deux langues, espagnol et anglais. Elle préfère avoir une traduction dont elle est sure du sens, plutôt que de mettre des piments à la place des haricots rouge. Elle n’a pas vraiment l’occasion de pratiquer la cuisine du monde. Ses clients recherchent avant tout la finesse de ses recettes françaises. Un peu de nouveauté et de challenge, voilà ce qui lui fallait pour vraiment s’amuser. Après avoir longuement hésité, tous les plats lui faisant extrêmement envie, elle se décide à faire des enchiladas et des quésadillas, accompagnés de guacamole maison.

Quand le groupe d’amis revient de sa journée sportive, Lila est en train de vider les avocats, en faisant bien attention de ne pas se couper. Les couteaux sont tellement aiguisés qu’ils pourraient diviser une pierre en deux sans se casser. Logan est le premier à pénétrer dans la cuisine. Il s’arrête devant le plan de travail et renifle.

- Waouh ! Ça sent tellement bon ! s’exclame-t-il en détachant l’élastique de ses cheveux, qui lui retombent à présent sur les épaules.

- J’ai la dalle, s’exclame Alexis en entrant à sa suite, simplement vêtu de son maillot.

Le mécanicien se dirige vers Salomé, toujours penchée sur ses cours et l’enlace. La jeune femme se lève et s’étire douloureusement. Un a un, les garçons rejoignent le salon. Noah, ses cheveux éternellement en pétard, arbore un sourire en coin. Lila flaire une supercherie. En général quand il fait cette tête, ça se finit toujours par des cris. Ambre, les ayant entendus arriver, ferme son ordinateur et se dirige vers la maison. Noah ne peut la quitter des yeux alors qu’elle s’avance vers lui. Elle porte un maillot de bain une pièce blanc, avec un décolleté vertigineux agrémenté d’un bijou en or. Elle a enfilé une robe de plage en dentelle noire par-dessus. Jouant de la situation, la jeune femme prend bien son temps, consciente de l’effet qu’elle lui fait. Après avoir déposé ses lèvres sur les siennes, Noah lui tend un petit paquet rose avec un nœud vert.

- Je sais, les couleurs ne sont pas très engageantes comme ça, mais je pense que ça va te plaire.

Ambre le fixe avec un regard soupçonneux. Elle tient son cadeau du bout des doigts, ne sachant pas trop quoi penser de cette attention soudaine. Noah n’est pas du genre romantique. Il ne voit pas l’utilité d’offrir en permanence des présents, trouve ridicule les grandes déclarations d’amour et tout ce qui peut se rapporter de près ou de loin à une comédie à l’eau de rose. C’est un homme d’action qui préfère les gestes plutôt que les grands discours. Voyant que le silence s’éternise et qu’elle ne semble pas décidée à ouvrir son cadeau, Noah s’explique.

- Après le jet ski, on est allé en centre-ville pour boire un coup. On est passé devant un marché coloré qui vendait plein de choses. C’était assez incroyable. Y avait une petite dame habillée de couleurs flashy, avec un étal minuscule à moitié caché dans un coin. Elle m’a fait penser à Noko[1], la doyenne de mon village. Quand je me suis approché, elle m’a adressé un grand sourire. Son visage était tout fripé de ride, il lui manquait la moitié des dents, mais elle transpirait la bienveillance. Elle t’aurait plus à toi aussi. Et quand j’ai vu ce qu’elle vendait, j’ai tout de suite pensé à toi.

Ambre est touchée par son récit, qui a le mérite de piquer sa curiosité. Elle jette un dernier regard suspicieux à Noah, avant de défaire le nœud. Elle sort un petit sachet bleu turquoise. De plus en plus kitch, pense-t-elle avec appréhension. Elle plonge la main et en ressort une chaîne dorée où pend un médaillon rond. Il est composé de motifs complexes disposés en cercle, avec en son centre une sorte de tête. Ce motif est familier à Ambre, mais elle ne sait pas où elle l’a déjà vu. Le bijou est d’une finesse et d’une beauté incroyable.

- C’est le calendrier Maya, explique Noah.

Ambre le trouve encore plus merveilleux. D’accord, Noah ne lui fait pas souvent de cadeaux, mais à chaque fois, il tombe juste. Il réfléchit aux moindres détails, aux choses qui la touchent ou lui tiennent à cœur. C’est la preuve qu’il la connaît mieux que personne. Elle sent les larmes lui monter aux yeux, mais les ravale et se jette à son cou pour le remercier.

- Merci, merci, merci ! Il est magnifique ! Je l’adore.

- Ouf, j’ai eu peur. Tu es vraiment obligée de toujours tout compliquer comme ça ? lui demande-t-il en riant.

- Oui. Il faut que je conserve mon statut de drama queen.

- Ne t’inquiète vraiment pas pour ça, personne ne peut te détrôner, dit Raphaël en s’affalant sur le canapé.

Le repas se passe dans la bonne humeur. Noah lance des réflexions à Ambre qui part au quart de tours, ce qui fait bien rire Raphaël. Léo essaye de la défendre, mais Elma fait semblant d’être jalouse. Alexis passe tout son temps sur son téléphone, soi-disant en train de parler avec une belle brésilienne rencontrée un peu plus tôt dans la journée. Logan, Lila et Salomé discutent cuisine et bien-être. Seul Gabriel reste un peu en retrait. Il participe aux conversations et rit aux blagues, mais n’a pas son enthousiasme habituel. Il est tendu. Lila lui demande à plusieurs reprises s’il va bien, mais à chaque fois, il lui sourit et lui assure que tout est parfait. La jeune femme est complimentée plusieurs fois pour son repas, ce qui lui fait chaud au cœur. Ils décident ensuite de regarder un film tous ensemble dans le salon. Le plus dur est de contenter tout le monde. Certains veulent de l’action, d’autres une comédie. Lila reste en retrait et les laisse choisir, de toute façon elle sait très bien que les garçons ne voudront pas voir de film romantique comme elle les aiment ou un documentaire animalier. Elle les laisse à leur argumentation pendant qu’elle va prendre sa douche. Elle a l’impression qu’on peut la suivre à la trace dans la maison, tellement l’oignon empreigne ses vêtements. En sortant de la salle de bain, Lila sursaute violemment. Gabriel est assis sur le lit, dos à elle, le regard fixé sur le paysage.

- Tu m’as fait peur, lui dit-elle en enfilant un short et un t-shirt propre.

- Désolé, ce n’était pas mon intention.

- Ils ont réussi à se mettre d’accord sur le film ?

- Je crois qu’ils ont fait à la majorité et c’est tombé sur Conjuring.

- Un film d’horreur ? Ils sont sérieux ? dit Lila dépitée.

Gabriel hausse les épaules et se met à faire les cents pas. Lila le regarde, surprise.

- Ok, stop. Gab qu’est-ce que tu as ? Depuis que vous êtes rentrés, tu agis bizarrement. Il s’est passé quelque chose cet après-midi ?

- Non, non, tout va bien. C’est juste que… (Gabriel prend une longue inspiration). Je t’ai acheté quelque chose, mais j’ai peur que ça ne te plaise pas.

- Vous vous êtes donné le mot avec Noah ? demande avec humour la jeune femme.

Voyant que Gabriel n’est pas réceptif et reste toujours aussi tendu, elle s’approche de lui et pose la main sur son bras.

- Je suis sûre que ça va me plaire. Ne te stresse pas comme ça.

- Bon, d’accord. Tiens.

Gabriel pose un grand sac sur le lit. En voyant l’insigne sur l’emballage, le cœur de Lila fait un arrêt. Elle connaît parfaitement ce nom. Son rythme cardiaque s’accélère. Dans une boite carrée, extrêmement soignée, Lila découvre une paire d’escarpin en velours noir, avec un grand nœud à l’arrière. Le talon fait bien dix centimètres de haut et le dessous est d’un rouge vif, emblème de cette marque de luxe.

- Alors ? Elles te plaisent ? Ma sœur m’a dit qu’elles t’iraient bien.

Lila reste silencieuse. Elle ne sait pas comment réagir. Gabriel vient de lui offrir des escarpins Louboutin. Elle n’en revient pas.

- Ok… elle ne te plaisent pas, soupire d’agacement le musher.

- Ce n’est pas ça. Elles sont magnifiques…

- Mais, anticipe-t-il un peu violement.

- Mais pourquoi ? Pourquoi tu m’offre ça ?

- Parce que je dois avoir une excuse pour te faire des cadeaux maintenant ? s’étonne le musher en haussant les sourcils.

Lila reste clouée sur place. Elle ne comprend pas la réaction de Gabriel et sent que quoi qu’elle dise, la situation va dégénérer. Elle décide donc de se taire. Mauvaise idée. Le jeune homme referme la boite avec des gestes brusques et jette le paquet sur le fauteuil près de la baie vitrée.

- C’est bon, j’ai compris. Oublis ce cadeau. Je savais que ce n’était pas une bonne idée.

Gabriel se dirige vers la porte, mais Lila l’arrête.

- Attends…

Il se retourne et lui lance amèrement :

- Quoi que je fasse, ça ne va jamais à tes yeux de toute façon. Je ne fais ou ne dis jamais ce qu’il faut. Je commence à avoir l’habitude.

Lila en reste bouche baie. Elle sent la colère monter en elle.

- Pardon ! Non mais ça ne va pas bien ?

- C’est moi qui ne vais pas bien ?! Ça, c’est la meilleure ! C’est toi qui stresse pour tout, qui fait des blocages pour la moindre chose et c’est moi qui ne vais pas bien !

- Je t’interdis de me parler sur ce ton ! Tu savais très bien, avant qu’on se mette ensemble, ce qui me bloquait. Tu l’as accepté. Ne rejette pas la faute sur moi pour des simples chaussures.

- Au moins mon ex aurait aimé ce cadeau… murmure Gabriel.

Lila essaye de se calmer, en vain. Sa respiration est saccadée. Ses mains tremblent de colère. Son sang boue dans ses veines. Elle n’aurait jamais imaginé que Gabriel puisse lui dire de telles choses. Lui, d’habitude calme, patient, à l’écoute, est tout le contraire. Il est agité, parle fort, son visage tendu pas la colère et l’incompréhension. Elle ne l’a jamais vu ainsi. Ça lui fait peur. Elle ne peut pas croire qu’elle a pu se tromper sur lui de la sorte. Pas après ce qu’ils ont vécus ces dernières semaines. Elle ne peut s’empêcher de répliquer :

- Alors pourquoi tu n’es pas resté avec elle plutôt que de sortir avec la pauvre fermière ? Je croyais que justement tu avais quitté ce monde de luxe et de paillettes parce qu’il ne te convenait pas. Que c’était pour ça que tu étais venu à Sainte-Agathe. Je pensais qu’on avait la même vision des choses. Je commence sérieusement à en douter…

- Voilà, tu viens de démontrer à l’instant ce que j’essaye de te dire. Quoi que je fasse, à tes yeux, je serais toujours le mec friqué, qui est né avec une cuillère en argent dans la bouche.

- Gabriel, tu viens de m’offrir des chaussures à huit-cent balles. Comme ça, sans aucunes raisons. Dans mon monde, ce n’est pas normal. Ce n’est pas le fait que tu me fasses un cadeau qui me gêne. C’est le prix de ce cadeau. Tu aurais pu m’offrir un bijou ou un vêtement trouvé au marché, comme Noah à fait pour Ambre, ça aurait été très bien. Mais des chaussures de luxe ?

- S’il est si parfait, tu n’as cas sortir avec Noah, cris presque le musher en montrant la porte du doigt, comme si le métis se trouvait juste derrière.

- Arrête ! Ne sois pas ridicule. Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit, s’agace Lila en croisant les bras sur sa poitrine.

- Non mais c’est bon, tout est clair. Tu as dit exactement les mots qu’il fallait. On ne fait pas parti du même monde. J’ai bien compris ça. Tu me fais passer assez souvent ce message. De toute façon, quoi que je fasse, tu vas m’associer à ma famille. Pire, tu ne peux pas t’empêcher de me comparer à Maxime, parce que, lui aussi sa famille avait de l’argent, lui aussi il pouvait t’offrir des marques de luxe.

Lila ouvre de grands yeux. Elle n’en croit pas ses oreilles. Comment peut-il ramener son histoire avec Maxime, comme ça sur le tapis ? Comment il peut une seule seconde l’accuser de le comparer à lui ? Apparemment, Gabriel n’en a pas fini, il s’approche d’elle, un peu trop près. Lila est obligée de lever la tête bien haut pour le regarder dans les yeux. D’une voix calme et posée, qui la fait frémir, il lui dit avec détachement :

- Au final, peut être que c’est toi qui a raison. Maxime et moi, nous sommes pareils, des gosses de riches, mauvais pour les autres. Tu devrais prendre tes distances…

A ces mots, le cœur de Lila manque un battement. Comment une simple paire de chaussures à pu dégénérer à ce point. Les larmes lui montent aux yeux, mais elle ne veut pas lui montrer qu’il a gagné. Elle ne veut pas qu’il la prenne en pitié. Elle recule de deux pas et lui dit :

- Je crois qu’on va arrêter les frais pour ce soir. On a besoin de se calmer tous les deux avant de faire ou de dire quelque chose qu’on va regretter.

Lila ne lui laisse pas le temps de répondre. Elle se retourne et sort de la chambre. Ses mains tremblent. Les larmes menacent de la submerger, tellement elle est en colère. Comment a-t-il osé lui reprocher tout ça ? Elle fulmine en s’asseyant sur le canapé. Elle ne peut s’empêcher de repasser en boucle la scène qu’elle vient de vivre. Ce n’est qu’après un long moment, qu’elle s’aperçoit que le film a commencé. Elle est sortie de sa torpeur par les cris d’Ambre. La jeune femme est roulée en boule contre Noah et passe son temps à se cacher le visage contre son épaule. En temps normal, Lila aurait fait la même chose, mais ce soir elle n’a absolument pas envie de trouver du réconfort auprès de l’homme qu’elle aime. Au contraire, elle aurait plutôt envie de le frapper avec les talons de ses fichus escarpins. Gabriel les rejoint au salon et s’assoit de l’autre côté du canapé, aussi loin que possible de la jeune femme. Ses joues sont encore rouges d’énervement. En s’installant, leurs regards se croisent. Lila lui lance un regard assassin. Gabriel hausse les épaules en soupirant et se tourne vers l’écran de télévision.

- Quelle arrivée glaciale, essaye de faire de l’humour Alexis.

Un silence gêné s’installe. Ni Lila, ni Gabriel ne lui répondent. La jeune femme n’a même plus la force de s’inquiéter des regards tournés vers elle. Elle reste les yeux fixés sur les images sans vraiment les voir. Du coin de l’œil, elle voit Ambre se redresser et glisser un mot à l’oreille de Noah qui acquiesce en l’embrassant rapidement. Elle se lève et prend le bras de Lila en passant devant elle pour la faire se lever. Cette dernière ne proteste pas, au contraire, elle la suit avec soulagement.

- Vous savez quoi, ce film n’est vraiment pas pour moi. Je déclare forfait, annonce Ambre. Je vais plutôt regarder High School Musical pour la cent-cinquantième fois.

Elma se lève et vient se joindre aux filles en déclarant que, même avec la meilleure volonté du monde, les Warren n’arriveront jamais à la cheville de Zack Efron. Salomé les suit après avoir dit :

- Je connais ce film tellement par cœur, que ce n’est même plus drôle. J’anticipe tout et ça ne me fait plus rien.

Les quatre amies se retrouvent donc dans la chambre de Ambre. Elle s’affaire dans tous les sens pour ramasser les affaires de Noah éparpillées partout. Elle pousse sous le lit un slip, récupère un t-shirt échoué par terre.

- Je suis vraiment confuse pour le désordre, dit-elle en récupérant la serviette accrochée sur la poignée de la fenêtre.

- On dirait Bagdad, s’exclame Salomé en riant.

- M’en parle pas ! soupire la jeune femme, dépitée. J’ai perdu un pari. Durant toute la durée des vacances, j’ai interdiction de lui dire quoi que ce soit sur sa conception du rangement.

Les filles s’installent en cercle sur le lit enfin dégagé. Lila ne dit rien, mais Ambre rentre dans le vif du sujet en lui demandant ce qui se passe. La jeune femme ne se fait pas prier longtemps et leur raconte toute la dispute. Rien que d’y repenser, sa colère remonte en flèche.

- Non mais vous y croyez ? Il a osé me dire que ses ex auraient aimé son cadeau, elles !

- Peut être qu’il était tellement stressé que ta réaction l’a déstabilisé ? essaye d’analyser Elma.

- Surement, mais quand même ? Comment on a pu aller aussi loin ? s’étonne encore Lila.

- Est-ce que tu crois que c’est vraiment le cadeau le fond du problème, questionne Ambre.

- Franchement, je ne sais plus quoi penser. Depuis la mort de Jack, il est différent. Je comprends que sa disparition le touche, mais pourquoi s’en prendre à moi ? Et surtout, pourquoi il a ramené Maxime sur le tapis, en sachant pertinemment à quel point ça me fait mal ?

Elma et Salomé se regardent étonnées, ne comprenant pas la référence. Lila leur sourit et leur explique.

- Maxime est mon ex.

- Un gros connard, complète Ambre.

Lila confirme et se repasse une énième fois le film de sa dispute avec Gabriel. La colère à fait place à l’incompréhension la plus totale.

- Bon, il a clairement un manque de confiance en lui, sur ce coup, dit Elma. Le tout, c’est de comprendre pourquoi il a été blessé à ce point.

- La meilleure façon de le savoir, c’est de lui poser directement et calmement la question, acquiesce Salomé. Il faut que vous arriviez à communiquer.

- Oui vous avez raison… mais pas ce soir. Je n’aurai pas la patience ni la force d’avoir une explication sereine avec lui, soupire Lila.

Ambre la prend par les épaules et lui fait un câlin. Elles sont vites rejoint par leurs amies.

- Dommage qu’on ne fasse pas la même taille de chaussures, murmure Ambre, provoquant l’hilarité générale.

Les rires finissent par retentir dans la chambre, chassant un peu l’air morose de cette soirée.

- Gabriel n’est pas méchant au fond. Je suis sure qu’il y a une explication à tout ça.

- J’espère que tu as raison, parce que je commence vraiment à m’attacher à lui, lâche Lila à demi-mots.

Ambre hausse les sourcils et regarde Elma qui a un sourire rayonnant sur les lèvres.

- Lila Bousquet, serais-tu en train d’avouer que tu aimes bien ce garçon ? demande sa meilleure amie.

- Oui… dit Lila en se cachant le visage dans les mains pour ne pas montrer ses joues qui rougissent.

- Tu l’aimes bien comment ? renchérit Salomé. Moyennement, un peu, beaucoup ?

- Beaucoup… beaucoup, beaucoup, beaucoup…

Ambre pousse un cri de joie, rapidement suivie par ses amies. Elles se mettent debout et comme des adolescentes, se mettent à sauter sur le lit. La soirée se fini par une bataille de polochon. Cela fait un bien fou à Lila. Elle a l’impression d’avoir un peu sauvé le naufrage de cette soirée, aidée des rires et des discussions « de filles ». C’est ce qui lui fallait pour se changer les idées.

Au bout d’un moment, quelqu’un frappe à la porte. Sans attendre de réponse, Noah passe la tête dans l’entrebâillement.

- Est-ce que j’ai le droit de venir me coucher ou je suis persona non grata ?

- Ça dépend, qu’est-ce que tu proposes comme droit d’entrée ? demande Ambre.

- J’ai bien ma petite idée, mais c’est confidentiel. Je ne peux pas le dire en présence de personnes non initiées.

Comprenant le sous-entendu, les filles récupèrent leurs affaires en riant et quittent la pièce en leur souhaitant bonne nuit. Avant que Lila ne parte, Ambre la retient :

- Ne t’en fais pas trop Sherlock, tu vas démêler cette histoire avec brio.

- Merci Watson, lui répond Lila en lui faisant un bisou sur la joue. Qu’est-ce que je ferais sans toi ?

- Beaucoup de choses, mais ta vie serait beaucoup plus ennuyeuse. Allez, bonne nuit ma belle.

Quand Lila rentre dans sa chambre, Gabriel n’est pas là. Elle se sent nerveuse à l’idée de se retrouver face à face avec lui. Elle ne sait pas qu’elle attitude elle va devoir adopter. D’un côté, elle a envie de lui hurler dessus pour lui dire tout ce qu’elle a sur le cœur. De l’autre, elle a envie de lui parler pour comprendre et ne pas rester dans cette situation d’incertitude. Elle hésite un moment, songeant à le retrouver où qu’il soit dans la maison. Finalement, elle opte pour l’ignorance. Elle ne sait pas si Gabriel va se décider à venir ou s’il va préférer dormir ailleurs. Tant pis. Elle se couche en se disant qu’elle aura les idées plus claires au réveil. Elle ne met pas longtemps à sombrer dans le sommeil après cette soirée exténuante.

Lila est réveillée par la lumière qui filtre à travers les voilages des fenêtres entrouvertes. Une légère brise vient lui caresser le visage et le bras. Sans se retourner, elle sent Gabriel à côté d’elle. Sa respiration est lente et régulière. Il dort profondément. Ne voulant pas le réveiller, Lila se glisse le plus discrètement possible hors du lit, enfile un kimono vert et jaune et sort de la chambre. Ce n’est pas tant qu’elle se soucie de son sommeil, mais la jeune femme n’est pas encore prête à l’affronter. Elle a eu une nuit agitée, entrecoupée de doutes et d’angoisse. La seule chose qui pourrait la calmer, là, tout de suite, c’est la cuisine. Elle ne s’aperçoit qu’il n’est que sept heures du matin, que quand elle s’approche du four pour régler le préchauffage. Tant pis, ça lui laisse le temps de mettre au clair son esprit. Enfin, elle espère.

Léo et Alexis sont les premiers debout, en tenu de sport, prêts à aller faire leur jogging matinal. En voyant Lila pleine de farine, entourée de bols et d’ingrédients de toutes sortes, ils ont un temps d’arrêt.

- Ça ne s’est pas arrangé entre vous hein ? demande Alexis.

La jeune femme est surprise par le ton de sa voix. D’habitude, le sportif est taquin et plutôt prompt aux mauvaises blagues, mais là il paraît vraiment peiné par la situation. Gabriel a du leur expliquer la situation quand elle faisait de même avec les filles. Elle est touchée de voir son inquiétude. Pour réponse, elle secoue la tête, prouvant que la situation n’a pas évoluée depuis la veille.

- Tout va s’arranger, j’en suis sûr, assure Léo avec un sourire sincère. Vous êtes pareils tous les deux, vous faites tout pour que les autres soient bien autour de vous, mais pensez un peu à vous, rajoute-t-il en se dirigeant en trottant vers la porte d’entrée.

La matinée est passée comme dans un brouillard pour Lila. Quand Gabriel s’est levé, une bonne partie du groupe était déjà en train de déjeuner. Leurs regards se sont croisés, gênés. Ils se sont dit bonjour de loin et depuis il ne se sont plus adresser la parole, allant même jusqu’à s’éviter. Par solidarité, que Lila trouve touchante mais non nécessaire, les filles ont décidé de ne plus parler au musher non plus, jusqu’à ce que la situation s’arrange.

Malheureusement, plus la journée passe, moins la situation s’arrange. Lila ne cesse de ruminer sa dispute, tiraillée entre l’envie de mettre au clair les choses et sa trop grande fierté qui l’empêche de faire le premier pas. La tension est même palpable au sein du groupe. Si ça continue, cette histoire de chaussures va finir en guerre des clans avec les filles d’un côté, Gabriel soutenu par Logan, Raphaël et Noah de l’autre, ce qui n’est pas une bonne idée avec Ambre dans le camp opposé. Entre les deux, Léo, et contre toute attente Alexis, essayent de jouer les médiateurs et d’apaiser les choses. Toutes ces bêtises sont en train de gâcher l’une des visites que Lila attendait le plus en venant au Mexique, les ruines de Tulum. Cette ancienne cité maya située dans la péninsule du Yucatan, au Sud-est du pays, est un bijou. Fièrement dressée en haut d’un promontoire rocheux, elle domine la mer des caraïbes. Ses pierres blanches contrastent avec le bleu turquoise des eaux en contre bas. En pénétrant derrière ses murailles défensives, la cité antique révèle toute la splendeur. Dans l’enceinte intérieure, les temples et les autels sont émouvants, vestiges d’une culture disparue. Alors que le groupe se dirige vers Castillo, le plus imposant temple du site, Lila ne sait toujours pas comment arranger les choses. Elle fixe la nuque de Gabriel qui marche à quelques mètres devant elle. En cet instant, elle le trouve irrésistible. Les reflets dorés du soleil sur ses cheveux, ses lunettes de soleil qui cachent ses yeux, mais qui lui donnent des airs de mannequins, son t-shirt blanc qui moule son corps, laissant entrevoir juste ce qu’il faut de muscles et son short en jean, tout chez lui, lui donne envie de l’embrasser, là, sur le champ. S’il se retournait et lui faisait un de ses sourires éclatant dont seul lui a le secret, elle se jetterait à son cou immédiatement, oubliant tout de leur querelle de la veille. Comme s’il avait senti son regard, Gabriel se retourne. Prise sur le fait, Lila ralentit et fait mine de lire une plaque explicative. Elle jette un coup d’œil de biais, pour voir si elle peut reprendre sa marche, et tombe nez à nez avec… un torse. Elle relève la tête et voit le musher, les mains dans les poches, un faible sourire sur le visage.

- Je crois qu’il serait temps qu’on se parle non ? dit-il, un peu gêné.

Lila acquiesce et ils se mettent en quête d’un coin un peu plus tranquille. La jeune femme est soulagée, stressée, et se sent bête de ne pas avoir fait le premier pas. Trop de sentiments contraires qu’elle décide de mettre de côté pour ne se concentrer que sur une chose : arranger la situation. Ils décident de s’assoir sur un banc, à l’ombre des cocotiers, à l’écart de la cohue des touristes. Personne n’ose prendre la parole en premier. Lila frotte ses mains sur ses cuisses, tandis que Gabriel remet en place une mèche de cheveux qui lui tombe sur les yeux.

- Je voudrais m’excuser pour hier soir, commence finalement le jeune homme en se tournant vers elle.

- Moi aussi je suis désolée, que ça soit parti si loin… regrette Lila.

- J’ai passé une bonne partie de la nuit et de la journée à cogiter, à me repasser le film de la soirée pour comprendre.

- Et alors, qu’en as tu déduis ?

- Rien. Je suis encore plus perdu qu’avant, admet Gabriel en baissant les yeux.

Un silence passe. Pour une fois, elle à l’impression d’arriver à beaucoup mieux gérer la situation que lui.

- On va essayer d’éclaircir les choses ensemble d’accord ? En premier lieu, pourquoi tu as voulu m’offrir ces chaussures ?

Gabriel la regarde au travers de ses longs cils blond, dubitatif.

- Ce n’est pas une question piège, lui assure Lila avec un sourire. Je veux juste arriver à comprendre moi aussi.

- D’accord. Alors les chaussures… A la base, c’est Noah qui a trouvé le cadeau pour Ambre au marché. Puis Logan, a acheté un truc de beauté que lui avait demandé Salomé. Je crois de l’huile de coco ou quelque chose du genre. J’ai pensé que ça pourrait être sympa de te faire un cadeau moi aussi.

- Ce qui est très gentil de ta part. Et ce n’est pas ce que je t’ai reproché. Ce que je ne comprends toujours pas, c’est pourquoi tu as choisi de m’offrir des chaussures de luxe ?

Gabriel se tend. Lila a peur qu’il se ferme, malgré la douceur qu’elle a essayé de mettre dans sa question. Elle redoute que la conversation finisse en dialogue de sourd et qu’ils repartent de nouveau dans un cercle d’incompréhension mutuelle. Finalement, après une longue inspiration, le musher la regarde droit dans les yeux.

- Tu me déstabilise. Par moment, je ne sais pas comment je dois me comporter avec toi.

Lila en reste bouche baie. Serait-il en train, une nouvelle fois, de lui remettre la faute dessus ? Il l’arrête avant qu’elle n’ait pu répliquer.

- Avant de t’énerver, laisse-moi t’expliquer. J’ai toujours eu des histoires avec des filles plus ou moins du même monde que moi. Je sais comment elles ont été élevées, quels sont les lieux qu’elles fréquentent, plus ou moins ce qu’elles aiment. Ne fais pas cette tête, je sais, toutes les filles ne sont pas pareilles. C’est réducteur ce que je dis, mais… ah… (Gabriel se passe une main dans les cheveux), je ne sais pas comment m’expliquer sans passer pour un connard. !

- Ne te stresse pas. Dis-le avec tes mots, essaye de le rassurer Lila.

- Bon… pour faire court, je n’avais pas trop d’idée de ce qui pourrait te plaire. Du coup, j’ai… non je ne peux pas dire ça… c’est tellement nul comme réflexion… (Gabriel laisse passer un silence). J’ai… comme j’étais perdu, je me suis dit que j’allais t’offrir ce que j’aurais offert à l’époque à mon ex.

Lila le regarde un moment sans rien dire. Elle ne sait pas trop si elle doit être en colère, déçue, attristée, compatissante. Gabriel baisse la tête sur ses mains, qui n’arrêtent pas de jouer avec l’ourlet de son short.

- Je sais, c’est complètement stupide. Tu as le droit de m’en vouloir.

- Je ne t’en veux pas, dit Lila sure d’elle.

L’aplomb dans sa voix la surprend autant que le musher qui la dévisage. Elle comprend, en cet instant, que le jeune homme a juste besoin d’être rassuré, que ses incertitudes l’ont submergé.

- Si tu ne savais pas quoi m’offrir, c’était juste que ce n’était pas le bon moment. Dans ces cas-là, ne te force pas. Tu auras bien d’autre occasion pour le faire. Gab, tu commences à me connaître mieux que personne. Je ne doute pas une seule seconde de ça, donc ne doute pas de toi non plus.

Lila glisse légèrement sur le banc, de sorte que leurs genoux se touchent presque. Elle se tourne complètement vers Gabriel.

- Arrête de trop réfléchir. Je sais venant de moi, c’est un peu facile. Je suis désolée de ne pas avoir eu la réaction que tu attendais. Le luxe, ce n’est pas trop ma tasse de thé et le prix que tu as dépensé pour un simple cadeau me met terriblement mal à l’aise. Juste la prochaine fois, ne pense pas avec ça (Lila montre la tête de Gabriel du doigt), mais avec ça (elle pose la main à plat sur sa poitrine). Et tout sera parfait.

La jeune femme soutient le regard de Gabriel, sans enlever sa main. Elle sent son cœur battre de plus en plus vite, ce qui fait accélérer son propre rythme cardiaque. Le jeune homme lui prend délicatement la main, la serre légèrement, mais la laisse où elle est. Un moment passe sans qu’ils ne bougent ou ne parlent. Ils se contentent juste de se regarder. Gabriel fini par détourner le regard et dit d’une voix à peine audible :

- Depuis la mort de Jack, je suis complètement perdu, déboussolé… Je ne sais plus trop qui je suis…

Sa voix se brise sur la fin de sa phrase. Lila est vraiment attristée et désemparée de le voir dans cet état. Elle passe les bras de part et d’autre de son corps et pose la tête sur son épaule. Elle ne dit rien et le laisse vider son sac. Elle l’étreint pour lui montrer qu’elle le soutien.

- Il m’a aidé à savoir qui j’étais vraiment. Il m’a aidé à trouver ma place. Il m’a accepté alors même que ma propre famille me dénigrait. Et quand enfin j’arrive à renouer un peu le dialogue avec elle, Jack disparaît. J’ai l’impression que je ne pourrais jamais être qui je suis et bien avec ma famille. Qu’il faut que je choisisse. Je pensais avoir fait ce choix. J’avais accepté le prix à payer. Et maintenant quoi ? Je me retrouve encore plus seul qu’avant.

Lila a les larmes aux yeux. Elle savait que Gabriel souffrait, elle l’avait vu, mais l’entendre le dire, avec ce désespoir dans la voix lui fend le cœur. Il ne faut pas qu’elle craque. Il faut qu’elle lui montre qu’elle est forte et qu’elle peut le soutenir. Qu’il n’est pas seul.

- Oh mon cœur, tu n’es pas seul. Tu as plein de monde autour de toi. Ta sœur te soutient. Ta mère aussi d’après ce que tu m’as dit. Ton frère semble plus ouvert. Et puis, Jack est peut-être parti mais il veille sur toi, et tu as Gérald et les autres qui t’aideront en cas de besoin. Regarde là-bas (Lila montre du doigt leur groupe d’ami), tu as eux aussi. Une bande d’amis inséparable. Et tu m’as, moi. Je ne compte aller nulle part. Je reste là, avec toi. Tu n’es pas seul.

Gabriel acquiesce en s’essuyant rapidement les yeux avec ses paumes. Lila pose ses lèvres sur sa joue rappeuse.

- Merci d’être là et d’être aussi compréhensive et patiente avec moi.

- C’est normal. Tu l’as fait pour moi un nombre de fois incalculable.

- J’ai quand même l’impression de ne jamais faire ou dire ce qu’il faut…. Attention, je ne te reproche rien, c’est moi, c’est ma faute. (Gabriel pose la main sur la joue de Lila). J’ai tellement besoin de toi dans ma vie. J’ai tellement envie que ça marche. Je tiens tellement à toi, que je crois que je me mets la pression tout seul.

La jeune femme ne s’attendait pas que leur conversation finisse en grande déclaration. Son cœur accélère alors que des frissons traversent tout son corps. Face à la sincérité du jeune homme, elle ne peut qu’être sincère elle aussi. Pour une fois depuis très longtemps, elle décide de se laisser porter et de ne pas penser aux conséquences de ses paroles.

- Quand je t’ai rencontré, j’ai été attirée par l’homme drôle, cultivé, ouvert, qui partage les mêmes passions que moi pour la nature, pour les animaux, pour les randonnées en montagne, pour les choses simples de la vie. Ne change pas. N’essaye pas d’être quelqu’un d’autre pour me plaire. Tu me plais déjà comme tu es. Alors arrête de douter de toi. Et je suis désolée si mes blocages, mes peurs et mes incertitudes t’ont laissé croire que tu n’étais pas assez bien pour moi ou quoi que ce soit. C’est toi que j’ai choisi pour avancer dans la vie, pas quelqu’un d’autre. Et ça signifie beaucoup pour moi.

Gabriel la regarde quelque seconde avec une intensité nouvelle dans les yeux. Puis, il approche son visage du sien et l’embrasse. D’abord doucement, puis plus ardemment quand Lila répond à son baiser. Leurs lèvres se caressent, se mordent, s’entrechoquent, pour se prouver qu’ils sont bien là ensemble, enfin de nouveau sur la même longueur d’onde. Lila sent la chaleur parcourir ses joues, se propager dans ses mains, sillonner son ventre pour descendre toujours plus bas vers son intimité. A regret, ils se séparent pour reprendre leur souffle.

Remit de leurs émotions, le couple se met marche pour rejoindre leur groupe et enfin profiter sereinement de la visite.

- Au fait, tu veux faire quoi des chaussures ? Tu veux les garder ou je les ramène au magasin ? demande le musher.

- Elles sont très jolies mais, Gab, des escarpins de dix centimètres ? Quand est-ce que tu veux que je mette ça ? Et puis je ne sais pas marcher avec. Je vais me tuer, rit la jeune femme.

- Garde-les, on ne sait jamais, elles pourront te servir un jour. Et puis, si tu ne les veux plus, tu pourras les revendre.

- D’accord, accepte la jeune femme.

Ils continuent leur marche, s’arrêtant de temps en temps pour contempler la vue, un monument ou lire un panneau explicatif. Au bout d’un moment, le musher demande :

- Alors comme ça, il paraît que tu as dit aux filles que tu m’aimais beaucoup, beaucoup, beaucoup, beaucoup ?

Gabriel tient Lila par la taille et affiche un sourire radieux qui fait chaud au cœur.

- Quelle est la traître qui a balancé ? s’offusque faussement la jeune femme.

- Je ne peux rien dire, sous peine de représailles.

- Ne t’en fais pas, je sais déjà qui sait. Elle ne sait pas tenir sa langue quand il s’agit de parler à son mec. Et ça se dit ma meilleure amie. Tu parles, rit Lila.

- Alors ?

- Alors quoi ?, essaye d’esquiver la jeune femme.

- Tu leur as vraiment dit ça ? demande Gabriel curieux

Son cœur se met à courir un marathon. Est-ce le bon moment ? Est-ce que ce n’est pas trop tôt ? Est-ce vraiment une bonne idée ? Lila décide de faire taire toutes ses voix et de ne suivre que son cœur pour une fois. En jetant un coup d’œil au cadre, au bleu turquoise de la mer, au reflets dorés du soleil, à la blancheur des pierres maya, elle se dit que c’est le moment ou jamais de s’ouvrir enfin compétemment.

- L’important ce n’est pas ce que je leur ai dit… l’important c’est que…

Elle n’arrive pas à finir sa phrase. Elle n’entend plus que le boum-boum, boum-boum, boum-boum, que fait son cœur dans ses oreilles. Ses jambes sont à deux doigts de la lâcher, mais elle les force à se mettre en marche pour se placer face à Gabriel, le forçant à s’arrêter. Elle prend une profonde inspiration, avant de lui dire droit dans les yeux :

- L’important c’est que je t’aime, Gabriel Lemire.

[1] Grand-mère en Atikamekw

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Bérengère . ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0