XANGEL

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Even

Il est tôt, en tout cas bien trop matinal, pour que cette odeur épouvantable de distillerie imprègne fortement mes draps de pur coton égyptien. Quelqu'un ou en tout cas quelque chose dans ma chambre a certainement été jeté dans une immense cuve de vodka. Impossible qu'il en soit autrement, car les effluves pestilentiels qui me parviennent sont juste nauséabonds.

Irrité au possible, j’essaye d'ouvrir les yeux afin de repérer d'où vient cette puanteur, mais mes paupières lourdes comme du béton refusent de m'obéir. Ma tête semble peser une tonne et les vibrations dans mon crâne font plus de bruit que la batterie de ce connard de Dex. De plus, bien qu’affamé, je me demande pourquoi une nausée constante menace clairement de me faire vomir.

Ne pouvant pas bouger à cause de la douleur provoquée par le concert virtuel d’Heavy Métal dans mon cerveau, j’ai l’impression de devenir fou. Et tout cela au point que je sente inapte pour à réveiller immédiatement. Frustré, je grogne de déplaisir quand soudain la nuit d’y hier me revient par flash divers.

Dex, Yann, Stan et moi attablé dans une loge VIP du Sound, buvant des verres après un super concert à Los Angeles. Stan me demandant si j’ai fini d’écrire « Poisoned », une des chansons de notre cinquième album en préparation. Et moi ne sachant pas quoi lui dire parce que l’inspiration me fuit depuis des mois. Puis de la vodka, énormément de vodka pour oublier à quel point je me sens minable.

Malheureux même car parfaitement incompétent devant ces chansons que je ne peux écrire. Avant cette traversée du désert j'avais des textes et des mélodies plein la tête. Aujourd’hui blasé, je n’arrive pas à laisser s’exprimer ma plume. Je reste bloqué devant des feuilles blanches qui ont l’air de me narguer au fil du temps qui passe.

Loin de se douter de la véritable débâcle, mes amis, notre manager et notre label ne cessent de me réclamer ouvertement les mots qui font de nous ce que nous sommes assurément maintenant. Xangel, cet excellent groupe pop/rock célèbre aujourd’hui qui partant de rien a su conquérir les cœurs de million de fans.

Contrairement à Dex mon meilleur ami et membre actif de Xangel, je n’ai jamais pensé que nous réussirons à être des chanteurs et des musiciens d’envergure internationale. Or dès le succès mondial de notre titre « Close to me », le monde du show-business m’avait surnommé The angel of word. Un titre que je ne mérite visiblement pas puisse que le syndrome de la page blanche persistant, je ne peux noircir aucune ligne.

Au début de cette aventure, je pensais qu’obtenir l’amour, la gloire et la richesse me rendrait heureux, mais je mettais lourdement trompé. Bien au contraire, je me sens comme prisonnier de cette réussite qui m’étouffe et assombrit mon âme. Je ne sais plus qui je suis, seulement peut-être l'homme pitoyable qu'il ne faut pas. N'y a-t-il plus rien de vrai, plus rien d'authentique ? J'ai le sentiment d'être un navire solitaire qui prend l'eau, une misérable épave à la dérive, un frêle radeau sans gouvernail.

En plein combat intérieur, je frissonne, me rendant compte du froid qui me glace les os. Et je percute enfin, il n’y a personne d’autre que moi dans ma chambre. Désespéré, je me suis pris une bonne cuite tout seul en pensant sans doute sur le moment qu’une gueule de bois était la solution à tous mes problèmes. Or résultat, me voilà complètement défait et encore alcoolisé jusqu’au coude sans possibilité de me traîner hors de mon putain de lit.

En temps normal, je n’aurais pas fait un truc pareil, car malgré mes vingt-six ans, je suis le plus raisonnable du groupe. Je dois constamment conserver l’esprit clair pour empêcher mes amis d’enfance des agissements impulsifs. On dit communément que l’âge emmène la raison, mais pour en acquérir, je n’ai pas eu besoin de temps. La vie n’a pas été tendre avec moi, car avec ma mère partie et un père alcoolique, j’ai toujours su ce que je ne ferais pas.

L'unique chose de bien que mon paternel m’ait laissé, c’est cette facilité pour la musique et une magnifique Fender. Quelques années plus tard, un réel désespoir causé par le départ de la femme qu'il aimait et un cancer du foi ont fini par avoir raison de lui ne me laissant que Xangel. Même si Dex, Yann et Stan sont devenus ma seule famille, je me sens toujours aussi seul que depuis le jour où il est parti.

Alors je me morfonds comme un gosse capricieux dans ma misère honteuse, je discerne la voix mielleuse de Dex à travers la porte qu'il me demande d’ouvrir. Ne me voyant pas venir, il se met à taper sur la satanée porte le bit de “My father, my heart” une de mes toutes premières chansons. Ce salop, c’est très bien à quel point ce son est tabou, mais bien sûr, il l’utilise chaque fois qu’il veut me faire réagir ou me parler.

Énervé, je m’oblige à ouvrir les yeux, passe une main impatiente dans mes cheveux brun bouclés avant de soupirer. Or, de désagréables relents de vodka parviennent à mes narines manquant de me faire régurgiter de manière spasmodique. À cet instant, je regrette sincèrement les litres d’alcool que je me suis envoyé et me demande comment mon père pouvait supporter cet était quotidiennement.

Mal gré, je sors du lit, me dirige vers la porte que j’ouvre. Une fois chose faite, je reprends la direction de mon pieu sur lequel je me jette littéralement. Je ne regarde pas Dex une seule fois, je suis certain que cet arrogant d’environ un mètre quatre-vingt-huit loin d’être chiffonné comme moi est beau comme un dieu. Avec ses cheveux auburn, ses yeux verts, son style décadent et ses nombreux tatouages mon pote n’a rien à envier à un mannequin. De plus, la quantité excessive de femmes qui se bousculent au portillon donne une idée précise de l’ange pécheur qu’il est. C’est du reste son surnom, Sinful angel.

Pendant que je me fais cette réflexion, je sens le matelas s’enfoncer à mes côtés et la main de mon ami sur mon front.

- Que se passe-t-il Even ? me demande-t-il d’une voix conciliante.

Je me retourne enfin vers lui et l’observe en silence.

- Bon sang, mec, tu as vraiment une sale gueule. Tu vas enfin me dire ce qui ne va pas ?

Je savais que nous aurions eu cette conversation tôt ou tard, mais j’ai espéré à tort que ce soit le plus tard possible. Je n’ai jamais rien pu cacher à Dex, il est extrêmement sensible à mes changements d’humeurs. Nous étions voisins, amis depuis l’âge de cinq ans et il a parfaitement vu ce que le départ d’Elyse a provoqué chez moi.

Il s’est alors systématiquement fait le devoir de me protéger. Ce garçon m’a même offert sa famille quand j’ai perdu la mienne. Les gens le voient sans doute comme un coureur de jupons, mais ce mec à un cœur tellement grand que parfois cela me rend honteux.

- J’ai attendu que tu viennes me voir, mais tu ne l’as pas fait. Tu n’es pas du genre à te soûler mec. Alors je te le demande à nouveau. Que se passe-t-il ?

Voir l’inquiétude dans son regard me serre les tripes, mais je ne sais toujours pas comment lui dire.

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