MUSE

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Ses deux émeraudes lancent des éclairs, me foudroyant du regard. Elle ne me donne même pas l’opportunité de lui répondre et s’en va en direction d’un glacier tout proche sans demander son reste.

Hypnotisé par son port de reine, je n’ai même pas le réflexe de l’accompagner. Je reste planté au milieu du chemin, la petite fille en pleure à mes côtés, choqué de constater combien cette inconnue m’inspire.

Après quelques minutes d’immobilité, je la rejoins finalement désireux de payer la note pour me faire pardonner. Or, cette fille m’ignore totalement et règle le montant sans me jeter un seul regard.

Distante, elle passe auprès de moi laissant dans son sillage un parfum de pommes vertes, cannelle qui m’étourdit. Elle se penche et offre à la petite de nouveau souriante une nouvelle glace.

- Vous n’aviez pas besoin de faire cela, mademoiselle, lui dit un homme que je n’ai pas remarqué de prime abord.

Alors que je m’approche, celui-ci, qui semble être le père de la fillette, s’en va avec elle main dans la main avant mon arrivée à leur hauteur.

Quelque peu désorienté par les événements, je demande à la jeune femme comme si ce n’est pas une évidence.

- Ce n’est pas votre fille ?

Elle m’observe moqueuse et me répond un brin amère.

- J’ai l’air d’avoir des enfants ?

Ne me donnant pas une fois de plus l’occasion de lui répondre, elle s’en va. Je la mate une seconde pendant qu’elle s’éloigne avant de me rendre compte que je tiens là ma seule source d’inspiration depuis des mois.

Cette nana correspond à la perfection à cette femme que je décris dans le titre « Fornever ». Putain, je ne peux pas laisser cette meuf s’en aller avec l’unique lueur d’espoir que j’entrevois enfin.

Je marche donc dans sa direction, déterminé à l’arrêter.

- S’il vous plaît, attendez.

Je crie presque.

- Mademoiselle, un instant.

Or, elle ne semble même pas m’entendre. Je me mets donc à lui courir après et je finis par lui attraper l’avant-bras. Le contact de ma paume sur sa peau chaude provoque une véritable décharge électrique qui se propage dans tout mon corps. Surprise, elle se dégage brusquement et me toise comme si j’étais un insecte répugnant.

Qu’est-ce qui vous prend de me toucher ? Vous êtes quoi, un genre de psychopathe ?

L'expression de son visage ne veut montrer que méfiance et colère, mais je peux clairement distinguer la tension sexuelle entre nous. Elle y résiste en essayant de masquer les frissons qui lui remontent l'échine, preuve que l'alchimie est bien présente.

Je tente de lui sourire, mais en retour, je n'ai droit qu'à un rictus de condescendance.

Ses mimiques dénotent un dédain voir un certain mépris évident, pourtant nous venons à peine de nous rencontrer. J'éprouve le sentiment d’être mal jugé avant même d’avoir ouvert la bouche.

Si on m’avait dit qu’une femme, un jour, n’aimerait pas que je la touche, j’aurais franchement ri. Dex et moi n’avons pas goûté un moment de paix avec la gente féminine depuis le bel âge de quinze ans.

Mettez deux grands bruns ensemble, à l’air rebelle, couvert de tatouages, musclés, ayant des yeux atypiques, jouant de la musique et vous obtenez une craille de femelles en chaleur.

Bon Dieu, je ne compte même plus le nombre de strings, de DM et de propositions chaudes que les garçons et moi-même recevons chaque jour. Et là, je me fais snober pas une nana d’à peine un mètres soixante-cinq.

C’est à ne rien comprendre. Je ne me prends pas pour un dieu, mais tout de même. Malgré la gueule de bois que je me traîne, je sais que je suis très loin d’être moche. Alors pourquoi cette fille d’Eve se comporte avec moi comme si j’ai la peste ou comme si la tornade sensuelle qui nous enveloppe est déplacée.

À la voir faire, j’ai l’impression d’être un nuisible ou je ne sais quel truc rampant. Une espèce de vieux chewing-gum collé à sa chaussure, qui l’empêche d’avancer convenablement. Bordel à force d'assister ses conneries, me voilà en train de me déprécier.

La situation aurait même pu être comique si nous nous connaissions, mais ce n’est pas le cas. Bon sang, pour un peu, il ne manquerait plus que je frappe les pieds au sol comme une gamine capricieuse.

Je tente de stopper mes pensées qui partent un peu dans tous les sens et me concentre à nouveau sur elle. Or, en la regardant, un nouvel amas de paroles me sort de la tête comme par enchantement.

Look at me again

Regarde-moi encore.

Tell me if I am right or wrong.

Dis-moi si j'ai raison ou tort.

Your feeling of pain.

Tes sentiments de peine.

In spite of you, are always so strong.

Malgré toi, sont toujours aussi fort.

Believe me, I'll console you in spite of hatred if it's for you to love me.

Crois-moi, je te consolerais malgré la haine si c'est pour que tu m'aimes.

Il faut absolument que je sache qui est cette fille, pas moyen que la laisse me filer entre les doigts. Il y a encore quelques heures, je me croyais perdu, désespéré et là surprise, la providence m'envoie une muse tout ce qu'il a de plus vivante.

En aucun cas, je n'ai écrit grâce ou pour quelqu'un à part mon père, c'est bien la première fois qu'une chose pareille m'arrive. C'est à la fois inédit et fascinant, comme une personne qui n'a jamais su dessiner et qui se met à peindre du génie comme par magie.

J'essaye de calmer mon excitation, m'éclaircis la voix et parle lentement afin de faire connaître mes intentions.

-Écoutez, je ne vous veux pas de mal, je désire simplement vous connaître.

Elle me dévisage comme si j'étais fou et me réponds sèchement.

-Et pourquoi aurais-je envie de vous connaître ?

Je sais bien que cette rencontre n'a rien de très orthodoxe, de normal ou de sécurisant, mais cette demoiselle et ma plume intérieure pratique tout deux le même langage.

Le bon sens voudrait que je m'éloigne. De plus, un scandale est la dernière chose que je veux voir paraître dans les tabloïds. Mais d'un autre côté cette opportunité tombe bien trop à point nommé pour la laisser filer. On dit que prudence est mère de sûreté et que c'est une chance que personne ne m'ait reconnu, mais quoi qu'elle dise, j'ai besoin d'elle.

J'hésite à me présenter, mais je tiens là, ma seule chance de la convaincre.

-Je sais que cela peut vous paraître étrange, mais je suis Even Anderson.

Elle me dévisage comme si elle n'avait pas la moindre idée de qui je pouvais être. Je dois dire que son détachement est vraiment rafraîchissant. Alors que je m'apprête lui donnez de plus amples informations, mon téléphone se met à sonner. Au début, je l'ignore et me risque à obtenir un rendez-vous.

-S'il vous plaît, j'aimerai vous parler. Pourrions-nous trouver un endroit tranquille pour discuter ? Seulement quelques minutes.

Elle semble réfléchir, mais Vince notre manager qui tente de me joindre insiste. Avant de répondre, j'observe la jeune femme espérant qu'elle accepte mon invitation, mais rien.

À la place elle me dit :

-Vous devriez répondre.

Je suppose qu'elle va s'en aller, sauf qu'elle m'attend là.

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