IVY

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À peine, je décroche que Vince se lance dans un monologue soporifique.

-Enfin, tu décroches putain. J'ai cru que tu allais m'obliger à partir à tes trousses. Je t'appelle depuis ce matin. Tu ne disposes pas de ton téléphone ou quoi ? Bordel Even, tu ne te rends même pas compte de la pression qu'Excelsior me met pour ce cinquième album. Nous n'avons que quatre de tes textes, je ne compte pas « Poisoned », car tu n'as toujours pas fini de l'écrire. Tu es tout de même au courant que le projet doit comporter onze titres ? Le deadline approche et j'ai l'impression détestable que tu prends ça à la légère. Even ? Énonce quelque chose enfin ...

Je soupire d'ennui.

La pression qu'il dit, l'unique personne à avoir la pression ici, c'est moi. Depuis l'écriture de « Drug » et une montée de stress provoqué par divers événements mondains où il nous a forcé à apparaître, je n'ai plus écrit une ligne.

À voix basse, d'un ton glacial et sarcastique, je lui réponds.

-Je t'aurais certainement répondu Vince, si tu m'avais laissé l'opportunité d'en placer une. Or, ce n'est pas le cas. J'ai plutôt le sentiment que tu n'as pas vraiment envie d'entendre ce que j'ai à te dire. Il me semble en revanche que tu travailles en faveur de Xangel, non pour Excelsior. Souviens-t'en. Je serais bien attardé quelques minutes de plus au téléphone, mais j'ai quelque chose sur le feu. Bye Vince.

Je lui raccroche au nez désireux de poursuivre la conversation bien plus captivante avec miss cheveux roux.

-Excusez-moi, lui dis-je en tournant les yeux vers elle.

-Ce n'est rien, m'affirme-t-elle posément.

-Puis-je vous inviter à boire quelque chose, pour que nous puissions converser discrètement ? Nous serons mieux ailleurs que dans cette allée bondée.

Elle m'observe quelques secondes, hésite puis accepte finalement.

-Si vous cherchez un endroit discret, je connais un café sympa, ajoute-t-elle.

Je la prends au mot et lui demande simplement de m'y conduire.

Nous marchons en silence quelques minutes avant d'arriver sur le seuil du Figtree’s Cafe. Nous entrons à l'intérieur et nous nous installons à une petite table dans un coin de la pièce.

L'atmosphère est chaleureuse et je m'y sens toute suite à l'aise.

Enfin installé, je cherche soigneusement comment faire comprendre à la jeune femme que j'aimerai mieux la connaître sans pour autant la brusquer.

Cependant, comme quelques minutes plus tôt, nous nous dévisageons mutuellement attendant que l'un de nous deux prenne la parole.

Mais au final comme je suis celui qui l'a invité, je me jette à l'eau.

- Bonjour, Even Anderson pour vous servir, je lui lance en souriant.

Cette fois, elle sourit de toutes ses dents et éclate d'un rire chaleureux.

- Je sais, tu me l'as déjà dit, me répond-t-elle.

Étonné par ce revirement soudain, je prends le temps d'apprécier le son de son rire. Or, geste encore plus extraordinaire, elle me tend sa main.

- Ivy Davis, se présente-t-elle gentiment.

Dès que je la touche à nouveau, toute l'électricité ressentie la première fois revient en force. Troublés, l'un comme l'autre, nos yeux se baissent en même temps sur nos mains jointes. La connexion entre nous est tellement forte et évidente que nous prolongeons notre contact un peu plus longtemps, ce qui colore ses joues d'un ravissant rouge tomate.

Des paroles coulent de nouveau comme un fleuve de mon esprit.

Look me in the eyes.

Regarde-moi dans les yeux.

And do not see anyone else.

Et ne vois personne d'autre.

I must remain the only one for whom you count.

Je dois rester le seul pour qui tu comptes.

Even if sometimes I go away.

Même si parfois je m'éloigne.

Always bring me back to you.

Ramène-moi toujours auprès de toi.

Bon sang, je suis certain que c'est moi qui rougis cette fois.

Alors que je m'apprête à reprendre la parole, un serveur nous interrompt. Sans nous lâcher une seconde des yeux nous commandons machinalement en suivant les conseils de l'employé sur le brunch du jour. Absorbés par notre situation actuelle, nous remarquons à peine son départ.

Naturellement, nous nous tutoyons et discutons à bâtons rompus. Nous conversons tant et si bien que je ne vois pas le temps passer. En dialoguant ainsi, nous nous rendons compte que nous avons une multitude de points communs. Les secondes deviennent des minutes, puis les minutes des heures et c'est comme si nous nous connaissions depuis toujours.

J'apprécie énormément ce que j'apprends sur elle au fil des sujets abordés. Parfois, elle lâche quelques anecdotes personnelles. Or, plus j'en sais sur sa personnalité et plus elle me plaît.

Cette fille est solaire, passionnée, perspicace et brillante. Elle est complètement hors du monde dans lequel j'évolue. Bien qu'elle vive dans la cité des anges, le monde du show-business ne l'intéresse absolument pas.

Âgée de vingt-cinq ans, elle est étudiante d'histoire en master à UCLA. Alors que je m'amuse avec ma fourchette au lieu de manger, elle me fait rire en me racontant l'origine de l'ustensile de manière assez cocasse.

Ivy respire la fraîcheur. Son humour particulier, et même cette façon qu'elle a de manger me charme au plus haut point. Au fil de la discussion, elle a fini par s'excuser de son comportement du début me disant que j'ai la tête d'un " sérial dragueur ".

Je la rassure sur ce point, lui expliquant que hors de la scène, je suis plutôt quelqu'un d'introverti. Ce qui m'enchante davantage, c'est que mon statut de star international de la musique ne l'impressionne pas.

Par chance, personne ne me reconnaît et nous passons un agréable moment. Au moment de nous quitter nous échangeons nos numéros, avec la promesse de nous revoir au plus vite.

Je lui propose tout de même de la ramener sur le campus, mais elle refuse me disant que mon Aston Martin est beaucoup trop voyante. Je regrette presque de l'avoir conduit aujourd'hui.

Voyant sans doute l'expression de déception sur mon visage, elle s'approche de moi et dépose un baiser papillon sur ma joue. Des frissons de plaisir me remontent l'échine allumant quelque chose je n'arrive pas à éteindre.

Alors sans penser aux conséquences, je l'approche de moi, saisis son visage entre mes mains et l'embrasse à pleine bouche. Elle ne me repousse pas bien au contraire et le baiser redouble d'intensité.

Après quelques secondes, nous y mettons fin à bout de souffle. Visiblement, c'est à contre cœur que nous arrêtons, car elle et moi, nous gémissons de frustration. Elle jette un œil à sa montre et un hoquet de stupeur traverse ses lèvres gonflées de notre baiser.

-Merde. Excuse-moi Even, mais il faut absolument que je parte, me dit-elle.

Elle se penche sur moi une dernière fois, pose sa bouche sur la mienne et s'en va.

-Appelle-moi, me crie-t-elle.

Scotché sur place, je la vois partir dans un tourbillon de dentelles.

If you still look at me, even when you're far away, I'll see you again.

Si tu me regarde toujours, même quand tu seras loin, je te verrais encore.

J'ai écrit une chanson.

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