DIFFICILES AVEUX

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Even

Si vous n'avez jamais eu de meilleurs amis, vous ne savez pas ce que vous ratez. Certains vont vraisemblablement me dire que l'amitié indéfectible n'est pas fait pour tout le monde, mais c'est juste parce qu'ils n'ont aucune idée de la véritable valeur de cette chose inestimable.

Cette humble personne est là dans vos joies, dans vos peines, vous encourageant dans vos nobles projets, faisant parfois de vous une meilleure personne. Et sur ce point, je peux affirmer sans l'ombre d'une hésitation que Dex a fait de moi une meilleure personne.

Mais dans ce cas précis, je ne peux pas lui dire la vérité. C'est la première fois que je vais lui mentir délibérément et je sais parfaitement que c'est mal, mais que faire d'autre. Dex m'a avoué volontiers pouvoir aisément croire en nous simplement parce que pour lui, je suis un excellent magicien des mots.

Si mon don s'en est allé, alors comment le lui avouer sans qu'il ne s'inquiète ou soit déçu ?

Ne pas pouvoir être honnête avec lui ne me plaît pas du tout. Or, je connais Dex depuis suffisamment longtemps pour savoir qu'il est du genre s'alarmer inutilement. Mentalement, j'essaye d'imposer un frein aux pensées négatives qui me submergent et prend une ample inspiration pour répondre à Dex de manière crédible. Quand il interrompt le chaos dans ma tête en me mettant face à mon mensonge avant que je n'aie le temps de le prononcer.

- Je n'ai pas besoin d'être rassuré Even, alors ne fait pas ça.

- De quoi tu parles ?

Je tente maladroitement cette diversion, mais Dex n'est visiblement pas dupe. Il ancre ses orbes verts dans mes iris bleu céruléen et me dit sans cérémonie.

- Ne me mens pas. Je sais exactement ce que tu t'évertues à faire. Après quatre ans, j'ai mûri Even putain. À quoi tu penses, bordel ? Je ne suis plus ce mec de vingt-deux ans de nos débuts que tu devais rassurer. Maintenant, tu vas me dire ce qui se passe parce que te voir comme ça me rappelle beaucoup trop Seattle et Adam.

En prononçant le prénom de mon père, il tire une grimace qui m'indique à quel point, c'est pénible aussi pour lui d'en parler. Alors j'agis comme je le fais quand quelque chose est bien trop embarrassant pour être prononcé, je fixe un point jusqu'à oublier pourquoi mes yeux me picotent. Le silence envahissant me rappelle que je dois une réponse satisfaisante à mon ami, alors j'avoue spontanément.

- Je n'arrive plus à écrire.

Ces quelques mots restent calmement en suspends de longues minutes entre nous, avant qu'il ne me demande sèchement.

- Depuis quand ?

À grand renfort de brusques inspirations, j'apaise mon anxiété et lui dit simplement la vérité.

- Six mois.

Je n'ai pas besoin de m'expliquer longuement, son regard me signifie clairement qu'il a compris pourquoi.

- « Drug » hein ?

- Ouais. dis-je gêné au possible parce que ce n'est pas l'unique raison.

Il est avéré que cette chanson séditieuse à remuer pas mal de merdes puantes dont je pensais sincèrement être guéri, mais ce n'est pas la seule explication aux partitions vierges. Certes « Drug » est sans aucun doute une partie considérable du sempiternel problème, mais l'entière responsabilité ne peut lui être attribuée. C'est plutôt cette réalité cossue dans laquelle nous vivons qui me plonge en apnée.

Ce faste constant qui me précipite dans un abîme menaçant de m'égarer, parce que ma vie ne ressemble pas à ce que j'écris. Beaucoup d'artistes naïfs auraient été ravis de réussir dans ce monde et je sais parfaitement bien à quel point nous sommes chanceux. Mais je ne m'y trompe plus depuis longtemps, car je vois aussi très clairement la laideur de cet univers. Rien n'y est sincère, naturel ou profond, les habitudes superficielles et factices demeurent plutôt l'unique vérité.

À savoir de manière clairvoyante ou non si la célébrité en réalité est une prétendue chance ou une malédiction divine. Sauf qu'à trop réfléchir intensément à tout cela, l'immense douleur dans ma tête s'amplifie ce qui me fait gémir.

- J'ai besoin d'un excellent café. je souffle profondément le timbre traînant.

Dex ricane, plisse le nez et rétorque immédiatement.

- C'est principalement d'une douche dont tu as besoin mon frère.

- Va te faire foutre.

- Déjà fait hier soir, trois fois.

- Espèce de petite pute.

- On ne dit jamais ça pour un homme mon pote.

Il fait semblant de réfléchir soigneusement et continue.

- Je ne comprends pas pourquoi d'ailleurs, vu comment Stan s'amuse à jouer dans les deux camps. Ce mec à vraiment le feu aux fesses.

Je lui adresse un sourire sarcastique et réplique.

- Parce que le tien de cul n'embrase pas toute une forêt.

- Peut-être bien, mais je ne suis pas encore au niveau de Stan.

- C'est le cas de le dire.

Je ris franchement.

Il m'observe attentivement, puis relance le sujet épineux pour lequel nous sommes vraiment là.

- Plus sérieusement Even, tu penses faire quoi pour ton problème. Nous sommes en pleine préparation de notre cinquième album. Excelsior ne va pas attendre que l'inspiration te revienne bordel et Vince est un emmerdeur de première. Alors que comptes-tu faire ?

- Je ne sais pas Dex. Je ne peux pas te dire ce que je compte faire parce que je n'en ai aucune foutu idée.

Je lève les yeux sur lui cherchant la déception et la colère, mais je ne trouve rien d'autre qu'une franche inquiétude.

- Tu n'es pas contrarié ou désappointé ?

- Pourquoi le serais-je ? me demande-t-il gentiment.

En entendant sa question, j'éprouve une certaine répugnance envers mes pensées improductives et du regret. J'ai présupposé sa réaction sans lui accorder une chance de me prouver qu'il est mon ami avant d'être un membre du groupe Xangel. La honte me fait rougir d'embarras.

Et encore une fois sans que je parle, il comprend et cette fois, il a l'air furieux.

- Sale, petit enfoiré. Tu pensais que je serais d'abord soucieux pour ma carrière avant d'être inquiet pour toi.

Il ne formule même pas la question, il expose simplement un faits incontestable. De rage pure, il se lève du lit et se met à arpenter la pièce de long en large, puis se retourne vers moi.

- Écoute-moi attentivement connard, c'est exact que composer de la musique et vivre pour elle était mon rêve, mais je suis lucide. Stan, Yann et moi savons parfaitement bien à qui nous devons tout ça. Nous avions même peur que tu nous largues pour une carrière solo. Tu ne te rends même pas compte de ton propre potentiel, c'est dingue. Avant d'être Xangel Even nous sommes avant tout tes frères, ta famille, de fait nous sommes tes fidèles soutiens dans les bons comme dans les mauvais moments.

Il grogne.

- Tu pensais que j'allais t'abandonner.

Il se masse les tempes et m'assène.

- Je ne veux pas discuter de ça finalement, car là toute suite maintenant, je suis vraiment furax Even. Ne te soucis pas que je le dise à quelqu'un d'autre ton secret est en sécurité avec moi. Par contre j'ai besoin de me calmer avant d'en parler avec toi. Tu ne pourras pas te défiler cette fois.

Il sort et claque la porte.

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