7 - La coureuse de remparts…

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Ainsi, depuis quelques semaines, l’apprentie baby-sitter vient de temps en temps s’occuper de l’animal. Cela lui permet de s’évader, loin de la ville. Elle se sent bien en pleine nature. Ce travail lui est bénéfique. Il lui permet également de côtoyer Lucas et de faire sa connaissance. Le garçon a vingt-sept ans et vient d’une famille pauvre qui vit isolée, non loin du moulin. Il a été récemment embauché au château comme livreur, principalement pour le blé, les céréales, la farine, les épices…

Elena trouve en lui un confident. Elle lui parle de sa vie, ses soucis avec ses parents, la jalousie qu’elle éprouve envers Cunégonde, ses craintes pour l’avenir et le jeune homme l’écoute des heures sans l’interrompre. Ils viennent de mondes complètement différents et pourtant les deux compagnons apprécient ces après-midis ensemble. Alors que Lucas se sent moins seul et savoure la présence de la jeune femme, Elena, quant à elle, décompresse en venant à la campagne retrouver ce gentil garçon, toujours attentif et à l’écoute.

Bien qu’il soit loin d’être le meilleur parti pour elle, cela fait longtemps qu’elle n’a pas fréquenté un garçon aussi plaisant. Assise dans l’herbe, près de Zéphyr, Elena se remémore les hommes qu’elle a connus auparavant. L’initiation aux premiers péchés de la chair, derrière l’église à l’âge de dix-sept ans, avec un jeune homme aussi novice et maladroit qu’elle, avait été catastrophique. Une autre fois, elle avait croisé la route de deux beaux jumeaux charpentiers. Comment pouvait-elle oublier ces deux-là ? C’est eux qui lui avaient donné son premier orgasme. Un plaisir immense, indescriptible et inoubliable. Le plaisir était tellement intense qu’elle avait presque oublié que la scène s’était déroulée dans une grange sale et en piteux état, à la limite de l’écroulement. C’était son premier plan à trois et loin d’être le dernier. Hormis ces deux beaux étalons, la vie sexuelle et amoureuse d’Elena était assez médiocre. C’est avec un léger sourire nerveux, qu’elle repense aux nombreux ratés qu’elle avait pu rencontrer. C’était le cas de ce jeune forgeron, sympathique et élégant en apparence, qui lui avait fait découvrir certains plaisirs vicieux et brutaux loin de la réjouir. Puis, dans une sorte de flash souvenir général, elle revoit soudainement ceux qui avaient été incapables d’utiliser leur verge, ceux qui avaient mauvaise haleine, tous ses riches amants qui avaient été s’amuser avec d’autres gourgandines, sans oublier certaines jeunes femmes avec qui elle avait expérimenté quelques jeux coquins lesbiens qui ne l’avaient pas laissée insensible. Sans compter les nombreux garçons, avec qui elle avait couché après avoir sévèrement picolé, et dont elle était incapable de se souvenir quand ils l’abordaient à nouveau.

Sa vie sexuelle est tellement débordante que, depuis des années, différents surnoms lui ont été donnés dans tout le royaume et même au-delà sa réputation n’est plus à faire. On la qualifie principalement de coureuse de remparts. Une réputation que ses parents ont du mal à accepter. Cette mauvaise renommée se répand dans le moindre village et il est évident qu’aux yeux de tous, Elena est la princesse la plus débauchée de tous les royaumes.

Du côté sentimental, la situation est encore plus misérable. De part sa néfaste notoriété, les jeunes hommes de bonnes familles ne souhaitent pas la séduire et la côtoyer. Par conséquent, elle n’attire que des garçons minables, sans fortune et dont les esprits sont remplis de mauvaises intentions. Il lui arrive de se laisser aller dans les bras de quelques jolis jeunes hommes mais c’est purement sexuel. Elle ne les revoit jamais.

Le dernier amant en date était un troubadour. Elle avait été charmée par le musicien lors du festival du Renard de Feu. Ce festival est organisé chaque année au mois d’août pour célébrer la paix entre tous les royaumes. Pour l’occasion, d’immenses réjouissances sont organisées. Des bals, des jeux, des tournois, des banquets… Pendant quelques jours, c’est une orgie d’activités et de plaisirs auxquels assistent tous les sujets des différentes provinces. C’est lors d’un bal nocturne en plein air, qu’Elena avait rencontré le jeune artiste. Après avoir dansé de longues heures avec Cunégonde et d’autres amies, elle s’était éclipsée dans un coin isolé du somptueux jardin où prenaient place les festivités. Soudain, des mains chaudes étaient venues lui masquer les yeux puis après quelques secondes à faire semblant de deviner de qui il s’agissait, la jeune princesse s’était retournée pour découvrir sans grande surprise le beau ménestrel. Ils avaient parlé des heures avant même de s’échanger le moindre baiser. Elena était, comme toute autre jeune femme, séduite par le beau parleur qu’était cet artiste. Après avoir baissé sa garde, elle avait fait l’amour avec lui, dans ce même coin isolé, sans se soucier de la foule présente autour. Elle avait bu toutes ses paroles romantiques et pleines de promesses. Il lui avait promis, comme à toutes les autres, qu’il reviendrait, qu’il ne l’oublierait pas, qu’elle était si spéciale. Malheureusement, dès le lendemain soir, lors d’une autre réception organisée dans une riche propriété, Elena avait découvert le troubadour qui enlaçait une autre demoiselle, toute aussi séduisante qu’elle. Profondément déçue et blessée dans son amour propre, elle s’était enfermée au château plusieurs jours et seule sa meilleure amie Cunégonde s’était risquée à l’approcher.

- Ce n’est pas ma première peine de cœur, bordel ! hurlait Elena la tête enfoncée dans un oreiller. Demain j’aurai vingt-cinq ans. Je n’ai plus l’âge de me faire avoir de la sorte !

- Dois-je sortir une petite cuillère ? demandait Cunégonde sur un air blagueur pour remonter le moral de son amie. Des chagrins, la princesse en avait eus. A tel point que sa meilleure amie devait de plus en plus la ramasser à la petite cuillère. C’était devenu une plaisanterie à chaque peine amoureuse entre les deux copines.

- Oh, tu as toujours été là pour moi, ma chère amie. Tu as pu me ramasser à la petite cuillère, d’abord à café, puis à sucre, puis à sable mais là j’ai tellement de chagrin qu’il va falloir que tu trouves une nouvelle cuillère. Je suis tellement décomposée et malheureuse que tu devras inventer la petite cuillère à poussière ! répondait Elena en rigolant les larmes aux yeux.

Comme à leur habitude, les deux jeunes femmes étaient sorties à la Sirène Bleue, pour oublier tous leurs tracas. C’est cette fameuse nuit d’août qu’Elena était rentrée totalement ivre et s’était réveillée un peu avant midi sans la moindre idée que c’était son anniversaire. Vous savez, l’épisode des parapluies dans les cheveux.

C’est troublée, qu’Elena reprend ses esprits, se rapproche de Zéphyr et part retrouver Lucas au moulin. Elle repense à Cunégonde et regrette l’attitude inacceptable qu’elle a eue avec elle lorsque celle-ci lui a présenté son fiancé il y a plusieurs semaines.

Lucas, inquiet de ne pas la voir rentrer depuis des heures, vient à sa rencontre.

- Alors, tu t’étais perdue jeune aventurière ? demande-t-il le sourire aux lèvres.

- Non, non. Je rêvais tout simplement. Je n’ai pas vu le temps passer. Heureusement pour moi, Zéphyr n’a pas eu l’idée de s’enfuir, répond Elena légèrement gênée.

Les deux jeunes compagnons quittent le moulin, font un bout de chemin ensemble et se séparent. Lucas se dirige vers son village et Elena vers la citadelle.

- Je dois t’avertir que demain est notre dernier jour de travail au moulin, dit le jeune homme. Les récoltes sont terminées depuis plusieurs mois et l’hiver approche. Il n’y a donc plus de travail pour moi ici. Je vais devoir chercher un emploi ailleurs puisqu’ils n’ont rien à me proposer au château. Les températures baissent et il n’est pas sain pour toi de rester dehors à surveiller Zéphyr.

- Comment ? Je n’ai pas vu les semaines passer, réplique la jeune femme, assez mécontente de cette nouvelle.

Quand reverra-t-elle Lucas ? Sur le moment, Elena est confuse. Elle échange quelques derniers mots avec lui puis prend le chemin pour rentrer chez elle.

Alors qu’elle marche, elle est submergée par une émotion étrange. Non, elle n’est pas amoureuse, c’est impossible. Elle n’est pas habituée à ce genre de relation. Elle qui n’a connu que des coups d’un soir ou des amants traîtres.

Incapable de répondre à toutes les questions qui lui traversent l’esprit, elle sait pourtant qu’il lui manquera. C’est le seul qui la calme et qui ne s’arrête pas à toutes les rumeurs que l’on répand à son égard.

Presque arrivée au pont-levis du château, elle croise par hasard Cunégonde. Les deux amies ne se sont pas parlées depuis ce fameux repas au Griffon d’Or. Pendant quelques secondes, elles se regardent. Aucune n’ose aborder l’autre, et chacune continue à marcher. Elena aurait pourtant bien profité de l’oreille attentive de sa camarade. C’est barbouillée et troublée qu’elle se couche. Elle n’a qu’une envie, apprécier au maximum chaque minute de la journée de demain.

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